M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'environnement.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au risque de paraître iconoclaste, mais animé par la volonté de lutter contre une coûteuse idée reçue, je dirai que le seul vrai reproche que j'adresse à ce budget concerne l'apparente progression de ses crédits.
Je m'explique.
Je me dois en effet de rappeler, non seulement en tant que rapporteur de la commission des finances mais aussi en tant qu'élu responsable, qu'on ne peut en même temps affirmer le caractère indispensable de la réduction des déficits et réclamer des crédits supplémentaires pour chaque secteur pris individuellement.
Pour ma part, c'est une discipline que je m'efforce de respecter, sachant qu'il serait tellement plus aisé de tenir un autre discours !
Chacun d'entre nous a en effet la responsabilité de veiller à la diminution des charges de structure de la « maison France » et de refuser la facilité qui consiste à penser que chaque budget n'est qu'une portion peu significative de l'ensemble.
Le budget de l'environnement pour 1997 n'a pas échappé à l'impératif médiatique qui impose une annonce de moyens financiers en hausse pour rendre une politique crédible.
La mise en oeuvre de la loi sur l'air explique, en réalité, largement la hausse des crédits de ce budget.
A cet égard, je regrette que ce projet n'ait pas été assorti d'une étude d'impact permettant de mesurer le coût des mesures contraignantes qu'il comporte. Je pense, en particulier, à celui des pistes cyclables que les collectivités locales vont désormais devoir inclure dans leurs voies urbaines à l'occasion de la réalisation ou de la rénovation de celles-ci.
L'absence de chiffrage de ce type de mesures, qui ne font pas toujours l'objet d'une importante concertation préalable, vient en effet périodiquement fragiliser les plans financiers des gestionnaires locaux.
Il serait dommage que ces objectifs puissent un jour susciter des attitudes de rejet en raison de l'insuffisante évaluation financière préalable.
J'en viens à l'analyse des crédits de ce budget.
Les crédits demandés pour 1997 au titre du ministère de l'environnement s'élèvent à 1,86 milliard de francs, soit une progression de 5,88 % par rapport aux crédits votés pour 1996.
Parallèlement, les autorisations de programme demandées s'élèvent à près de 800 millions de francs, en hausse de 1,33 % par rapport à l'exercice précédent.
Cette progression d'ensemble résulte très largement de la forte hausse de l'agrégat « prévention des pollutions et des risques », qui traduit l'impact des mesures financières correspondant à la mise en oeuvre de la loi sur l'air.
Pour synthétiser la présentation des différents aspects de ce budget, je dirai qu'il finance tout d'abord une administration et, surtout, qu'il comporte principalement les crédits destinés à la protection de la nature et des paysages, à la lutte contre les pollutions, ainsi que ceux qui sont consacrés à la politique de l'eau.
En ce qui concerne l'administration générale, je note une stabilité affichée au prix d'une forte réduction des dépenses d'équipement.
Regroupant près du tiers des moyens de paiement du ministère, 562,68 millions de francs, cet agrégat connaît en effet une très légère baisse de ses crédits, de 0,22 %.
Cette évolution d'ensemble recouvre, d'une part, une progression des moyens des services liée au transfert de vingt-sept emplois en provenance de la direction de l'architecture et de l'urbanisme du ministère de l'équipement au sein de la direction de la nature et des paysages.
Ce transfert est la conséquence de la réorganisation de la politique des sites et du paysage au profit du ministère de l'environnement. Je salue ce regroupement qui constitue un bon exemple d'action dans le cadre d'une réforme de l'Etat qu'on souhaiterait voir plus largement mise en oeuvre par le Gouvernement.
Ces augmentations sont, d'autre part, plus que compensées par une réduction des crédits de paiement destinés aux opérations de regroupement sur des sites uniques des services des directions régionales de l'environnement, les DIREN.
En ce qui concerne la protection de la nature et des paysages, les crédits sont préservés.
Principal intervenant public dans ce domaine, le ministère de l'environnement consacre plus du quart de ses moyens de paiement - près de 500 millions de francs - et plus de 38 % de ses autorisations de programme - 305 millions de francs - à ce poste dans le budget de 1997.
Je note cependant que la préservation des moyens de fonctionnement des parcs nationaux, du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres des parcs naturels régionaux ou des réserves naturelles s'accompagne de réductions importantes des subventions d'équipement accordées à ces différentes institutions en raison de l'étalement sur une année supplémentaire des crédits prévus dans les contrats de plan.
S'agissant de la prévention des pollutions et des risques, il faut relever l'impact de la loi sur l'air.
Cet agrégat représentera, en 1997, 20,59 % des moyens de paiement du ministère contre, moins de 14,5 % en 1996, et 24,3 % de ses autorisations de programme, contre 7,7 % en 1996.
Avec 383 millions de francs en moyens de paiement et 191 millions de francs en autorisations de programme, cet agrégat connaît une forte croissance de ses crédits.
La hausse des crédits de cet agrégat résulte, en effet, des financements budgétaires dégagés pour financer l'extension et l'amélioration du réseau de surveillance de la qualité de l'air, ainsi que le renforcement des études conduites dans ce domaine.
En ce qui concerne la protection de l'eau et des milieux aquatiques, l'institution d'un fonds de concours des agences de l'eau vient fortement alléger les dépenses de l'Etat consacrées à cette action.
Le financement de la politique de l'eau représente 14 % des crédits du ministère en moyens de paiement - 262 millions de francs - et 24 % - 191 millions de francs - de ses autorisations de programme, contre 35 % en 1996.
Après une forte progression, en 1995, des crédits consacrés à cet agrégat, progression liée notamment à la mise en oeuvre des plans décennaux « Loire grandeur nature » et « Prévention des risques », et suivie d'une stabilisation en 1996, l'année 1997 est en effet caractérisée par une décroissance des moyens engagés par l'Etat dans ce domaine.
Cette forte réduction est la conséquence de la création d'un fonds de concours alimenté par les agences de l'eau, qui sont ainsi associées à hauteur de 110 millions de francs au financement du plan de prévention des risques naturels prévisibles, ce qui correspond à 1 % du budget des agences.
La recherche connaît, quant à elle, un léger resserrement de ses moyens - 79 millions de francs contre 80 millions de francs. Je tiens à souligner, au-delà des crédits du ministère, l'importance de la contribution de la recherche en matière d'environnement : 2,73 milliards de francs sur les 10 milliards de francs consacrés par l'Etat à l'environnement, tous ministères confondus.
Enfin, au sein de l'agrégat « connaissance de l'environnement et coopération internationale », la commission des finances s'est félicitée de la suppression du fonds d'intervention pour la qualité de la vie.
Cette suppression constitue un aboutissement conforme aux observations de la commission des finances sur la gestion des « chapitres réservoirs ». Ce chapitre, inscrit au titre VI - subventions d'équipement - servait en effet souvent au financement de dépenses de fonctionnement.
Avant de conclure cette analyse, je m'arrêterai quelques instants sur les principales sources d'économies que comporte ce budget.
La principale économie résulte de ce qui est, en fait, une débudgétisation partielle du financement de la politique de l'eau.
Le Gouvernement a, en effet, institué un fonds de concours qui sera abondé à hauteur de 110 millions de francs par an par les agences de l'eau, dans le cadre du VIIe programme d'intervention de ces agences, qui couvrira la période 1997-2001.
Il s'agit d'une débudgétisation dans la mesure où les crédits budgétaires correspondants du ministère de l'environnement diminuent dans des proportions comparables.
Toutefois, je me félicite, à ce sujet, de la décision du Gouvernement de stabiliser dans ce cadre, pour la période 1997/2001, les redevances des agences de l'eau au même niveau qu'en 1996.
L'autre grande source d'économie provient des importantes réductions - pour un montant total de près de 50 millions de francs - des subventions accordées à un certain nombre d'établissements publics sur lesquels le ministère de l'environnement exerce sa tutelle. Ces réductions concernent en particulier l'institut national de l'environnement industriel et des risques - l'INERIS - pour 18,65 millions de francs, l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - l'ADEME - pour 16 millions de francs, le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres pour 7,72 millions de francs, l'institut français de l'environnement - l'IFEN - pour 2,99 millions de francs ou encore les parcs nationaux, pour 1,7 million de francs.
Pour conclure, je rappelle que les collectivités locales consacrent une part importante de leurs budgets à l'environnement : 111 milliards de francs en 1995. Or, je tiens à préciser qu'étant donné la situation des budgets des collectivités locales celles-ci ne pourront pas toujours assumer l'accroissement des charges résultant de la multiplication des normes environnementales.
MM. Marcel Lesbros et Christian Bonnet. Bravo !
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Madame le ministre, nous comptons donc sur vous pour veiller à la maîtrise de la part de la dépense publique dont vous avez la charge.
Nous comptons en effet sur votre dynamisme pour mener le combat essentiel en faveur de l'environnement, tout en veillant à la préservation des deniers publics.
C'est dans cet esprit que la commission des finances m'a chargé de demander au Sénat d'approuver vos crédits pour 1997. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR).
M. le président. La parole est à M. Hugo, rapporteur pour avis.
M. Bernard Hugo, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans un contexte affirmé de maîtrise des dépenses publiques, les crédits inscrits au budget du ministère de l'environnement dans le projet de loi de finances pour 1997 s'élèvent à 1,861 milliard de francs, en progression de 5,9 % par rapport à la loi de finances pour 1996. M. Adnot, rapporteur spécial, nous en a retracé le détail avec une grande clarté.
Cette évolution confirme la priorité accordée par le Gouvernement à la protection de l'environnement, notamment pour la mise en oeuvre des dispositions du projet de loi sur l'air, qui sera adopté avant la fin de l'année, ce dont je me réjouis.
A « périmètre constant », en réalité, le budget du ministère de l'environnement diminue légèrement, mais les effets de cette baisse sont atténués par la création d'un fonds de concours annuel de 110 millions de francs provenant des ressources des agences de l'eau et mis à la disposition du ministère pour financer la mise en oeuvre des plans décennaux « Loire grandeur nature » et « Prévention des risques naturels ».
Faut-il saluer le mérite du ministre de l'environnement d'avoir su trouver ainsi des ressources nouvelles ou s'interroger sur les conséquences de la débudgétisation partielle du financement de la politique de l'eau ?
D'aucuns se sont inquiétés de ce prélèvement opéré sur les agences, qui est, il faut le noter, autorisé par la loi du 16 décembre 1964 à condition qu'il serve à des opérations relevant de la compétence et du périmètre des agences. Ce prélèvement - cela a été dit et il faut le souligner à nouveau - ne représente que 1 % des ressources des agences. Le principe du fonds, qui permet d'identifier l'utilisation des crédits, est donc bon et je souhaite, madame le ministre, que les agences soient très directement associées à la définition des politiques mises en oeuvre grâce à ce prélèvement.
Etant tenu de respecter un temps de parole qui, cette année, est extrêmement bref, je m'en tiendrai, madame le ministre, à quelques observations sur des priorités en matière d'environnement, qui représentent autant de points sensibles pour les collectivités locales : la gestion de l'eau, celle des déchets et la définition des espaces protégés à travers le réseau Natura 2000.
Arrêtons-nous un instant sur le budget des agences de l'eau, qui est indépendant du budget du ministère, pour signaler que le montant global des crédits destinés à financer les travaux programmés pour l'ensemble du XIIe programme est arrêté à 107 milliards de francs.
Le principe d'une stabilisation des prélèvements, et donc du niveau global des redevances, a été retenu.
Néanmoins, compte tenu des investissements à réaliser, notamment en matière d'assainissement - secteur qui devrait représenter plus de 50 % des travaux aidés par les agences de l'eau dans l'optique du XIIe programme - le prix de l'eau devrait continuer à augmenter sur la base de 5 % par an en francs courants entre 1996 et 2001.
En effet, en raison des dispositions de la directive européenne du 21 mai 1991, qui impose à l'échéance de 2005 une obligation générale de traitement des eaux usées pour toutes les collectivités de plus de 2 000 équivalents-habitants, les investissements à venir sont particulièrement lourds pour les communes situées en zone rurale, et des solutions adaptées telles que l'assainissement autonome sont à rechercher.
Enfin, sur le plan européen, j'appuie la position du Gouvernement français qui, dans les négociations entamées sur une refonte générale de la réglementation sur l'eau, défend une position permettant d'améliorer la situation sur le plan sanitaire, tout en étant raisonnable sur le plan économique, notamment en ce qui concerne la réduction de la teneur en plomb dans l'eau.
En ce qui concerne le traitement des déchets ménagers, force est de constater, à cinq ans des échéances fixées par la loi du 13 juillet 1992 pour l'élimination des décharges de déchets ménagers, que les collectivités locales sont confrontées à un enjeu économique démesuré dans le choix des outils à mettre en oeuvre.
Les collectivités locales n'auront sans doute pas la capacité financière de supporter le coût de ces investissements. Selon les estimations de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'application stricte de la loi de 1992 devrait coûter environ 61 milliards de francs aux communes d'ici à 2002.
