M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le travail et les affaires sociales : I. - Travail.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial de la commision des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'aggravation du chômage n'a pas encore été enrayée. A la fin du mois de septembre dernier, le nombre de demandeurs d'emploi était de 3 112 800, en progression de 0,9 % sur un mois et de 5,8 % sur un an.
Depuis un an, les inscriptions à l'Agence nationale pour l'emploi, via les licenciements économiques, ont progressé de plus de 7 %.
Autre donnée préoccupante, les reprises d'emploi justifiant les sorties de l'ANPE ont diminué de 7,2 % en un an.
Certes, 125 000 emplois nets ont été créés l'an dernier, mais le chômage a continué de progresser, notamment parmi les moins de vingt-cinq ans.
L'ensemble de ces évolutions justifie pleinement la progression importante des crédits pour l'emploi prévue pour 1997. En effet, l'an prochain, les crédits du travail s'élèveront à 103 milliards de francs, en progression de 3,5 %. Compte tenu des dotations inscrites en faveur de l'emploi au budget des charges communes - 47,3 milliards de francs - le total des crédits destinés à l'emploi s'élève à 150,3 milliards de francs, en progression de 8 % par raport à 1996. Cette progression est dix fois supérieure à celle de l'ensemble des budgets civils.
L'ensemble des crédits pour l'emploi représentent ainsi en 1997, près de 10 % des dépenses de l'Etat.
Cette progression des crédits pour l'emploi - de 139 milliards de francs en 1996 à plus de 150 milliards de francs en 1997 - va de pair avec une révision des services votés permettant 13,5 milliards de francs d'économies, guidées par l'évaluation objective de l'efficacité des multiples aides à l'emploi.
Cinq agrégats peuvent être distingués dans la présentation des crédits pour l'emploi : la gestion de la politique du travail, avec une augmentation de 2 % ; la participation de l'Etat à la formation et à l'adaptation des ressources en main-d'oeuvre des entreprises, qui augmente de 16 % ; la participation de l'Etat au financement du retrait d'activité et des revenus de remplacement ; l'action de l'Etat en faveur des publics prioritaires - 63 milliards de francs, en augmentation de 10 % - et, enfin, l'augmentation du coût du travail, 42 milliards de francs, en augmentation de 15 %.
Premier des cinq agrégats que je viens d'évoquer, les crédits de la gestion de la politique de l'emploi s'élèvent à 13,6 milliards de francs en 1997, en progression de 2 %.
Les crédits du personnel de l'administration générale s'établissent à 2 milliards de francs. Cinquante emplois sont supprimés, sur un total de 9 900 postes budgétaires.
Les moyens alloués à l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, s'établissent à 5 200 millions de francs.
Le deuxième contrat de progrès de l'Agence, conclu en 1994 et actuellement en cours d'exécution, visait quatre objectifs : satisfaire beaucoup plus d'offres d'emplois, mieux aider les personnes à chercher et à trouver un emploi, développer le partenariat et moderniser l'Agence. Le volume des offres d'emploi recueillies par l'ANPE est passé de 1 595 000 en 1994 à plus de 2 millions en 1995.
Pour 1996, année en cours, l'ANPE s'était fixé un objectif de 2 400 000 emplois. Au 31 août, elle avait déjà recueilli 1 581 000 offres.
Pour la même année, l'objectif est de 2 millions d'offres d'emploi satisfaites en fin d'année. Au 31 août, déjà 1 321 000 offres avaient été satisfaites.
Au 1er juillet 1996, l'effectif de l'ANPE était de 15 363 agents. En 1997, les crédits qui leur seront affectés augmenteront de 54 millions de francs.
Pensez-vous, madame le ministre, qu'avec les moyens dont elle va disposer en 1997 l'ANPE sera en mesure d'assumer les missions qui lui sont assignées par le contrat de progrès ?
La subvention de fonctionnement à l'association pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, s'élève à 3 900 millions de francs, en progression d'un peu moins de 1 %.
Le contrat de progrès signé entre l'Etat et l'AFPA, le 7 mars 1994, avait fixé pour cinq ans des objectifs à l'association. Par ailleurs, le directeur général de l'AFPA s'est engagé, par l'accord signé le 4 juillet 1996 avec les organisations syndicales, dans un processus de modernisation de la gestion du personnel.
Depuis des années, madame le ministre, le Sénat exprime le souhait que cette modernisation soit menée à bien. Pouvez-vous nous informer de l'évolution de cette négociation importante entre le directeur général de l'AFPA et les syndicats de cette institution, dont la mission est si importante ?
Prévue dans la loi quinquennale pour l'emploi et intégrée dans le contrat de progrès Etat-AFPA, la conclusion de conventions tripartites d'application de ce contrat au niveau régional a pour objet de mettre en cohérence le programme d'activité de l'AFPA en direction des jeunes et les plans régionaux de développement des formations professionnelles des jeunes élaborés par les conseils régionaux.
Au milieu de l'année 1996, treize régions sur vingt-six étaient dotées de leur plan et trois conventions tripartites étaient conclues. On peut envisager, pour la fin de l'année 1996, la conclusion de conventions tripartites dans sept autres régions.
L'AFPA a fortement développé le volume de ses activités dans le cadre des conventions passées avec les conseils régionaux.
Les autres dépenses de gestion de la politique de l'emploi s'élèveront, en 1997, à 980 millions de francs, en progression de 92 %.
Deuxième agrégat des crédits pour l'emploi, l'action publique pour la formation et l'adaptation des ressources en main-d'oeuvre pour les entreprises.
Cette action comprend trois volets : le soutien aux actions de formation professionnelle, auxquelles sont consacrés 7 400 millions de francs, soit une progression de 16 % par rapport à 1996 ; la prévention et l'accompagnement des restructurations, pour lesquels sont prévus 4 300 millions de francs ; enfin, la participation de l'Etat à la formation et à l'adaptation des ressources en faveur des entreprises, à laquelle le projet de loi de finances consacre 3 100 millions de francs.
En 1997, l'Etat diminuera sa participation aux actions de formation continue alors qu'il renforcera son soutien aux plans sociaux accompagnant les licenciements économiques.
Regroupant des actions spécifiques, le programme national de formation professionnelle voit ses crédits s'établir à 302 millions de francs.
Les crédits de la politique contractuelle menée par l'Etat avec les branches professionnelles et les entreprises s'établissent à 400 millions de francs, et reviennent ainsi au niveau de 1995.
La dotation des contrats de plan Etat-région diminue de 34 % et s'établit à 433 millions de francs. En effet, vous le savez, les crédits prévus pour les deux dernières années de la période 1994-1998 ont été étalés sur trois ans.
La dotation de décentralisation, issue de la loi du 7 janvier 1983, évolue selon la norme d'indexation de la dotation globale de fonctionnement, soit 1,36 % en 1997. Elle atteindra 3 090 millions de francs.
Les crédits d'accompagnement des licenciements économiques progressent de 68 %, tandis que la dotation du chômage partiel enregistre une très forte progression de 82 %, atteignant 748 millions de francs.
Le temps réduit indemnisé de longue durée - le TRILD, système expérimental institué par la loi quinquennale pour l'emploi - ne sera pas reconduit en 1997.
Les crédits de la dotation de restructuration, déconcentrée aux directeurs départementaux du travail, progressent de 44 %, atteignant 624 millions de francs.
Les congés de conversion passent de 203 millions de francs en 1996 à 294 millions de francs en 1997.
Les crédits des conventions de conversion reprennent leur progression en 1997, sous l'effet d'une progression de 20 000 du nombre des bénéficiaires attendus, et atteindront au total 882 millions de francs.
Pour financer le dispositif de l'aide à la réduction du temps de travail, prévu par la loi du 11 juin 1996, dite loi Robien, tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnelle du temps de travail, les crédits prévus par le projet de loi de finances atteignent 815 millions de francs pour 1997.
Ces crédits vont-ils, madame le ministre, s'avérer suffisants l'an prochain compte tenu du succès possible du dispositif ? Pouvez-vous nous confier votre sentiment sur la manière dont les chefs d'entreprises accueillent ce dispositif ?
Troisième agrégat des crédits pour l'emploi, le retrait d'activité et les revenus de remplacement.
L'ensemble des dépenses d'encouragement au retrait d'activité s'établit à 15 540 millions de francs, en très légère réduction par rapport à 1996.
Les allocations spéciales du fonds national de l'emploi, qui sont une aide conventionnelle à la préretraite négociée entre l'entreprise et l'administration, seront financées en 1997 par une dotation de 9,8 milliards de francs.
Les conventions de préretraite progressive conclues entre l'Etat et l'entreprise favorisent le passage à mi-temps des salariés âgés d'au moins cinquante-cinq ans sur la base du volontariat, afin d'éviter des licenciements ou de permettre des embauches. Pour 1997, 25 000 entrées sont prévues. La progression du stock moyen d'allocataires justifie une augmentation de crédits de plus de 49 % : ceux-ci atteindront 3,6 milliards de francs pour 1997.
Les dépenses du fonds de solidarité sont estimées à 13,4 milliards de francs, pour un nombre d'allocataires passant de 490 000 à 470 000. Cette légère baisse proviendrait de la modification du plafond de ressources pour les couples bénéficiaires. Si nous comprenons le souci d'économie du Gouvernement, nous nous demandons, madame le ministre, si les conséquences sociales de cet abaissement ont bien été mesurées.
Quatrième agrégat du budget de l'emploi, l'action de l'Etat en faveur des publics prioritaires se renforcera encore très nettement en 1997, puisque ces crédits progresseront de plus de 10 % et atteindront 63 829 millions de francs.
L'essentiel de ces crédits concernent les jeunes et les demandeurs d'emplois. Ainsi, les crédits consacrés à l'insertion professionnelle des jeunes progressent de 19 % et atteignent 17 660 millions de francs, notamment sous l'effet de l'accent mis sur l'apprentissage.
La formation préqualifiante sera progressivement décentralisée, dans le cadre des conventions signées entre l'Etat et les régions, jusqu'au 31 décembre 1998. A cette date, les régions auront compétence sur l'ensemble du dispositif de formation des jeunes.
En 1997, vingt-trois régions auront conclu de telles conventions, et les crédits consacrés à la formation préqualifiante s'établiront à 2 670 millions de francs.
Depuis le 1er juillet 1994, la décentralisation des actions de type qualifiant pour les jeunes est effective. Elle est financée par la dotation de décentralisation et évolue donc comme la DGF.
Madame le ministre, la quasi-totalité de la formation des jeunes étant maintenant décentralisée, peut-on déjà établir un premier bilan de ce transfert aux régions d'un élément essentiel de la politique de l'emploi ?
Les moyens affectés aux missions locales et aux permanences d'accueil et d'orientation progressent de 4,7 % et s'élèvent à 356 millions de francs.
Pour 1997, les crédits consacrés aux exonérations de charges sociales et aux primes liées aux contrats d'apprentissage progressent de 47,5 % et s'établissent à 9,5 milliards de francs.
La progression de l'apprentissage, favorisée depuis 1993 par une politique très volontariste, est très encourageante.
Les crédits consacrés aux demandeurs d'emplois progresseront en 1997 de 8,9 % et atteindront 40 milliards de francs : 14,787 milliards de francs seront affectés à l'aide à l'insertion dans le secteur non marchand et 22,134 milliards de francs financeront les programmes d'insertion dans le secteur marchand.
Ne pensez-vous pas, madame le ministre, qu'en 1997, comme on l'a déjà constaté en 1996, la demande de contrats emploi-solidarité dépassera le chiffre inscrit dans le projet de loi de finances, et qu'il faudra donc vraisemblablement majorer en cours d'année les crédits de l'Etat pour le financement de ses contrats emploi-solidarité ?
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. J'en termine, monsieur le président.
Au total, les crédits destinés au financement des contrats emploi-solidarité progresseraient de 10,6 % et atteindraient environ 12 milliards de francs en 1997.
Le dispositif des contrats emploi consolidé, les CEC, est destiné à offrir une solution d'insertion durable aux titulaires de CES les plus en difficulté au terme de leur contrat. Leur nombre a vivement progressé depuis 1993, pour atteindre, en juillet 1996, 44 000.
Les contrats initiative-emploi ont été réaménagés par décret en septembre 1996. Pour 1997, 280 000 entrées dans ce dispositif sont prévues, compte tenu du recentrage de celui-ci.
Les crédits de fonctionnement s'élèvent à 7 milliards de francs, et ceux qui sont destinés à financer les exonérations de charges sociales atteignent 10,8 milliards de francs, soit une progression de 54 %.
Pour les chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprises...
M. le président. Il vous faut maintenant conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Je n'aurai donc le temps de parler ni du programme destiné aux chômeurs de longue durée, ni du programme national de formation professionnelle, ni de l'allocation formation-reclassement, ni de la lutte contre l'exclusion, ni de l'aide apportée aux travailleurs handicapés.
Je ne pourrai pas non plus, par manque de temps, évoquer le cinquième agrégat, qui concerne la poursuite de l'allégement du coût du travail, auquel seront consacrés en 1997, au titre des exonérations de charges sociales ne visant pas spécifiquement les publics prioritaires, plus de 42 milliards de francs, soit une progression de 15,2 %.
En conclusion, compte tenu de la situation de l'emploi et de l'analyse des crédits du ministère du travail, la commission des finances a décidé de recommander au Sénat l'adoption des crédits du ministère du travail pour 1997 et des articles 94, 95, 96 et 97 qui lui sont rattachés. (M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Souvet, rapporteur pour avis.
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail et l'emploi, et, en remplacement de M. Jean Madelain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la formation professionnelle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord préciser que le rapport pour avis que je vous présente ce soir concerne non seulement les crédits du travail et de l'emploi, mais aussi ceux de la formation professionnelle. Notre collègue Jean Madelain, empêché, m'a en effet demandé de le remplacer, et je voudrais lui souhaiter une meilleure santé.
Le projet de budget pour 1997 consacré au travail, à l'emploi et la formation professionnelle s'articule autour des trois objectifs suivants : préparer l'avenir en développant le lien « croissance-emploi » et en favorisant les politiques de formation et d'insertion des jeunes, réaffirmer la solidarité en faveur des publics les plus défavorisés et participer à la maîtrise de la progression budgétaire.
La réalisation de ces objectifs justifie que les crédits du travail et de l'emploi continuent à progresser de 8 % par rapport à 1996, quand l'ensemble du projet de budget, témoignant de la volonté de respecter les critères de Maastricht, reste à un niveau sensiblement identique à celui de 1996.
Le contexte dans lequel se situe la politique de l'emploi est difficile. La croissance attendue n'est pas au rendez-vous. Il est cependant encourageant de constater que les trois derniers trimestres montrent une stabilité du niveau de l'emploi, les créations d'emplois dans le secteur tertiaire équilibrant les pertes dans la construction et l'industrie. A la fin de l'année 1995, les effectifs salariés dans le secteur privé et concurrentiel, hors secteur agricole et administration, s'élevaient à 13 354 000, ce qui correspond à une augmentation de 0,1 % sur un an. Mais au 30 septembre de cette année, ils sont redescendus à 13 345 000, soit un peu en dessous de ce qu'ils étaient un an auparavant.
