M. le président. « Art. 94. - I. - L'article L. 351-24 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-24. - Peuvent bénéficier des droits ouverts aux articles L. 161-1 et L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale les demandeurs d'emploi indemnisés, les demandeurs d'emploi non indemnisés inscrits plus de six mois au cours des dix-huit derniers mois et les bénéficiaires de l'allocation du revenu minimum d'insertion qui créent ou reprennent une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous forme d'une société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou qui entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les conditions d'accès au bénéfice des droits mentionnés au premier alinéa du présent article, en fonction des caractéristiques du projet de création ou de reprise d'entreprise, notamment sa réalité, sa consistance et sa viabilité, compte tenu de l'environnement économique local.
« Dans le cas où l'intéressé est à nouveau inscrit à l'Agence nationale pour l'emploi, il retrouve le bénéfice des droits qu'il avait acquis en sa qualité de demandeur d'emploi, à la date de l'attribution des droits visés au premier alinéa du présent article.
« L'Etat peut participer par convention au financement des actions de conseil ou de formation à la gestion d'entreprise qui sont organisées avant la création ou la reprise d'entreprise et pendant une année après.
« Un décret fixe annuellement le nombre de bénéficiaires des droits visés au premier alinéa du présent article.
« Le présent article est applicable aux demandes déposées à compter du 1er janvier 1997. »
« II. - Les personnes admises au bénéfice des dispositions de l'article L. 351-24 du code du travail qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique prévue à l'article L. 351-10 du même code reçoivent une aide de l'Etat d'un montant égal à celui de l'allocation de solidarité spécifique à taux plein.
« Cette aide est versée mensuellement, pour une durée de six mois, à compter de la date de création ou de la reprise d'entreprise.
« III. - Le deuxième alinéa de l'article premier de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi est complété par les mots : " ainsi que ceux de l'aide visée au II de l'article 94 de la loi de finances pour 1997 (n° du ) ". »
Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-6, présenté par MM. Huguet, Delfau, Mazars et les membres du groupe socialiste et apparentés, et l'amendement n° II-13, déposé par Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, sont identiques.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
Par amendement n° II-24 rectifié, M. Hamel, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi le premier alinéa du texte présenté par l'article 94 pour l'article L. 351-24 du code du travail :
« L'Etat peut accorder les droits visés à l'article L.161-1 et L.161-1-1 du code de la sécurité sociale aux demandeurs d'emploi indemnisés, aux demandeurs d'emploi non indemnisés inscrits plus de six mois au cours des dix-huit derniers mois et aux bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion, qui créent ou reprennent une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous la forme d'une société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou qui entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée. »
Par amendement n° II-10, M. Joly propose, dans le premier alinéa du texte présenté par le I de l'article 94 pour l'article L. 351-24 du code du travail, après les mots : « les demandeurs d'emploi non indemnisés inscrits », de supprimer les mots : « plus de six mois au cours des dix-huit derniers mois ».
L'amendement n° II-25, présenté par M. Hamel, au nom de la commission des finances, et l'amendement n° II-11, déposé par M. Joly, sont identiques.
Tous deux tendent à supprimer le cinquième alinéa du texte présenté par le I de l'article 94 pour l'article L. 351-24 du code du travail.
Par amendement n° II-26, M. Hamel, au nom de la commission des finances, propose de compléter l'article 94 par deux paragraphes nouveaux ainsi rédigés :
« IV. - Dans le premier alinéa de l'article L. 161-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "au 1°" sont remplacés par les mots : "au premier alinéa".
« V. - Dans le premier alinéa de l'article L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale, les mots : "au 2°" sont remplacés par les mots : "au premier alinéa". »
La parole est à M. Delfau, pour défendre l'amendement n° II-6.
M. Gérard Delfau. Le groupe socialiste propose de supprimer l'article 94, car il est résolument hostile à la disparition de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise, je parle évidemment de la prime et non de l'exonération - qui subsistait encore.
Cette suppression de l'aide nous paraît un contresens économique et une faute politique. Nous savons de surcroît, monsieur le ministre, qu'elle a été non pas « demandée » - c'est un euphémisme ! - par le ministère du travail, mais imposée par Bercy, contrairement à l'avis de tous ceux qui ont une quelconque connaissance de ce dossier.