Or, si, globalement, le coût de traitement des ordures ménagères est sensiblement équivalent quel que soit le système choisi, il ne se répercute pas de la même manière selon qu'est retenue l'incinération ou la décharge « hypersécuritaire ».
La valorisation énergétique est-elle la seule solution à développer alors que c'est une solution vraiment coûteuse ? Quelles sont les solutions alternatives, notamment pour les communes rurales ?
Enfin, madame le ministre, vous comprendrez que les inquiétudes et les réactions hostiles de la plupart des élus et de l'ensemble des acteurs économiques en milieu rural, au fur et à mesure du déroulement de la procédure devant aboutir à la constitution du réseau Natura 2000 prévue par la directive du 21 mai 1992, sont en grande partie dues à un défaut d'explication et de concertation dont la responsabilité incombe aux ministres successivement chargés du dossier.
Le Gouvernement a suspendu l'application de la directive ainsi que les consultations locales pour engager des discussions avec la Commission afin de clarifier certains points d'application de la directive et d'obtenir confirmation que les activités agricoles, forestières et cynégétiques seront toujours autorisées dans les sites retenus.
Je souhaite, madame le ministre, que vous fassiez le point sur les compléments d'information attendus de Bruxelles et sur la manière dont vous entendez poursuivre la mise en oeuvre de la procédure permettant la constitution du réseau Natura 2000. J'insiste sur la nécessité qu'il y a à réaliser un effort d'explication sans précédent, accompagné d'une réelle concertation avec l'ensemble des élus locaux et des acteurs économiques du monde rural.
En conclusion, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'environnement pour 1997. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.) M. le président. La parole est à M. Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après les excellents et très complets rapports de MM. Adnot et Hugo, je me contenterai de faire quelques brèves observations.
Le budget du ministère de l'environnement pour 1997 comporte des éléments très positifs : il y a, bien sûr, son taux de progression de 5,8 %, qui ne met pas en péril le redressement des finances de l'Etat puisque ce budget ne représentera que 0,14 % du budget général ; il y a surtout la marque d'une volonté de réaliser sans faiblesse ni retard un certain nombre d'actions phares auxquelles nous attachons beaucoup d'importance.
J'observe tout d'abord avec satisfaction que l'Etat s'est donné les moyens de réaliser dans les temps le programme prévu de contrôle de la qualité de l'air.
J'observe avec la même satisfaction que la relance de la politique de l'air n'affectera pas, en 1997, le financement de la quatrième année d'exécution du plan « Loire grandeur nature » et du plan de restauration des rivières.
La commission des affaires culturelles, qui l'année dernière, avait estimé essentiel pour la crédibilité de la politique de l'environnement l'exécution du plan « Loire grandeur nature » selon l'échéancier prévu, ne peut que se réjouir que ce soit une nouvelle fois le cas en 1997. J'appelle d'ailleurs, d'ores et déjà, votre attention, madame le ministre, sur les six années qui restent à courir.
Ces politiques sectorielles, lancées pour une durée déterminée en vue d'objectifs bien définis, souvent en partenariat avec les collectivités locales, en plus de leur valeur intrinsèque, me semblent avoir l'intérêt de constituer autant de signaux adressés à l'opinion. Il est donc essentiel d'éviter qu'elles ne se transforment en démonstration de contre-performance.
Les moyens de les mettre en oeuvre sont divers et votre budget le montre bien puisqu'il amorce la débudgétisation des engagements contractés par l'Etat dans le cadre de sa politique de gestion des rivières.
C'est un des points sur lesquels il me faut nuancer l'approbation globale que la commission des affaires culturelles porte à l'égard de votre action.
Le fonds de concours de 120 millions de francs qui permettra aux agences de l'eau de participer en 1997 au financement du plan « Loire grandeur nature » et du plan « rivières » ne représente qu'environ 1 % de leur ressources et ne mettra certes pas en péril leurs capacités de financement.
Il n'en reste pas moins que le recours à ce type de procédé pour financer une politique de l'Etat peut inquiéter alors qu'en raison de l'adoption de la loi sur l'air le poids des programmes pluriannuels va s'accentuer et va donner plus de rigidité au budget de votre ministère.
Dans le même temps, les ressources disponibles hors du budget général de l'Etat m'apparaissent de plus en plus limitées. Je rappelle que les prélèvements obligatoires des établissements publics sous tutelle de votre ministère ont progressé de 50 % depuis quatre ans. Je rappelle aussi que les dépenses des collectivités locales, au titre de l'environnement, représentent près de 90 % de la dépense publique dans ce secteur. Il sera donc difficile, me semble-t-il, d'augmenter ces interventions.
Il ne me reste guère de temps pour aborder les autres politiques de votre ministère, en particulier la protection de la nature et des paysages, à laquelle notre commission s'est particulièrement intéressée cette année.
Je noterai simplement que les seuls véritables problèmes susceptibles de se manifester, en 1997, concerneront les réserves naturelles. En effet, les moyens de paiement, en légère réduction, ne permettront pas de financer le lancement prévu de dix nouvelles réserves. C'est une somme d'environ 3 millions de francs qu'il faudrait trouver pour assurer le développement de cette politique utile et efficace.
Pourrez-vous, madame le ministre, nous donner des assurances à cet égard ?
Je vais conclure mon intervention en évoquant les problèmes que pose la mise en place du réseau Natura 2000. Les collectivités locales et l'opinion publique se sont cabrées en découvrant cet objet administratif européen non encore pleinement identifié ! ( Sourires. )
Le Premier ministre a su répondre à cette inquiétude en gelant l'application de la directive « habitats », en attendant que la Commission européenne précise les modalités de gestion des sites Natura 2000. Il importe, en effet, d'établir avec la plus grande clarté - je rejoins ici notre collègue Bernard-Charles Hugo - que l'objectif recherché est non pas de sanctuariser ces sites mais d'y mettre en oeuvre des techniques de développement durable selon des modalités juridiques et financières préalablement définies.
Il me reste à indiquer au Sénat que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'environnement pour 1997. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.) M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 26 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 5 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je m'honore d'avoir, depuis trente ans et plus, préservé l'environnement, tant dans ma commune de Carnac que dans mon canton de Belle-Ile-en-Mer.
Votre prédécesseur, M. Barnier, a inauguré, en 1993, une des stations les plus performantes en matière d'épuration au pays d'Auray, qui a par ailleurs été, en 1971 le premier à construire une usine de traitement des ordures ménagères. Je vous dis tout cela pour vous faire comprendre à quel point les problèmes dont vous avez la charge me tiennent à coeur.
Cela étant, les élus de toutes tendances sont de plus en plus exaspérés par les contraintes de toutes sortes qui viennent, au mieux, alourdir et, trop souvent, paralyser la gestion des collectivités qu'ils sont chargés d'administrer. (Applaudissements.)
Au cours du congrès de l'Association des maires de France, le président Delevoye a été ovationné lorsqu'il a dénoncé ce qu'il a appelé « le terrorisme des normes », contre lequel le rapporteur spécial, M. Adnot, vient à l'instant de vous mettre opportunément en garde.
Mardi soir, le conseil général du Morbihan a adopté à l'unanimité une motion demandant au Premier ministre « que soient ramenés à la raison les responsables publics qui, obsédés par la recherche illusoire d'une société à « risque zéro » ne cessent d'accabler le pays sous le poids de réglementations de plus en plus insupportables, tant pour les finances publiques que pour le budget des particuliers, assorties de dates butoirs impossibles à respecter ». (MM. Marcel Lesbros et André Rouvière applaudissent.) Hier, dans cet hémicycle, lors de la discussion du budget de la décentralisation, notre éminent collègue M. Delevoye est revenu à la charge, et d'autres avec lui, contre cette lèpre bureaucratique qui, selon, décourage ou enrage les décideurs. Vous aurez compris que je me situe plutôt du côté des seconds. ( Sourires .)
Notre excellent collègue M. Hugo, qui a évoqué un risque économique démesuré dans son rapport écrit, évalue à 61 milliards de francs d'ici à 2002 le coût de la mise en place des dispositifs d'élimination des déchets. En réalité, les prévisions les plus récentes et les plus sérieuses, qui émanent des travaux actuellement en cours à la commission des finances, permettent de penser qu'il s'agira plutôt de 100 milliards de francs et que la date de 2002 ne pourra être respectée dans un domaine où, au demeurant, de nouvelles techniques moins onéreuses commencent à se faire jour.
M. Marcel Lesbros. Très bien !
M. Alain Vasselle. C'est impossible !
M. Christian Bonnet. Trop c'est trop ! Alors, madame le ministre, avec beaucoup de gravité, je conclurai mon propos en vous mettant, à mon tour, en garde contre des excès dont le premier résultat serait de remettre en cause une politique de sauvegarde de l'environnement à laquelle, non sans mérite parfois, nous restons encore très attachés, ce qui fait que le groupe des Républicains et Indépendants votera nolens volens votre budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants du RPR et de l'Union centriste. - M. André Rouvière applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Richert.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, parce qu'il touche nos concitoyens au quotidien, influe sur la qualité de vie, conditionne l'avenir de l'humanité et de la planète tout entière, l'environnement occupe une place de plus en plus importante dans les politiques publiques et privées.
Ainsi, dans toutes les communes, quelle que soit leur taille, se pose la question de l'épuration des eaux usées, de la collecte et du traitement des déchets, du contrôle de la qualité de l'eau, etc.
Dans toutes les entreprises dignes de ce nom, les responsables s'interrogent et agissent pour réduire au minimum les rejets nocifs, pour recycler les matériaux, pour épargner la nature.
Ce mouvement de fond se traduit bien évidemment en chiffres : d'après le rapport Tesse, 300 milliards de francs étaient consacrés à l'environnement dans l'Europe des Douze en 1989. Ce montant de 600 milliards de francs, soit le double, en 1999 ! Votre budget, madame le ministre, et les efforts faits par le Gouvernement ne sont pas en reste. C'est pourquoi je voudrais, mes chers collègues, développer trois raisons qui me permettent de saluer positivement ce projet de budget.
Première raison : ce budget, d'un montant de 1,861 milliard de francs, est en hausse de 5,9 % par rapport à l'an passé. Cette progression de 103 millions de francs porte la part de ce ministère à 0,13 % du budget de la nation. D'apparence modeste, ce pourcentage traduit cependant un doublement par rapport aux années quatre-vingt et culmine à un niveau jamais atteint jusqu'à présent.
Mais, pour avoir une vue plus complète et plus juste de l'effort réel consenti par la collectivité nationale, il faut ajouter à ce budget les crédits des établissements publics et ceux qui sont consacrés à l'environnement par les autres ministères.
Ainsi, sans parler des efforts des communes, des conseils généraux, des conseils régionaux, des entreprises publiques et privées, si l'on additionne au budget du ministère 1 milliard de francs de taxes perçues par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, 10 milliards de francs collectés par les agences de l'eau, 9 milliards de francs consacrés à l'environnement par les autres ministères et 0,85 milliard de francs par l'office national de la consommation, l'ONC, et le conseil supérieur de la pêche, nous arrivons à un montant de près de 22,5 milliards de francs !
Mais cette embellie ne doit pas masquer quelques raisons de désappointement.
Parmi celles-ci figure en bonne place l'annulation de crédits décidée en novembre et qui touche votre ministère de façon sensible.
Je ne veux pas non plus passer sous silence le fait que, si nous ôtons les 200 millions de francs destinés à la surveillance de la qualité de l'air, pour les autres secteurs le budget marque une diminution de 5,5 %.
M. Alain Vasselle. Tout à fait !
M. Philippe Richert. Celle-ci est compensée par un reversement de 110 millions de francs des agences de l'eau permettant ainsi à l'Etat d'honorer ses engagements. Mais ne nous faisons pas d'illusions : ou bien les agences réduiront leur participation aux programmes des collectivités, ce qui serait dommage, ou bien elles reconstitueront leurs budgets en ponctionnant davantage le consommateur d'eau par des taxes qui seront augmentées d'autant, et ce malgré les promesses. Or, le prix de l'eau a connu ces dernières années de véritables envolées, et les tarifs exorbitants sont de plus en plus difficilement acceptés par les familles.
Fallait-il, dès lors, pour permettre à l'Etat d'honorer ses engagements, ponctionner les agences ? Je souhaite vivement que cette opération ne soit pas susceptible de se répéter d'année en année.
Deuxième raison de satisfaction : grâce à ce budget, le ministère de l'environnement préserve ses capacités d'intervention dans la plupart des domaines relevant de sa compétence. Il en est ainsi, en particulier, de la politique de l'eau, de l'air, du plan « grandeur nature » Loire, du conservatoire du littoral, etc.
Permettez-moi cependant, madame le ministre, d'attirer votre attention sur quelques points pour lesquels les montants affichés risquent de poser quelques problèmes.
Je voudrais d'abord parler de la résorption des sites pollués « orphelins », c'est-à-dire du retraitement d'anciens dépôts pour lesquels on ne peut pas se retourner contre le responsable des désordres soit parce qu'on ne le connaît pas, soit parce qu'il a disparu.
