M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 1997 sera, pour le secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, la première année prenant totalement en compte les conséquences financières de la réforme entreprise en 1995 et entrée en application cette année. Ainsi, les crédits demandés pour 1997, qui se chiffrent à 140,502 millions de francs, subissent une baisse légitime de 30 % par rapport aux crédits votés pour 1996, qui s'élevaient à 201 millions de francs.
La réforme ayant entraîné une forte réduction des effectifs ainsi qu'une diminution sensible des besoins de fonctionnement, l'évolution du budget du secrétariat général de la défense nationale se traduit par une forte diminution tant des dépenses ordinaires que des dépenses d'investissement.
Les dépenses ordinaires, qui se limitent aux moyens des services du titre III, diminuent de 31,4 %. Cette évolution résulte du recentrage des activités du SGDN et de la réduction de ses effectifs, dont le nombre passe de 503 à 236.
Les crédits de rémunération passent ainsi de 91,3 millions de francs à 49,2 millions de francs ; ils sont en diminution de 46,2 %, mais seulement de 18,5 % si l'on tient compte du transfert de 180 emplois du centre de transmissions gouvernemental, le CTG, au ministère de la défense. Les charges sociales diminuent en conséquence.
La charge budgétaire du fonctionnement du CTG reste cependant affectée au SGDN. La régression des moyens destinés au matériel et au fonctionnement des services est donc moins importante : ces moyens s'élèvent à 53,1 millions de francs, soit une diminution de 5,8 %.
Compte tenu de la diminution des effectifs, le niveau des crédits informatiques devrait permettre de poursuivre l'amélioration de l'équipement des services, notamment en direction de l'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN. Quant au CTG, il bénéficie d'un doublement de ses moyens de fonctionnement.
Les crédits demandés pour les dépenses en capital atteignent 30,6 millions de francs, tant en crédits de paiement qu'en autorisations de programme, ce qui représente une diminution d'environ 25 %. Cette baisse des crédits concerne uniquement le programme civil de défense.
Le fascicule budgétaire du secrétariat général de la défense nationale se compose de deux agrégats.
Le premier, « administration générale », regroupe les crédits du SGDN, de l'IHEDN et du CTG.
Pour le SGDN, les économies réalisées se traduisent par un montant de crédits de 95 millions de francs pour 1997, après 114 millions de francs en 1996, soit une diminution de près de 17 %.
L'évolution des crédits du CTG devrait lui permettre la poursuite du plan quinquennal de modernisation des moyens informatiques.
Enfin, malgré l'intégration de la mission pour l'enseignement et les études de défense dans ses attributions et dépenses, l'IHEDN voit ses crédits, uniquement, destinés à des dépenses ordinaires, diminuer de 7 %.
Certes, l'institut sera transformé en établissement public administratif, en 1997, et disposera ainsi d'une autonomie de gestion. Toutefois, les moyens qui lui sont attribués pour 1997 lui permettront difficilement d'assurer la transition et de poursuivre son développement. Cette ouverture a pourtant permis de toucher 534 auditeurs supplémentaires, pour un total annuel de 12 569 journées-auditeurs.
Il convient cependant de souligner que les moyens de fonctionnement en provenance du SGDN ne couvrent qu'une part minimale des dépenses de l'institut. En effet, le ministère de la défense met à la disposition de l'IHEDN quatre-vingt-deux militaires ou fonctionnaires civils et assure sur ses crédits un grand nombre de déplacements. Le coût budgétaire réel de l'institut est ainsi estimé à 35 millions de francs.
Les moyens du second agrégat « actions de coordination interministérielles de défense », afférents au programme civil de défense, recouvrent, pour les dépenses ordinaires, les moyens nécessaires à la formation et à l'information dans les domaines de défense et de protection civile pour 1,41 milliard de francs, en 1997, soit une diminution de 16,6 %.
Pour les dépenses en capital, la diminution résulte de la concentration des interventions sur cinq opérations majeures : la rénovation du réseau d'alerte des populations ; la poursuite de l'installation du réseau téléphonique protégé Rimbaud ; l'informatisation des données économiques nécessaires à la défense par le réseau DEMETER ; les moyens d'intervention contre les actes terroristes ; enfin, le financement de postes sanitaires mobiles.