Cette aide - faut-il le rappeler ? - date de 1979. Elle a été mise en place par le gouvernement Barre. Elle a suscité alors bien des sarcasmes, et je dois à l'honnêteté intellectuelle de dire que je ne fus pas particulièrement convaincu de son bien-fondé à ce moment-là.
Or, depuis, elle a fait ses preuves ! Elle a passé les septennats, les gouvernements, et les résultats sont là : pour une aide modique de 32 000 francs, nous avons eu, en 1995 - je cite les chiffres de mémoire - quelque 80 000 chômeurs créateurs d'entreprise sur un total d'environ 220 000 créations d'entreprise. La somme est minime par rapport, par exemple, aux 39,18 milliards de francs que coûte, en 1996, la baisse des charges sur les bas salaires. Le quotidien Les Echos s'étonne d'ailleurs que l'on s'achemine vers ce type d'« économies ».
Comment peut-on argumenter cette suppression ? On dit parfois qu'il s'agit d'un traitement social du chômage. Tout d'abord, ce ne serait pas une tare et ce ne serait pas la seule procédure de ce type. Mais surtout, c'est faux. Quoi de commun, en effet, entre un contrat emploi-solidarité, financé exclusivement sur fonds publics, et une aide à un chômeur créateur d'entreprise ? Celui-ci, de surcroît, mobilisera à chaque fois ou presque un petit capital personnel ou familial.
J'indique au passage que j'ai vérifié moi-même, en tant que fondateur et président d'une pépinière d'entreprises, la pertinence de tous les chiffres ou faits que je cite, et que j'appuie ma démonstration sur des séries statistiques de l'INSEE et sur les études de l'Agence nationale de la création d'entreprise.
C'était du moins vrai jusqu'au mois de septembre 1996 qui a vu la funeste dispersion, en raison de restrictions budgétaires des chercheurs et statisticiens réunis sur ce sujet dans cette agence. J'ai alors tiré la sonnette d'alarme, mais nul n'a voulu m'entendre.
Je reviens au débat. Peut-on dire qu'il s'agit d'une économie pour les pouvoirs publics ? Même pas, puisque ce qui sera économisé sur le budget du ministère du travail sera évidemment payé sur les fonds de l'UNEDIC et, au total, le contribuable français aura exactement la même somme à débourser. Est-on sûr que, dans l'avalanche d'exonérations, de primes et de subventions qui viennent d'être votées, une petite partie n'ira pas compenser d'une certaine façon les crédits aujourd'hui amputés ?
Mais, finalement, la vraie question n'est pas là : il faut surtout bien rappeler...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Delfau.
M. Gérard Delfau. Je conclus, monsieur le président.
Il faut surtout rappeler, dis-je, que les chômeurs qui ont créé leur entreprise l'ont fait avec à peu près autant de chances de succès que les autres créateurs d'entreprise.
Les 80 000 bénéficiaires de l'ACCRE en 1995 auraient créé - je donne, là aussi, des chiffres fondés sur des statistiques - quelque 40 000 emplois nets, qui eux-mêmes auraient entraîné le paiement de charges sociales. Par conséquent, cela viendra aussi en déduction des économies que vous nous proposez.
M. le président. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Delfau !
M. Gérard Delfau. J'en termine d'une phrase, monsieur le président.
Je répète que cette suppression ne se justifie pas économiquement et que, politiquement, elle est difficile à faire admettre à des gens qui ont perdu leur emploi et qui veulent à nouveau, avec courage, se lancer dans la création d'entreprise. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° II-13.
M. Guy Fischer. Cet amendement déposé par notre groupe porte sur la question de l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise, dont le régime d'attribution est profondément modifié par l'article 94 du projet de loi de finances.
C'est d'ailleurs un euphémisme que de parler d'une modification du régime d'attribution de l'aide puisque, dans les faits, c'est à une véritable liquidation du chapitre budgétaire que l'on assiste.
Lors de la discussion de la loi de finances initiale pour 1996, la question de l'ACCRE était déjà venue sur le tapis, le Gouvernement souhaitant, en particulier, recalibrer cette aide à l'emploi auprès d'un public plus strictement défini.
Dans les faits, il s'agissait de faire en sorte que les projets de reprise et de création d'entreprise éligibles à l'aide aient une viabilité plus importante.
A l'examen, la réalité est un peu plus contrastée.