Pour 1997, la taxe sur les déchets industriels spéciaux va rapporter 90 millions de francs. Ces crédits permettront le lancement de plusieurs opérations de résorption, et je m'en félicite. Mais, à ce rythme, il faudra des décennies pour arriver à nos fins. Or, ces sites constituent, ne l'oublions pas, chers collègues, de véritables bombes à retardement qui peuvent polluer nos nappes et nos rivières à n'importe quel moment. Je crois, madame le ministre, qu'il faudra suivre ce dossier avec beaucoup d'attention. De toute façon, les pollutions du sol méritent, de façon générale, une intervention plus énergique.
Un autre point qui me pose problème est la diminution importante, de 82 millions de francs, des crédits destinés aux emplois « verts ».
En effet, ces emplois correspondent pour la plupart à des acteurs de terrain, des protecteurs de la nature, convaincus et efficaces, de véritables leviers agissants des associations. Réduire les crédits qui leur sont destinés dans de telles proportions, n'est-ce pas donner à l'action du ministère en matière d'environnement une dimension de plus en plus technique qui ignore le terrain, la découverte de milieux précieux, l'entretien des écosystèmes sensibles ? Otez-moi cette crainte, madame le ministre, et voyons comment nous pouvons faire pour éviter que cette dérive ne décourage ceux qui, sur le terrain, sont si efficaces et depuis si longtemps !
Toujours sur le chapitre des interrogations concernant l'intervention du ministère, permettez-moi d'aborder un dernier point : l'avenir de l'ADEME et de ses délégations régionales.
Je ne conteste pas le fait que les acteurs en matière d'environnement qui dépendent de l'Etat soient nombreux : ministère, ADEME, DRIRE, DIREN, ONF, ONC, et j'en passe. Mais je ne voudrais pas qu'une réorganisation soit effectuée en catimini, sans qu'un débat parlementaire ait lieu. Pourquoi ces propos ? Tout simplement parce que j'ai constaté, à l'occasion de la discussion de la loi sur l'air, que l'outil de gestion des taxes sur les déchets et la pollution atmosphérique n'avait pas le vent en poupe pour gérer les nouveaux crédits affectés à la surveillance de la qualité de l'air.
A mes interrogations vous aviez répondu, madame le ministre, qu'il n'y avait pas de volonté du ministère d'aller dans le sens d'une restriction de l'activité de l'ADEME. Et pourtant, quand j'examine le montant des crédits prévu pour l'ADEME dans ce projet de budget, je constate une diminution non négligeable.
Je viens d'apprendre, enfin, qu'en plusieurs régions - là encore, est-ce un hasard ? -, sur l'initiative du ministère, semble-t-il, est menée une expérience qui consiste à fusionner la DIREN et la délégation régionale de l'ADEME, le délégué régional de l'ADEME devenant l'adjoint du DIREN.
Qu'on me comprenne bien : je n'ai rien contre les économies d'échelle, au contraire, ni contre la recherche du meilleur rapport coût-efficacité de vos services, mais je n'apprécie que modérément que cela se passe sans qu'il y ait débat sur l'organisation future optimale.
La troisième raison de mon approbation tient au respect de vos engagements, madame le ministre, quant à la mise en oeuvre de la loi sur l'air. Vous allez même au-delà puisque vous précédez par l'action l'adoption définitive de la loi afin d'éviter que des retards fâcheux n'interviennent.
La surveillance de la qualité de l'air s'en trouvera considérablement améliorée et les dispositifs de réduction des pollutions permettront d'enregistrer à moyen et long terme des progrès considérables.
Permettez-moi simplement de rappeler la nécessité non seulement de conforter les réseaux sur le terrain - cela se fait déjà - mais encore de renforcer, au niveau national, le laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air.
Pour que les réseaux puissent fournir des données fiables, il est nécessaire d'avoir un étalon d'air transposable, des appareils certifiés, des technologies éprouvées : d'où la nécessité de renforcer les moyens du laboratoire national des essais et de l'institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS.
J'ai bien lu votre réponse à l'Assemblée nationale relative à la réduction des crédits de l'INERIS, et j'avoue ne pas avoir été totalement convaincu par le nouveau mode de relations financières qui a été établi avec cet organisme.
Voilà, madame le ministre, les trois raisons, parfois un peu nuancées, qui me permettent d'approuver le budget que vous nous présentez.
Avant de terminer, je voudrais encore définir deux champs qui me paraissent aujourd'hui mériter des investigations plus poussées de la part de votre ministère.
J'évoquerai, tout d'abord, la politique des espaces naturels.
Le débat qui s'est instauré autour de Natura 2000 montre qu'il faut avoir une vision plus claire des différentes strates d'intervention.
A l'échelon national, nous disposons d'outils particulièrement efficaces : les réserves naturelles et les parcs nationaux, d'une part, le conservatoire du littoral, d'autre part. Ils correspondent à la protection de nos milieux et espaces les plus précieux, de nos « monuments naturels ». Ces politiques doivent être poursuivies parce qu'elles sont efficaces.
En revanche, pour ce qui concerne les parcs naturels régionaux et les arrêtés de protection de biotope, force est de reconnaître que, là où les moyens ainsi que l'implication locale font défaut, malheureusement, l'occasion de donner tout leur rayonnement à ces outils est facilement perdue. Pourquoi ? Tout simplement, parce que ces actions sont fondées davantage sur le volontarisme que sur des mesures de protection institutionnelles.
C'est pourquoi, selon moi, il sera nécessaire de mettre en place un dispositif léger, en s'appuyant sur un concept qui s'est dégagé ici et qui s'est concrétisé dans l'institution de la fondation du patrimoine.
J'ose espérer, madame le ministre, que vous ferez en sorte que la fondation du patrimoine puisse dégager des moyens pour la protection des espaces présentant un intérêt local ou un intérêt régional. A défaut, je ne vois pas comment nous continuerons à les protéger.
Je veux également évoquer ici le statut de l'animal.
Il est urgent d'engager une réflexion globale sur ce sujet plutôt que de répondre au coup par coup, quand les cormorans dérangent les pêcheurs, quand la « vache folle » fait trembler l'Europe entière, quand les chevaux transportés dans des conditions inadmissibles meurent dans les camions. Il faut traiter ces questions avant que les extrémistes de tout poil, des extrémistes souvent acharnés, ne s'en emparent.
Que ferons-nous lorsque des animaux de boucherie au génome modifié viendront sur le marché ?
M. Emmanuel Hamel. Il faudra nommer Brigitte Bardot chargé de mission !
M. Alain Vasselle. Bonne idée ! (Sourires.)
M. Philippe Richert. Je pense que tous ces problèmes doivent être traités avant que nous ne soyons, un jour ou l'autre, confrontés à une situation urgente, face à laquelle nous devrons réagir à chaud, sans avoir le recul nécessaire.
En conclusion, madame le ministre, je me joindrai à certains des orateurs qui m'ont précédé pour souhaiter que nos différentes politiques ne soient pas simplement juxtaposées ou empilées et pour que l'efficacité maximale soit recherchée, afin d'éviter que, demain, le contribuable, qui est souvent aussi un citoyen sensible à la protection de l'environnement, ne s'estime par trop « ponctionné » et ne se détourne de cette préoccupation essentielle.
Bien sûr, madame le ministre, le groupe de l'Union centriste approuvera le projet de budget que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté atteste la priorité accordée par le Gouvernement à l'action en faveur de l'environnement.
Dans un contexte budgétaire empreint d'une très grande rigueur, cette évolution positive est d'autant plus appréciable, madame le ministre, que l'on constate une stabilisation de vos effectifs.
Cette progression est due essentiellement à la mise en oeuvre de la loi sur l'air et elle montre bien que l'action principale du Gouvernement dans ce domaine est la lutte contre la pollution atmosphérique.
Ce budget ayant été parfaitement présenté par nos trois éminents rapporteurs, je limiterai mon intervention à deux points : les difficultés rencontrées par les collectivités dans la gestion des déchets ménagers, d'une part, la conservation de la faune et de la flore sauvages, d'autre part.
Affectant la plupart des activités économiques et sociales, l'environnement doit nécessairement être pris en charge par l'ensemble des autorités publiques. Devant une demande sociale forte, les collectivités locales, particulièrement concernées, ont, depuis plusieurs années, lancé des initiatives et développé des politiques incitatives dans le domaine de la protection de l'environnement, faisant preuve de volontarisme en la matière.
Toutefois, il convient de souligner que les transferts de compétences qui ont suivi, en France, le mouvement de décentralisation ont ignoré l'environnement, alors même que l'article 1er de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences dispose : « Les communes, les départements et les régions concourent avec l'Etat à la protection de l'environnement et à l'amélioration du cadre de vie ».
Bien que la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement ait eu pour principal objet de clarifier cette répartition des compétences en matière d'environnement, il existe, à mon sens, un réel manque de cohérence, à cet égard, entre le droit et la pratique.
C'est en vertu de la nature même des politiques d'environnement que les collectivités de base se sont vu confier la gestion des services publics de proximité, tels que l'alimentation en eau potable, l'assainissement ou la collecte des déchets ménagers.
La prise en charge de ce nouveau secteur d'intervention s'explique par une demande sociale forte, émanant d'une population de plus en plus sensible à la qualité du cadre de vie et, par ailleurs, aux dégâts provoqués par un urbanisme mal maîtrisé.
Ce phénomène se répercute sur les budgets locaux. En effet, même si les montants consacrés à la protection de l'environnement restent assez faibles, les charges supportées à ce titre par les collectivités locales représentent désormais une part importante des dépenses environnementales publiques et pèsent de plus en plus lourdement sur le budget des ménages.
Le coût de ces services - M. Bernard Hugo a parlé de 61 milliards de francs et M. Bonnet a indiqué qu'on pourrait aller jusqu'à 100 milliards de francs - deviendra, à mon sens, de plus en plus insupportable pour de nombreuses familles, notamment les plus modestes.
A ce jour, les quelques simulations effectuées - j'en ai réalisé une concernant mon département - démontrent que les services des ordures ménagères peuvent représenter une contribution annuelle égale, voire supérieure, à la taxe d'habitation, notamment en milieu rural.
M. Christian Bonnet. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Quand on y ajoute la charge que représentera également le service de l'eau, on constate que nous allons aboutir à un niveau de contribution pour les services qui contrariera très fortement l'effort que le Gouvernement vient de décider en matière de baisse des prélèvements obligatoires.
M. Christian Bonnet. Et voilà !
M. Alain Vasselle. Le projet de budget qui nous est soumis aujourd'hui traduit l'évolution des moyens consacrés au traitement des déchets ménagers résultant de la loi du 2 février 1995, par le biais d'une revalorisation, année par année, du montant de la taxe sur les déchets ménagers mis en décharge.
Ainsi, à partir du 1er janvier 1997, la taxe sera de 35 francs par tonne de déchets et son produit devrait atteindre, au cours de l'année, 770 millions de francs. Cette somme devrait contribuer au financement des équipements d'incinération, de compostage, de collecte sélective et de recyclage des déchets ménagers, l'objectif étant la disparition de toute mise en décharge brute des déchets ménagers en 2002. Est-ce vraiment réaliste ?
D'ailleurs, madame le ministre, dans ce projet de budget, il y a en fait un glissement de la contribution du budget de l'Etat aux concours de l'ADEME, glissement qui est compensé par la taxe que vont, en définitive, payer nos collectivités locales, et donc les usagers, à travers le tonnage qui est mis en décharge. On ne peut que le regretter.
J'aurais souhaité, pour ce qui me concerne, que l'Etat maintienne, au moins pendant les quelques années qui vont s'écouler jusqu'à ce que l'ensemble du territoire national soit couvert par les schémas départementaux, son effort au même niveau, concurremment à l'effort consenti par nos concitoyens et les collectivités locales à travers la taxe ADEME. Ainsi aurait-on pu espérer voir les concours financiers de l'Etat atténuer l'effort que les communes vont être appelées à consentir en matière d'investissement.
Certes, l'Europe n'est pas étrangère aux normes qui s'imposent à nous. Si les eurocrates avaient un peu plus la connaissance du terrain, nous n'en serions certainement pas là ! Madame le ministre, je vous en prie, appelez-les à un peu plus de réalisme !
Les efforts du Gouvernement en matière de prélèvements obligatoires risquent, comme je l'ai souligné tout à l'heure, d'être anéantis par l'effet cumulatif du coût des services liés aux déchets, à l'eau et, plus récemment, à l'air.
La suppression des mises en décharge sauvage et la réhabilitation des sites pollués orphelins sont des objectifs certes nécessaires, mais beaucoup trop ambitieux, surtout à l'horizon de l'année 2002.
Chacun convient d'ailleurs aujourd'hui, sur tous les bancs des assemblées parlementaires, mais aussi le Gouvernement et M. le Premier ministre lui-même, que j'avais interrogé à l'occasion d'une réunion qui s'était tenue ici, que les échéances auxquelles nous sommes confrontés posent aujourd'hui problème. Il a pratiquement renvoyé la balle dans votre camp. Aussi, j'attends de vous, madame le ministre, des éléments de réponse de nature à apaiser nos inquiétudes. Réussirons-nous à vous convaincre, vous qui avez la responsabilité de ce domaine d'intervention ? Je l'espère.