Par ailleurs, si je me suis abstenu de faire intervenir dans mes commentaires les annulations de crédits en cours d'exercice, votre rapporteur spécial ne peut que s'inquiéter de leur application stricte à un budget aussi modeste. Il serait ainsi regrettable que le SGDN, après avoir innové en matière de réforme de l'Etat, soit, en fin de compte, victime de la discipline financière qu'il s'est imposée.
L'effort budgétaire destiné, en 1997, à la défense civile de la nation comprend non seulement les crédits affectés au SGDN, mais également ceux que les ministères civils lui consacrent et qui sont récapitulés dans le « jaune ».
Dans ce document, deux types de dépenses sont distinguées : d'une part, celles qui permettent d'assurer la continuité de l'action gouvernementale et le maintien de l'ordre public, qui représentent les deux tiers de l'ensemble, et, d'autre part, celles qui concourent à la protection des populations et à la défense économique.
Compte tenu de l'importance de ces crédits, qui s'élèveront, en 1997, à 8 212 millions de francs, une redéfinition tant des missions que des responsabilités en la matière serait peut-être opportune.
Je terminerai mon propos en évoquant la réforme du SGDN, aujourd'hui quasiment achevée sous l'impulsion de son secrétaire général M. Jean Picq et qui, je vous le rappelle, avait comme objectif majeur le recentrage de la mission d'assistance du Premier ministre dans les responsabilités de direction générale de la défense et de secrétariat interministériel.
Au terme de cette réforme, dont l'exemplarité mérite d'être soulignée, les effectifs ne seront plus que de cent quarante-six personnes. Le SGDN possède, d'ores et déjà, une organisation en cinq pôles majeurs plus légère et plus souple. Il travaille en équipes moins hiérarchisées et très décloisonnées, composées de personnels de cultures différentes.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Michel Sergent, rapporteur spécial. Enfin, son activité est également marquée par la relance, depuis plus d'un an, des conseils de défense, dont il assure le secrétariat.
En conclusion, compte tenu du recul nécessaire pour juger des résultats de la pleine application de cette réforme, qui n'est entrée en vigueur que cette année, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, l'adoption des crédits du SGDN. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée le 5 novembre 1996, la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la fin de la confrontation des blocs et dans un monde largement internationalisé où la vitesse de circulation des informations constitue un facteur essentiel pour l'indépendance et la souveraineté des nations, je souhaite vous parler cette année d'« intelligence économique » telle que les derniers entretiens « Armement et sécurité », organisés par l'association des auditeurs du Centre des hautes études de l'armement, ont pu l'évoquer au cours de leurs travaux. J'évoquerai également l'Institut des hautes études de la défense nationale.
Comprendre le monde qui nous entoure devient peu aisé, aussi bien pour les Etats que pour les entreprises, confrontées à la concurrence internationale. C'est pourquoi l'information constitue aujourd'hui un nouvel enjeu stratégique. Abondamment disponible, son acquisition n'est pas un obstacle. En revanche, son traitement et son utilisation à des fins stratégiques relèvent d'un art nouveau avec lequel la France semble encore peu familiarisée.
Selon le rapport du délégué général de l'armement, l'intelligence économique doit être entendue comme « l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l'entreprise, dans les meilleures conditions de qualité, de délais et de coût ».
Mes chers collègues, la guerre existe, mais elle est avant tout de nature économique. Comme en temps de guerre, la recherche du renseignement, sa collecte, sa centralisation et sa redistribution coordonnées sont absolument capitales pour la survie économique d'une nation ou d'un groupe de nations. Il en va de même pour la protection de notre outil industriel de haute technologie à caractère stratégique.
Or, monsieur le ministre, mes chers collègues, des transferts de technologie hautement stratégique se font chaque jour à notre insu parce que l'Europe est devenue une véritable passoire et que des intérêts contradictoires s'y développent, au grand bonheur de nos principaux rivaux ou adversaires commerciaux, non seulement les Américains et les Japonais, mais également les Chinois et les Coréens.