On a ainsi observé dans le passé que l'ACCRE avait été largement utilisée pour accompagner des plans de restructuration et qu'elle avait été, en particulier, assez largement servie pour mettre en place des modes de sous-traitance d'activités de production, de recherche ou de conception dans un certain nombre d'entreprises.
C'est ainsi que de nombreuses entreprises ont proposé à leurs cadres, à leurs ingénieurs, à leurs techniciens de reprendre sous la forme d'une petite entreprise une partie des fonctions qu'ils occupaient dans celles-ci et ce jusqu'à la mise en oeuvre du plan de restructuration.
On connaît les conséquences de cette orientation.
Ce procédé a servi notamment à réduire la masse salariale de l'entreprise, à transformer les salaires en TVA déductible, à organiser éventuellement un partage des gains de productivité plus favorable encore au capital et un peu au travail.
La viabilité de ces entreprises résidait donc dans leur capacité à répondre aux missions de recherche-développement, de production et de sous-traitance fixées par l'accord entre l'entreprise ancienne et la nouvelle entreprise.
Voilà qui montre bien le détournement de l'ACCRE, alors perçue comme un moyen de gestion d'une stratégie de restructuration, susceptible de régler le problème de la hantise du chômage tout en favorisant la rentabilité à court terme du capital.
Mais il est aussi une aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise qui peut et qui doit être maintenue pour un ensemble de raisons diverses.
Le premier cas, c'est celui du salarié disposant d'une formation technologique réelle, ayant des idées, susceptible de déposer le brevet d'invention de tel ou tel logiciel, de tel ou tel procédé de production, ou encore de répondre à tel ou tel besoin particulier des entreprises et qui, faute de capitaux et de la confiance d'un banquier, n'est pas en situation de mettre ses capacités en oeuvre.
Le second cas, c'est celui du chômeur qui, dans une zone urbaine ou rurale en difficulté, souhaite mettre en place un service qui n'existe pas ou qui n'existe plus dans des domaines divers, qu'il s'agisse de la gestion d'entreprise ou encore de services à caractère social.
On peut trouver des cas de figure divers et multiples de la faculté d'utilisation de l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise.
Au-delà, en effet, de la querelle sur la nécessité de savoir s'il faut privilégier le conseil à la création ou l'aide directe, il convient de se poser la question suivante : faut-il réduire l'aide, comme semblerait nous y inviter la commission parlementaire ad hoc qui a réfléchi sur ce sujet ou faut-il la requalifier, examiner en particulier les aspects « déclencheurs » qu'elle peut recouvrer ?
Il s'agit d'un problème essentiel, et nous ne pouvons que nous opposer à la liquidation de l'ACCRE, car, à notre sens, elle est contraire à notre souci de valoriser l'initiative des futurs chômeurs, cadres ou non.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-24 rectifié.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Dans son rapport écrit, la commission des finances a analysé la réforme de l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprise. Cette réforme porte sur la nature de l'aide, mais l'exonération des charges et l'affiliation automatique de douze mois au régime de sécurité sociale sont maintenues.
La commission est contre la suppression de l'article 94, car elle est pour la réforme proposée, sous réserve des amendements qu'elle propose.
Elle est donc, je l'indique d'ores et déjà, contre les amendements n°s II-6 et II-13.
Quant à l'amendement n° II-24 rectifié, son objet est de préciser que l'aide n'a pas un caractère automatique, mais qu'elle est subordonnée à l'examen qualitatif d'un projet de création d'entreprise.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° II-10.
M. Bernard Joly. L'inscription au chômage depuis plus de six mois s'est révélée une condition pénalisante pour des candidats dont le dossier était recevable sur le fond mais dont la durée d'inscription était inférieure de peu de jours parfois.
Le montage d'un dossier de création ou de reprise d'entreprise requiert un parcours long et difficile qui décourage les chasseurs d'aides.
La confiance doit remplacer la suspicion face à l'action potentielle ; certes, le risque est que la confiance soit parfois mal placée, mais il faut le prendre.
Il s'agit de permettre à des demandeurs d'emploi qui en ont le désir de retrouver une activité, afin de réaliser des économies et de rendre leur dignité aux intéressés. Dans un combat pour l'emploi, le seul choix est de savoir si l'entreprise est viable ou non.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-25.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Nous voulons éviter qu'un décret puisse fixer un plafond de dépenses différent de celui qui aura été voté par le Parlement.