Ainsi, l'instauration des plans départementaux de gestion des déchets ménagers et assimilés pose le problème de leur mise en oeuvre et de leur financement. En effet, au 31 décembre 1996, tous les départements auront dû approuver leur schéma départemental. Qu'en est-il aujourd'hui ? Alors que nous sommes pratiquement au début du mois de décembre, près de 40 % des départements ne l'ont pas fait.
Comment peut-on raisonnablement penser aujourd'hui que l'échéance de 2002 pourra être respectée ? Il conviendrait donc de se poser la question du report de cette échéance. Des négociations doivent être engagées, y compris, s'il le fallait, à l'échelon européen, pour y parvenir.
De plus, la plupart de ces plans prévoient la réalisation d'équipements lourds, tels que la construction d'usines d'incinération, dont le coût se situe, le plus souvent, entre 300 millions et 400 millions de francs.
Les collectivités territoriales, qui sont les principales contributrices de la taxe, devront investir à due proportion pour s'équiper en installations modernes, sans compter les surcoûts engendrés par les récentes mises aux normes qui ont été décidées dans la loi sur l'air en ce qui concerne le traitement des fumées des usines d'incinération.
Ce n'est certainement pas avec le produit de la taxe spéciale de mise en décharge que percevra l'ADEME, dont le produit est aujourd'hui estimé à quelque 3 milliards de francs, que nous permettrons aux collectivités locales de maîtriser le coût de cet investissement !
C'est pourquoi je ne vois, pour ma part, d'autre solution, madame le ministre, que celle qui consiste à mobiliser l'ensemble des partenaires locaux et l'Etat. Ainsi, devront participer au financement de ces nouvelles installations non seulement les communes, dès lors qu'il relève de leurs propres compétences, mais aussi les régions et les départements, dans la mesure où leurs moyens le leur permettent, de par leur rôle de soutien aux collectivités locales.
J'ai eu l'occasion de visiter l'usine d'incinération implantée à Saint-Ouen-l'Aumône, dont M. Richard est le maire. J'ai ainsi pu constater que des politiques différentes étaient menées d'un département à l'autre.
M. Christian Bonnet. Absolument !
M. Alain Vasselle. La région d'Ile-de-France a accepté de consacrer 90 millions de francs au financement de cette usine et le département du Val-d'Oise une somme équivalente, ce qui réduit d'autant le niveau de contribution des collectivités territoriales.
Mais toutes les régions françaises n'ont pas le même potentiel fiscal que la région d'Ile-de-France. De même, tous les départements français ne peuvent être comparés à celui du Val-d'Oise ou à celui des Hauts-de-Seine, qui peuvent apporter une contribution financière à ces installations. Des petits départements, comme la Creuse ou la Lozère, seront bien incapables de participer au financement de tels équipements. Tous les partenaires devront donc être mobilisés.
J'en viens aux propositions que je souhaite soumettre à votre réflexion.
Un premier pas a déjà été accompli en ce qui concerne la réduction du taux de la TVA pour les services d'assainissement et de traitement des déchets et j'espère que cette mesure pourra rapidement entrer en vigueur.
En effet, s'exprimant sur un amendement déposé par nos collègues MM. Marini, Eckenspieller et Delevoye et tendant à obtenir une diminution du taux de la TVA sur ces services, M. Lamassoure nous a répondu qu'il créerait un groupe de travail chargé de réfléchir sur les conditions dans lesquelles cette disposition pourrait être envisagée. Mais ce ne sera certainement pas suffisant.
J'avais déjà demandé à votre prédécesseur, M. Barnier, que les collectivités locales puissent bénéficier de prêts à taux réduits sur une durée de trente à quarante ans pour financer ce type d'investissement. M. Barnier avait simplement pu me répondre qu'il avait réussi à débloquer auprès des caisses prêteuses, telles que le Crédit local de France ou la Caisse des dépôts et consignations, une enveloppe de 2 milliards de francs pour ces prêts. Or, cette somme n'est pas suffisante. Compte tenu du coût des investissements, il faudrait débloquer plusieurs milliards de francs, avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations, du Crédit local de France, mais aussi d'autres banques, pour permettre aux collectivités de les financer.
Il faudra également augmenter le concours de l'ADEME et mobiliser davantage les concours de l'Etat, même s'ils sont modestes, par le biais de la DDR et de la DGE.
M. Christian Bonnet. Il existe aussi des techniques moins coûteuses !
M. Alain Vasselle. Comme vient de le dire M. Bonnet, il faudrait essayer de trouver des solutions techniques qui soient moins coûteuses que celles de l'usine d'incinération.
M. Bernard Hugo suggérait la construction de décharges contrôlées aux nouvelles normes. Mais il faudrait savoir si l'exploitation de telles décharges ne reviendrait pas aussi cher qu'une usine d'incinération. Nous avons procédé à une analyse, dans mon département, et nous nous sommes rendu compte que les coûts étaient tout aussi insupportables.
En outre, encore faut-il trouver dans nos départements les sites susceptibles d'accueillir ces déchets ménagers !
M. Christian Bonnet. Voilà la difficulté !
M. Alain Vasselle. Ces sites commencent à devenir très rares et, malheureusement, la seule solution risque de résider dans l'usine d'incinération.
Le second point que je souhaite évoquer concerne la régulation de la faune.
La préservation d'un environnement de qualité, adapté à l'homme, passe avant toute chose, me semble-t-il, par la protection de la nature pour elle-même, pour sa propre conservation et pour son propre équilibre biologique et écologique.
Ainsi, dans le cadre d'une action générale de protection de l'environnement, il est nécessaire de se préoccuper de la gestion et de la régulation des espèces.
En la matière, peu de compétences sont aujourd'hui dévolues aux collectivités locales en termes de protection de la faune et de la flore. Les régions sont chargées de la gestion des parcs naturels régionaux, et les départements ont la faculté d'acquérir des espaces naturels sensibles grâce à la taxe sur les espaces sensibles. L'essentiel des politiques est donc conduit par l'Etat.
Il serait, par conséquent, souhaitable d'encourager les actions visant à maintenir l'équilibre écologique et biologique de notre environnement.
Dans cette optique, ne pourrions-nous pas envisager de déconcentrer au moins une partie du pouvoir réglementaire en matière de régulation des espèces à l'échelon départemental, en assouplissant les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, qui sont souvent trop contraignantes ? Ainsi serait-il souhaitable que les préfets et les maires puissent décider de mener en commun des actions locales en vue de la régulation des prédateurs, tels que buses, busards, renards ou hérons.
Certes, un premier pas a été franchi grâce à vous, madame le ministre - il faut le reconnaître et vous en remercier - pour les cormorans. Vous avez en effet engagé une politique tendant à maîtriser pour partie la prolifération de ces prédateurs. Mais il est d'autres espèces, tels que les busards, les hérons et les renards. Ces derniers, à la suite des campagnes de vaccination contre la rage, ont proliféré sur l'ensemble du territoire national, à tel point que l'on voit un nombre de plus en plus élevé de ces animaux tués sur les routes. Voilà qui montre bien que le nombre de ces animaux a beaucoup progressé, ce qui contribue au déséquilibre de la petite faune sauvage, qui est menacée dans un certain nombre de départements !
Le Gouvernement a décidé de porter les quotas de prélèvement, en ce qui concerne les cormorans, de 5 % à 10 %, un dépassement de cette limite pouvant être autorisé par le préfet dans les cas particuliers de départements à très forte concentration d'étangs. Il faudrait maintenant engager une politique similaire pour les autres espèces.
Il m'apparaît également souhaitable d'inciter à l'aménagement et à la gestion des espaces en vue de préserver la petite faune et de contribuer à son développement. Il est en effet devenu nécessaire de contribuer au maintien et à la reconstitution de biotopes favorables à la conservation des espèces ainsi qu'à la valorisation durable de l'activité cynégétique, en harmonie avec les autres activités socio-économiques.
Il serait donc judicieux de favoriser le développement des jachères faunistiques - c'est déjà fait pour partie, mais on peut aller plus loin - lieux de refuge, de nidification, de reproduction et d'alimentation, particulièrement recherchés par la petite faune, en autorisant le semis de variétés de plantes non autorisées jusqu'à ce jour dans les jachères, tels que le millet, le maïs et le sarrasin.
En outre, il serait souhaitable d'inciter les propriétaires et les gestionnaires de territoires de chasse à aménager ceux-ci par la plantation de haies, la création de talus et un aménagement parcellaire des cultures, afin de contribuer à l'accueil de la petite faune sauvage et à son développement grâce à un territoire mieux structuré.
Enfin, il conviendrait d'engager une réflexion qui pourrait conduire à une meilleure définition de l'éthique de la chasse. Je n'ai pas connaissance de dispositions réglementaires ou législatives qui précisent les conditions dans lesquelles ce sport peut être pratiqué. Toutefois, nos concitoyens souhaitent une définition de cette éthique de la chasse. Il convient en effet de déterminer les conditions dans lesquelles doit être réintroduit le gibier d'élevage dans le milieu naturel.
En disant cela, je sais que je tiens peut-être des propos un peu provocateurs...
M. Philippe Richert. Mais non !
M. Alain Vasselle. ... et que je vais me mettre à dos un certain nombre d'éleveurs de gibiers, mais nous devons prendre conscience de ce problème, car, si nous ne le faisons pas immédiatement, des mesures seront nécessairement prises, un jour ou l'autre, et elles seront si coercitives que l'ensemble de ce sport que constitue la chasse sera menacé dans son existence même.
Pour conclure, je m'associe aux propos tenus par l'ensemble de mes collègues concernant le réseau Natura 2000. Les propriétaires forestiers, les exploitants agricoles et les chasseurs ont été très préoccupés par les dispositions contenues dans les directives européennes et les circulaires ministérielles. Il faut remercier M. le Premier ministre et vous-même, madame le ministre, d'avoir bloqué ce dossier et de mettre à profit le temps qui nous reste pour recueillir un maximum d'informations, afin que nous sachions comment fonctionneront ces sites et quelles seront les contraintes, s'il en est, qui s'imposeront à ceux qui jouent un rôle dans l'ensemble de ces zones.
Peut-être allez-vous penser, compte tenu des critiques que j'ai émises, que je serai réservé sur le vote de votre budget ; il n'en est rien. L'ensemble des membres du groupe du RPR et moi-même vous apportons notre soutien. Nous vous faisons confiance par avance pour faire progresser les propositions que nous avons formulées, afin que, notamment en matière de déchets, vous apportiez quelques apaisements aux inquiétudes de l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Haut.
M. Claude Haut. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget de l'environnement ne peut que nous laisser particulièrement dubitatifs. En effet, derrière certains artifices de présentation donnant à penser que ce budget est en progression, on assiste, en fait, à toute une série de reculs dans des domaines extrêmement importants.
Le rapporteur de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale, membre de la majorité, ne s'y est d'ailleurs pas trompé en analysant, trop gentiment, votre projet de budget : « La multiplication des textes législatifs et réglementaires qui caractérise la protection de l'environnement depuis le début de la décennie contraste avec la modestie des moyens dont dispose le ministère chargé de les mettre en oeuvre. »
En effet, en données chiffrées, les crédits de paiement du budget du ministère de l'environnement progressent de 5,8 % par rapport à la loi de finances de 1996, mais les autorisations de programme n'augmentent, quant à elles, que de 1,3 % par rapport à 1996 et correspondent donc à une baisse en francs constants.
A l'exception des crédits en faveur de la politique de prévention des pollutions et des risques, l'ensemble des dotations chutent considérablement, qu'il s'agisse de la connaissance de l'environnement et de la coopération internationale, de la recherche ou encore de la protection de l'eau et des milieux aquatiques.
Globalement, on peut dire que l'augmentation des crédits de paiement masque mal une diminution de l'ensemble des actions du ministère de l'environnement. Alors que les besoins n'ont, en fait, jamais été aussi grands, le désengagement budgétaire de l'Etat en faveur de l'environnement est bel et bien confirmé.
Ce projet de loi de finances pourrait bien sonner le glas de toute action volontaire de l'Etat en faveur d'un développement équilibré des territoires. On constate, en effet, une baisse de 15 % des crédits du bleu « aménagement du territoire », une inconsistance du fonds de gestion de l'espace rural et une diminution, pour la deuxième année consécutive, des crédits en faveur de la protection de la nature.
Force est de constater que, dans le même temps, les dépenses des collectivités locales au titre de la protection de l'environnement et de la gestion des ressources naturelles ne cessent de croître, pour représenter aujourd'hui 90 % de la dépense publique.
Permettez, madame le ministre, au maire de Vaison-la-Romaine de s'inquiéter tout particulièrement de ce qui apparaît bel et bien, dans votre budget, comme une remise en cause du plan national de prévention des risques naturels majeurs du 24 janvier 1994.