Je citerai, à titre d'exemple, la vente récemment projetée de Thomson Multimédia à l'entreprise Daewoo : elle est inquiétante parce que des pans entiers de la recherche française dans ce domaine seraient ainsi transférés aux Coréens, qui sont déjà - ils le seront plus encore demain - des rivaux économiques.
Il est donc « urgentissime », pour les pays qui veulent préserver leur potentiel économique, de venir en aide à leurs entreprises afin de rétablir l'égalité des chances entre celles-ci et la concurrence internationale.
Les Américains ne s'y sont pas trompés, qui ont su, sous l'administration Clinton, mettre en place le National Economical Council , le NEC, pour coordonner l'ensemble des actions de tous les départements ministériels dans le domaine économique à caractère stratégique.
De ce point de vue, il me semble que le renseignement français n'occupe pas la place qui conviendrait au contexte actuel. Les entreprises françaises comme les pouvoirs publics ne sont pas encore assez sensibilisés aux enjeux de l'intelligence économique, même si certaines initiatives ont récemment vu le jour.
C'est pourquoi il me paraîtrait extrêmement opportun que le secrétariat général de la défense nationale devienne le pivot national pour mener à bien une réflexion globale sur l'intelligence économique, quitte à ce que, par la suite, il revienne à d'autres organismes la charge d'exercer un suivi de ce qui pourrait devenir une sorte de conseil national du renseignement, que le Président de la République pourrait lui-même présider.
Le pays doit prendre conscience que la défense de la compétitivité et de l'emploi passe nécessairement, aujourd'hui, par une gestion stratégique de l'information. C'est aussi une question de volonté politique. Puisse ce message être entendu, monsieur le ministre !
Enfin, je conclurai sur le devenir de l'Institut des hautes études de la défense nationale, qui, l'année prochaine, sera doté d'un statut d'établissement public. J'ai pu noter, non sans inquiétude, le ton particulièrement sévère de la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui a mis en cause les modalités de fonctionnement de cet organisme. Tel n'est pas le cas - et c'est heureux - dans le rapport de notre collègue M. Sergent.
Que cache cette offensive, monsieur le ministre ?
Si, selon toute vraisemblance, l'option de suppression du service national de conscription était confirmée, il faudra se souvenir que l'IHEDN est aujourd'hui l'une de nos rares institutions à cultiver l'esprit de défense et un lieu de rencontre entre les armées et la société civile. Je souhaite vivement que cela demeure et soit même renforcé.
A ce titre, il conviendra non pas de mettre en cause l'IHEDN, mais d'amplifier ses missions, notamment envers les organismes de jeunesse et nos jeunes concitoyens, et de lui attribuer les crédits nécessaires, à commencer par le maintien des dotations parlementaires. Veillons à ne pas casser une institution hautement utile pour la nation. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que les travées du groupe socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Lanier.
M. Lucien Lanier. L'examen du projet de budget pour 1997 du secrétariat général de la défense nationale s'inscrit dans le cadre de réformes profondes, qui sont en cours pour l'organisation et les missions du secrétariat général et qui sont actuellement à l'étude, s'agissant de l'Institut des hautes études de la défense nationale, organisme qui lui est rattaché.
La défense nationale, telle que la définissait le général de Gaulle, c'est d'abord un état d'esprit de la nation, mais c'est aussi une organisation.
En la modernisant, on a voulu que cette organisation réponde à son temps, aux besoins réels que l'on peut en attendre.
La réforme du SGDN est aujourd'hui accomplie. Son objet était de recentrer sa mission première, à savoir assister le Premier ministre dans la coordination interministérielle des problèmes de défense, relayer l'information à cet égard et assurer le secrétariat du comité interministériel du renseignement.
Ainsi que l'indique clairement l'excellent rapport de notre collègue Michel Sergent, le SGDN est désormais en mesure d'assurer trois fonctions essentielles auprès du Premier ministre : d'abord, permettre la cohérence de l'action « défense » du Gouvernement en préparant des synthèses préludant aux arbitrages ; ensuite, contribuer à la sécurité et à la protection des intérêts essentiels de la nation ; enfin, apporter, par des études prospectives, une vision d'avenir.