M. le président. La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° II-11.
M. Bernard Joly. J'estime, comme M. le rapporteur, qu'il est inopportun de casser une synergie pour un créateur ou un repreneur d'entreprise qui, au terme d'un parcours difficile et long, attend de concrétiser son projet.
Le dépassement de quota n'est pas, à mon sens, un argument recevable. Sur le plan financier, le coût de l'aide se trouve équilibré par la sortie de la couverture du chômage ou du bénéfice du RMI.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-26.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Il s'agit d'un amendement de coordination entre le code de la sécurité sociale et le code du travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s II-6, II-13, II-24 rectifié, II-10, II-25, II-11 et II-26 ?
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Les deux amendements n°s II-6 et II-13 ont pour objet de rétablir l'aide forfaitaire pour les bénéficiaires de l'ACCRE. Cette aide, cela a été rappelé, peut atteindre 32 000 francs au maximum ; elle est plafonnée à la moitié du besoin de financement et, dans certains cas, elle est limitée à 5 000 francs.
L'expérience prouve qu'elle génère des effets d'aubaine importants et il semble que l'incitation à la création provienne des exonérations et non de la prime.
M. Gérard Delfau. Mais non !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Si nous avons conservé une aide pour les bénéficiaires des minimaux sociaux, c'est parce que, sans protection, ils n'oseraient pas tenter l'aventure d'une création d'emploi et non parce que nous estimons qu'une aide généralisée était nécessaire.
Je demande donc à la Haute Assemblée de rejeter ces deux amendements.
Le Gouvernement ne s'oppose pas à l'amendement n° II-24 rectifié et s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Nous nous en félicitons !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. En présentant l'amendement n° II-10, M. Joly demande que les chômeurs non indemnisés puissent bénéficier de l'ACCRE dès le premier jour du chômage.
Le Gouvernement propose, pour sa part, de supprimer l'opposabilité du délai aux chômeurs indemnisés, mais nous ne pouvons pas faire de même pour les chômeurs non indemnisés. En effet, il suffirait de s'inscrire vingt-quatre heures à l'ANPE pour bénéficier de l'aide. Autant dire que toutes les créations d'entreprise dans notre pays se feraient dans le cadre de l'ACCRE !
J'ajoute que, si nous vous suivions, monsieur Joly, le coût de la mesure pour la sécurité sociale serait énorme puisque, je le signale à la Haute Assemblée, il est déjà de 1 milliard de francs par an.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est hostile à cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° II-25, le Gouvernement sait qu'il va être l'objet de pressions de la part et de la commission des finances et de la commission des affaires sociales. Je vois d'ailleurs qu'elles affutent déjà leurs armes ! (Sourires.) Cependant, malgré ces pressions, le Gouvernement est sûr de son bon droit, si j'ose ainsi m'exprimer, et il demande donc à la Haute Assemblée de repousser un amendement - à moins que la commission des finances veuille bien le retirer après mes explications - dont l'objet est d'interdire au Gouvernement de contingenter par décret le nombre d'aides aux chômeurs créateurs d'entreprise.
La logique du contingentement du nombre d'aides accordées n'est pas nouvelle puisque, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ACCRE était accordée jusqu'à présent dans le cadre d'enveloppes budgétaires et de primes limitatives et impératives, l'exonération des charges n'étant qu'accessoire, j'insiste sur ce point, à l'aide financière attribuée.
Aujourd'hui, la suppression de l'enveloppe budgétaire ne modifie pas l'esprit qui préside à l'attribution de l'aide de l'Etat. Le principe des enveloppes limitatives doit donc - j'insiste également sur ce point - être maintenu. Il s'applique à un nombre d'exonérations de charges sociales qui sera fixé annuellement pas décret puisque, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne peut l'être par la loi de finances.
Le coût de l'exonération des charges, déjà estimé à plus de 1 milliard de francs, n'étant pas compensé, il ne saurait être envisagé de fonctionner, pardonnez-moi l'expression, « à guichets ouverts », sans limiter le nombre d'aides attribuées, le dispositif - je le redis et je suis persuadé que M. le président de la commission des affaires sociales va être très attentif à cet argument - pesant directement sur le budget de la sécurité sociale.
De plus, la fixation annuelle du nombre des exonérations accordées traduit, j'y insiste également, le respect de la volonté du Parlement d'inscrire ce dispositif dans le contexte de la maîtrise des dépenses publiques. Et permettez-moi de vous rappeler simplement avec quelles compétences et quel talent la Haute Assemblée a contribué hier à réduire les déficits publics !