Je vous rappelle que, à la suite des événements de Vaison-la-Romaine, en septembre 1992, et de la Séchilienne, le gouvernement Balladur avait annoncé la mise en place d'un plan décennal. Parmi les mesures arrêtées, citons l'élaboration de plans de prévention des risques naturels prévisibles concernant deux mille communes, pour lesquels l'Etat ne mobilise que 200 millions de francs sur dix ans.
En 1997, la dotation est simplement reconduite et le programme ne pourra donc vraisemblablement pas être respecté, compte tenu notamment des baisses de crédits en faveur de la politique de l'eau.
En outre, ce projet de budget ne prend pas en considération les exigences législatives en matière de traitement des déchets et de politique de l'eau ; il ne permettra pas la mise en oeuvre des objectifs ambitieux retenus dans les lois des 31 janvier et 13 juillet 1992. Les moyens de financement demeurent particulièrement insuffisants. Ils ne permettront pas d'assister les collectivités locales dans la mise en oeuvre de ces dispositions législatives. Je me permets donc de vous interroger : qui va payer ?
Les collectivités locales devront-elles, pour pallier une nouvelle carence de l'Etat en ce domaine - une nouvelle fois, il prescrit, mais il ne finance pas - proposer à nos concitoyens une augmentation importante des impôts locaux ? Elles ne le pourront pas !
Il en est de même de votre volonté de faire financer une partie de la politique d'entretien des cours d'eau et de la restauration des zones d'expansion des crues par un prélèvement de 110 millions de francs sur les ressources des agences de l'eau.
Je m'interroge sur les conséquences d'une telle ponction. Les agences de l'eau, partenaires des collectivités locales pour l'exécution des travaux d'intérêt commun au bassin, auront comme alternative soit une diminution des aides accordées aux collectivités, soit une augmentation correspondante des prélèvements effectués auprès des particuliers consommateurs.
De même, madame le ministre, en matière de prévention des inondations, vous connaissez toutes les conséquences qui s'attachent à l'interprétation restrictive de l'article 2-3 du décret n° 89-645 du 6 septembre 1989 pris en application de l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 1988, qui prévoit l'exclusion de l'assiette du FCTVA des dépenses réalisées pour le compte de tiers non bénéficiaires. Cela conduit à exclure du bénéfice du fonds les dépenses liées à l'entretien des rivières et des ouvrages de protection contre les inondations et effectuées par des intervenants publics sur des portions privatives de cours d'eau.
Tous les syndicats de rivières connaissent, de ce fait, de grandes difficultés financières, car les dossiers ont été montés par les services de l'Etat en tenant compte de la récupération de la TVA.
Dès le mois de juin, à l'occasion d'une rencontre que nous avons eue à ce sujet, vous avez annoncé que vous vous engagiez, d'une part, à trouver dans votre budget une partie des sommes nécessaires pour compenser le non-remboursement de la TVA et, d'autre part, à intervenir auprès de votre collègue du budget afin qu'un effort financier complémentaire puisse être consenti. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Rien ne paraît avoir été fait. Pourtant, ce dossier est frappé du sceau de l'urgence. N'avons-nous pas, dans le passé, suffisamment payé les conséquences d'une politique financière bien trop faible en ce domaine ? Faut-il d'autres victimes pour trouver les moyens financiers ?
Aujourd'hui, aucun intervenant public, a fortiori aucun particulier, n'a plus les moyens financiers suffisants pour aménager et entretenir les cours d'eau. Si l'Etat n'aide pas, de façon significative, les collectivités à réaliser ces grands travaux, rien ne pourra être fait. Face à cette situation, quelle solution proposez-vous ?
Enfin, autre sujet, à de multiples reprises j'ai tenu, en collaboration avec Jean Besson, mon collègue de la Drôme, à vous alerter sur les nuisances sonores qu'engendre le survol de nos départements par des avions-écoles de la base de Salon-de-Provence.
Bien que ce dossier soit de la responsabilité directe du ministère de la défense, vous avez, semble-t-il, programmé la mise en oeuvre d'une étude technique permettant de résoudre ou d'atténuer ces agressions phoniques qui nuisent à notre qualité de vie et à l'activité économique essentielle pour notre région qu'est le tourisme.
En conséquence, madame le ministre, quels moyens ont été affectés à cette étude et quand disposerons-nous des premières conclusions ?
Dans l'attente de réponses plus précises, je ne crains pas d'affirmer, madame le ministre, que, au lieu d'être une priorité, dans la loi de finances, votre budget s'apparente, hélas ! à un budget de renoncement, ce qui est particulièrement préoccupant pour nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la brièveté du temps qui nous est imparti dans la discussion d'un sujet aussi important que l'environnement nous oblige à tracer à grands traits l'analyse d'un budget que nous estimons bien insuffisant.
Le Gouvernement annonce une augmentation de 5,9 % du budget de l'environnement. Loin de vouloir nous livrer à une querelle de pourcentages, nous savons, les uns et les autres, combien l'« épaisseur » du budget de votre ministère, madame le ministre, ne permettra pas de satisfaire la réelle volonté de nos concitoyens de vivre dans un environnement de qualité.
Le budget de l'environnement atteint 1 861 millions de francs, mais votre ministère voit son champ de compétence grandement élargi par de nouvelles attributions en matière de protection des sites : 110 millions de francs proviennent d'un transfert des ministères de l'industrie et de l'équipement pour abonder les 200 millions de francs annoncés lors de la présentation du projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
Nous savons néanmoins que, quelle que soit votre bonne volonté, ces vrais-faux apports nouveaux ne permettront pas de relever les défis écologiques auxquels notre pays doit faire face.
Qualité de l'air, bruit, gestion des déchets, gestion de l'eau, prévention des risques, qualité du cadre de vie, protection des sites et des paysages, effet de serre, participation à la protection de l'environnement à l'échelon international : la liste des défis qui se font jour n'est pas exhaustive et les enjeux environnementaux sont réellement des enjeux de demain.
L'institut français de l'environnement vient de publier un ouvrage dressant l'état des lieux de l'environnement par thème et par région : « L'Alsace compte dix-neuf établissements relevant de la directive du 24 juin 1982 concernant les risques majeurs, l'Aquitaine a connu une importante dégradation de ses eaux superficielles, l'Auvergne envoie encore 90 % de ses déchets ménagers en décharge alors que cette pratique doit disparaître à l'horizon 2000, la Bretagne détient la plus grande densité d'élevages de type industriel et, du même coup, le plus fort taux de nitrate dans l'eau... ».
En milieu urbain, les enjeux ne sont pas moindres. En Ile-de-France, 10 % de la population de la petite couronne est exposée à un bruit supérieur à soixante-dix décibels. De multiples nuisances sont liées au développement des transports partout dans nos grandes villes. Pollution atmosphérique et développement des maladies respiratoires, bruit, dégradation de notre environnement quotidien et de nos paysages par des infrastructures routières et autoroutières, qui, souvent, se révèlent très vite inadaptées, sont le lourd tribut à payer à la multiplication des transports.
L'écologie se trouve bien au carrefour de l'ensemble des sujets qui préoccupent nos concitoyens et son attraction est grande tant elle concerne la vie quotidienne de chacun d'entre nous. Mais, on l'a dit - je n'y reviendrai donc pas - les collectivités locales n'ont plus les moyens de régler les problèmes qui se posent.
J'en reviens au projet de budget que nous examinons.
En matière de gestion de l'eau, les crédits connaissent une forte diminution. Le fonds de concours créé par le Gouvernement à hauteur de 110 millions de francs par an de 1997 à 2001, outre qu'il porte atteinte à l'autonomie des agences de bassin, revient à faire porter sur l'ensemble des ménages les retards pris par notre pays dans ce secteur, quand la Générale des eaux et la Lyonnaise des eaux n'ont de cesse d'accroître leur empire. Pouvons-nous nous satisfaire d'une baisse des crédits de l'institut national de l'environnement industriel et des risques de 18 millions de francs ?
La politique du paysage est en régression de 13 millions de francs et celle des parcs régionaux de 7 millions de francs.
Le sommet de Rio mettait l'accent sur la nécessité de conduire une politique environnementale conçue dans un cadre dépassant très largement celui de nos frontières et dans la perspective d'un développement pour les pays les plus pauvres. Chacun sait aujourd'hui qu'il ne peut y avoir de politique environnementale digne de ce nom sans développement.
Or, qu'en est-il des engagements pris par la France lors du sommet de Rio, et plus largement de la coopération internationale ?
Les crédits de l'institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération, l'ORSTOM, sont en stagnation. Les crédits de coopération technique, dont le montant est déjà très faible, diminuent.
L'ensemble de ces éléments brossés à grands traits illustrent le décalage qui existe entre le discours environnemental qui est le vôtre, madame le ministre, et les moyens qu'y consacre le Gouvernement.
L'écologie au service de tous recèle pourtant un fort potentiel de richesses à exploiter et de réelles possibilités de création d'emplois existent dans un secteur où notre pays est bien placé. Force est néanmoins de constater que ni votre ministère ni le secteur privé n'investissent dans un domaine où l'essentiel reste à faire pour assurer notre avenir.
La création d'emplois au service de l'environnement, l'investissement pour l'avenir imposent d'adopter une logique qui soit orientée davantage vers la satisfaction des besoins des hommes que vers celle d'intérêts financiers à court terme.
Telles sont les raisons pour lesquelles notre groupe votera contre le projet de budget qui nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Demilly.
M. Fernand Demilly. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'examen du projet de budget du ministère de l'environnement pour 1997, dont les crédits dépassent pour la première fois 1,8 milliard de francs, fait apparaître - soyons précis ! - une croissance de 5,88 % par rapport à 1996, ce qui est satisfaisant en première approche.
De fait, cette évolution positive reflète la volonté du Gouvernement de financer l'application de la future loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie, qui a été récemment examinée par notre assemblée et dont le principal objet, à terme, est d'étendre le dispositif de surveillance de la qualité de l'air à tout le territoire.
On ne peut que se réjouir de la priorité donnée à cet élément essentiel de la vie qui, contrairement à l'eau, a été sans doute trop souvent négligé jusqu'ici.
Cette impulsion nouvelle ne doit pas nous faire oublier que les dotations consacrées aux autres actions du ministère de l'environnement sont reconduites dans des secteurs où, pourtant, les besoins sont croissants. Je citerai, à cet égard, plusieurs exemples.
Le premier concerne le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres. Dans la Somme, qui dispose de soixante-dix kilomètres de façade maritime, l'action de cet établissement public est unanimement appréciée. Le conseil général, qui a créé dès 1981, sur l'ensemble du secteur littoral, une zone de préemption, a délégué ce droit au conservatoire de l'espace littoral, ce qui a permis à celui-ci d'acquérir plus de mille hectares de milieux naturels, de marais et de massifs dunaires de grande valeur, dont la gestion a été confiée au syndicat mixte d'aménagement de la côte picarde.
Or, les crédits réservés au conservatoire de l'espace littoral marquent une évolution contrastée, avec une revalorisation modérée de ses crédits de fonctionnement, mais une baisse significative de ses moyens d'intervention, tant en crédits de paiement qu'en autorisations de programme.
On peut s'interroger sur la possibilité pour le conservatoire de l'espace littoral de disposer des moyens humains et financiers nécessaires à l'acquisition des sites de valeur indéniable mis en vente sur les territoires de ses compétences.
J'observe, par ailleurs, que les dotations prévues pour les réserves naturelles, pourtant créées sur l'initiative de l'Etat, ne progressent pas. Or, le nombre des réserves s'accroît chaque année, leur superficie augmente nettement et de nombreux projets sont à l'instruction. Je pense, bien entendu, madame le ministre, à la réserve naturelle de la baie de Somme.
Je souhaite également évoquer un autre point particulièrement sensible, celui de l'emploi. L'environnement est manifestement très porteur en ce domaine, notamment dans les secteurs de l'eau et des déchets. Les nombreux besoins en matière d'exploitation et d'assistance technique soutiennent à la fois l'investissement et l'emploi.
Dans le secteur « non marchand », la gestion des rivières et des milieux naturels sensibles, la remise en état et l'amélioration de la signalétique des chemins de promenade et de randonnée, ou encore la rénovation de notre petit patrimoine rural offrent d'importants gisements d'emplois.
Ainsi, dans la Somme, nous avons créé plus de cent soixante emplois, confiés initialement à des titulaires de contrats emploi-solidarité, en mobilisant, entre autres, le dispositif « emplois verts ». Nous avons formé les titulaires de ces CES à la gestion écologique des milieux naturels, pour ensuite consolider, puis pérenniser leurs postes avec l'aide des collectivités locales et des associations.
L'Etat semble vouloir modifier ce dispositif, qui a pourtant un fort effet de levier. La situation de l'emploi dans notre pays justiferait pourtant que le dispositif des emplois verts soit repris et amélioré.
Sur un plan plus général, l'examen de ce projet de budget est l'occasion de rappeler le rôle des collectivités locales dans la protection de l'environnement et la gestion des ressources naturelles.