A la fin du mois de septembre 1996, pour le deuxième mois consécutif, une hausse du nombre des demandeurs d'emploi a été enregistrée, portant leur nombre à 3 112 800. Cela correspond à une augmentation de 0,9 % sur un mois et de 5,8 % en un an. Le taux de chômage passe à 12,6 %, après avoir atteint 12,5 % en août dernier.
Il faut donc s'attendre à une certaine progression du chômage en 1996. Mais l'atonie économique n'explique pas tout : la forte croissance de la population active, soit 160 000 personnes par an, phénomène particulier à la France, est en effet une des causes principales de cette situation. Le phénomène est, en outre, accentué par la diminution des entrées dans les dispositifs spécifiques de la politique de l'emploi ; le nombre des bénéficiaires a ainsi baissé de 7,6 % entre le deuxième trimestre 1995 et le deuxième trimestre 1996. Seuls sont épargnés l'apprentissage, les contrats initiative-emploi et les emplois consolidés. On estime néanmoins que 140 000 emplois auront été créés en 1996, en grande partie dans le secteur tertiaire.
La synthèse de ces chiffres laisse penser qu'aujourd'hui la France peut créer des emplois avec une croissance modeste, suffisante pour absorber une partie de l'augmentation de la population, mais encore trop réduite pour diminuer le chômage.
La croissance escomptée de plus de 2 % en 1997 devrait donc favoriser davantage de créations d'emplois - peut-être 200 000 dans le tertiaire - et entraîner une diminution du chômage. Les conditions sont donc réunies pour inverser la tendance et la commission des affaires sociales s'en félicite. Il faudra cependant veiller à ce que les réductions du nombre de contrats relevant du traitement social du chômage ne laissent pas au bord de la route une partie de ceux qui n'y auront plus accès.
Ces analyses et ces préoccupations se retrouvent naturellement dans le projet de budget.
Au total, les crédits consacrés au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle sont de 150,34 milliards de francs contre 139,18 milliards de francs en 1996. L'augmentation de 11 milliards de francs concerne essentiellement la compensation des exonérations des charges sociales. Elle illustre la poursuite de la politique d'allégement des charges sociales sur les bas salaires et l'inflexion donnée au budget en direction d'une réforme structurelle des prélèvements obligatoires visant à davantage lier les emplois à la croissance.
Les dispositifs traditionnels de la politique de l'emploi - notamment le traitement social - voient leur importance relative se réduire au profit d'une seule mesure : l'allégement du coût de travail. Celui-ci, de conjoncturel, devient structurel. Il ne concerne cependant que les bas salaires, sauf dans le cadre du temps partiel et des dispositifs d'aménagement-réduction du temps de travail, qui ont vocation à s'appliquer à tout l'éventail des rémunérations, dispositifs qui constituent peut-être les prémices d'une réforme portant sur la réduction du temps de travail.
L'allégement du coût du travail est donc la mesure prioritaire du budget pour 1997. Hors contrat d'insertion ou de formation, ces crédits représentent 28,48 % du total des crédits consacrés, en 1997, à la politique du travail et de l'emploi.
Ainsi, 38,3 milliards de francs inscrits au budget des charges communes sont consacrés à la ristourne dégressive sur les bas salaires, fusionnée depuis le 1er octobre 1996 avec « l'abattement famille ». Cette ristourne allège le coût du travail de 13 % au niveau du SMIC. Elle concerne 5 millions de salariés.
En outre, 2 milliards de francs sont consacrés au secteur du textile, du cuir et de l'habillement. Cette aide a permis, d'après une étude du ministère de l'industrie, de diviser par deux le rythme des suppressions d'emplois dans ce secteur.
Il faut signaler que la ristourne dégressive s'applique au temps partiel, proportionnellement au salaire versé mensuellement et non en se référant au salaire horaire : le temps partiel, déjà bénéficiaire d'un allégement de charges sociale de 30 %, est donc particulièrement encouragé. Désormais, 16,2 % des salariés, contre 12,9 % en 1992, travaillent à temps partiel. Vous nous avez d'ailleurs dit en commission, madame le ministre, que vous inciteriez à la signature d'une charte du travail à temps partiel, afin que les conditions de travail des salariés, le plus souvent des femmes, ne se dégradent pas. C'est nécessaire, car, il faut le reconnaître, pour une part, ce temps partiel est plus subi que voulu.
D'autres exonérations ou aides diverses existent, comme l'exonération pour l'embauche d'un premier salarié ou l'aide fiscale pour les emplois familiaux dont le succès, qui se conjugue avec celui du chèque emploi-service, est grand. Cela montre d'ailleurs, mais nous le savions, que les contraintes administratives sont un frein à l'emploi. Essayons donc de les rendre encore moins pesantes.
Par ailleurs, le budget prend en compte la mise en oeuvre de la loi du 11 juin 1996, dite « de Robien », qui, sur le fondement de l'article 39 de la loi quinquennale, propose des aides à l'aménagement et à la réduction du temps de travail en contrepartie d'embauches ou, dans le cadre de plans sociaux, de maintien de l'emploi : plus de 800 millions de francs y sont consacrés. Actuellement, quarante accords ont été signés, un tiers d'« offensifs », deux tiers de « défensifs », et 100 sont en cours de négociation.
L'envers du succès de ce dispositif, c'est son coût, surtout si les entreprises ne jouent pas véritablement le jeu et ne maintiennent pas l'emploi créé pendant les sept ans de l'exonération, c'est aussi l'influence qu'il pourrait exercer sur les négociations en cours en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail.
Mais je crois savoir que, conscient de ces risques, le ministre du travail a annoncé la mise en place de cellules de suivi des accords dans les directions départementales du travail.
Le recrutement et la formation des jeunes constituent la deuxième grande priorité.
Le taux de chômage chez les moins de vingt-cinq ans atteint presque 25 %, avec une hausse de 1,5 point en un an.
Parallèlement, on constate - selon une enquête de l'INSEE - une baisse de leur niveau de vie de 15 % entre 1989 et 1994. Parmi les causes majeures de cette situation, il faut bien sûr citer le chômage, mais aussi la précarité et la dévalorisation des diplômes.
Les mesures récentes en faveur de leur insertion n'ont malheureusement pas donné les résultats escomptés.
Cela a conduit le Gouvernement à supprimer l'aide au premier emploi des jeunes, l'APEJ, et le complément d'aide à l'emploi, le CAE, au 31 août 1996, et à ouvrir le contrat initiative-emploi aux jeunes les plus en difficulté. Par ailleurs, l'article 10 du projet de loi de cohésion sociale, dont l'avenir est encore très incertain - mais vous nous en direz peut-être un mot, madame le ministre - institue des programmes régionaux pour l'emploi des jeunes.
Mais, surtout, les crédits liés à l'insertion professionnelle des jeunes augmentent de 18,86 %, pour passer à 17,664 milliards de francs.
En outre, 9,531 milliards de francs sont consacrés à l'apprentissage, dont 4,23 milliards de francs d'exonération de charges sociales et 5,27 milliards de primes à l'embauche et à la formation, en application de la loi du 6 mai 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage. Cela correspond à une hausse de 8 % permettant de financer 220 000 contrats nouveaux, soit 20 000 de plus qu'en 1996. J'ajoute, à cette occasion, que j'ai déposé aujourd'hui-même une proposition de loi afin de lever certains obstacles au développement de l'apprentissage dans le secteur public, notamment en lui étendant les primes. Mais nous aurons l'occasion en reparler.
Les contrats de qualification reçoivent une dotation de 2,8 milliards de francs, permettant de financer, sous forme d'exonération de charges, 5 000 contrats supplémentaires, soit un total de 130 000. Toutefois, à partir du 1er janvier 1997, les contrats de qualification ne bénéficient plus du versement d'une prime. Il a été dit que le prélèvement de 1 milliard de francs - devenu depuis 1,6 milliard de francs - opéré sur les fonds de l'association de gestion du fonds des formations en alternance, l'AGEFAL, par l'article 24 quater de la loi de finances servirait à financer une reconduction de ces primes. Or cela ne semble pas être le cas.
Cependant, le ministre délégué au budget nous a assuré hier que, en cas d'insuffisance, l'Etat abonderait les moyens financiers consacrés aux dispositifs d'insertion des jeunes, car il se sentait tenu par une obligation de résultat. Je précise, madame le ministre, qu'il vous appartiendra d'en déterminer les conditions.
Pour clore ce chapitre, j'évoquerai encore les moyens affectés au réseau d'accueil - missions locales et permanences d'accueil - qui s'élèvent à 356 millions de francs, en augmentation de 4,7 %, et ce afin de poursuivre le développement des espaces-jeunes.
J'en arrive au deuxième objectif du budget pour 1997 : la solidarité. Celle-ci est non seulement réaffirmée, mais aussi réorganisée.
Les actions en faveur des publics prioritaires, y compris les jeunes, passent de 41,4 % des « crédits 1996 » à 42,5 % en projet de loi de finances pour 1997, et l'augmentation d'une année sur l'autre est de 10,88 %. Cette augmentation aurait été beaucoup plus importante si un recadrage du CIE n'avait pas été opéré au profit des personnes connaissant les plus graves difficultés et si les conditions de prise en charge par l'Etat des contrats emploi-solidarité n'avaient pas été modifiées.
Une somme de 17,9 milliards de francs est inscrite au profit des CIE afin de financer les contrats en cours - 476 000 à la fin de l'année 1996 - et de permettre 280 000 nouvelles entrées. Le succès de ce dispositif est évident : il a permis - il faut le souligner - de faire diminuer de 1,9 % en un an le nombre des chômeurs de longue durée, ce qui a réduit l'ancienneté moyenne des demandes.
Toutefois, le dispositif était coûteux et concurrençait parfois d'autres mesures. C'est pourquoi, depuis le 1er september 1996, la prime a été réservée aux publics prioritaires et aux jeunes.
Par ailleurs, 500 000 contrats emploi-solidarité sont inscrits dans le projet de loi de finances pour un coût de 11,991 milliards de francs, 20 000 emplois consolidés à l'issue d'un CES et 25 000 emplois de ville, soit au total 14,8 milliards de francs.
Le troisième objectif du Gouvernement est de maîtriser la progression du budget du travail. Bien qu'en augmentation, celui-ci subit, lui aussi, les contraintes de la maîtrise des dépenses, au même titre que le budget global. La reconduction, à structure et règles identiques à celles de 1996, aurait conduit à une augmentation de plus de 26 milliards de francs. Or la progression n'est que de 11 milliards de francs. Comme, en outre, des dispositifs tels que le CIE ou la ristourne dégressive sont désormais appliqués en année pleine et nécessitent des majorations importantes de crédits, l'endiguement des dépenses suppose que d'autres actions voient leurs crédits diminués.
Ainsi, à la suppression de l'aide au premier emploi des jeunes, dont j'ai déjà parlé, il faut ajouter la baisse des moyens consacrés au retrait d'activité de 2,58 % en raison de la diminution du nombre de bénéficiaires de la convention sociale de la sidérurgie, d'une part, et surtout de la poursuite de la réduction du nombre d'entrées en préretraite, d'autre part : l'effectif moyen devrait passer en 1996 à 143 300 contre 155 300 en 1997, ce qui ramènera les crédits à 9,8 milliards de francs. Les entrées en préretraite progressive devraient également baisser à 25 000 au lieu de 30 000, avec le dessein de réserver ce dispositif aux entreprises en restructuration alors qu'il est souvent utilisé comme mode de gestion et de rajeunissement du personnel. Toutefois, par effet de stock, les crédits affectés à la PRP continuent d'augmenter : 3,624 milliards de francs en 1997, contre 2,43 milliards de francs en 1996.
Autre mesure : l'instauration d'un ticket modérateur pour les CES. Celle-ci avait été décidée en 1996, mais non encore mise en application ; le taux de prise en charge maximum de l'Etat sera fixé à 95 %, et l'accès au fonds de compensation, qu'il avait été question de supprimer, sera plus restrictif.
L'annonce de cette réforme remontant à plus d'un an, les employeurs de CES, en particulier les établissements publics, auront pu prendre les mesures d'adaptation nécessaires. Mais il n'est pas sûr que ces établissements, notamment dans le secteur de l'éducation, aient les moyens de remplacer les CES par des emplois de droit commun.
Je rappelle en outre que la Cour des comptes a formulé de nombreuses critiques à l'encontre de ce dispositif, critiques qui justifient amplement une réforme de celui-ci.
Néanmoins, là encore, par effet de stock, les crédits consacrés aux CES sont ajustés à la hausse - plus 1,739 milliard de francs - alors que le nombre des nouveaux contrats, comme je l'ai déjà dit, est ramené à 500 000.
Enfin, les conditions de versement de l'allocation de solidarité spécifique sont modifiées pour ne plus assimiler les périodes chômées à des périodes de travail et pour abaisser le plafond de ressources opposable aux couples. En outre, le projet de loi de cohésion sociale prévoit, au titre de l'activation des dépenses passives, que le RMI et l'ASS serviront partiellement à financer les contrats d'initiative locale.
Les stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE collectifs, voient leur nombre réduit de 160 000 à 100 000, ce qui correspond à une économie de un milliard de francs. Ces stages se sont, en effet, révélés peu efficaces en terme de réinsertion. L'article 95 du projet de loi de finances les réserve aux chômeurs rencontrant les plus graves difficultés d'accès à l'emploi, au chômage partiel, aux mesures de soutien à la formation professionnelle des adultes et aux mesures d'insertion des jeunes non qualifiés.
En revanche, la dotation de décentralisation qui accompagne la décentralisation des formations qualifiantes évolue comme la DGF.
D'une façon générale, on constate que les crédits consacrés à la formation professionnelle par l'Etat, hors apprentissage, sont en baisse, la responsabilité étant reportée sur les collectivités locales et les partenaires sociaux. Mais le système de formation professionnelle est encore très instable, en particulier la réforme de la collecte des fonds de la formation professionnelle qui reste inachevée ; elle ne concerne notamment pas la taxe d'apprentissage. De plus, elle est loin de répondre aux attentes du législateur. Quant à la réforme des formations en alternance, dont le rapport de M. Michel de Virville devrait être le point de départ, elle reste à l'ordre du jour, mais les échéances paraissent bien lointaines. Je ne peux donc que redire ce que notre collègue M. Jean Madelain répète depuis plusieurs années : il faudrait sortir de cette période transitoire peu propice à un travail de qualité.
Enfin, l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprises, l'ACCRE, est une nouvelle fois modifiée, la prime étant supprimée par l'article 94 du projet de loi de finances. En revanche, les exonérations sont maintenues, de même que le chèque conseil, mais celui-ci est réservé aux bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique, qui continuent, en outre, à percevoir leur allocation pendant six mois, ce qui devrait être un moyen efficace de les encourager à créer leur entreprise.
J'ajouterai que la suppression de la prime doit être interprétée par rapport à la volonté du Gouvernement d'instituer un dispositif global d'aide à la création d'entreprise, dont le ministre des petites et moyennes industries est chargé. Il est dommage, cependant, que cette suppression précède la mise en place du système de financement de proximité.
M. Gérard Delfau. Oh oui !
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Pour maîtriser la progression budgétaire, il est également recouru aux tranferts de responsabilités et de charges. Cela n'est pas nouveau. Depuis plusieurs années, l'Etat confie à d'autres, collectivités locales ou partenaires sociaux, le soin de gérer certaines actions, afin, notamment, d'intervenir au plus près des besoins. Les contraintes budgétaires sont une raison supplémentaire de transférer ces actions.