Doté d'une organisation plus légère et plus souple, le SGDN s'est engagé dans un loyal programme d'économies en présentant un budget particulièrement resserré. Les crédits demandés pour 1997 s'élèvent à 140 502 000 francs, soit une baisse de 30,16 % par rapport à 1996. Cette diminution, nous l'avons vu, est logique, mais elle est spectaculaire. Cependant, la loyauté ne devrait en aucun cas être victime d'elle-même et brider les aspects indispensables de la mission du SGDN, qu'il s'agisse de la sécurité et du renseignement, mais aussi de la compétitivité économique, où le rôle moteur du secrétariat général mérite d'être renforcé afin d'améliorer son efficacité dans la coordination de l'« intelligence économique ».
L'Institut des hautes études de la défense nationale, dont une part des crédits figurent sur les chapitres budgétaires du SGDN, fait également l'objet d'une réforme qui doit, en 1997, le transformer en établissement public administratif, ce que l'excellent rapporteur spécial de la commission des finances considère comme une transformation plus compatible avec la vocation de cet institut. Cependant, les crédits qui le concernent pour 1997 s'élèvent à 7,1 millions de francs, soit une diminution de près de 7 % par rapport à l'an dernier.
On doit sans doute considérer qu'il s'agit là d'un budget de transition en attendant que soit défini par les textes qui sont actuellement à l'étude le visage du futur établissement public.
Quoi qu'il en soit, M. le rapporteur spécial se déclare lui-même perplexe quant à la capacité laissée à l'Institut de poursuivre la mise en oeuvre du programme d'ouverture et de développement que lui recommandent les plus hautes autorités de l'Etat.
Soulignons en effet le rôle essentiel joué par l'Institut dans la sensibilisation du plus large public, notamment les jeunes, à l'esprit de défense.
L'IHEDN doit, surtout après sa prochaine transformation, demeurer un laboratoire de réflexion prospective autant qu'un outil d'information indispensable à la défense nationale.
Certes, les crédits consacrés au secrétariat général de la défense nationale sont en forte diminution. Attendons cependant des réformes engagées qu'elles apparaissent salutaires et bénéfiques. Toute notre confiance va donc à ceux qui ont la lourde responsabilité de les appliquer et de les mener à bien.
C'est pourquoi le groupe du RPR votera le projet de budget du secrétariat général de la défense nationale tel que le présente le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Rocard.
M. Michel Rocard. Monsieur le ministre, l'examen du projet de budget du secrétariat général de la défense nationale a fait naître en moi une inquiétude lourde sur les conditions dans lesquelles est actuellement remplie une mission indispensable à la République, celle de la coordination des services de renseignement.
Je comprends, monsieur le ministre, l'esprit de la réforme de 1995, et j'en approuve assez largement l'intention, qui était d'éviter la dérive vers une administration classique ayant vocation à proliférer dans l'exécution de ses missions propres, loi de Parkinson aidant, pour ramener le SGDN à sa vraie vocation qui est une vocation de coordination interministérielle.
Au sens strict, c'est sûr, cette mission appelle plutôt, en fonction de leur importance, le renforcement des divers services qu'il coordonne, plutôt que celui des siens propres. Il reste que nous consacrons au renseignement quatre fois moins d'argent que nos voisins britanniques, trois fois moins que les Allemands et quinze fois moins que les Américains, ce qui ne correspond pas au rapport de population et souligne une faiblesse permanente de la République. Toutefois, ce n'est pas l'enjeu du seul budget du SGDN. Je n'en parle, hélas ! pas plus, bien que cela soit décisif.
Je n'ai donc pas d'objection de principe, vous l'avez compris, monsieur le ministre, au mouvement budgétaire que ce service subit cette année, sauf à attirer votre attention sur une de ses conséquences.
Le résultat de la réforme est en effet - M. Lanier vient de le dire, citant même le chiffre - une réduction des crédits de 1997 par rapport à 1996 d'à peu près 30 %. C'est beaucoup !