Je citerai, à nouveau, l'exemple de la Somme : ce département consacre chaque année 70 millions de francs à l'environnement, soit plus de 10 % de ses dépenses d'investissement, alors même que ses compétences légales en la matière sont, on le sait, très limitées. Nous privilégions le partenariat avec l'Etat, avec lequel nous avons mis en place, dès 1994, un plan départemental qui a pour objet de mettre en cohérence les interventions de l'Etat et du département en faveur de l'environnement.
Cependant, l'augmentation des dépenses consacrées par les collectivités locales à la protection et à la mise en valeur de l'environnement découle aussi souvent de l'application des nombreuses lois adoptées depuis 1992. Ainsi, l'eau et les déchets sont devenus une préoccupation constante des élus, légitimement inquiets devant la hausse du prix de l'eau et de la redevance concernant les déchets, qui représentent désormais, pour nos concitoyens, des sommes parfois équivalentes à la taxe d'habitation ! On comprendra que les élus aient le souci d'avancer en tenant compte avant tout de leurs réelles capacités financières, ce qui nécessitera, à l'évidence un lissage du calendrier établi pour l'application de ces lois.
On comprendra aussi leur inquiétude devant la multiplication des textes, dont certains se superposent, sans que leurs dispositions soient toujours harmonisées et leur caractère normatif toujours avéré.
Ainsi en est-il de Nartura 2000 ! Ce type de dossier, dans un domaine où il existe déjà de nombreux dispositifs de classement et de protection, est exemplaire, dans la mesure où il montre bien qu'imposer unilatéralement des contraintes n'est plus de mise aujourd'hui. Il est nécessaire de prendre le temps d'expliquer en amont aux élus et aux gestionnaires du patrimoine l'ensemble des conséquences, notamment économiques et fiscales, qui découleront des nouveaux dispositifs envisagés, d'en montrer les enjeux, d'expliciter ce qu'ils apportent en termes d'avantages, mais aussi de contraintes. En ce sens, le gel par M. le Premier ministre de Natura 2000 doit être salué comme une décision sage.
Il est patent qu'en matière de protection de l'environnement les contraintes sont souvent nécessaires. Pour autant, elles doivent être comprises et acceptées. C'est ainsi que, dans la Somme, nous sommes confrontés au problème de la définition de zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole. La profession agricole rejette tout classement dont le caractère serait arbitraire, souhaitant, au contraire, soutenue en cela par l'assemblée départementale, mettre en place une charte « agriculture et environnement ». Cette charte prévoit une contractualisation d'objectifs et d'engagements clairements identifiés.
C'est là, me semble-t-il, un moyen pertinent d'atteindre, autrement et plus sûrement que par la contrainte imposée d'en haut, les objectifs, au demeurant légitimes, fixés par la Communauté européenne à travers la directive concernant le nitrate.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire à l'occasion de l'examen du projet de budget du ministère de l'environnement, qui témoigne de l'importance accordée par le Gouvernement à la défense et à la promotion de l'environnement.
Si je souhaite certaines améliorations - j'en ai évoqué plusieurs - je me dois aussi, pour clore mon propos, de rendre hommage à l'action que vous menez personnellement, madame le ministre, non seulement au sein du ministère, mais aussi sur le terrain, dans nos départements. C'est cette action qui conduit la majorité du groupe du RDSE à vous accorder sa confiance pour la mise en oeuvre de la politique de l'environnement et à voter les crédits de votre département ministériel pour 1997.
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cette année, le ministère de l'environnement célèbre son vingt-cinquième anniversaire et, en 1997, ce sont trente-deux parcs naturels régionaux qui fêteront les trente ans de leur mise en réseau ; nous pourrions, comme cela, énumérer un certain nombre de dates importantes qui fixent aujourd'hui, dans notre pays, la prise en compte de l'environnement et le développement de la sensibilisation aux problèmes qu'il soulève.
Au-delà de l'aspect festif de ces événements, à l'heure du bilan, avec le recul et la connaissance, on se sent capable et volontaire pour regarder très loin devant et, si vous m'y autorisez, madame le ministre, durablement devant nous.
C'est un peu le sentiment que j'ai lorsque j'étudie vos objectifs, tant ceux-ci sont nombreux. Toutefois, je me pose deux questions : aurez-vous les moyens financiers de les atteindre et, surtout, compte tenu des interrogations qui ont été formulées précédemment à cette tribune, dans quels délais pour les collectivités territoriales et les collectivités locales, qui ont reçu des responsabilités et des compétences en matière de traitement des problèmes d'environnement ?
L'environnement doit faire l'objet d'une véritable politique - vous vous y employez - mais il constitue également, à bien des égards, une éthique et, pour certains, une véritable philosophie à appliquer dans le respect des hommes d'aujourd'hui et, surtout, des générations futures.
Agissons en effet, mais sans hypothéquer l'avenir, et agissons dans la concertation - celle-ci est indispensable et elle doit être renforcée - avec tous les ministères, bien sûr, mais aussi, en priorité, avec les élus locaux, les associations et les scientifiques, qui sauront, par leur expérience de terrain, guider nos choix.
Le projet de budget pour 1997 augmente de 5,9 %. Il ne m'appartient pas ici d'entrer dans le détail des postes budgétaires.
Le projet de loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie sera bientôt adopté définitivement et, je l'espère, mis en application rapidement. Vos propositions budgétaires concernant le financement des réseaux de surveillance de la qualité de l'air devraient quelque peu atténuer l'inquiétude des Français, qui placent la pollution de l'air au coeur de leurs préoccupations en matière d'environnement, la qualité de l'eau et les déchets venant ensuite.
Cependant, il ne m'est pas possible de passer sous silence la mobilisation de moyens extrabudgétaires pour la mise en oeuvre du programme décennal de prévention des inondations, quand bien même celle-ci serait prévue par les textes.
Ne risque-t-elle pas d'amener les agences de l'eau à répercuter cette charge nouvelle que vous leur imposez et qui paraît contraire à la volonté de l'Etat d'une meilleure transparence entre les partenaires que sont l'Etat, les régions et les agences ?
Faut-il, par ailleurs, établir un lien entre ces 110 millions de francs prélevés sur les agences de l'eau et l'effort consenti dans votre projet de budget pour maîtriser les dépenses publiques ?
Enfin, je voudrais conclure sur notre responsabilité à tous - gouvernants, élus du peuple, citoyens - qui est de placer l'homme au centre de la protection de l'environnement en conciliant celle-ci avec le développement économique et industriel.
L'environnement doit être au service de toutes les autres politiques, qu'il s'agisse des transports, de l'emploi, dans les domaines de l'hygiène et de la sécurité, de l'industrie, de l'agriculture, du tourisme.
Votre souhait de développer les éco-industries va dans le sens de la prise en compte du fait « environnemental » dès l'origine d'un choix, d'un projet. Il doit devenir l'élément dominant et décisif de ces projets, et donc ne plus être l'élément accessoire.
Madame le ministre, j'apprécie l'action que vous menez. Cela me conduit à dire que vous êtes, dans notre pays, le premier ministre du développement durable.
Cependant, ce développement durable doit aussi tenir compte - je suis sûr que vous comprendrez mes propos - de la compatibilité avec les moyens que peuvent mettre en oeuvre les collectivités locales et les collectivités territoriales. Je le dis au nom de la commission « administration générale » de l'Association des maires de France, que j'ai l'honneur de présider : il faut tenir le plus grand compte - M. Vasselle l'a rappelé tout à l''heure - de la capacité à financer l'ensemble des équipements qui nous permettront de gérer sur le territoire ce développement durable. Il faut aussi déterminer avec les élus locaux et l'ensemble des représentants des collectivités territoriales les moyens financiers permettant de mettre en oeuvre cette politique, que vous avez la volonté d'animer. J'en veux pour preuve le fait que vous avez décidé de rendre public le rapport de l'OCDE, paru hier, et qui décrit sans complaisance le travail remarquable que vous avez accompli, mais aussi le chemin qui reste à parcourir pour que nous puissions assurer à notre pays un développement durable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Rouquet.
M. René Rouquet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, il faut, pour apprécier pleinement un projet de budget, s'efforcer de dépasser les apparences souvent trompeuses.
Le projet de budget de l'environnement pour 1997 ne déroge pas à la règle, et on ne peut l'examiner sans prendre en compte des facteurs essentiels.
Le premier d'entre eux, c'est la place prépondérante qu'occupent aujourd'hui les questions qui concernent la pollution.
Dans l'exercice de nos mandats locaux, nous sommes nombreux à vérifier cette réalité : nos concitoyens affectés par la pollution nous interpellent et réclament des pouvoirs publics la prise en compte de leurs inquiétudes.
Face à ce problème de santé publique, qui est, plus que jamais, l'affaire de tous, notre pays attend une mobilisation, une prise en compte responsable de l'environnement, dans la politique de la ville comme dans celle des transports.
Dans ce projet de budget, vous donnez-vous les moyens de cette ambition ?
En apparence, comment ne pas être séduit, dans le contexte de rigueur que nous connaissons tous, par le fait que ce projet de budget progresse de près de 6 %, dépassant 1,8 milliard de francs ?
Mais à y regarder de plus près, on relativise cette embellie, lorsque l'on note, par exemple, que les autorisations de programme n'augmentent que de 1,3 % par rapport à la loi de finances de 1996, ce qui, en francs constants, équivaut, nous le savons, à une baisse !
Par ailleurs, si le projet de budget de l'environnement passe, à tort, pour être le seul à tirer son épingle du jeu dans le projet de loi de finances pour 1997, c'est surtout parce qu'il a bénéficié d'un habile effet d'annonce, auquel la proximité de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie n'est pas étrangère : sa progression est soumise à la mise en oeuvre d'une loi qui reste subordonnée aux moyens financiers que l'Etat serait prêt à consentir !
La chute globale des dotations par agrégats et la dérive de nombreux postes de dépenses, pour l'un des plus modestes budgets de l'Etat, et au seul profit du financement d'un projet de loi, appellent, selon moi, des appréciations moins optimistes.
D'une part, ne risquons-nous pas de voir apparaître des transferts de charges supplémentaires sur les collectivités locales, madame le ministre, si d'aventure l'effort que vous nous présentez ne devait pas être tenu dans les prochains budgets ?
D'autre part, face aux nombreux problèmes qui demeurent, fallait-il que l'effort financier global de l'Etat en faveur de l'environnement se relâche de la sorte, en grevant d'autres actions de votre ministère ?
On pourrait, à ce titre, s'émouvoir de la disparition probable du financement des « emplois verts » ou de la réduction de l'aide aux projets des associations de défense de l'écologie, quand on sait l'importance de leur travail en matière d'environnement !
Sur un autre plan, nous aimerions obtenir des précisions sur les millions de francs récupérés par votre ministère et provenant d'un transfert de lignes budgétaires du ministère de l'équipement et du minitère de l'industrie.
Outre le fait que ces transferts relativisent sérieusement la progression que vous affichez - puisqu'il ne s'agit pas de crédits nouveaux - nous ne disposons d'aucune garantie sur la pérennité de ce financement pour 1997 !
Peut-être nous rassurerez-vous, madame le ministre, sur ce redéploiement de crédits ; mais ne viendront-ils pas à manquer dans d'autes secteurs de l'action publique ?
Enfin, nous regrettons que, au regard des contraintes qui pèsent sur les collectivités, aucune dotation spécifique ne soit prévue pour les aider à mettre en place les plans de déplacement urbains.
Ces insuffisances se résument en un seul constat : le désengagement budgétaire de l'Etat en matière d'environnement se confirme !
Avant de conclure, je voudrais m'appuyer sur mon expérience d'élu local pour vous interpeller une nouvelle fois, madame le ministre, sur des problèmes de pollutions atmosphériques et sonores touchant un secteur qui paye un lourd tribut à ces nuisances, le Val-de-Marne, et qui montrent combien il est impératif que l'Etat cesse de se désengager de la sorte sur les collectivités, pour prendre enfin ses responsabilités.
En ce qui concerne les pollutions atmosphériques, je vous ai déjà fait part de l'inquiétude que suscitent les projets d'implantation massive d'usines polluantes à Vitry-sur-Seine, sur un site appartenant à EDF, face à un secteur fortement urbanisé comprenant la commune dont je suis le maire, Alfortville, et d'autres villes environnantes.
Il s'agit, d'une part, de la construction d'une turbine à combustion, décidée contre l'avis de milliers de riverains et, d'autre part, du projet de la filiale d'EDF pour le traitement des ordures ménagères, le SYTCOM - syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères - d'implanter sur ce même site une importante usine d'incinération destinée à traiter les déchets de Paris et de départements limitrophes.
Au vu de cet exemple, il me semble indispensable que, s'agissant d'une entreprise publique comme EDF, l'Etat, avant toute nouvelle installation, concoure à des études globales de pollution sur des secteurs particulièrement sensibles, comme c'est ici le cas.
Par ailleurs, en ce qui concerne la gestion des déchets, l'élaboration des plans départementaux montre à quel point les collectivités sont démunies face à l'obligation de supprimer les décharges en 2002, en se voyant imposer des solutions qui ne sont ni les plus économiques ni, surtout, les plus écologiques !