Ainsi en est-il de l'allocation de formation reclassement, l'AFR, financée en grande partie par un versement de l'Etat à l'UNEDIC. Ce versement est diminué de 2,66 milliards de francs, mis à la charge de l'UNEDIC. Cela ne me semble pas justifié dans la mesure où les AFR, qui ne donnent pas de très bons résultats, seront dans ces conditions utilisées avec plus de parcimonie. Des discussions avec l'UNEDIC sont prévues pour mettre en oeuvre les nouvelles conditions de prise en charge des chômeurs en formation. On notera que la part de l'Etat dans cette prise en charge est actuellement de 82,5 %. Elle passerait à 40 %.
En revanche, pour assurer le financement du transfert de l'inscription des demandeurs d'emploi de l'ANPE à l'UNEDIC, 250 millions de francs sont inscrits au budget du ministère. Le transfert doit être terminé fin 1997 et semble donner satisfaction tant à l'UNEDIC et à l'ANPE qu'aux demandeurs d'emploi eux-mêmes.
La commission tient aussi à souligner le succès des dispositifs d'activation des dépenses passives mis en place par les partenaires sociaux, les conventions de coopération et l'allocation de remplacement pour l'emploi. Elle espère que les partenaires sociaux les reconduiront.
Il convient de rappeler par ailleurs le transfert à l'association nationale pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, du financement de la garantie de ressources des travailleurs handicapés en milieu ouvert.
Enfin, le service public de l'emploi participe lui aussi à la rigueur budgétaire commune. La progression des crédits n'est que de 1,91 %.
L'ANPE voit ses crédits diminués de 2,42 % : ils s'élèvent désormais à 5,241 milliards de francs. Cette baisse concerne les crédits de fonctionnement. Ceux de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, diminuent de 0,85 % pour se chiffrer à 4,35 milliards de francs ; la baisse porte sur les crédits d'investissement. Les auditions auxquelles M. Jean Madelain et moi-même avons procédé nous ont convaincus que ces deux organismes avaient poursuivi avec succès leur réforme. Il aurait été dommage qu'ils souffrent, l'AFPA notamment, de restrictions budgétaires, comme certains de nos collègues députés l'avaient envisagé, alors qu'ils ont entièrement réalisé les objectifs prévus aux contrats de progrès signés avec l'Etat.
En conclusion, monsieur le président, mes chers collègues, je dirai, comme l'année dernière, que le budget du travail et de l'emploi constitue une exception dans le cadre restrictif du projet de loi de finances. Toutefois, il n'échappe pas aux impératifs de rigueur et d'économies.
Mais l'approche nouvelle de la politique de l'emploi conduit à réduire son champ d'action puisque la plus grosse part des crédits, une quarantaine de milliards à titre structurel - ristourne, apprentissage - et une vingtaine à titre conjoncturel - CIE - porte sur la réduction du coût du travail. A terme, hors exonérations, la politique de l'emploi devrait jouer un rôle subsidiaire dans la vie économique ; du moins, peut-on l'espérer.
Bien que certaines incertitudes entourent la mise en oeuvre de ce budget, ne serait-ce que parce que l'emploi dépend avant tout du volume d'activité des entreprises, et que celui-ci ne se décrète pas, les choix gouvernementaux sont clairs : c'est l'allégement du coût du travail et le partage du travail - même si ce second objectif n'est pas fixé aussi nettement - et la majorité de la commission les a approuvés. Pour elle, les conditions d'une reprise durable de l'emploi, en accompagnement de la croissance, sont remplies.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 17 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 6 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 18 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 22 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
La parole est à M. Huguet.
M. Roland Huguet. Madame le ministre, le budget que vous soumettez à notre examen s'inscrit dans un contexte particulièrement difficile : 12,6 % de la population active est au chômage, soit une augmentation de 5,8 % sur un an, avec, en parallèle, une forte accélération des licenciements économiques et un recul sensible des offres d'emplois pour toutes les catégories de travailleurs.
Cette hausse du chômage frappe de plein fouet les jeunes de moins de vingt-cinq ans avec un taux de 24,8 %, en augmentation de plus de 6,8 % sur un an et un dépassement de plus de 4 % de la moyenne des pays européens.
Telle est la situation, alarmante, qui doit être omniprésente dans notre réflexion et qui doit orienter notre action.
Face à cette situation, vous nous proposez un budget, certes en augmentation de 8 %, ce qui est notable dans un contexte général de réduction des dépenses publiques, qui privilégie fortement la politique de l'emploi en maintenant et en accentuant les orientations qui ont déjà été adoptées en 1996, favorisant essentiellement la baisse du coût du travail et l'exonération de charges sociales : 67,6 milliards de francs d'exonérations de charges professionnelles, dont plus de 38 milliards de francs au titre de la ristourne unique dégressive mis en place pour les bas salaires jusqu'à 1,33 fois le SMIC.
Un tel effort ne peut qu'améliorer la rentabilité des entreprises et devrait avoir un impact fort sur l'évolution et l'offre d'emplois. Or n'est-on pas amené à constater de plus en plus le recours prioritaire à une main-d'oeuvre peu qualifiée et donc moins bien rémunérée ?
En clair, ce système d'exonération n'a-t-il pas un effet pervers sur l'évolution des salaires, les entreprises étant tentées fort légitimement de recruter au niveau du SMIC ? Cette dérive n'est-elle pas, hélas ! trop souvent constatée ?
Vous avez souhaité faire du contrat initiative-emploi, le CIE, un outil majeur de la bataille de l'emploi. Créé en août 1995, modifié le 1er septembre 1996 pour être réservé aux publics prioritaires et aux jeunes sans qualification, force est de constater que, malgré les sommes importantes qui lui ont été consacrées, il n'a pas contribué à une création nette d'emplois dans notre économie depuis plus d'un an.
Vous proposez d'en augmenter fortement les crédits - près de 54 % - en espérant atteindre 280 000 contrats en 1997, ce qui resterait cependant très loin des objectifs affichés lors de la création de la mesure qui prévoyait un rythme de 350 000 contrats en année pleine.
Vous aviez alors réduit d'une manière forte les aides aux chômeurs - réduction du nombre des CES, des SIFE et des stages pour chômeurs de longue durée - pour réorienter les concours financiers vers les employeurs par le biais des primes et exonérations.
Le contrat initiative-emploi peut-il véritablement avoir l'impact que vous escomptez, notamment s'il s'adresse à des publics en difficulté, chômeurs de longue durée pour qui le retour dans le monde du travail ne se fait pas toujours selon les conditions optimales voulues par les employeurs ?
Le problème majeur de notre pays est celui de l'emploi des jeunes. Les chiffres sont alarmants : 24,8 % de chômage de moins de vingt-cinq ans. Le monde du travail leur est largement fermé. L'élévation du niveau de formation constaté amène parallèlement dans les entreprises une élévation des critères de sélection sur un marché de plus en plus étroit. La lecture des offres d'emploi me conduit à constater trop généralement à la fois une exigence en matière de formation et de diplôme et un nombre, de plus en plus élevé d'ailleurs, d'années d'expérience que les jeunes ne peuvent pas avoir.
C'est un véritable carcan qui, dans un climat général de méfiance ou de peu d'intérêt des employeurs à l'égard des jeunes, conduit nécessairement les moins formés à rencontrer les plus grandes difficultés d'insertion professionnelle et, quand celle-ci s'ouvre à eux, elle se fait dans des secteurs misant essentiellement sur la flexibilité et leur offrant au départ de faibles perspectives de carrière.
C'est là un enjeu majeur de notre société et il convient qu'un changement rapide des comportements intervienne.
La voie de la formation par l'alternance, notamment l'apprentissage qui vient d'être réformé par la loi du 6 mai 1996, répond-elle aux besoins ?
Nous constatons une quasi-stabilité du nombre des apprentis malgré les efforts financiers consentis en faveur des employeurs soit, pour 1997, 4,2 milliards de francs d'exonérations de charges et 5,3 milliards de francs d'indemnités compensatoires, au total 9,5 milliards de francs, dépenses d'ailleurs appelées à augmenter mécaniquement en 1998.
Une étude particulièrement intéressante de votre ministère, madame le ministre, nous montre que 25 % des contrats sont rompus avant leur terme pour des motifs qui nous amènent à nous interroger : 44 % d'entre eux pour mésentente avec l'employeur, mais aussi 32 % pour tutorat insuffisant.
Enfin, 43 % à 47 % des apprentis dont le contrat est allé à son terme sont embauchés dans l'entreprise, ce qui reste beaucoup trop faible étant donné la dépense consentie par l'Etat et les régions dans le cadre de ce type de stage.
Ces pourcentages conduisent à s'interroger sur l'optimisation de l'apprentissage.
De plus, le peu d'intérêt actuel pour la relance de la mesure provient non pas des jeunes mais plutôt des entreprises.
Pensez-vous, madame le ministre, atteindre l'objectif que vous vous êtes assigné, soit 350 000 contrats, et quelles dispositions envisagez-vous de prendre pour une véritable relance de l'apprentissage ?
D'une manière plus générale, il importe que les entreprises puissent se mobiliser sur un accompagnement de formation en faveur des jeunes en contrat de travail.
Je voudrais maintenant aborder le problème des contrats emploi-solidarité, les CES, et des emplois consolidés.
Lors de l'examen de la loi de finances pour 1996, vous avez envisagé une réduction des crédits pour ce type de contrats au profit des contrats initiative-emploi, les CIE, réduction qu'il vous a fallu corriger à hauteur de 3,4 milliards de francs pour financer 70 000 contrats supplémentaires.
Pour 1997, vous proposez un rétablissement de la dotation à près de 12 milliards de francs.
Considérés comme des outils essentiels de lutte contre l'exclusion sociale, les CES sont même devenus incontournables dans le fonctionnement des établissements hospitaliers et des établissements d'enseignement, à tel point qu'ils sont même exonérés du ticket modérateur qui va devenir effectif au 1er janvier 1997.
Chacun d'entre nous, dans sa ville ou dans son département, se mobilise pour accueillir les contrats emploi-solidarité en leur offrant une formation qui leur permette de préparer les concours d'accès à la fonction publique territoriale, même pour ceux qui sont en très grande difficulté. Des associations renforcent également l'action en ce sens, en contrepartie des tâches d'utilité sociale que les bénéficiaires exécutent.
Trop souvent, hélas ! ce contrat est banalisé et la formation ignorée par l'employeur, le CES devient alors un temps d'activité plus ou moins long, peu rémunéré, s'inscrivant dans un parcours d'attente du revenu minimum d'insertion ou en complément de celui-ci.
Vous allez, madame le ministre, aggraver ce tableau peu engageant. Ne craignez-vous pas que le ticket modérateur n'ait un effet néfaste tant sur le nombre de contrats mobilisables que sur l'effort de formation, indépendamment de la part pouvant être prise en charge par l'Etat, notamment pour les associations qui demeurent à la base du lien social dans notre pays et dont les ressources sont de plus en plus précaires ?
Je voudrais aborder rapidement le problème du financement du chômage de longue durée.
Les personnes de plus de quarante ans qui perdent leur emploi sont de plus en plus vouées à grossir la masse grandissante des chômeurs de longue durée.
La décision que vous prenez de réduire votre participation au dispositif de l'allocation formation reclassement, l'AFR, en diminuant de près de 55 % votre contribution à ce dispositif cofinancé par l'assurance chômage, me semble particulièrement lourd de conséquences.
L'activation des excédents actuels de l'UNEDIC constitue un enjeu qui donne actuellement lieu à fort débat.
En transférant à l'UNEDIC une part plus importante du financement de l'AFR, vous pesez sur la négociation relative à l'utilisation des excédents de trésorerie, vous réduisez les marges de manoeuvre et les initiatives des partenaires sociaux, déjà appelés au renouvellement de l'ARPE et des conventions de coopération.
Votre démarche s'inscrit dans une longue logique de transfert de charges qui touche également l'AGEFIPH ou l'AGEFAL et qui tend à masquer le recul de votre budget sur les dépenses d'intervention.
Vous avez également décidé de supprimer la prime en faveur de la création d'entreprise par les personnes privées d'emploi, en maintenant toutefois l'exonération de charges mais en limitant le montant global à 1,3 milliard de francs, non compensé auprès de la sécurité sociale, et en maintenant également pendant six mois l'aide aux bénéficiaires du RMI et de l'allocation de solidarité spécifique.
Je ne suis pas sûr que vous ayez fait là un bon choix, car la création était, dans la majorité des cas, le fait de chômeurs récents, très bien implantés dans le monde économique et susceptibles d'y trouver des relais ainsi que la clientèle nécessaire à leur projet. C'était aussi un des outils pour la reprise d'une entreprise en difficulté par ses salariés, qui pouvaient être rapidement mobilisés pour éviter la perte de commandes et de la clientèle.
Ce dispositif était onéreux, c'est vrai, mais vous avez pris là une mesure d'économie définitive qui aura, à mon avis, un impact non négligeable sur le chômage des plus de quarante ans ayant une bonne expérience, qui trouvaient ainsi un apport complémentaire auprès des banques pour un projet artisanal ou commercial. Je ne pense pas que les mesures annoncées par M. Raffarin en faveur de la jeune entreprise auront le même effet pour ce type de créateurs. Plus on a d'apport personnel, plus on peut mobiliser le réseau bancaire, et cela reste valable même dans le cas des prêts bonifiés par l'Etat.
L'autre axe fort de votre politique budgétaire est orienté vers l'aménagement et la réduction du temps de travail, là encore au moyen non seulement d'exonérations de charges - ristournes dégressives ou exonérations sur les bas salaires - mais aussi du dispositif de la loi de Robien.
Cette loi, dont la promotion est actuellement très largement assurée par vos services territoriaux, est un dispositif très incitatif, mais très coûteux, et donc très attractif pour les entreprises.
Y aura-t-il, dès lors, encore une place pour une véritable négociation, telle qu'elle était prévue par l'accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995, les discussions étant dramatiquement mises en sommeil et aucun accord de branche n'ayant d'ailleurs été signé depuis la publication de la loi ? Je m'interroge.
Par ailleurs, madame le ministre, ce dispositif très avantageux pour les chefs d'entreprise ne risque-t-il pas de donner lieu à des abus, sur lesquels vos services des directions du travail et de l'emploi auront à se montrer particulièrement vigilants, notamment dans le cadre du volet « préservation de l'emploi », lors des restructurations et de l'élaboration des plans sociaux ?
J'aurais aimé évoquer le volet de la formation, mais M. Souvet, remplaçant M. Madelain, rapporteur pour avis pour la formation professionnelle, a très bien décrit les difficultés qu'on rencontre dans ce domaine, et je crois qu'il n'est pas utile d'y revenir.
Aussi, en guise de conclusion, madame le ministre, je veux vous indiquer...
M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. Que vous votez les crédits ! (Sourires.)
M. Roland Huguet. Pas tout à fait, mon cher collègue ! J'ai dit en commission que j'étais d'accord avec votre rapport, mais cela ne voulait pas dire que j'approuvais les crédits.
Madame le ministre, je ressens profondément votre projet de budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle comme un budget de désengagement, qui poursuit l'orientation déjà arrêtée en 1996 et que j'avais dénoncée à cette même tribune.