L'amendement n° II-26 tend à opérer une coordination entre le code de la sécurité sociale et le code du travail ; le Gouvernement y est, bien entendu, favorable.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je voudrais faire entendre la voix de la commission des affaires sociales, M. le rapporteur pour avis ayant, malheureusement, dû nous quitter.
La commission des affaires sociales est très attachée au fonctionnement de l'ACCRE et elle a considéré, après avoir examiné le dispositif de manière très approfondie, qu'il était utile non seulement pour favoriser la création d'entreprises, mais aussi, et surtout, pour redonner à des chômeurs, notamment à des chômeurs d'un certain âge, une perspective tout à fait nécessaire quand on sait les difficultés que connaissent ceux de nos concitoyens qui sont licenciés ou qui doivent interrompre une activité.
Il est vrai, et c'est à la décharge du Gouvernement, que, dans certains départements, le mécanisme de l'ACCRE a été utilisé, non pas pour favoriser la création d'entreprises viables, mais pour permettre à un certain nombre de personnes de sortir de la situation de demandeur d'emploi.
D'ailleurs, le taux de disparition des entreprises créées à partir de cette aide publique est le même que le taux de disparition des entreprises qui se créent spontanément, ce qui montre bien, monsieur le ministre, qu'en dépit d'un examen des dossiers par des commissions composées d'experts et de représentants du ministère du travail,...
M. Gérard Delfau. Ils n'y connaissent rien !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... personne n'est capable de savoir a priori si l'entreprise va marcher ou non.
Toutefois, compte tenu des problèmes globaux de déficit des comptes sociaux et de déficit budgétaire, la commission a finalement admis le système que nous proposait le Gouvernement : on supprime la prime, mais on garde l'exonération automatique des charges sociales.
La commission des finances, dans sa sagesse, nous propose de supprimer aussi l'exonération automatique des charges sociales et de la remplacer par une exonération facultative décidée par la fameuse commission détachée auprès du préfet - on vient de voir les résulats merveilleux qu'elle a obtenus - qui est tout à fait capable, dit-on, de discerner ce qui est viable de ce qui ne l'est pas.
La commission des finances est bien consciente du fait que cet amendement n° II-24 rectifié constitue un retrait par rapport au système proposé : le Gouvernement supprime la prime et garde l'exonération automatique ; la commission des finances supprime la prime et rend l'exonération facultative. Nous avons donc l'impression d'un recul. Cependant, je dois lui rendre cet hommage, la commission des finances compense le caractère facultatif de l'exonération des droits par la suppression du contingentement.
En effet, on ne peut pas avoir un système facultatif d'exonération et, en plus, un contingentement budgétaire, car, à ce moment-là - je connais bien nos amis de Bercy - il n'y aura plus rien du tout !
A mon avis, nous avons, mes chers collègues, le choix entre deux attitudes.
Première solution, nous acceptons les deux amendements de la commission des finances, les amendements n°s II-24 rectifié et II-25, parce qu'ils sont cohérents et parce qu'ils visent tout à la fois à mettre en place un système d'exonération facultative et à supprimer le contingentement. Il reviendra, alors, au ministère de fixer les normes en matière de création d'emplois. Le système est, dans cette hypothèse, plus ouvert et s'adapte mieux aux réalités du terrain.
Seconde solution, nous nous en tenons à la situation actuelle de l'automaticité de l'exonération des charges sociales et, à ce moment-là, si le Gouvernement ne veut absolument pas accepter l'amendement n° II-25, il nous faut alors, mes chers collègues, et j'en suis navré pour mon ami Emmanuel Hamel, n'accepter ni l'amendement n° II-24 rectifié ni l'amendement n° II-25.
Nous n'avons, à mon sens, que ces deux solutions. La solution qui consisterait à reculer encore par rapport au texte du Gouvernement, et à conserver le contingentement en faisant disparaître l'automaticité de l'exonération des charges sociales me paraîtrait la plus mauvaise compte tenu de l'objectif qui est le nôtre, qui est d'inciter un certain nombre de demandeurs d'emploi à créer leur entreprise dans le cadre d'un système départemental.
Donc, mes chers collègues, la commission des affaires sociales souhaite la solution la meilleure : le vote des deux amendements de la commission des finances, n°s II-24 rectifié et II-25.