Ce projet d'usine d'incinération a été rejeté du plan départemental par le conseil général du Val-de-Marne, faute de garanties suffisantes de sécurité quant aux risques de pollution atmosphérique et parce que les élus, dans leur majorité, refusaient de voir un département déjà pénalisé par les nuisances devenir la poubelle de l'Ile-de-France et accueillir des déchets provenant en grande partie de Paris, ville qui ne s'est d'ailleurs toujours pas dotée d'un plan d'élimination de ses propres déchets !
Là encore, j'aimerais connaître la position du Gouvernement face à un problème qui est de compétence nationale - il s'agit en effet d'une question de santé publique - et qui est perçu par des milliers d'habitants comme un désengagement, doublé d'une grave injustice !
N'est-ce pas à l'Etat de prendre ses responsabilités de solidarité nationale en donnant les moyens aux collectivités de mettre en oeuvre des plans d'élimination plus sûrs et mieux maîtrisés, offrant toutes les garanties quant à la santé des populations, qui ont trop souvent le sentiment de subir ce qu'on leur impose en matière d'environnement ?
Enfin, madame le ministre, que penser des crédits relatifs au bruit, qui sont les parents pauvres de ce budget, à un moment où, pourtant, l'opinion publique est de plus en plus touchée par ce problème ?
A ce titre, je voudrais évoquer les nuisances dues au bruit des trains, dont sont victimes de très nombreux riverains de la ligne Paris-Lyon-Marseille, qui, tout près de Paris, traverse plusieurs communes de mon département, jusqu'à Villeneuve-Saint-Georges.
Malgré des démarches répétées, que j'ai menées conjointement auprès de la direction de la SNCF avec mes collègues des villes voisines, avec des associations de riverains, en particulier celles d'Alfortville et de Maisons-Alfort, malgré l'existence de mesures phoniques dépassant largement le seuil maximal de décibels tolérables, aucune réelle amélioration n'a été apportée à ce jour sur le plan de la protection phonique.
Je ne vois pas dans votre budget, madame le ministre, se dessiner les moyens que l'Etat accepterait d'engager pour mener une action concertée sur le plan de l'environnement et des transports !
Mes chers collègues, ce fossé entre les déclarations et les actes, ce nouveau désengagement de l'Etat, dans un secteur pourtant crucial, est difficilement admissible, pour un ministère qui a en charge la protection de l'environnement, de la qualité de la vie, et donc de la santé publique !
En définitive, madame le ministre, les renoncements et les reculs qui caractérisent ce projet de budget ne sauraient satisfaire le groupe socialiste qui, vous l'avez compris, ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Quelle surprise !
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Madame le ministre, je tiens, comme mes collègues, à insister sur l'importance que revêt, cette année plus que jamais, ce budget pour l'opinion publique et les élus en général. Ces derniers considèrent en effet que la protection de l'environnement constitue une donnée fondamentale du cadre de vie et de la façon dont ils peuvent s'organiser dans la société.
Ce projet de budget est globalement en diminution, et il n'est pas à la hauteur de vos ambitions. A cet égard, je n'évoquerai que quelques thèmes, et, tout d'abord, la question des parcs naturels régionaux.
On compte aujourd'hui trente-deux parcs naturels régionaux ; ce sont des territoires d'expérimentation très forts, où les élus, souvent toutes tendances confondues, ont mené des actions très performantes pour protéger le paysage et l'environnement et pour permettre ce que certains ont appelé le « développement durable ».
Cependant, les crédits du ministère de l'environnement sont en très forte diminution à cet égard puisqu'ils subissent une baisse de 36,8 % en autorisations de programme et de 18,14 % en crédits de paiement.
Comment, par conséquent, satisfaire les quelque trente nouvelles demandes d'un label parc - dans le département du Nord, que je représente, les régions de l'Avesnois et des Monts de Flandres ont déposé une telle demande - alors que les régions ayant déjà obtenu ce label voient leurs crédits diminuer ?
D'après les informations que j'ai pu obtenir, la fédération des parcs envisage de ne plus attribuer le label à de nouveaux parcs.
On voit ainsi se développer aujourd'hui des réflexes malthusiens qui ne me semblent pas correspondre au souci de protection de l'environnement qui progresse en France. Ou alors une réflexion devra être engagée - j'indique d'ores et déjà que cela me laisse perplexe - quant à la décentralisation ou à la régionalisation des labels.
En effet, dans la pratique, si l'Etat se désengage, les régions se trouveront dans l'obligation de prendre financièrement en charge les parcs. La tentation sera alors grande de dire qu'il revient aux régions, dans ces conditions, de définir le label parc. Cela ne serait pas, à mon avis, la meilleure solution. Mais il est évident que, si l'Etat impose, pour l'obtention du label, des critères scientifiques de plus en plus exigeants, il doit alors allouer les crédits nécessaires.
Nombre de mes collègues sont intervenus sur le problème de la directive Natura 2000. Certes, la décision de suspendre la directive était à mon avis judicieuse, mais il ne me paraîtrait pas de bonne politique de l'abandonner. Il faut développer la concertation dans les prochains mois pour que l'ensemble des partenaires puissent définir des zones de protection, avec des limites scientifiques s'imposant à tous.
Je rappellerai que trente-sept sites expérimentaux ont été retenus par le programme Life . Pour ma part, je préside un groupe pour la forêt de Thiérache qui est en phase de concertation très positive. Je peux donc dire que, par rapport à l'excès de peurs ou de fantasmes qui est développé à travers toute la France, cet organisme de concertation fonctionne très bien, et que le programme Life est donc bien inscrit dans le territoire. Mais j'espère que vous nous aiderez financièrement pour le mettre en pratique, madame le ministre.
Je voudrais aussi évoquer ce que l'on pourrait appeler, sans exagération je crois, le hold-up que vous avez perpétré aux dépens des agences de l'eau. Pour être élu de l'agence de l'eau Artois-Picardie depuis une décennie, je peux vous dire que nous avons mal perçu la création de ce fonds de concours de 110 millions de francs que vous avez décidé pour lutter contre les crues et pour financer le plan Loire.
Certes, votre décision est légale sur le plan du principe mais il s'agit quand même d'un précédent fâcheux, d'un engrenage dont vous aurez certainement beaucoup de mal à maîtriser les conséquences dans les années à venir, et donc d'une dérive à mon avis inacceptable. Comment admettre, en effet, que le consommateur d'eau dépendant de l'agence Artois-Picardie paie des redevances pour financer des travaux exécutés sur la Loire ou sur le Rhône ? Il existe certes des problèmes sur le cours de ces deux fleuves, mais il a toujours été affirmé que l'argent des agences devait servir à résoudre les difficultés qui se posent sur leur territoire exclusivement. Cela nous conduit, en fait, sachant que le montant des redevances a déjà été doublé dans le VIe programme, à réduire l'ampleur des travaux prévus au titre du VIIe programme, de façon à dégager les fonds que vous nous réclamez. Ou alors, faudrait-il augmenter à nouveau les redevances ? Je pense que nos concitoyens l'accepteraient difficilement.
En outre, vous devez être bien consciente du fait qu'aujourd'hui les agences de l'eau ont encore un programme de travaux extrêmement important à réaliser en matière d'assainissement, et qu'il nous faut nous engager aujourd'hui sur un programme d'assainissement autonome qui nous coûtera fort cher. Opérer un prélèvement sur les ressources financières des agences de l'eau ne me paraît donc pas pertinent, aussi bien sur le plan des principes que de la mise en oeuvre de la politique de l'eau.
En conséquence, madame le ministre, même s'ils notent des aspects positifs, reconnaissant notamment certains efforts consentis avec l'adoption de la loi sur l'air, les membres du groupe socialiste, compte tenu du manque de moyens financiers, voteront néanmoins contre votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de répondre brièvement au plus grand nombre de questions qui m'ont été posées.
Je ne reviendrai pas sur ce projet de budget, car, quelles que soient les présentations que l'on peut en faire, il existe un élément objectif : ce projet de budget augmente de 5,9 %, et les engagements qui ont été pris seront tenus. Par conséquent, je suis, à cet égard, tout à fait claire et sereine.
Je répondrai tout d'abord à la question de la réglementation appliquée aux déchets ménagers, qui a été très largement évoquée sur toutes les travées.
Je rappellerai d'abord que le Gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir n'a innové en rien dans ce domaine puisque ce qui existe aujourd'hui résulte de la loi de 1992 qui a été adoptée à l'unanimité par le Sénat.
Que ce texte ait été voté à l'unanimité signifie bien que, à l'époque, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez considéré qu'il répondait à des besoins réels - je crois que c'est exact - et que les modes de financement qu'il prévoyait correspondaient à ces besoins.
Pour ma part, je n'ai qu'à gérer ce qui, à l'époque, a été voté. Je voudrais être claire sur ce point ; je n'ai strictement rien ajouté, ni de près, ni de loin, à ce qui résulte de cette loi.
M. Emmanuel Hamel. On peut améliorer une loi dont on s'aperçoit à l'expérience qu'elle est dangereuse !
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Cela étant, je rappelle ce point non pas pour éviter de répondre au fond aux questions que vous avez évoquées, mesdames, messieurs les sénateurs, mais seulement pour recadrer le débat.
Je crois effectivement que, s'il est indispensable de traiter la question des déchets ménagers, il faut probablement faire un effort de plus grande diversification dans les solutions. Autrement dit, l'application qui a été faite de la loi jusqu'à présent a conduit les collectivités à s'orienter très largement vers des systèmes d'incinération très coûteux.
Plusieurs solutions peuvent être envisagées. Je m'y emploie, car, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est une question qui me préoccupe peut-être autant que vous.
Certaines mesures ont d'ores et déjà été prises. La première, par exemple, résulte de l'arrêté « co-incinération » que j'ai été amenée à prendre il y a quelques semaines et qui permettra de brûler dans les cimenteries, à des conditions tout à fait intéressantes, certains déchets.
Cependant, il faut, à mon avis, imaginer d'autres solutions - c'est d'ailleurs une suggestion qui a été faite par les uns et les autres à cette tribune - que l'incinération.
D'abord, très certainement, un effort beaucoup plus important que celui qui a été consenti jusqu'à présent doit être réalisé en faveur de la prévention des déchets. C'est là un champ considérable qui a été très peu exploité.
Le ministère de l'environnement a élaboré, avec Eco emballage et les industriels, un catalogue dit « de prévention des emballages », que je vous ferai parvenir si vous ne l'avez point déjà : ce document montre comment économiser de 25 % à 50 % des emballages, ce qui est considérable. Il faut savoir que les emballages représentent aujourd'hui 50 % des déchets ménagers. Par conséquent, si, par ces politiques de réduction des déchets d'emballage, nous arrivons par exemple à économiser 30 % d'emballages, cela fera 15 % de déchets en moins. Il s'agit là d'une politique qui, jusqu'à présent, a été très peu soutenue, et que j'ai l'intention de développer de manière tout à fait considérable.
Par ailleurs, nous devons nous orienter vers le tri et le recyclage, qui présentent à la fois un intérêt industriel, en raison de l'existence de nos filières économiques, et un aspect social extrêmement marqué, notamment en matière d'insertion.
Par conséquent, le ministère souhaite développer très largement toutes les actions possibles à cet égard, de manière à alléger d'autant la masse de déchets à incinérer, notre objectif étant d'arriver à un taux de 45 % ou 50 %, alors que le pourcentage est actuellement beaucoup plus élevé. Une telle politique permettra d'avoir des usines de dimension beaucoup plus modeste, et donc d'alléger le coût des investissements.
J'ajoute, s'agissant des investissements, que j'ai signé un accord avec le Crédit local de France. Je regrette de ne pas avoir le document avec moi, mais je ne pensais pas que le sujet serait abordé aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, je suis prête à vous en fournir tous les éléments : cet accord permet des financements jusqu'à quarante ans pour des infrastructures dans le domaine de l'environnement, ce qui est de nature à permettre des taux très bas puisqu'il s'agit de financements à très long terme.
M. Alain Vasselle. A quel taux ?
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Le taux n'est pas précisé, monsieur le sénateur, mais, étalée sur quarante ans, la charge pour la collectivité sera, bien évidemment, beaucoup plus modeste que s'il s'agissait d'un financement sur une durée beaucoup plus courte.
M. Christian Bonnet. C'est comme pour certain magasin de Bobigny ? (Sourires.)
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Non, pas tout à fait !
Cela étant, je suis tout à fait prête à ouvrir le débat sur ce sujet. Je n'ai pas de religion toute faite, j'essaie de trouver des solutions concrètes permettant de réduire les coûts qui sont aujourd'hui supportés par les collectivités locales du fait de la loi de 1992 et je suis tout à fait disposée à ce qu'un groupe de travail soit mis en place pour discuter de cette question.
En ce qui concerne le problème de l'eau, grâce aux agences, le fonds de concours permet effectivement à l'Etat - je rassure sur ce point les sénateurs socialistes - de tenir complètement les engagements qui ont été pris concernant le plan « prévention des risques » et le plan « Loire grandeur nature ». Il n'y a donc aucun renoncement dans ce domaine et je ne comprends pas que ce terme ait pu être utilisé, dans la mesure où tous les engagements qui ont été pris seront tenus.