Nous savons tous l'importance qui s'attache à une meilleure gestion des deniers publics et à une réduction des déficits publics. J'ai moi-même serré les boulons, partout où je pouvais. Vous avez dû être heureux, monsieur le ministre, d'enregistrer une telle baisse, qui vous donnait quelques maigres marges de liberté dont vous aviez sûrement l'ample usage par ailleurs.
Cependant, vous en conviendrez, monsieur le ministre, une baisse de cette ampleur, si elle est mal ou insuffisamment justifiée, a de quoi convaincre le service en cause qu'il ne sert à rien et qu'il a perdu le respect conjoint du Gouvernement, qui évalue ses besoins, et du Parlement qui les vote. Convenez avec moi que ce risque est grand puisque, à ma connaissance, peu de services de la puissance publique subissent, dans le projet de budget pour 1997, une amputation aussi importante, amputation dont, encore une fois, je n' ai pas contesté le principe.
La réponse est, à l'évidence, dans l'accent que le Gouvernement saura mettre sur l'importance des missions du service telles qu'elles seront redéfinies au terme de la réforme.
Les intitulés des cinq pôles autour desquels s'organise dorénavant l'activité du service peuvent vous y aider. Défense et nation, affaires internationales et stratégiques, affaires juridiques et européennes, économie et défense, technologie et transferts sensibles définissent chacun, par leur intitulé même, des responsabilités de première importance autour desquelles on peut mobiliser l'enthousiasme d'agents dévoués - et vous n'en manquez pas dans votre entourage !
Je suis cependant quelque peu surpris, monsieur le ministre, de ne pas retrouver dans l'intitulé plus détaillé des missions des cinq pôles la tâche de coordination des services de renseignement, qui incombe au SGDN et demeure fort importante à mes yeux.
M. Lanier, à l'instant, vient d'y faire allusion dans son intervention à la tribune, mais cette allusion doit beaucoup à son sens de l'Etat et à sa connaissance des rouages, et peu au texte, vous en conviendrez sans doute avec moi. (M. le ministre fait un signe d'assentiment.) Je note un hochement de tête approbateur.
Tout à l'heure M. Loridant évoquait l'une de ces tâches, avec juste raison : elle n'est pas non plus mentionnée dans les textes principaux.
S'agissant de celle-là, je comprends fort bien qu'il convient de ne pas trop y insister et j'accepte que l'on se soit finalement arrêté à ne point la mentionner explicitement dans les missions du service. Nous sommes dans le délicat. Je ne vous fais donc pas grief, monsieur le ministre, de cette omission.
Mais alors de deux choses l'une : ou bien la mission a disparu, ou bien elle continue d'exister et d'être exécutée. Et si elle continue d'exister et d'être exécutée, elle n'en relève pas moins du contrôle parlementaire.
Pour des raisons que je n'ai pas le temps de rappeler ici - je le regrette, car elles sont porteuses d'enseignement en ce qui concerne le sens de l'Etat -, il m'a été donné, monsieur le ministre, de saisir le Président de la République de l'époque, d'obtenir son accord et de décider par décret, le 20 avril 1989, du réveil, en fait : du renouvellement, du comité interministériel du renseignement. Ce décret charge le secrétariat général de la défense nationale d'assurer le secrétariat du comité interministériel du renseignement.
Vous avez sûrement, monsieur le ministre, et tout le Gouvernement à vos côtés, M. le Premier ministre en tête, entendu parler de la guerre des polices. Elle sévissait, là aussi. Trop longtemps, nos services, faute de volonté gouvernementale claire et de procédures correctes, avaient été conduits à protéger, chacun, leur territoire, dans une parfaite méconnaissance de l'existence et des missions des autres, voire dans une franche hostilité. Nous étions devenus ridicules devant la communauté internationale du renseignement.
Une coordination permanente, la responsabilité donnée au secrétariat général de la défense nationale de faire en sorte que l'autorité gouvernementale soit saisie non pas de faits bruts non analysés, mais, au contraire, de synthèses élaborées à la lumière des sources différentes de chacun des services et d'un traitement adéquat de leurs éventuelles contradictions, tout cela a radicalement changé les conditions de travail de tous ces services et la qualité de leur coopération, en même temps, vous le comprenez, que la qualité de l'information de l'Etat.