Seuls les exonérations et l'allégement du coût du travail connaissent une forte augmentation mais l'expérience nous a montré, hélas ! qu'ils ne sont pas massivement créateurs d'emplois. Or c'est cela qui est absolument nécessaire pour le rétablissement de notre économie.
Les dépenses d'intervention sont en réduction et trop facilement renvoyées à des projets ultérieurs, notamment le texte sur la cohésion sociale, ou vers des transferts de charges tant en direction des collectivités territoriales, qui vont être fortement sollicitées avec les emplois de ville et les contrats d'initiative locale, de l'UNEDIC, de l'AGEFIPH, de l'AGEFAL ou d'autres organismes encore.
Ce désengagement est d'ailleurs un principe qui vaut pour l'ensemble de ce projet de loi de finances.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Huguet.
M. Roland Huguet. J'en suis à ma conclusion, monsieur le président.
Je ne citerai qu'un autre exemple, qui aura un impact important sur l'emploi et qui relève du domaine de compétences de votre collègue le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications : il s'agit des crédits alloués aux sociétés de conversion industrielle.
Celles-ci interviennent par le biais d'aides directes aux entreprises sous forme de bonifications de prêts.
Dans ma région, deux sociétés de ce type , la SODIE, filiale d'Usinor-Sacilor, et la Financière Nord - Pas-de-Calais, plus connue sous le nom de FINORPA, qui est la société de conversion Charbonnages de France, jouent un rôle essentiel auprès des entreprises qui s'implantent ou se développent, mais également auprès de celles qui sont engagées dans une restructuration. Elles ont ainsi soutenu la création ou le maintien de 7 286 emplois en 1995.
Or, dans le projet de budget de l'industrie, les crédits de reconversion diminuent très sensiblement : la FINORPA et la SODIE ne pourront plus agir comme elles le faisaient. C'est dommage, c'est un peu du gâchis. C'est dommage aussi pour vous, en définitive, car une telle mesure handicape également l'efficacité de votre action, madame le ministre, et vous le savez bien.
Pour en revenir à votre projet de budget, celui-ci me semble dépourvu de véritables initiatives, dans un climat national qui voit les acteurs sociaux se décourager et l'envie d'entreprendre s'émousser très fortement.
M. le président. Monsieur Huguet, vous amputez maintenant le temps de votre collègue M. Delfau.
M. Roland Huguet. Il est en complet décalage avec le plaidoyer en faveur de l'initiative et de l'esprit d'entreprise prononcé par M. le Président de la République lors de son voyage dans mon département du Pas-de-Calais, voilà quelques semaines.
Bien sûr, chacun doit se sentir responsable face aux problèmes de l'emploi, mais l'Etat doit susciter les initiatives, les soutenir et les accompagner, afin que l'emploi redevienne véritablement un facteur d'intégration sociale.
Cette orientation ne me semble pas avoir été prioritaire lors de l'élaboration de ce projet de budget. C'est pourquoi le groupe socialiste ne pourra se prononcer en faveur de l'adoption des crédits du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, faute de temps, mon propos ne pourra malheureusement que rester général voire caricatural.
M. le ministre des affaires sociales, M. Jacques Barrot déclarait devant nos collègues de l'Assemblée nationale, le 8 novembre dernier, que le montant des crédits consacrés au budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle attestait que, pour le Gouvernement, l'emploi restait la priorité des priorités.
En effet, les crédits qui y sont consacrés progressent de 11 milliards de francs, ce qui représente une augmentation de 8 % par rapport à l'an dernier, pour atteindre plus de 150 milliards de francs en 1997.
Contrairement aux apparences, plus que la force d'une volonté, ce projet de budget marque plutôt, madame le ministre, l'échec flagrant de votre politique et de celle du Gouvernement.
Comment pouvez-vous ne pas vous interroger sur ce paradoxe qui fait que plus les fonds consacrés à la lutte pour l'emploi augmentent, plus le chômage explose ?
Les chiffres à cet égard sont cruels : plus de 3 100 000 personnes sont atteintes officiellement ; encore faut-il y ajouter les plus de 300 000 personnes disparues des statistiques du fait du mode de calcul adopté en 1994.
Si l'on fait le compte de l'ensemble des personnes en recherche d'emploi ou en situation de précarité ou d'exclusion, ce sont en fait 5 millions de personnes, dont beaucoup de jeunes, qui sont frappées par ce fléau, par l'angoisse et la misère qu'il engendre.
J'ai parlé d'échec. Ainsi, la mise en place du contrat initiative-emploi, le CIE, principale mesure annoncée par M. Jacques Chirac durant sa campagne de 1995, aura été un échec patent.
Certes, grâce au CIE, les entreprises ont bénéficié de l'effet d'aubaine et de substitution, compte tenu de conditions financières et fiscales attractives. Mais tout cela, c'est de l'argent en moins pour la protection sociale.
Vous avez d'ailleurs vous-même reconnu votre échec puisque vous proposez de réorienter le CIE sur les chômeurs qui sont le plus en difficulté. Certes, 280 000 CIE sont prévus. Mais faudra-t-il dorénavant attendre d'être en difficulté pour retrouver un emploi ?
Ces mécanismes, je les avais déjà dénoncés l'année dernière, à l'occasion de la discussion budgétaire. Vous auriez dû écouter alors les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen.
Au-delà de la redéfinition ou de la suppression de telle ou telle mesure, force est de constater que c'est toujours la même politique que, malgré vos échecs, vous continuez à mettre en oeuvre, à savoir une politique d'exonération, d'allégement des cotisations et de déréglementation sociale, dans la continuité de la loi quinquennale pour l'emploi.
Le but, selon M. Barrot, serait de rendre « la croissance plus riche en emplois en allégeant le coût du travail et en aménageant le temps de travail ». Il a certes ajouté par ailleurs qu'il « fallait desserrer la ceinture », mais, plus récemment, M. le Premier ministre a confirmé qu'il fallait aller à la recherche d'une plus grande flexibilité, objectif qu'a, je crois, repris M. Barrot, même s'il a utilisé une formulation différente.
Réduire le coût du travail ? Cette politique est mise en place depuis plusieurs années, avec l'efficacité que l'on sait.
Obnubilés par les critères de convergence imposés par Maastricht dans la course à la monnaie unique, vous écrasez la consommation et donc, inexorablement, l'emploi.
La pression sur les salaires se manifeste par un record historique, vers le bas, de la part des salaires dans la valeur ajoutée. C'est ce qui conduit à la faiblesse actuelle de la croissance par insuffisance de la demande et à tous les enchaînements pervers qui en découlent, y compris la surévaluation du franc par la faiblesse des importations. Tout cela contribue à augmenter encore le chômage.
Le rapport du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts sur l'effet de l'allégement des charges sur les bas salaires est, même si c'est exprimé dans un langage fort mesuré, extrêmement sévère sur cette politique.
Ce rapport note que la plupart des secteurs bénéficiaires sont ceux des services et du commerce, pourtant les moins exposés à la concurrence internationale, et qu'ils constituent un frein puissant à la progression des salaires au bas de l'échelle.
Selon ce même rapport, le fait de rendre les cotisations sociales fortement progressives nuit même au développement de la formation et de la qualification des jeunes dans l'entreprise, dans la mesure où le coût de toute promotion apparaît, pour le patronat, fortement accru du fait de la progression du taux de cotisation.

Deuxième axe de votre politique : la déréglementation du droit protecteur du travail.
Ce que les salariés ont mis un siècle de combats à gagner, vous essayez de le remettre en cause, morceau après morceau.
Depuis un an, nous avons examiné la généralisation des chèques emploi-service, l'extension des possibilités ouvertes en matière d'aménagement du temps de travail, le projet de loi qui casse l'édifice actuel des négociations collectives.
Et voilà que M. Juppé propose, au nom de la création d'emplois, de permettre au patronat de licencier plus facilement. On parle d'étendre la possibilité de passer des CDD, de remettre en cause les seuils sociaux en matière de comité d'entreprise ou de délégué du personnel. Quant à M. Barre, toujours prêt à faire de la surenchère contre les droits des salariés, il propose, ni plus ni moins, de supprimer le code du travail !
Croyez-vous que l'avenir peut consister à aligner le sort des salariés français sur celui des salariés américains, alors qu'aux Etat-Unis, outre que 40 millions de personnes sont exclues de toute couverture sociale, le fait même de toucher un salaire ne garantit pas contre l'extrême misère ? Ce phénomène commence à toucher la France.
J'en viens au troisième axe de votre politique de l'emploi, qui est l'aménagement du temps de travail.
Aujourd'hui, la loi de Robien est présentée comme une solution au chômage : cette loi, qui allège de 40 % à 50 % les cotisations patronales, s'applique s'il y a réduction du temps de travail de 10 %, assortie d'embauches correspondant à 10 % des effectifs.
Mais alors que les exonérations courent sur dix ans, les salariés n'auront aucune garantie de ne pas être licenciés au bout de deux ans.
En outre, la loi de Robien permet aux grandes entreprises présentant des plans de réduction des effectifs - je songe à Moulinex - de gonfler, le cas échéant, le nombre des suppressions d'emplois envisagées afin de bénéficier des exonérations prévues par la loi au titre des licenciements « évités » ou des emplois « maintenus ».
Nous sommes bien loin des trente-cinq heures hebdomadaires sans diminution de salaire, qui permettraient de créer des dizaines de milliers d'emplois.
On voit bien que tous ces dispositifs relatifs à l'aménagement du temps de travail, liés à la déréglementation, aboutissent, au bout du compte, à écraser encore plus le pouvoir d'achat, à peser sur les comptes sociaux et sont sans réel effet sur le chômage.
Votre politique n'apporte, en réalité, aucune solution au défi que constitue la poursuite de l'élévation du niveau d'adaptation et de formation des travailleurs aux bouleversements technologiques.
Pis encore, vous tournez le dos à ces objectifs. Les crédits consacrés à la formation diminuent en raison de prélèvements inacceptables, que ce soit sur l'AGEFAL ou l'AGEFIPH, ou de redéploiements qui remettent en cause les minima sociaux, tels que le RMI et l'ASS, ce qui permettra de financer le contrat initiative-emploi tout comme la réduction du nombre des CES avait permis de financer les emplois de ville. En fait, il s'agit bien de transferts de charges qui correspondent à un véritable désengagement.
Vous déclarez que l'UNEDIC sera mise à contribution pour compenser cette baisse. Il est inacceptable que l'Etat abandonne ses responsabilités en la matière aux dépens de l'argent des chômeurs.
A mon sens, une nouvelle politique en matière d'emploi est indispensable. Or force est de constater que la précarité et le travail à temps partiel gagnent inexorablement du terrain.
En fait, il faudrait accorder de véritables droits et des pouvoirs nouveaux aux salariés et aux comités d'entreprise pour leur permettre de s'opposer aux licenciements et d'élaborer des propositions nouvelles. Il faudrait faire reculer les exigences de rentabilité financière, l'argent pour l'argent, au profit de l'investissement matériel pour les hommes. Pour notre part, nous proposons des choix politiques nouveaux qui rompent avec la généralisation de la précarité.
Nous proposons de mettre en place des contrats sécurité-emploi-formation qui garantiraient à chacun le droit à l'emploi et à une formation rémunérée longue et diplômante.
Nous proposons un relèvement urgent des salaires et l'augmentation massive des dépenses de formation. Ces mesures seraient alimentées par des prélèvements sur la croissance et les accumulations financières.
On pourrait rompre avec la baisse des charges sociales patronales en leur substituant des baisses sélectives de charges financières.
On le voit, toutes ces mesures que nous soumettons au débat s'opposent résolument à la politique qui a été mise en place par le Gouvernement et dont j'ai démontré la nocivité.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra donc, dans ces conditions, que s'opposer fermement au projet de budget du ministère du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, mais nous aurons certainement l'occasion de développer tous ces points au cours de l'examen des différents amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, « le budget de l'emploi donne la priorité à la baisse du coût du travail ». Ce titre récent d'un quotidien traduit l'essentiel du budget du travail. Tous les crédits sont en baisse, à l'exception de l'allégement des charges des entreprises et des primes qui leur sont accordées.
Un tel budget résume l'entêtement d'une politique dont on voit pourtant, depuis des années, s'accumuler les effets négatifs.
De loi quinquennale sur l'emploi en cadeaux budgétaires, de Balladur à Juppé, on entend la même litanie : il faut alléger les charges des entreprises ; on perçoit la même obsession : il faut flexibiliser et déréglementer ; on obtient le même résultat, à savoir l'aggravation de la précarité et l'augmentation du nombre des chômeurs.
Le dernier rapport de l'ODAS estime que, sur 25 millions d'actifs, plus de 5 millions peuvent être considérés comme exclus du marché du travail.
En juin 1993, la nouvelle majorité qui arrivait au pouvoir allait enfin, disait-on, en allégeant les charges et en multipliant les aides aux entreprises, créer des emplois. On voit le résultat ! Tous les indicateurs du chômage sont en hausse, qu'il s'agisse, de la durée moyenne du chômage, du nombre de chômeurs, y compris de longue durée, du chômage des jeunes, y compris diplômés, et des femmes.
Mais aussi, combien de mesures sous-estimées dans leur coût mais surestimées dans leurs effets ont été prises !
L'allocation parentale d'éducation ? J'y suis opposée mais la question n'est pas là. Elle avait un coût qui a été sous-estimé. Elle avait un objectif, celui de créer des emplois, mais nul n'est capable d'estimer aujourd'hui combien d'emplois a créés cette mesure.
La loi de Robien ? Voilà une loi qui a été présentée comme une loi offensive, du moins à l'origine, il y a cinq mois. Au cours des débats, rappelez-vous, on disait qu'il fallait une loi à 50 % offensive et à 50 % défensive. Aujourd'hui, elle devrait plutôt être à 70 % offensive et à 30 % défensive. Qu'en sera-t-il demain ?
Vous auriez pu, au bout de quelques années, constater les effets non seulement nuls mais négatifs de cette politique systématique de cadeaux sans contrepartie aux entreprises et changer de direction. Et pourtant, madame le ministre, vous persévérez. Si ce budget augmente, c'est exclusivement dû à l'augmentation des aides aux entreprises, et, en particulier, à la ristourne sur les charges sociales sur les bas salaires.
Je ne méconnais pas l'importance du débat sur les charges salariales. Je pense aussi qu'elles pèsent lourdement sur les petites entreprises ainsi que sur les ménages quand ils sont employeurs. Je pense aux emplois familiaux. Il vaudrait mieux des charges moins lourdes et des salaires plus élevés.
C'est vous dire que je ne balaie pas cette question d'un revers de main. Mais il est anormal d'avoir sous-estimé les effets pervers des charges dégressives jusqu'à 1,33 fois le SMIC sans voir que cette mesure inciterait, au contraire, les entreprises soit à offrir de très bas salaires, soit à imposer, et non à proposer, un travail à temps partiel, ce temps partiel prétendument offert et si souvent imposé à un public qui est, dans notre pays, essentiellement féminin.
Quant au reste du budget, comment justifier le transfert à l'UNEDIC d'une partie du financement de l'allocation de formation-reclassement destinée aux chômeurs ? Comment accepter le transfert à l'AGEFIPH du financement du complément de rémunération des travailleurs handicapés travaillant en milieu ordinaire ?