J'ajoute que les agences ont aujourd'hui délibéré positivement sur la proposition qui leur avait été faite et que le montant de 110 millions de francs qui a été évoqué n'est pas de nature - vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le rapporteur - à remettre en cause, compte tenu des sommes en présence, le financement global des agences.
Par ailleurs, le montant des redevances a été stabilisé et, par conséquent, il n'y aura pas - nous sommes effectivement tout à fait sensibles à la question - d'augmentation du prix de l'eau.
J'ajoute, enfin, que la création, décidée par le Gouvernement, d'un comité de l'eau destiné à assurer la transparence par comparaison entre les différents systèmes en place est précisément de nature à aller dans le sens de l'économie. Par conséquent, je crois que ce point ne soulève pas de difficulté particulière.
Quant aux crédits consacrés à la protection de la nature, ils sont globalement reconduits. Par conséquent, il n'y a pas non plus, dans ce domaine, de désengagement ou de renoncement de l'Etat.
A propos de Natura 2000, j'ai moi-même participé à de nombreuses réunions de concertation avec un certain nombre d'entre vous, avec les chasseurs, avec les agriculteurs, et j'ai donc parfaitement compris et le message que vous m'avez rappelé tout à l'heure et celui qui m'avait été adressé à l'époque et qui a conduit à la décision qu'a prise le Gouvernement.
Natura 2000 résulte d'une directive de 1992 qui s'est traduite, en droit interne, par un décret du 7 mai 1995. Ce décret, je l'ai trouvé lorsque je suis arrivée au ministère de l'environnement, et j'ai dû le « mettre en musique », ce qui n'avait pas été fait auparavant, alors même que nous aurions dû notifier à Bruxelles les sites concernés avant le mois de juin 1995.
J'ai en tout cas traité ce dossier avec un véritable souci de concertation, même si, j'en conviens très humblement, ladite concertation n'a pas merveilleusement réussi. Dès septembre 1995, j'ai ainsi pris une circulaire destinée à instaurer une consultation dès la période de l'inventaire. La concertation a bien fonctionné dans quelques régions et je suis moi-même allée diriger une réunion à Lyon, au mois d'octobre 1995, avec les élus et tous les gestionnaires de l'espace. Tout s'est très bien déroulé. Dans d'autres régions, je le reconnais, il n'y a eu strictement aucune concertation, mais la circulaire était néanmoins, sur ce point, tout à fait claire.
A partir d'avril 1996, date à laquelle la consultation a vraiment débuté, de nombreuses craintes circulaient à propos de ce qui pouvait apparaître comme un gel, même si Natura 2000 n'a jamais été une sanctuarisation de l'espace. Je crois donc que la décision qui a été prise - non pas de faire disparaître la directive, mais de la geler en attendant que nous obtenions de Bruxelles des réponses simples à des questions simples - était une bonne décision.
Nous sommes actuellement en cours de discussion à Bruxelles et mon souci, dans cette affaire, est d'obtenir des précisions à la fois sur les activités susceptibles d'être poursuivies dans ces zones - nous avons besoin d'être éclairés : c'est oui ou non - et sur les modes de gestion.
Je souhaite obtenir de la Commission un accord sur le fait que les zones Natura 2000 seront des zones contractualisées, c'est-à-dire des zones dans lesquelles il y aura non pas des contraintes réglementaires mais des accords de gestion de l'espace, un peu comme dans un parc naturel régional.
M. Alain Vasselle. Soyez ferme !
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement. Je le serai, monsieur le sénateur !
Par ailleurs, je souhaite que nous puissions notifier très progressivement nos zones. En effet, s'il est des zones dans lesquelles tout fonctionne assez bien - malgré le gel de la situation, la concertation, même informelle, s'est poursuivie - il en existe d'autres dans lesquelles les choses sont beaucoup plus difficiles.
Cela étant, Natura 2000 doit s'étendre jusqu'en 2004. J'ignore totalement, à ce jour - et je pense que nous sommes nombreux dans ce cas - quelle sera l'évolution de la politique communautaire, notamment dans le domaine agricole, en 2004. Par conséquent, je ne voudrais pas que, par une politique restrictive, nous en arrivions à exclure totalement un certain nombre de zones de notre territoire alors qu'elles pourraient être très contentes de pouvoir bénéficier en 2004 des aides versées aux zones Natura 2000.
Pour pouvoir laisser la porte de l'avenir ouverte, j'ai donc besoin d'obtenir l'assurance que nous pourrons notifier très progressivement nos zones, ce qui nous permettra de redémarrer, quand nous aurons la réponse, la concertation à la fois dans les parcs naturels régionaux - ce sont par définition des zones où la concertation se déroule bien - et dans les zones volontaires. Nous verrons ensuite ceux qui souhaiteront s'y joindre et ceux qui ne le souhaiteront pas.
Quoi qu'il en soit, la concertation est la condition sine qua non de la réussite de cette opération, qui peut, alors qu'elle était apparue comme une contrainte insupportable, devenir en réalité une chance de gestion pour ces territoires.
J'ai été étonnée, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous entendre dire que le budget des parcs naturels régionaux subissait une diminution de 30 %. Les moyens de fonctionnement de ces parcs connaissent une augmentation de 3,5 %. Certes, il y a également la loi commune sur l'investissement en ce qui concerne l'étalement d'un an des contrats de plan Etat-région pour la partie investissement, mais il n'y a là, naturellement, aucun renoncement. Le Gouvernement aurait d'ailleurs été particulièrement malvenu de pratiquer le renoncement lorsque l'on sait que les politiques des parcs naturels nationaux sont par définition des exemples de politique de développement durable et des exemples de lieux où l'on crée des emplois.
J'ai financé une étude pour connaître précisément les incidences des politiques des parcs naturels régionaux en termes d'emplois. On dénombrait, en 1994, vingt-neuf parcs naturels régionaux ; ils sont, aujourd'hui, trente-deux, et ils ont permis de créer 800 emplois induits.
Cela signifie qu'une série de petits commerces, de petites activités de loisirs et d'activités liées au tourisme vivent et créent des emplois pérennes grâce à l'existence des parcs naturels régionaux. Autrement dit, par une même politique, on aboutit à faire du développement économique, de la protection de l'environnement et des créations d'emplois. On ne peut pas rêver mieux et ces politiques doivent naturellement être accompagnées.
En ce qui concerne le conservatoire du littoral, les moyens ont été globalement conservés, et c'est essentiel dans la mesure où, effectivement, la politique de cet organisme est tout à fait exemplaire.
J'ajoute que le décret d'application de la loi qui a été votée l'an dernier autorisant une dation en paiement au bénéfice du conservatoire du littoral vient d'être publié. Cette disposition vient s'ajouter et non pas, bien sûr, se substituer aux crédits budgétaires. Le conservatoire du littoral pourra donc, dorénavant, disposer de biens qui lui seront donnés en dation. C'est là une mesure qui marque une fois encore toute l'importance que le Gouvernement attache à l'action exemplaire menée par le conservatoire du littoral.
En ce qui concerne la régulation des espèces, je suis prête à examiner, comme vous me l'avez suggéré, des mesures de déconcentration, ainsi que nous l'avons fait, très simplement, pour le cormoran. Effectivement, nous devons avoir le souci de maintenir l'équilibre lorsque ce dernier est, à quelque titre que ce soit, rompu, les mesures adaptées doivent être prises, car une politique de l'environnement ne se justifie que par l'équilibre de l'écosystème.
Enfin, j'ai été très sensible à la suggestion qui m'a été faite au sujet de l'éthique de la chasse. Pour ma part, je suis prête à étudier cette bonne question, qui répondrait effectivement, peut-être par anticipation, à un certain nombre d'exigences nouvelles que nos concitoyens pourraient être conduits à avoir.
En ce qui concerne les emplois, j'évoquerai d'abord les emplois publics du ministère de l'environnement.
Il y a stabilité dans l'administration centrale - M. le rapporteur a bien voulu le souligner - et un effort a été réalisé en faveur des services déconcentrés, notamment dans les DIREN qui, comme vous le savez, sont les plus jeunes directions de l'administration française et qui ont donc, par définition, besoin d'être renforcées.
Je suis extrêmement attachée à la politique des « emplois verts ». Si le budget correspondant n'apparaissait pas dans mon budget l'année dernière, il n'y apparaît pas plus cette année, pour la bonne et simple raison que ce budget est géré par le ministère des affaires sociales.
L'année dernière, les « emplois verts » avaient bénéficié de 35 millions de francs. A défaut de pouvoir vous indiquer la somme qui leur sera consacrée cette année, je puis vous assurer que je suis en discussion avec M. Barrot pour que cette politique puisse être poursuivie. En effet, elle constitue, comme l'un d'entre vous l'a rappelé tout à l'heure, un levier tout à fait important dans le domaine de l'emploi.
Le secteur de l'environnement devient - c'est un souci que nous devons avoir à l'esprit - un secteur économique à part entière. Les entreprises ont ainsi créé, cette année, environ 13 500 emplois dans le domaine des éco-industries. Ce chiffre est, convenons-en, tout à fait considérable et ce secteur est en croissance de 3 à 4 % l'an, y compris dans les années que nous venons de traverser.
Ce secteur économique, qui devient de plus en plus important dans l'organisation de notre vie économique, représente aujourd'hui environ 450 000 emplois, ce qui n'est nullement négligeable. Il exporte bien, notamment dans le domaine de l'eau et des déchets, grâce, en particulier, aux efforts faits par les collectivités locales, il faut le reconnaître.
Ce secteur permet incontestablement à nos entreprises d'être très présentes sur les marchés internationaux. Je puis en témoigner car, au cours des voyages que j'ai pu accomplir à l'étranger, j'ai emmené des chefs d'entreprise français avec moi et je puis dire qu'ils ont remporté de très nombreux marchés à l'exportation. Il serait d'ailleurs important de développer maintenant d'autres secteurs que l'eau et les déchets. Je pense à l'air, au sol et l'aménagement de l'espace. Dans le domaine des emplois du secteur productif, c'est incontestablement l'un des secteurs économiques qui va continuer à se développer dans les années qui viennent. Il faut avoir cette circonstance présente à l'esprit dans le contexte actuel.
J'évoquerai d'un mot le sujet du bruit.
L'arrêté concernant le bruit des infrastructures ferroviaires va être publié très prochainement puisque nous sommes arrivés, sur ce point, à trouver une solution avec la SNCF. Cela permettra, je pense, d'apporter beaucoup de satisfactions à nos concitoyens, qui attachent une très grande importance au bruit.
En ce qui concerne l'air, je ne dirai pas grand-chose, mesdames, messieurs les sénateurs, car j'ai conscience d'avoir beaucoup occupé votre temps avec la loi en cours d'élaboration. Même s'il ne s'agit pas de redéploiement budgétaire, c'est la base de mon budget qui a été augmentée en 1997 pour permettre le financement des réseaux. Cela doit être souligné, car ce n'est pas tout à fait la même chose. Autrement dit, je n'ai pas déshabillé Paul pour habiller Pierre ! Ce sont bien des fonds nouveaux qui sont accordés au ministère de l'environnement pour traiter de cette question nouvelle, dont nos concitoyens considèrent qu'elle est effectivement une priorité.
S'agissant des établissements publics, monsieur Richert, il n'est pas question pour le ministère de l'environnement de ne pas continuer à travailler, comme il l'a toujours fait, avec l'ADEME ; du reste, comme je m'y étais engagée, les crédits de la loi sur l'air ont transité par l'ADEME pour l'acquisition de tous les matériels, ne serait-ce que pour faire des économies et acheter en masse les équipements qui étaient nécessaires pour l'ensemble de nos réseaux de mesure.
Par conséquent, il n'y a, bien sûr, de la part du Gouvernement, aucune volonté directe ou indirecte, implicite ou explicite de gêner le moins du monde l'ADEME. Simplement, nous faisons des efforts et il est logique que tous les établissements publics en fassent aussi.
Sur le plan international, j'ai rendu publiques, hier, les performances françaises telles qu'elles sont évaluées par l'OCDE. Nous ne sommes peut-être pas très bons en communication, et certains nous le reprochent, mais, s'il existe un domaine qui va bien, c'est incontestablement celui de l'aide internationale. La France tient ses engagements et les efforts qu'elle réalise dans le domaine de l'aide et de la coopération en matière d'environnement sont tout à fait considérables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l'aube de ce mois de décembre au cours duquel vont se tenir les assises nationales du développement durable, le budget que j'ai l'honneur de vous présenter montre effectivement très clairement l'attachement du Gouvernement à une politique du développement durable. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Madame le ministre, je vous remercie de votre concision.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'environnement et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 16 382 353 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre IV, 22 655 250 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 221 908 000 francs ;
« Crédits de paiement, 89 487 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme, 578 850 000 francs ;
« Crédits de paiement, 277 346 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)