Il s'agit ici explicitement de la direction de la sûreté du territoire, de la direction générale de la sûreté extérieure et de la direction de la protection du secret défense, l'ancienne sûreté militaire, rassemblées dans un groupe permanent qui fonctionne auprès du comité interministériel du renseignement sous l'autorité coordinatrice du secrétariat général de la défense nationale. Cher collègue Loridant, le conseil du renseignement dont vous rêviez à l'instant à la tribune a son amorce là.
M. le président. Monsieur Rocard, je vous prie de conclure.
M. Michel Rocard. Monsieur le président, j'ai presque terminé.
Qui plus est, après l'élaboration, sous l'impulsion du général de Gaulle, du plan de renseignement de 1963, la République est restée sans définition claire de ses priorités en matière de recherche de renseignement jusqu'en 1989. Chaque service collectait au petit bonheur la chance les informations qui lui paraissaient dignes d'intérêt.
Monsieur le ministre, le deuxième plan de renseignement lancé en 1989 a introduit l'intelligence économique dans les responsabilités de la République. Il a érigé le principe selon lequel chaque ministère compétent, fût-ce ceux qui n'avaient jamais entendu parlé de ces tâches - l'industrie, la recherche et même les finances - dirigeait la coordination interservices pour la mission qui le concernait.
Nous attendons de vous, monsieur le ministre, dans le silence des textes, silence que nous comprenons, mais dans la responsabilité parlementaire, que vous nous disiez si le SGDN, appauvri en crédits, continue d'assumer cette mission, si le troisième plan de renseignement de la République a bien été élaboré et suivi d'exécution, si le quatrième est en cours d'élaboration et, enfin, si, devant ces situations, la pérennité de la mission de coordination des services de renseignement continue d'être assurée, comme cela est indispensable. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel. Peut-on répondre publiquement sur le renseignement ? (Sourires.)
M. le président. Vous n'êtes pas encore au banc du Gouvernement, monsieur Hamel ! (Nouveaux sourires.)
La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier très vivement M. Sergent, rapporteur spécial, pour son excellent travail, que nous avons tous apprécié.
Le SGDN a connu, en 1996, une année exceptionnelle qui a vu l'achèvement de l'importante réforme engagée à la fin de 1995, comme l'a souligné M. le rapporteur spécial.
Ainsi que l'avait souhaité M. le Premier ministre, la réforme devait fortement modifier les structures et le fonctionnement du SGDN pour en faire une instance d'impulsion et de préparation d'arbitrage gouvernemental.
Les effectifs du secrétariat général de la défense nationale ont donc été resserrés. Avec un effectif de 150 permanents, le SGDN rénové a réduit ses effectifs de moitié et il a par ailleurs revu son organisation interne avec la création de deux nouveaux pôles de compétence concernant l'économie de défense et les questions juridiques.
Les activités annexes, qui, au fil du temps, s'étaient développées et avaient érigé le SGDN en un centre autonome de compétence, ont été transférées à d'autres ministères, notamment aux ministères de la défense et de l'intérieur. Ainsi, cent quatre-vingts emplois du centre de transmissions gouvernemental ont été transférés au budget du ministère de la défense. C'est ce qui explique la baisse des crédits de ce centre.
Près de soixante-dix militaires ont été remis à la disposition du ministère de la défense ; une vingtaine de contractuels ont poursuivi leur activité dans cette matière.
Cette réforme, enfin, a été réalisée dans des délais très courts : lancée en juillet 1995, adoptée en septembre, elle a été effective au 1er janvier 1996.
Au cours de cette période, le SGDN a cependant connu une activité soutenue, tant dans ses fonctions de secrétariat interministériel, c'est-à-dire comme médiateur, que dans celles qui sont liées à l'anticipation des événements, c'est-à-dire comme veilleur.
En tant que médiateur, le SGDN a accompagné les grandes réformes qui ont concerné la défense en France.
A travers six conseils de défense et, notamment, l'élaboration d'une loi de programmation, il a permis à la concertation interministérielle de bien fonctionner malgré de lourdes contraintes de calendrier. La réforme du service national a été, elle-même, précédée de nombreux travaux de réflexion, puis de concertation, menés au SGDN.