Il est impensable qu'une association assure une telle gestion de service public et qu'une telle décision ait été prise sans aucune concertation. Cela devient vraiment une habitude !
Vous savez que l'ensemble des associations de handicapés s'oppose à cette mesure. L'insertion professionnelle des handicapés en milieu ordinaire piétine et le manque d'appartements thérapeutiques se fait cruellement sentir.
Il est donc à la fois maladroit et malheureux que l'Etat se désengage ainsi, alors qu'au contraire il devrait témoigner une ferme volonté en s'engageant financièrement et en menant une politique d'embauche des handicapés dans ses services, ce qu'il ne fait pas, ou très peu, comme, d'ailleurs, nombre de collectivités locales, qui sont, comme lui, extrêmement en retard dans ce domaine.
Je ne peux pas ne pas citer également la limitation du nombre de CES et le ticket modérateur, qui frappe ces mêmes CES ou, plutôt, ceux qui y ont recours. Comment la plupart des associations, qui en emploient 37 %, comment l'éducation nationale, dont on connaît la pauvreté et qui en emploie 10 %, vont-elles payer ?
Je suis extrêmement choquée par la baisse des crédits transférés aux régions pour les formations non qualifiantes pour les jeunes, c'est-à-dire ceux qui sont en très grande difficulté. C'est pour ceux-là, notamment, que vous baissez les crédits. Une fois de plus, ce sont les collectivités locales qui paieront, si elles veulent ou si elles peuvent.
Vous « tordez le cou » à l'aide aux chômeurs pour la création d'entreprise. De janvier 1995 à septembre 1995, 68 000 aides ont été accordées à ce titre. Le budget de 1996 prévoit les premières mesures restrictives. Le résultat ne se fait pas attendre. De janvier 1996 à septembre 1996, 29 000 aides ont été dénombrées. Aujourd'hui, ces primes sont totalement supprimées. Cela signifie que, concrètement, on bloque cette possibilité alors que le taux de réussite n'a pas diminué et qu'il se situe, comme pour les autres créateurs d'entreprise, aux alentours de 50 %.
Madame le ministre, l'an dernier, les fonctionnaires, ces privilégiés dont parlait voilà vingt ans Raymond Barre, étaient dans la rue. Aujourd'hui, ce sont les routiers qui reprennent des revendications semblables sur bien des points.
Les cheminots se battaient pour garder la retraite à cinquante-cinq ans. Les routiers se battent pour l'avoir et ils viennent de l'obtenir. Ils se battent contre les horaires, les conditions de travail et des heures de présence non payées. S'agit-il de relations sociales passées ? Non. Il s'agit de relations sociales qui se mettent en place aujourd'hui et qui sont fondées sur l'adaptation, l'efficacité et la flexibilité. L'opinion découvre ainsi le problème des heures passées loin du domicile et non payées.
C'est vrai pour les routiers, mais aussi dans de nombreux métiers, notamment dans le secteur tertiaire, pour les femmes à qui l'on impose des horaires, le matin et l'après-midi, avec de grandes périodes creuses pendant lesquelles elles ne peuvent pas retourner à leur domicile et qui ne sont pas payées. Elles sont bloquées, exactement comme les routiers, pendant des heures.
Précisément, concernant les femmes, madame le ministre, dans le budget du travail figurent les crédits consacrés aux centres d'information sur les droits des femmes ; ils sont en hausse et, en tant qu'ancienne présidente d'un CIDF, je m'en réjouis. Mais, et je l'ai dit tout à l'heure à M. Gaymard, si ces crédits sont inscrits dans le budget de l'action sociale et de la solidarité, ils relèvent quand même de votre responsabilité.
Les actions de communication disparaissent. Est-ce bien le moment ?
Les crédits en faveur de l'emploi et de l'égalité professionnelle diminuent fortement. Est-ce le bon moment ? Même si vous allez consacrer 6 millions de francs à des actions en faveur de l'égalité professionnelle, le chapitre 43-02-20 passe de 30 millions de francs à 19 millions de francs. Cette baisse est encore plus forte en réalité puisqu'elle est en partie masquée par un transfert de votre budget à celui de l'emploi de 5,8 millions de francs qui transitent ainsi, sans doute en partie, pour dissimuler l'effondrement de ces crédits.
Madame le ministre, je ne mets en cause ici ni vos convictions ni votre volonté. Je ne doute pas que votre situation, au sein d'un gouvernement qu'un premier remaniement ministériel a voulu rendre plus efficace en mettant à la porte la plupart des femmes qui s'y trouvaient, ne soit pas forcément simple.
Je mets en cause non vos convictions, mais les moyens que ce budget vous donne, nous donne, pour faire avancer la situation des femmes dans ce pays.
Madame le ministre, les sénateurs du groupe du RDSE membres du parti radical-socialiste voteront contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame le ministre, permettez-moi de saluer l'action courageuse que M. Jacques Barrot et vous-même menez dans un secteur particulièrement difficile, celui du travail et de la formation professionnelle, et ce, dans une période tout aussi difficile marquée par le chômage. Ce véritable fléau de cette fin de siècle touche l'ensemble de notre société, et tout particulièrement nos jeunes : le taux de chômage des jeunes atteint plus de 24 % et 35 % des jeunes inscrits à l'ANPE ont moins de vingt-deux ans.
Pourtant, les aides à l'emploi dépassent les 150 milliards de francs, soit le dixième du budget de la nation.
La France est le pays du monde qui consacre le plus d'argent à la formation de ses enfants : 9 700 francs pas an et par habitant.
Notre pays est celui qui compte le plus de grandes écoles. Jamais la durée des études n'a été aussi longue et, dans le même temps, jamais le nombre de déclassements, à tous les niveaux de diplômes, n'a été aussi élevé.
La part des surdiplômés est globalement passée de 16,4 % en 1986 à 23,1 % en 1995.
Jamais aussi les emplois précaires n'ont été aussi élevés : ces formes particulières d'emploi concernent 20 % des moins de trente ans, contre 8 % au début des années quatre-vingt.
Voilà quelques exemples concernant le demandeur. La situation est identique pour l'offreur, c'est-à-dire l'entreprise, puisque l'on recense quelque 2 133 aides diverses et variées.
A l'exception de celles qui sont fondées sur l'exonération des charges sociales, leur efficacité est extrêmement limitée.
Il est temps, madame le ministre, que l'Etat retrouve son rôle, qui est d'agir non pas sur l'entreprise, mais sur son environnement.
Il doit le faire aux côtés des collectivités locales en créant les conditions favorables à l'accueil et au développement des entreprises : c'est vrai pour les infrastructures de communication, la formation, le logement ou la qualité de vie.
Osons, madame le ministre, sortir de cette complexité qui, si elle fait les délices de l'administration, cause très souvent la perte du politique et, surtout, décourage les plus entreprenants. Un chef d'entreprise, vous le savez, mes chers collègues, passe quarante jours par an à se perdre dans le maquis administratif.
Mais le chiffre, madame le ministre, qui aujourd'hui m'interpelle - et j'ose dire m'obsède - est celui qui émane d'une enquête de l'Office national d'information sur les enseignements et les professions, l'ONISEP et qui révèle qu'un jeune lycéen sur trois veut être enseignant ou faire carrière dans l'administration.
Nous sommes face à un véritable problème de société qui risque, si nous ne réagissons pas, de devenir un problème génétique.
Le repli, la frilosité, le découragement sont les pires ennemis de la croissance. Or, vous le savez mieux que moi, une croissance inférieure à 3 % ne crée pas ou peu d'emplois au sens économique du terme. Par ailleurs, l'utilisation d'artifices tels l'inflation, la dévaluation et, surtout, le déficit, qui nous ont permis durant une décennie de prolonger les effets des Trente Glorieuses, nous sont aujourd'hui interdits.
De même, il est démagogique et illusoire de laisser croire aux Françaises et aux Français que l'on peut diminuer le chômage par la création massive de milliers d'emplois publics. Le secteur public pèse déjà lourdement sur nos finances. Il n'a de réalité que par celle que lui donne notre économie, en particulier notre tissu productif. Et c'est bien sur le développement du secteur productif que doivent porter nos efforts, car il n'est pas de grande nation sans un tissu productif fort.
Ce retour à un taux de croissance suffisant nécessite de la volonté et du temps. Dans cette attente, des mesures d'accompagnement doivent être maintenues, voire développées.
Tel est l'objet du projet de budget que vous nous soumettez, madame le ministre, dont je relèverai trois caractéristiques majeures et deux grands types de mesures.
La première caractéristique, c'est votre souhait d'éviter toute inflation budgétaire. En effet, si ce budget est en augmentation de 8 %, soit 11 milliards de francs, l'évolution sur les bases de 1996 vous aurait conduite à une augmentation de 26 milliards de francs. L'économie s'élève donc à 15 milliards de francs.
La deuxième caractéristique, c'est votre volonté de solidarité afin de faire en sorte que de moins en moins de nos concitoyens soient privés de ce droit élémentaire qu'est celui de l'emploi.
Enfin, la troisième caractéristique, c'est votre souci d'efficacité à travers les différentes actions, mesures ou aides. Permettez-moi de prendre trois exemples.
Le premier concerne les contrats emploi-solidarité ; vous avez eu le courage de diminuer leur nombre de 700 000 à 500 000. L'utilisation massive de ce type de contrats dérogatoires génère des effets pervers. Les juridictions compétentes ont d'ailleurs rappelé à l'ordre certains services de l'Etat qui avaient dévoyé les objets de ces contrats.
Je vous proposerai d'ailleurs, madame le ministre, un amendement qui va dans ce sens et qui n'altère en rien l'effort de solidarité ; bien au contraire, il vise à le rendre plus efficace et plus durable.
Le deuxième exemple d'efficacité, c'est votre souci de clarification et d'optimisation de l'apprentissage, au travers du texte que vous nous avez présenté voilà quelques mois. Je souhaite qu'il constitue un point de départ vers d'autres mesures allant dans ce sens.
Enfin, le troisième exemple a trait à la déconcentration du crédit-formation individualisé, le CFI, et des services de l'AFPA. Chaque fois que l'on rapproche une décision de l'action, on y gagne en efficacité, même si l'élu local que je suis regrette que les transferts financiers ne soient pas en rapport. La gestion du CFI par les régions est très lourde et nous n'avons pas les moyens humains de l'Etat.
J'en viens aux mesures ; elles sont de deux types.
Les premières mesures sont curatives et à court terme, et ont pour objet de faire face à l'urgence. Il s'agit des exonérations de charges, qui atteignent 50 milliards de francs, et de tous les contrats dérogatoires que j'ai évoqués.
Les secondes mesures sont préventives ; nous en vérifierons les résultats à moyen et long terme. Il s'agit de l'action, sans précédent, que vous menez en faveur de la formation professionnelle, et tout particulièrement de votre souci de développer l'alternance, voie la plus sûre pour l'insertion professionnelle.
Les chiffres que j'ai cités au début de mon propos confirment le bien-fondé de votre politique. Nous devons, en effet, en matière de formation passer d'une logique de moyens à une logique de besoins, intégrant simultanément le souhait du jeune et les besoins de l'économie. La réussite passe par un partenariat entre le système éducatif, dispensateur de la pédagogie, les professions, qui doivent s'engager sur des contrats d'objectifs et sur une gestion de plans de carrière, et enfin la famille car, malheureusement, si beaucoup reconnaissent aujourd'hui les vertus de l'apprentissage, c'est bien sûr pour le fils du voisin.
La clé de l'apprentissage reste le tuteur. Ce dernier doit répondre à deux critères : la disponibilité et la pédagogie. Des mesures incitatives peuvent être mises en place à partir, pourquoi pas ? des fonds de collectes disponibles et non mobilisés.
Maîtrise budgétaire, solidarité, efficacité marquent votre projet de budget, madame le ministre. Le groupe des Républicains et Indépendants vous apporte son soutien et votera ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au mois de février dernier, mon excellent collègue et ami Jean Madelain, malheureusement absent pour raison de santé - cela nous montre notre disponibilité relative - rapportait le projet de loi portant réforme du financement de l'apprentissage, je remercie M. Souvet qui l'a très bien suppléé.
Ce projet de loi provisoire visait à régler le problème du financement de l'apprentissage.
Son caractère provisoire tient surtout au fait que la mission de réflexion, qui avait été confiée à M. de Virville, pouvait déboucher sur une réforme plus ambitieuse, touchant toutes les formations en alternance et tendant à simplifier le système.
Jean Madelain avait tenu à rappeler que le processus de la collecte rendait fragile le dispositif du financement de l'apprentissage et qu'il était nécessaire de mettre en oeuvre un processus de rationalisation de ce système.
La loi quinquennale pour l'emploi de 1993, ainsi que diverses dispositions d'ordre budgétaire, financières et comptables ont déjà substantiellement modifié le cours des choses.
Mais le changement doit impérativement être poursuivi si l'on veut conjuguer une plus grande efficacité en termes d'insertion professionnelle et, surtout, une plus grande rigueur financière.
Compte tenu notamment des propositions formulées dans le récent rapport de M. de Virville intitulé : « Donner un nouvel élan à la formation », rapport publié en octobre dernier, vous envisagez, madame le ministre, avec M. Jacques Barrot, de poursuivre les réformes engagées et de présenter un projet de loi, très attendu, sur la réforme de l'alternance. Quand ce texte viendra-t-il en discussion ?
J'ose espérer, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, qu'il s'agit bien là de cette réforme ambitieuse touchant toutes les formations en alternance.
Dans cette perspective, je vous demande, madame le ministre, de bien vouloir nous confirmer aujourd'hui que le budget pour 1997 réservé à la formation professionnelle ne risque pas de n'être qu'un budget de transition, comme le fut celui de 1996 à cause de la loi portant réforme du financement de l'apprentissage.
Le groupe de l'Union centriste vous apportera son soutien, puisque les crédits pour 1997 correspondent à une première étape de la réforme de la formation professionnelle, qui doit être complètée par un prochain texte.
Je souhaite ensuite rappeler l'excellente initiative que M. Jacques Barrot avait prise le 5 octobre 1993, en proposant, conjointement avec M. Claude Goasguen et les membres du groupe de l'UDF de l'Assemblée nationale, la création d'une commission d'enquête sur la nature et l'utilisation des fonds affectés à la formation professionnelle, dont le rapport fut très sévère.
En effet, la commission dénonçait tout autant la confusion des buts assignés à la formation professionnelle, l'opacité des circuits de financement, la défaillance de l'Etat dans le contrôle des organismes de collecte et de formation, que l'absence d'une exigence suffisante quant à la qualité des formations dispensées.
Madame le ministre, qu'en est-il aujourd'hui de ces conclusions si sévères ?
J'ose espérer que le projet de loi annoncé pour le début de 1997 sur la formation en alternance apportera également des solutions à tous les problèmes soulevés.
Comme vous le savez, mes chers collègues, l'enjeu est très important : 47 % des moins de vingt et un ans sont toujours scolarisés pour se prémunir d'un chômage qui frappe un quart des jeunes actifs. Le grand besoin de changement dans ce domaine est la clé pour l'emploi et l'avenir de nos jeunes.