Si vraiment le Gouvernement s'oppose de manière absolue à l'amendement n° II-25, alors je vous demanderai de ne pas accepter l'amendement n° II-24 rectifié pour en rester au texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale et qui me paraît, pour les intérêts dont nous avons la charge, meilleur que le seul amendement n° II-24 rectifié, non complété par l'amendement n° II-25.
Je crois être ici l'interprète de la pensée de M. Joly, qui a eu la même idée que la commission des finances, puisqu'il souhaite, lui aussi, supprimer le contingentement.
Franchement, garder le contingentement et instituer, de surcroît, un système d'exonération facultative, c'est vider l'ACCRE de toute sa substance et c'est nous engager à revenir l'an prochain sur ce même dispositif pour trouver un autre !
En d'autres termes, monsieur le président, je préfère que la Haute Assemblée adopte les amendements n°s II-24 rectifié et II-25. Cependant, si vraiment le Gouvernement s'oppose à l'amendement n° II-25, je demande au Sénat de n'adopter ni l'amendement n° II-24 rectifié ni l'amendement n° II-25.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le président, je savais que Machiavel était originaire de la péninsule italienne. Je découvre aujourd'hui qu'il a fait des adeptes à Boulogne-Billancourt ! (Sourires. - M. le président de la commission des affaires sociales s'exclame.)
C'est une plaisanterie, vous l'avez bien compris, monsieur Fourcade. Cela étant, le Gouvernement a été sensible à votre proposition.
Monsieur Delfau, il ne faut pas trop mettre en cause les experts. Vous avez défendu, tout à l'heure, les fonctionnaires du ministère des affaires sociales, respectez maintenant les experts !
Compte tenu du public concerné, qui, le plus souvent, il faut le reconnaître, n'est pas qualifié, le pourcentage de réussite montre que les commissions d'examen sont tout de même utiles.
Or, et vous en convenez vous-même, monsieur Fourcade, dès lors qu'il y a examen, l'aide a, me semble-t-il, un caractère facultatif. C'est pour cette raison que le Gouvernement n'était pas hostile à l'amendement n° II-24 rectifié.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, tout au long des débats consacrés à la loi de financement de la sécurité sociale, vous avez montré votre attachement à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. C'est précisément parce que les amendements n°s II-24 rectifié et II-25 menacent cet équilibre que le Gouvernement va s'y opposer. Dès lors, en effet, que les commissions ne sont plus tenues par des enveloppes de primes, elles n'ont aucun intérêt à bien étudier les dossiers. Je le répète, dans ce cas-là, la sécurité sociale est menacée.
Dans ces conditions, le Gouvernement, retenant la seconde des deux solutions proposées par M. le président de la commission des affaires sociales, s'oppose aux amendements n°s II-24 rectifié et II-25.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s II-6 et II-13.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Nous sommes ici devant une disposition que je qualifierai de symbolique, puisqu'elle porte sur un milliard de francs.
Sur des sommes qui ne mettent pas en péril les finances de la France, Bercy peut-il imposer sa décision, alors qu'elle est fondée sur une méconnaissance totale des équilibres économiques et de la réalité sociale que nous vivons dans nos départements ?
Monsieur le ministre, cette procédure de l'ACCRE n'est défendue par aucun groupe politique particulier. La preuve en est que je pouvais totalement me retrouver dans bien des propos qui viennent d'être tenus par M. le président de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que cette question a été à maintes reprises évoquée devant la commission Péricard-Novelli et que, à l'exception d'un sous-directeur à la direction du budget, M. Morin, la totalité des intervenants, représentant de la CGT compris,...
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Gérard Delfau... ont conclu que c'était, finalement, dans une situation très détestable, le moins mauvais des dispositifs. C'était au printemps dernier.
Arrive le projet de loi de finances, et l'on propose sa suppression.
Mais, monsieur le ministre, nous avons une certaine pratique et la parole d'autorité que vous répercutez ici n'a aucune prise sur ce que nous pensons.
L'exonération, contrairement à ce que l'on vous a demandé de nous expliquer, monsieur le ministre, n'est pas l'essentiel. Je vais vous expliquer, moi, ce qui est l'essentiel : c'est la subvention, si faible soit-elle, parce qu'elle s'ajoute au petit apport personnel - il y a pratiquement toujours un apport personnel, ce qui montre bien l'engagement des gens - et, surtout, parce qu'elle débloque un petit financement des banques. C'est ainsi que cela se passe, désormais, pour les très petits dossiers. Les banques françaises ne donnent pas un centime si elles ne sont pas assurées d'obtenir un peu d'argent public et des cautions des collectivités territoriales.