Le SGDN a aussi innové dans deux domaines fondamentaux. Sur la question des relations internationales et particulièrement la place de la France au sein de l'OTAN, il a, sur mandat donné par le Premier ministre, assuré une longue coopération interministérielle prenant des formes variées, qui a contribué à éclairer les décisions devant être prises par les plus hautes autorités de l'Etat. Il a ainsi retrouvé un rôle que le texte de 1978 lui donnait dans cette matière.
MM. Loridant, Lanier et Rocard ont souligné l'importance de l'« intelligence économique ». Je puis vous indiquer qu'à la demande de Jean Arthuis le SGDN anime un groupe de travail d'une quinzaine de directeurs d'administration centrale sur ce thème. Il participera à la mise en oeuvre, notamment dans leur aspect interministériel, des actions concrètes qui découlent des orientations arrêtées par le Premier ministre.
La suppression de la délégation à la sécurité des systèmes d'information et le rattachement du service central de la sécurité des systèmes d'information, le SCSSI, au SGDN ont ouvert, en outre, un nouveau domaine de compétence dans un secteur qui est à la fois très complexe et essentiel pour la sécurité du pays et la protection des informations sensibles.
Avec un effectif réduit de moitié et une structure profondément remaniée, le SGDN est ainsi mieux en mesure de jouer le rôle de secrétariat interministériel qu'on attend de lui.
Le projet de budget pour 1997 enregistre les conséquences de la réforme.
C'est tout d'abord un budget en forte réduction : il sera de 140 millions de francs, en 1997, alors qu'il s'élevait à 228 millions de francs, voilà deux ans, et à 201 millions de francs en 1996.
Avec 23,6 millions de francs, le programme civil de défense connaît une très sensible diminution de plus de 30 %. Il s'agit là de la volonté de recentrage de ces activités sur des actions significatives.
En revanche, les crédits concernant le renseignement et ceux qui sont liés aux investissements du centre de transmissions gouvernemental ont été maintenus.
Il faut enfin noter - je réponds là à M. le rapporteur spécial ainsi qu'à MM. Loridant et Lanier - que la démarche de transformation de l'IHEDN en établissement public administratif est désormais bien avancée. Cette réforme doit donner à cet institut une autonomie et une responsabilité à la mesure des missions essentielles que la réforme de la défense ouvre pour lui. Il ne s'agit pas, monsieur Loridant, de remettre en cause l'IHEDN, bien au contraire.
M. le rapporteur spécial s'est également inquiété de l'évolution des moyens de fonctionnement de l'institut. Je voudrais à cet égard lui communiquer quelques chiffres.
Tout d'abord, abstraction faite des crédits supplémentaires accordés à l'IHEDN, à la demande du Parlement, lors du vote du projet de loi de finances pour 1996, les moyens de fonctionnement de l'institut augmenteront, en 1997, de 12,5 %. En intégrant les crédits d'indemnité, le taux de progression passe à 16 %. Si l'on prend comme base de référence l'année 1994, enfin, le total des moyens de l'institut progresse de 37 %, hors réserve parlementaire.
En prenant en compte la réserve parlementaire, on observe effectivement une diminution de 6,8 % ; mais par rapport à 1994, l'augmentation est donc de 17 %.
En cette période de rigueur budgétaire, le Gouvernement ne pouvait en aucun cas faire plus de sa propre initiative.
Je voudrais également indiquer à M. Michel Rocard que les crédits du centre interministériel du renseignement ne diminuent pas, en 1997. L'action de ce centre est même confortée par un développement important de la mission « intelligence économique » qu'il a louée à juste titre.
Je répéterai donc, pour le rassurer, que la baisse des crédits provient en grande partie non pas d'une réduction éventuelle des actions, mais d'un transfert des crédits de personnel du centre de transmissions gouvernemental, à savoir cent quatre-vingts personnes, au budget du ministère de la défense.
Le comité interministériel du renseignement établit le plan national du renseignement en collaboration avec l'ensemble des services du renseignement. C'est un document capital pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, moins 48 426 035 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme, 28 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 8 324 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)