En conclusion, je citerai M. le président Monory : il a indiqué dans un article que la formation en entreprise était une priorité, le taux de chômage des jeunes en France représentant le double du taux de chômage moyen de la population, ce qui n'est pas le cas en Allemagne où les entreprises forment 1 200 000 apprentis, qui sont en fait des salariés étudiants, contre 200 000 en France, et qu'il fallait redonner à l'entreprise une vocation formatrice.
Pour terminer, je tiens à souligner, madame le ministre, que c'est dans cet esprit de confiance que les membres du groupe de l'Union centriste, comme moi-même, voteront votre budget.
Le président René Monory déclarait récemment - ce sera ma phrase de conclusion - qu'« il nous faut désormais considérer la formation comme l'un des biens les plus précieux des années à venir ». (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et indépendants et du RPR.)
M le président. La parole est à M. Jourdain.
M. André Jourdain. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à souligner la progression remarquable des crédits consacrés au travail et à l'emploi.
En effet, ce projet de budget augmente de 8 % par rapport à 1996, tandis que la progression des dépenses inscrites dans le projet de loi de finances est limitée à 0,8 % : ces chiffres traduisent votre volonté, madame le ministre, ainsi que celle du Gouvernement d'accorder la priorité absolue à la politique de l'emploi.
L'élément dominant de ce projet de budget est l'allégement du coût du travail, constitué par la ristourne unique de 1 160 francs par mois au niveau du SMIC et qui est dégressive jusqu'à 1,33 SMIC.
Ainsi, 38,34 milliards de francs sont inscrits au titre du financement de ce dispositif, qui ne manquera pas d'avoir un effet incitatif sur les emplois peu qualifiés. En effet, selon la Direction de la prévision, une baisse des charges de 10 milliards de francs entraîne la création de 55 000 emplois sur cinq ans, avec un retour sur finances publiques estimé entre 50 % et 70 %.
Les entreprises ont ainsi la possibilité d'avoir recours à une main-d'oeuvre certes peu qualifiée, dont le coût du travail est allégé de 13 % pour un SMIC à temps plein et de 19 % pour un SMIC à temps partiel.
Par ailleurs, certaines activités peu rentables jusqu'ici pourront désormais trouver des débouchés.
A cet égard, les exonérations de charges prévues pour les zones de revitalisation rurales dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire constituent, elles aussi, un appel d'air très apprécié des entreprises. Cependant, la mise en oeuvre de ce dispositif aurait gagné à être plus claire.
En effet, ces exonérations auraient dû être applicables, selon la loi, à partir du 1er janvier 1995 ; c'est du reste ce qui s'est passé dans mon département du Jura. Or un décret, ou une circulaire, est venu contredire la loi non seulement en modifiant la date d'entrée en vigueur, mais aussi en retardant l'application de cette mesure au 17 février 1996.
L'URSSAF a donc remboursé aux entreprises concernées ces exonérations, pour ensuite leur demander de les restituer.
Madame le ministre, j'aimerais avoir quelques explications sur ce dysfonctionnement qui a fait perdre beaucoup de temps et d'argent aux entreprises. En outre, cette affaire a jeté un certain discrédit sur une mesure qui était pourtant très positive.
Au-delà de quelques critiques, je me réjouis que ce projet de budget puisse répondre à un double objectif : il simplifie les dispositifs de la politique de l'emploi et les recentre sur les publics les plus en difficulté.
La prime du CIE est désormais réservée, entre autres, aux demandeurs d'emploi de très longue durée, ainsi qu'aux bénéficiaires du RMI et aux chômeurs de plus de cinquante ans. Ce « recentrage » me paraît tout à fait pertinent dans la mesure où le CIE demeure un moyen efficace pour lutter contre l'exclusion.
D'autres contrats, tels que les contrats emploi de ville ou le futur contrat d'initiative locale, poursuivent le même objectif, sans toutefois présenter les mêmes avantages. En effet, ces dispositifs se révèlent être très coûteux pour les collectivités locales sans créer d'emplois pérennes.
Je crois qu'il serait donc préférable de privilégier l'insertion économique en milieu de travail « ordinaire », si je puis m'exprimer ainsi.
Par ailleurs, il faut également souligner que les différents contrats « aidés » n'apportent pas de solution pour les jeunes diplômés de l'université ou des écoles. Or, ceux-ci éprouvent des difficultés considérables pour s'insérer dans la vie active. Il faudrait, par conséquent, substituer un nouveau dispositif à l'APEJ, l'aide au premier emploi des jeunes.
Cette mesure était effectivement trop coûteuse et n'a pas apporté les résultats que l'on pouvait en attendre. Les jeunes diplômés ont aujourd'hui besoin d'un dispositif qui leur permette réellement d'accéder au premier emploi, car des compétences qui ne sont pas utilisées sont peu à peu perdues.
La nécessité d'ajuster à la réalité le coût de certains dispositifs se traduit également par la modification des aides aux chômeurs créateurs d'entreprise. Si l'ACCRE, l'aide aux chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprise, est supprimée, les chômeurs créateurs d'entreprise n'auront plus cependant à justifier de six mois de chômage pour bénéficier des exonérations.
En outre, les bénéficiaires du RMI et de l'ASS, l'allocation de solidarité spécifique, qui créeront une entreprise continueront à percevoir leurs allocations pendant six mois.
A cet égard, je regrette qu'il n'en soit pas de même pour les chômeurs indemnisés qui, eux, perdront leurs droits à indemnisation dès lors qu'ils créeront leur entreprise.
Il faudrait donc interroger les partenaires sociaux membres de l'UNEDIC, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, sur ce point qui pourrait d'ailleurs être intégré aux mesures d'activation des dépenses passives.
Outre ces quelques réflexions, je voudrais maintenant évoquer les conclusions du groupe de travail sur l'emploi qui a été créé au sein du RPR.
Par ces travaux, nous répondions à l'appel, lancé par M. le Premier ministre, à la mobilisation des élus locaux en matière d'emploi.
Notre groupe s'est donc attaché à rechercher les moyens d'une politique territoriale de l'emploi. Trois principes ont guidé nos réflexions : une responsabilité politique décentralisée, une démarche fondée sur la proximité et l'expérimentation, enfin, la volonté de privilégier la logique de la rémunération sur celle de l'assistance.
Ayant constaté la multiplicité des intervenants locaux en matière d'emploi, nous proposons la création d'une agence territoriale pour l'emploi, placée sous l'autorité conjointe du préfet et des élus locaux.
Elle aurait pour mission de coordonner les différents services et structures intervenant dans ce domaine en étant un outil simple et centralisateur.
Je souhaiterais, madame le ministre, connaître votre opinion sur cette première proposition.
Par ailleurs, la succession de plans de lutte contre le chômage a démontré le manque d'efficacité des mesures généralisées et centralisées.
Pour cette raison, nous proposons également que soient développées les expérimentations sur le plan local, en particulier dans le domaine de l'activation des dépenses passives du chômage. Nous demandons pour cela que soit accepté un droit à la différence afin de rechercher des solutions adaptées à des contextes différents.
Un champ considérable pourrait être ainsi ouvert à l'expérimentation conduite à l'échelon local et soutenue par l'agence territoriale de l'emploi.
Sur ce point aussi, j'aimerais connaître votre sentiment, madame le ministre : l'expérimentation n'est-elle pas un moyen efficace pour trouver de nouvelles solutions ?
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. André Jourdain. La troisième piste de réflexion de notre groupe de travail concerne le rôle des emplois de proximité comme moyen de lutter contre l'esprit d'assistance.
Les collectivités territoriales peuvent en effet accomplir une mission importante dans ce domaine, en structurant et en développant le marché des emplois de proximité.
Plusieurs collectivités locales ont lancé des expériences dans ce domaine, mais, pour des raisons financières, elles ont été conduites à des échelons limités.
Les élus souhaitent privilégier l'insertion par l'économique et répondre au devoir national d'insertion, mais il faut qu'ils en aient les moyens.
Compte tenu des contraintes financières, pourrez-vous apporter votre soutien, madame le ministre, à la mobilisation et à la capacité d'innovation des collectivités territoriales ?
Je terminerai en abordant le volet formation de ce projet de budget.
Promouvoir et développer la formation en alternance constitue un moyen efficace pour lutter contre le chômage. Les crédits prévus à cet effet montrent l'importance que vous accordez à l'apprentissage notamment. Ils montrent également votre volonté de simplifier et de recentrer les différents dispositifs afin de les orienter prioritairement sur les populations les plus en difficulté.
Cependant, l'effort de simplification qui a été entrepris récemment par la loi sur la réforme du financement de l'apprentissage apparaît comme insuffisant. Le rapport de M. de Virville suggère à cet égard une réforme de l'ensemble du dispositif de la formation afin d'en accroître la lisibilité.
Je souhaiterais donc savoir, madame le ministre, quelle suite vous entendez donner aux conclusions du rapport de Virville.
Enfin, vous seriez surprise si je n'évoquais pas ma proposition consistant à transformer l'assurance chômage en nouveaux emplois.
Si, sur l'ensemble des travées de la Haute Assemblée, nous partageons le souci commun de lutter contre le chômage, bien souvent nous divergeons, nous nous opposons, sur les moyens à utiliser pour atteindre ce but. Or le dispositif que je préconise, qui ne coûte rien à l'Etat, a suscité un intérêt unanime des membres de la commission des affaires sociales.
Devant un tel consensus, si rare, surtout sur un sujet aussi sensible, le Gouvernement va-t-il prendre position ? Va-t-il donner une suite à ce dispositif ?
Telles sont, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les réflexions et les interrogations que je voulais formuler. Bien entendu, madame le ministre, le groupe du RPR votera votre projet de budget, qui traduit la détermination du Gouvernement et la nôtre dans la lutte contre le chômage. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au moment où s'ouvre le débat sur le budget du travail, le pays connaît le plus dur des conflits sociaux dans le secteur privé depuis de longues années. Plus de deux cent cinquante barrages sont disséminés sur l'ensemble du territoire national, des centaines de chauffeurs routiers expriment leur refus devant des conditions de travail dignes du XIXe siècle et s'indignent d'un niveau de salaire qui est sans commune mesure avec la pénibilité de l'emploi et avec l'amplitude des horaires. Or nous sommes ce soir dans l'impasse après quinze jours de grève, et l'Europe, prise en otage, assiste médusée à cette explosion de colère.
Certes, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts depuis une semaine. Ce qui est frappant, c'est qu'il est apparu sans cesse comme le seul interlocuteur des grévistes.
Ce conflit, quelle qu'en soit l'issue, fera date. Il montre le renouveau de combativité du monde du travail et la capacité des organisations syndicales à canaliser l'expression de ce mécontentement. En revanche, où sont passés les chefs d'entreprise de ce secteur ? Aucune des cinq ou six fédérations assises à la table des négociations n'a, à ma connaissance, osé venir devant l'opinion publique pour s'expliquer. Il semble que leur principal effort ait consisté à faire pression sur Matignon pour que l'Etat, c'est-à-dire le contribuable, prenne à sa charge la majeure partie des concessions faites.
Si j'ai voulu évoquer en préambule cette actualité sociale, c'est parce que l'on n'aurait pas compris que je parle du budget du travail en ignorant les salariés qui, au même moment, dans le froid et sous la pluie, mènent un combat exemplaire, mais c'est aussi parce que la principale leçon de ce conflit illustre l'impasse dans laquelle s'enferme la politique que vous nous présentez, madame le ministre.
Pour faire vite, puisqu'il faut faire vite, trop vite sur un tel sujet, je dirai que le traitement social du chômage, inventé par M. Boulin et poursuivi par les gouvernements socialistes, s'efface progressivement, depuis 1993, au profit du traitement tout-entreprise. Or, l'échec est tout aussi patent.
Budget après budget, vous transformez les crédits d'intervention et de promotion de l'emploi en exonérations de charges, en primes et en subventions. Mais c'est en pure perte, comme le montrent les chiffres du chômage et comme l'a analysé sans complaisance la commission Péricard-Novelli à l'Assemblée nationale, au printemps dernier.
Effets de substitution, effets d'aubaine et même détournements de fonds publics, les créations ou maintiens d'emplois sont infimes au regard des sommes colossales dépensées. Est-ce en raison du climat de récession qui fragilise les entreprises et décourage l'embauche ? Sans doute, mais c'est aussi parce que les chefs d'entreprise n'ont pas une organisation collective susceptible de prendre en charge les intérêts à moyen terme de leurs mandants et, plus généralement, ceux de la société française. Le conflit des routiers en fournit, hélas ! la démonstration.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Delfau.
M. Gérard Delfau. Il est urgent, madame le ministre, de changer de logique et comme je n'ai pas le temps d'expliquer ce soir ce que je voulais dire, puisque j'ai simplement posé le cadre de mon intervention, j'expliquerai, lors de l'examen des crédits, ce que pourrait être, venant de toutes les travées de cette assemblée et prise en charge par vous-même, madame le ministre, une autre façon d'aborder enfin la politique de l'emploi. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je vous remercie de votre compréhension, mon cher collègue.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cela a été dit, l'évolution des crédits du budget du travail témoigne de la priorité nationale que constitue l'emploi. On est loin de l'époque où le qualificatif de « travailleur » attaché à l'homme situait l'individu par le choix de l'exercice d'une valeur dont les fondements se trouvent dans les textes les plus anciens. Aujourd'hui, la solidarité s'exerce à l'égard de ceux qui ne peuvent avoir accès à ce droit et leur dignité ne devrait pas pour autant en être atteinte en raison de l'absence d'alternative.
Il est particulièrement pénible de constater que la majeure partie des actifs ont entre vingt-cinq ans et quarante-neuf ans. Le ciblage des efforts porte, en conséquence, et cela a été compris, sur les jeunes en quête, le plus souvent, de leur premier emploi et sur les plus âgés, victimes, dans la plupart des cas, de l'évolution de la technologie.
Le chômage des jeunes dépasse aujourd'hui 24 %, ce qui, rapporté à une classe d'âge, est de l'ordre de 9 %. On est donc en droit de s'interroger sur l'adéquation des formations avec les besoins du monde du travail. Si les filières professionnelles répondent à des profils bien définis, à des compétences précises, les cursus plus généraux sont contestables quant à leur finalité. A certains moments, on frise l'absurde en multipliant les unités en complète lévitation, les cycles suivis ne se justifiant que par une sortie des effectifs de l'ANPE, les formateurs formant des formateurs. Ne pourrait-on pas mettre de l'ordre dans tous les circuits de formation lorsqu'on constate une telle opacité et une telle multiplicité dans les conseils régionaux ?
Je serais plutôt partisan d'une formation en entreprise fondée sur un partenariat dont l'Etat serait l'un des contractants. Les acquis seraient validés et organisés pour composer des qualifications reconnues à l'échelon national. On peut supposer que l'implication des entreprises serait sous-tendue par une démarche réaliste visant à se doter de personnel opérationnel.
Or il n'est pas rare, malgré le taux de chômage que nous connaissons, d'entendre des responsables se plaindre de ne pas pouvoir recruter comme ils le souhaitent.
En ce qui concerne l'autre extrémité de la courbe de Gauss, les adultes de plus de cinquante ans, il faut poursuivre les dispositifs de retrait d'activité. Ainsi, il convient d'encourager la reconduction des accords mis en place par les partenaires sociaux portant sur l'allocation de remplacement pour l'emploi en contrepartie de l'embauche de chômeurs de longue durée ou de personnes dépassant l'âge de cinquante-cinq ans. Il est souhaitable, également, de favoriser les préretraites associées aux plans sociaux.