Telle est la réalité, et aucun d'entre nous sur ces travées, quelles que soient, par ailleurs, ses convictions politiques, ne peut dire le contraire, parce que c'est ce que nous vivons.
Quant à l'effet d'aubaine, non ! il est inadmissible de dire des choses pareilles. D'ailleurs, le président de la commission des affaires sociales a fait justice de cette affirmation. Les chiffres sont là. Les taux de réussite ou d'échec sont analogues à ceux qui sont enregistrés pour l'ensemble des créateurs d'entreprise. En réalité - mais, la encore, ce budget ne va pas là où il devrait aller - il faut multiplier les occasions de conseil et d'appui aux entreprises. A cet égard, ce sont les services que je qualifie d'immatériels qui permettent d'éviter les échecs et non pas du tout le type de procédure dont nous parlons.
Un mot encore. J'ai beaucoup de respect pour les fonctionnaires des directions déconcentrées du travail et des préfectures, mais enfin ! Peuvent-ils - et doit-on leur demander - de faire ce travail de dossier, qui coûtera trois fois plus aux contribuables que les économies escomptées par ce biais ?
Si vous me disiez, monsieur le ministre, que tout cela sera étudié à partir des pépinières d'entreprises, des boutiques de gestion et dans le bassin d'emploi, là où les gens connaissent non seulement ce qui est écrit, mais ce que représente, en réalité,...
M. le président. Monsieur Delfau, vous avez épuisé votre temps de parole ; je ne puis vous laisser continuer.
M. Gérard Delfau. C'est inélégant, monsieur le président !
M. le président. C'est vous qui êtes inélégant, mon cher collègue. Tout à l'heure déjà, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole.
Frustré de n'avoir pu parler autant que vous le souhaitiez, hier, du fait de la répartition du temps de parole au sein de votre groupe, vous essayez de vous rattraper aujourd'hui. Je ne peux vous laisser faire.
M. Gérard Delfau. Voilà deux fois que vous me coupez la parole aujourd'hui, monsieur le président. C'est la première fois en seize ans que l'on me traite ainsi !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-6 et II-13, repoussés par la commission et par le Gouvernement.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-24 rectifié.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Il me semble très important que l'article 94 reste en discussion pour la commission mixte paritaire.
En effet, depuis tout à l'heure, je me suis aperçu que la phrase que vise à supprimer l'amendement n° II-25, à savoir : « Un décret fixe annuellement le nombre de bénéficiaires des droits visés au premier alinéa du présent texte », est tout à fait contraire à la philosophie des aides à l'emploi.
En fait, nous sommes en présence de deux thèses : celle du Gouvernement, qui souhaite l'adoption de l'amendement n° II-24 rectifié et le rejet de l'amendement n° II-25, et la thèse de la commission des finances, qui souhaite que le Sénat adopte les deux amendements.
Pour ma part, je trouve choquant que figurent dans l'article 94 et la notion du contrôle effectué sur la création d'entreprise et celle du contingentement par décret, décret dont personne n'aura connaissance. Je vois bien l'esprit qui préside à cette affaire, mais je pense que la position de la commission des finances est plus sage.
Je souhaite, par conséquent, que le Sénat adopte et l'amendement n° II-24 rectifié et l'amendement n° II-25, car le vote du seul amendement n° II-24 rectifié constituerait un recul.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Nous nous félicitons de l'analyse de M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je tiens à préciser la position du Gouvernement, qui s'était rallié à la deuxième solution présentée par M. le président de la commission des affaires sociales.
Finalement, pour tenir compte de ce qui lui semble positif dans l'amendement n° II-24 rectifié, il s'en remet, sur cet amendement, à la sagesse de la Haute Assemblée. En revanche, s'agissant de l'amendement n° II-25, il ne peut qu'émettre un avis défavorable, pour les raisons que j'ai développées tout à l'heure.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-24 rectifié, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° II-10 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s II-25 et II-11, repoussés par le Gouvernement.

(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-26, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 94, modifié.

(L'article 94 est adopté.)

Articles 95 et 96