Précisément, sur l'application de ces dispositions, je regrette, madame le ministre, que M. Jacques Barrot ne soit pas présent au banc du Gouvernement, car je m'étonne de son silence, dont, bien sûr, je ne peux vous faire grief. Voilà six mois, je l'entretenais des difficultés de mise en place d'une convention de préretraite progressive du Fonds national de l'emploi au sein d'un établissement bancaire. Le déblocage de la situation générerait immédiatement le recrutement de 175 personnes, venant s'ajouter aux 200 personnes ayant fait l'objet de demandes de contrats de qualification, qui seraient alors - et seulement alors - convertis en contrats à durée indéterminée.
La situation exige que toute possibilité présentant une amélioration soit examinée. Dire qu'il y a urgence est un euphémisme.
La politique de l'emploi est d'autant plus importante que la croissance conjoncturelle est insuffisante pour équilibrer le marché. Près de la moitié des crédits que nous examinons en ce moment sont consacrés à des exonérations de charges. Si l'on estime que l'Etat doit moins intervenir dans la vie économique, on ne peut être critique sur ce point. La question est de savoir si les limites sont atteintes ou s'il reste de la marge. Ne pourrait-on envisager une remise de la part patronale des cotisations ASSEDIC assortie d'une obligation d'embauche ? Un calcul réalisé sur trente salariés autorise une augmentation d'effectif de trois personnes.
Je ne pense pas que l'équilibre de l'UNEDIC puisse être menacé. De plus, si, au regard de la remise de cotisations, on inscrit l'arrêt du versement des indemnités chômage et les rentrées générées par toute activité salariée, le solde est positif.
Enfin - et ce n'est pas là l'aspect le moins important - on doit considérer l'élément psychologique qui contribue à modifier un climat ambiant délétère. La société française subit, comme toutes les nations, les conséquences du ralentissement de la croissance économique, mais elle enregistre aussi les effets psychosomatiques de discours anémiants. Beaucoup de nos concitoyens ne croient plus en rien ; il faut réinsuffler la capacité à l'espoir.
Je suis également convaincu que l'allégement du coût du travail n'est pas un cadeau aux entreprises, comme certains le prétendent, mais bien la réponse à apporter aux nouvelles donnes du monde économique. Les candidats à la délocalisation n'ont plus besoin d'aller très loin pour échapper aux exigences d'une couverture sociale à laquelle nous ne renoncerons pas mais qui pèse sur les coûts de production. L'approche que nous en avons est la bonne.
Les articles rattachés aux crédits du budget du travail me permettent de dire mes regrets face à la suppression de l'aide aux créateurs ou repreneurs d'entreprise. Certes, l'exonération des cotisations sociales pendant un an est maintenue, ainsi que la participation de l'Etat dans les formations de gestion. Toutefois, ce financement était apprécié pour la contribution qu'il apportait au démarrage d'activité, particulièrement délicat la première année. Relativement aux dispositions restantes, je continue à penser qu'il faut pratiquer la confiance plutôt que la suspicion et accorder le bénéfice du dispositif prévu, quitte à rencontrer quelques écueils. Ainsi, l'obligation de six mois d'inscription à l'ANPE dans les dix-huit mois qui précédent le dépôt du dossier s'est révélée pénalisante pour les candidats dont le projet était recevable sur le fond. J'ai d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
L'inquiétude face à l'avenir reste la préoccupation majeure des Français. L'entrée dans la vie active et sociale autonome est repoussée le plus possible. Quand elle existe, la cellule familiale constitue le meilleur rempart contre un système social où l'individu a peur de se faire broyer. Dans la mesure du possible, nous devons anticiper les mutations plutôt que d'avoir à en pallier les conséquences dommageables.
Dans cette perspective et au regard des efforts réels d'approche économique de la politique de l'emploi, la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera les crédits du budget du travail. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gérard.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans le cadre du projet de loi de finances pour 1997, le budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle s'élève à 150,3 milliards de francs, contre 138,3 milliards de francs en 1996, soit une augmentation de 8,6 % ; 28 milliards de francs de crédits sont inscrits au budget du travail au titre de la formation professionnelle, soit 12,5 % de moins que l'année dernière.
A la lecture de votre budget, je constate que tous les efforts sont concentrés sur l'apprentissage et la formation en alternance, ce qui, bien entendu, reste une très bonne voie. Mais je souhaitais attirer votre attention sur les dispositifs mis en place à l'attention des demandeurs d'emploi, tant il est vrai que la formation a un rôle essentiel à jouer pour rompre la spirale de l'exclusion.
Les orientations annoncées dans ce projet de budget soulèvent cependant quelques questions.
Ainsi, la baisse constatée des crédits pour la formation professionnelle concerne en tout premier lieu les programmes nationaux de formation en faveur des chômeurs de longue durée au titre de l'allocation pour la formation et le reclassement et des stages d'insertion et de formation dans l'emploi, les SIFE.
S'agissant de ces stages, par exemple, dont les principaux bénéficiaires sont les chômeurs de longue durée, les allocataires du RMI et les femmes isolées, 160 000 entrées en stage étaient offertes en 1996 contre 100 000 pour 1997.
Cette baisse des crédits pout 1997 va donc toucher de façon importante les demandeurs d'emplois, pour lesquels, me semble-t-il, il n'est pas prévu de politique de retour à l'emploi effective.
Pourtant, la recomposition des métiers et l'évolution constante des compétences nécessaires pour occuper un poste de travail sont des facteurs qui concourent à l'exclusion de ceux qui n'ont pu faire évoluer leurs capacités. La formation permet d'acquérir, de restaurer ou de maintenir ces compétences, en réduisant ainsi la distance à l'emploi.
Si l'on admet aujourd'hui qu'il faut redistribuer les temps sociaux, si l'on met en place une organisation sociale pour y parvenir s'agissant des salariés, il serait à mon sens paradoxal de laisser sur le bord du chemin les exclus du travail. Se former, c'est aussi nécessaire que travailler, même et surtout pour ceux qui sont sans travail !
Ma première question sera donc la suivante, madame le ministre : quel est l'éventail des dispositifs qui peuvent être proposés aux demandeurs d'emploi, sachant que la formation professionnelle joue un rôle essentiel pour permettre à un chômeur de se réinsérer dans le monde du travail ?
Parmi les dispositions qui pourraient être mises en place pour pallier cette baisse d'offre de stages, je m'interroge sur la sélectivité opérée par les organismes producteurs de formation. Ne peut-on envisager, par exemple, que le Conservatoire national des arts et métiers, qui consacre quasi exclusivement ses formations aux actifs occupés, ouvre ses portes à un public plus large ? Je pense notamment aux jeunes à la recherche d'un premier emploi, ou aux demandeurs d'emploi.
Le deuxième point sur lequel je souhaite appeler votre attention, madame le ministre, a trait à la nécessité de s'orienter vers une simplification et une évaluation des coûts des systèmes d'aide à la formation.
Ces systèmes d'aide à la formation professionnelle et à l'emploi sont, mes collègues l'ont rappelé, coûteux et compliqués. De nombreuses études ont été réalisées sur ce sujet et il paraît indispensable, d'une part, d'améliorer la lisibilité et l'efficacité du système d'aide à l'emploi et, d'autre part, d'évaluer ces aides en chiffrant les effets d'efficacité au regard des objectifs que l'on s'était fixés.
Aujourd'hui, on constate une nette insuffisance des moyens d'évaluation. Or ces évaluations devraient permettre de mieux orienter la dépense vers les personnes qui en ont le plus besoin.
Comme le propose dans son rapport le président de la commission d'enquête sur les aides à l'emploi, il serait souhaitable que l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques puisse être saisi du problème de l'évaluation de la politique de l'emploi et des aides à l'emploi.
Avant de conclure, madame le ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur un dernier point. Il s'agit de la nécessité de préserver un équilibre entre les branches professionnelles et l'interprofession.
La réorganisation des collectes de fonds de la formation professionnelle, voulue et organisée par la loi quinquennale sur l'emploi et la formation, comporte un risque important : celui d'oublier les petites entreprises et de priver les organismes interprofessionnels qui ont en charge l'information et la formation de ces entreprises des moyens nécessaires et suffisants à leur action.
Je me permets d'insister sur ce point car nous savons que ces petites entreprises sont créatrices d'emploi, à condition que l'information utile leur parvienne en temps et en heure. Or leur taille et leur nombre constituent autant de handicaps et les moyens à mettre en oeuvre par les structures interprofessionnelles sont, de ce fait, particulièrement lourds et onéreux.
Il convient donc, d'une part, de veiller à ce que la redistribution des fonds prévue par la loi s'exécute dans les meilleurs délais entre les organismes de branche et ceux de l'interprofession et, d'autre part, de prévoir un dispositif d'équilibrage général des fonds collectés qui pourrait, par exemple, utiliser une pondération liée au poids économique de chaque secteur.
Il me semble urgent de faciliter l'accès des PME et des très petites entreprises à la formation et de doter les organismes interprofessionnels, chargés de cette mission, des moyens nécessaires à leur efficacité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Madame le ministre, mes chers collègues, la conférence des présidents avait prévu que nous interrompions nos travaux à zéro heure trente. Je vous propose cependant de les poursuivre jusqu'à une heure, afin de permettre à M. le président de la commission des affaires sociales d'intervenir et à Mme le ministre de répondre aux différents orateurs. (Assentiment.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, à cette heure tardive, je concentrerai mon propos sur ma principale préoccupation, le chômage des jeunes.
Il est clair que, dans notre société, nous ne pourrons revenir à plus de confiance et à un meilleur développement que si nous apportons au chômage des jeunes un certain nombre de réponses. Or je me demande si la multiplication des stages ne contribue pas indirectement à rendre cette insertion plus difficile, tout simplement parce que le stage chasse l'emploi : nombreux sont les jeunes qualifiés - et même très qualifiés - qui sont engagés comme stagiaire pour exécuter un travail très « pointu » en rapport avec leurs connaissances, puis qui sont renvoyés par l'entreprise à l'issue de leur stage et qui vont d'entreprise en entreprise en étant toujours en situation précaire.
Plutôt que de favoriser cette recherche désespérée de stages, je crois que nous pourrions essayer de consolider l'insertion et d'utiliser une partie des 150 milliards de francs que nous avons évoqués ce soir à des mesures plus précises.
Je voudrais, pour ma part, vous en proposer trois.
Premièrement, pour les jeunes sans qualification qui, malgré les efforts réalisés par le ministère de l'éducation nationale, sont toujours assez nombreux, il faudrait sans doute, en s'inspirant de ce que fut le plan Exo-jeunes - système certes coûteux mais qui a donné des résultats assez bons - ...
M. Gérard Delfau. Tiens tiens tiens ! Il n'est jamais trop tard !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... envisager une modulation des actuels contrats d'insertion afin d'inciter à la transformation du contrat à durée déterminée, qui est le cas le plus fréquent, en un contrat à durée indéterminée assorti d'une formation.
Je crois que la modulation portant sur le niveau de la prime ou sur la durée de l'exonération, notamment dans le cadre des CIE réservés aux jeunes en difficulté, nous permettrait d'atteindre ces résultats et apporterait une solution plus durable pour les jeunes qui sont à l'heure actuelle en grande difficulté et qui n'ont aucune qualification. Tentons l'expérience et, pour reprendre ce que proposait tout à l'heure notre ami M. Jourdain, lançons quelques expérimentations.
La deuxième mesure que je souhaite proposer, c'est la mise en place, par modification du contrat à durée déterminée, d'un système de contrat tel que l'a proposé le président Monory et qui permettrait d'envoyer des jeunes travailler sur les marchés extérieurs pour se faire une idée concrète de la mondialisation. Au terme de six mois de formation dans une entreprise sur le territoire métropolitain, le jeune exécuterait ainsi pendant deux ans un travail à l'étranger. Il s'agirait donc de contrats de deux ans et demi.
Je suis persuadé que de nombreux jeunes diplômés pourraient, grâce à ce type de contrat, envisager une formation de longue durée. A leur retour, des entreprises à la recherche de personnes prêtes à se rendre à l'étranger pourraient faire appel à eux pour leurs connaissances professionnelles et linguistiques.
Enfin, j'en arrive à la troisième mesure, qui concerne un dispositif que nous avons inauguré ensemble : la décentralisation des aides à l'emploi.
Il faut faire sauter un certain nombre de clivages administratifs ou faire cesser les batailles incessantes entre l'ANPE, les municipalités, les organismes professionnels. En effet, on perd un temps fou à essayer de coordonner ce qu'il est impossible de coordonner, parce que nous sommes en France où chacun adore sa spécificité.
Je suis persuadé qu'il faudrait accorder des crédits directement à l'échelon des départements, ou, mieux, des bassins d'emplois. Ainsi, comme l'a proposé M. Jourdain, des opérations pourraient être lancées sans avoir à remonter au niveau administratif régional ou national, ce qui permettrait de gagner beaucoup de temps. Ces initiatives pourraient donner des résultats significatifs, notamment en faveur de jeunes en difficulté.
Madame le ministre, ce sont trois propositions concrètes que je vous soumets.
Je suis persuadé qu'il faudrait les mettre en oeuvre dans plusieurs départements, notamment les contrats d'expatriation.
Ces opérations permettraient de montrer à de nombreux jeunes ce que sont effectivement la compétition internationale et les méthodes de travail des entreprises avec lesquelles nous allons être en compétition.
Ainsi, nous redonnerions l'espoir à des dizaines de milliers de jeunes, et nous apporterions rapidement la démonstration qu'en dépit de nos catégories juridiques, de notre amour immodéré des textes, des circulaires et des structures administratives, nous sommes capables, face à la difficulté, de trouver des solutions rationnelles, expérimentales, précises, débouchant sur de vrais emplois. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aimerais tout d'abord remercier M. le président Fourcade et les deux rapporteurs, MM. Hamel et Souvet. J'ai également apprécié l'intérêt des propos qui ont été tenus par les différents intervenants, ainsi que la qualité des travaux qui ont été menés par la Haute Assemblée.
Je m'exprime en mon nom personnel, mais Jacques Barrot, s'il avait pu être présent ce soir, aurait pu prononcer les mêmes paroles.
Les crédits du projet de budget du travail pour 1997 s'élèvent, comme vous le savez, à 103 milliards de francs, contre 99 milliards de francs en 1996. Il faut compléter ce montant par 47,3 milliards de francs de crédits inscrits au budget des charges communes.
Le total des crédits mis à notre disposition s'élève donc à 150,3 milliards de francs et progresse de 11 milliards de francs, c'est-à-dire de 8 % par rapport à 1996.
Dans la conjoncture actuelle, ces chiffres témoignent bien, monsieur Fischer, du fait que l'emploi reste la préoccupation première du Gouvernement, ainsi que l'a rappelé M. Jacques Barrot devant l'Assemblée nationale.
Vous savez cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons limité la progression des crédits. Les rapports de vos commissions donnent d'ailleurs d'excellentes descriptions des économies réalisées. Ainsi, certains dispositifs qui étaient trop coûteux, comme l'a montré la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, ont été modifiés afin d'améliorer leur efficacité.
Si ce projet de budget est bon, c'est donc non pas parce qu'il progresse, mais parce qu'il correspond à une stratégie que vous connaissez, et dont vous avez rappelé la teneur : il s'agit d'un effort pour l'avenir qui tend à développer l'emploi à moyen terme par des réformes structurelles, et qui se double pour l'immédiat de dispositions en faveur du maintien de la cohésion sociale.
Je vais traiter ces deux points.
Préparer l'avenir, c'est d'abord redynamiser la France pour que les énergies actuellement inutilisées trouvent à s'employer.
Mais la croissance ne suffit pas, il faut la rendre plus riche en emplois, et il faut en assurer la pérennisation, notamment grâce à la formation.
En ce qui concerne l'enrichissement en emplois de la croissance, vous avez rappelé les uns et les autres, mais j'aimerais le souligner à nouveau, que des résultats ont été obtenus notamment grâce à l'allégement des charges sur les bas salaires et l'aménagement du temps de travail.
Alors qu'il fallait 2,5 % de croissance pour conserver le nombre d'emplois dans les années quatre-vingt, il en faut environ 1,5 % maintenant. Or 100 000 emplois supplémentaires auront été créés à la fin de 1997 par l'effet cumulé des baisses de charges. Ce n'est pas négligeable, monsieur Fischer, car il s'agit de créations nettes.
Vous savez cependant que l'effet se fera sentir surtout à moyen terme, en créant un nouvel environnement stable, plus favorable à l'embauche, sur lequel les entreprises pourront fonder des prévisions durables. Nous devons donc poursuivre ces actions.
Il s'agit bien, monsieur Huguet, madame Dusseau, d'une politique nouvelle par rapport à ce que vous avez fait durant dix ans, car cette croissance plus riche en emplois, c'est dans les entreprises qu'elle se manifeste.
Nous sortons d'une logique qui, en créant toujours plus d'emplois publics, augmente les charges des contribuables, mais aussi des entreprises, ce qui les conduit à supprimer des emplois.
Vous avez raison, monsieur Carle, le rôle de l'Etat est bien d'agir sur l'environnement des entreprises. C'est dans cette logique que notre projet de budget a été conçu.
L'un des premiers axes vise à alléger le coût du travail.
La ristourne de cotisations sur les bas salaires est inscrite dans le budget des charges communes pour un montant de 40,3 milliards de francs.
A compter du 1er octobre 1996, la ristourne dégressive créée en 1995 et l'abattement sur les cotisations familiales instauré en 1993 ont été fusionnés sous la forme d'une ristourne unique dégressive. Je ne reviendrai pas sur ce point, mais j'aimerais simplement dire à M. Huguet que la dégressivité a bien pour objectif d'éviter les effets de seuil.
Par ailleurs, dans les secteurs du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure, la ristourne dégressive atteint, ne l'oublions pas, 1 900 francs au lieu des 1 163 francs précédemment au niveau du SMIC pour cesser à 1,5 fois et non pas à 1,33 fois le SMIC.
Indépendamment de la ristourne, 1,5 milliard de francs de compensation d'exonérations supplémentaires sont prévus pour l'aménagement du territoire. Il est exact, monsieur Jourdain, que le décret d'application a beaucoup tardé, mais il était difficile de le prendre avant que ne soient délimitées les zones concernées. Des URSSAF, qui avaient anticipé le décret, ont procédé à des rappels. Nous avons donné - je le confirme - des consignes inverses. Si des problèmes subsistent, nous demanderons une validation législative, ce que je tiens également à vous confirmer.
Avant d'abandonner le sujet des exonérations, je répondrai à M. Jourdain sur sa proposition de loi visant à autoriser la déduction des salaires correspondant aux emplois créés du montant des cotisations d'assurance chômage. Elle est incontestablement très intéressante et nous la faisons étudier, mais nous devons examiner les inconvénients qu'elle peut présenter. Elle risque d'entraîner un effet d'aubaine important, car il y a 2 000 000 de créations d'emplois en France dans les entreprises qui augmentent leurs effectifs. Elle risque donc de coûter cher à l'UNEDIC, et donc aux autres entreprises. Il s'agit cependant d'un projet qu'il convient d'examiner attentivement.
Le deuxième moyen pour enrichir la croissance en emplois est l'aménagement et la réduction du temps de travail.
L'aménagement et la réduction du temps de travail doivent être envisagés selon une logique que M. Jacques Barrot qualifie du « triple gagnant » : la productivité ne doit pas être affectée, les salariés doivent y trouver des avantages, l'emploi doit progresser. Ils passent donc par le dialogue dans les branches et les entreprises.
Quatre mois après le sommet social, des progrès ont été réalisés.Près de la moitié des 8 millions de salariés des 128 principales branches sont désormais couverts par un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail. Contrairement à ce que vous craigniez, monsieur Huguet, une vingtaine d'accords ont été signés depuis la publication de la loi de Robien.
Pour autant, ces négociations pourraient aller plus vite.
Je constate, et je le regrette, madame Dusseau, que l'on n'a pas ouvert de négociations interprofessionnelles sur les heures supplémentaires et le travail à temps partiel, même si les accords de branche contiennent, le plus souvent, un volet sur ces questions. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur ce point.
A l'appui de la politique menée par le Gouvernement, le projet de budget nous offre deux nouveaux instruments.
Le premier est l'incitation au développement du temps partiel par la réforme du mécanisme de la ristourne.
Un nouveau mécanisme favorable au temps partiel est en effet mis en place à compter du 1er octobre 1996, grâce d'ailleurs au concours actif apporté par le Sénat l'an dernier : la ristourne est calculée en fonction non plus du salaire horaire, mais du salaire mensuel. Le temps partiel est ainsi fortement avantagé : pour un salarié travaillant à mi-temps sur la base du SMIC, l'allégement du coût du travail peut atteindre 19 %, contre 14,5 % en 1996. Cela n'exclut pas d'étudier l'application de ces dispositions dans la pratique.
Le second instrument offert par le projet de budget est l'incitation à l'aménagement et à la réduction du temps de travail.
Les crédits prévus pour financer l'application de la loi du 11 juin 1996 s'inscrivent dans la démarche engagée par les partenaires sociaux ; ils s'élèvent à 800 millions de francs.
Pour l'instant, des accords ont été passés par quarante entreprises et couvrent 6 500 salariés. Les deux tiers de ces accords correspondent, c'est vrai, à une utilisation du dispositif en cas de plan social. Dans l'autre tiers, la moyenne de création d'emplois a été de 14 %, ce qui est tout à fait significatif. Une centaine d'accords supplémentaires sont en cours de finalisation.
Je sais qu'à peine votée cette loi suscite des interrogations. Dans leurs rapports, d'ailleurs, MM. Souvet et Madelain ont montré que le coût d'un emploi créé variait fortement selon les hypothèses.
Cependant, du coût apparent, il faut déduire les économies réalisées sur l'indemnisation du chômage ou sur les aides sociales et les recettes de sécurité sociale.
Le volet offensif est, parmi les outils de la politique de l'emploi, l'un des plus contraignants sur le plan des contreparties, puisqu'il exige l'augmentation, puis le maintien, après la période d'embauche qui dure un an, de l'effectif de l'entreprise pendant deux ans. Ce n'est donc pas le pousse au crime que vous avez décrit, monsieur Fischer.
M. Guy Fischer. Ce n'est pas moi qui ai employé l'expression « pousse au crime », c'est Maxime Gremetz à l'Assemblée nationale !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. C'est juste monsieur Fischer, pardonnez-moi.
Bien entendu, plus les emplois dureront, plus la mesure sera efficace.
En ce qui concerne le dispositif prévu en cas de plan social - c'est le volet défensif - il faut le comparer aux autres instruments mis à la disposition des entreprises. Dès lors que la compensation salariale est supérieure à 50 %, le coût de son utilisation est inférieur pour la collectivité à celui des préretraites du FNE.
Je crois qu'il sera utile de faire un bilan dans quelques mois, mais rien ne permet de penser, monsieur Hamel, que la dotation budgétaire sera insuffisante.
Le deuxième axe de préparation à l'avenir, c'est la formation.
M. Jacques Barrot et moi-même attachons une extrême importance à la formation. Le développement de la formation tout au long de la vie est, à mon avis, la pierre de touche d'une véritable solidarité nationale.
Vingt-cinq ans après la loi de 1971, la formation professionnelle existe pleinement, mais elle a besoin d'un nouvel élan. M. Jacques Barrot a demandé un rapport à M. de Virville, à partir duquel s'engage une vaste concertation.
Ce rapport propose trois orientations importantes : d'abord, un dispositif puissant de formation des jeunes sous contrat de travail ; ensuite, un accès équitable et large aux formations qualifiantes en cours de vie, en instituant un compte épargne temps-formation mobilisable par le salarié ; enfin, un système de validation des acquis de la formation continue et de l'expérience professionnelle, qui conférerait aux salariés un « passeport de compétences ».
Notre objectif est double : éviter que tout soit joué avant même la vie active et assurer par la suite la mobilité des compétences.
Certains se sont inquiétés que le budget ne soit pas à la hauteur de ces ambitions. On a parlé d'une baisse des crédits de la formation professionnelle.
Les crédits gérés par le ministère sur son budget et celui des charges communes passent de 21,3 milliards de francs à 24,3 milliards de francs. Cet accroissement est dû au fait qu'en 1996 les primes d'apprentissage, dont le coût serait de 3 milliards de francs, n'étaient pas inscrites dans le projet de loi de finances alors qu'elles le sont en 1997. On voit donc que, globalement, les dépenses resteront au même niveau.
A s'en tenir au seul budget du travail, on enregistre une baisse. Elle tient surtout à la réduction de 2,6 milliards de francs de la participation de l'Etat à l'allocation de formation-reclassement. Le système actuel amenait l'Etat à prendre en charge 82 % de l'indemnisation des chômeurs. Cette situation remonte à une époque où l'UNEDIC avait des besoins de financement, elle n'avait pas d'autre justification, monsieur Huguet.
Concernant les jeunes, je suis convaincue, comme vous, monsieur Joly, que la formation en entreprise est très certainement la meilleure réponse pour accélérer la stabilisation dans l'emploi.
Toutefois, contrairement à ce qu'en pense M. Huguet, la progression de l'apprentissage s'est poursuivie en 1996 à un rythme satisfaisant de 3 % par an et elle a atteint, depuis la relance, 15 % en octobre dernier.
Quant aux contrats de qualification, je reconnais qu'ils nous ont donné quelques soucis pendant les huit premiers mois de l'année. Cependant, le nombre de contrats signés en septembre a augmenté de 17 % par rapport à celui que l'on avait observé en septembre 1995 et, en octobre, la progression par rapport à l'année précédente a été de 15 %.
C'est le signe que les choses redémarrent grâce à la montée en régime de nouveaux organismes paritaires collecteurs agréés, à la réforme de l'apprentissage et aux programmes régionaux pour l'emploi des jeunes qui ont été à l'origine d'une forte mobilisation. Les objectifs ambitieux affichés dans ce budget doivent donc normalement être atteints.
J'aimerais ici dire un mot du prélèvement opéré sur les fonds de l'AGEFAL. M. Barrot et moi-même ne pouvons évidemment nous en réjouir. Il est vrai qu'il n'est pas normal que l'argent prélevé par les organismes paritaires collecteurs agréés, les OPCA, ne profitent pas directement et rapidement à l'emploi des jeunes.
Nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux pour le développement de l'apprentissage et de l'alternance en 1997. Le débat qui s'est déroulé ici même, hier, et auquel un certain nombre de sénateurs ont participé très activement, en particulier le président Fourcade et le rapporteur M. Souvet, a très certainement permis au Gouvernement de confirmer d'une manière forte qu'il mobiliserait les moyens nécessaires pour que ses objectifs soient atteints. Pour ma part, je dresse le même constat et nous en prenons l'engagement.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Pour 1997, l'effort en faveur de l'apprentissage est, je le répète, considérable : il passe de 6,5 milliards à 9,5 milliards de francs, grâce auxquels 220 000 nouveaux contrats pourront être souscrits. Nous avons également prévu de compenser l'exonération de 130 000 contrats de qualification.
M. Machet a exprimé son inquiétude en ce qui concerne la collecte. En matière d'alternance et de formation professionnelle, nous avons beaucoup travaillé. Un contrôle est désormais assuré par les inspecteurs de la formation professionnelle. La loi du 4 août 1995 oblige les organismes de branche à reverser 35 % de la collecte aux OPCA interprofessionnels sauf en cas de fongibilité avec l'apprentissage.
Dans le même esprit, M. le président Fourcade m'a fait part de son souhait de voir clarifier les conditions de la collecte destinée au financement de l'apprentissage.
Il est vrai que les organismes collecteurs sont plus de 500,...
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Et oui !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. ... de tailles très diverses. La réglementation qui leur est applicable est incontestablement rudimentaire. Il faudra mettre de l'ordre, mais sans bouleverser le système. Après la loi quinquennale et la réforme du financement de l'apprentissage, il serait sage de procéder à une pause législative pour ne pas casser une dynamique qui est maintenant bien engagée.
Plus généralement, il faut que le recrutement des jeunes et leur formation soient, partout, la priorité.
Il est vrai que nous avons décidé de supprimer l'aide au premier emploi des jeunes - APEJ -, puisque tout nous indiquait qu'elle ne créait pas d'emplois. Mais, parallèlement, permettez-moi de le rappeler, nous avons étendu le bénéfice du contrat initiative-emploi aux jeunes sans qualification en leur attribuant l'aide maximale, et nous avons créé les emplois de ville afin d'apporter une réponse adaptée à la spécificité des quartiers en difficulté. Enfin, les moyens consacrés aux missions locales et aux PAIO augmenteront en 1997.
Au total, ce sont plus de 700 000 jeunes qui pourront accéder à l'emploi grâce aux aides publiques en 1997, soit près de 10 % de plus qu'en 1996.
D'autres pistes doivent encore être explorées ; elles recoupent celles que vous avez évoquées, monsieur le président Fourcade.
Monsieur Jourdain, nous travaillons très activement avec le ministère de l'éducation nationale pour que les jeunes diplômés puissent acquérir une véritable expérience professionnelle dans le cadre de leurs études, et cela n'ira pas sans une certaine moralisation des stages.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Merci !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Nous avons également demandé aux partenaires sociaux d'examiner la possibilité d'utiliser le contrat d'adaptation pour favoriser l'emploi des jeunes à l'étranger. C'est un projet important, qui correspond à une nécessité pour notre activité économique, mais également pour les jeunes qui doivent aller à la découverte du monde.
Je constate que ces orientations sont aussi celles du président de votre Haute Assemblée, M. René Monory, de MM. Machet et Fourcade.
M. Hamel rappelait également le problème de la décentralisation de la formation professionnelle. Une évaluation a été réalisée par le comité de coordination, comme cela était prévu par la loi quinquennale. Elle montre que les régions remplissent bien la mission qui leur a été confiée. Il faut cependant rester vigilant sur la prise en charge des jeunes les plus fragiles. Cette décentralisation s'accompagne, par ailleurs, madame Dusseau, du transfert des financements correspondants.
J'en viens maintenant à l'autre branche de notre stratégie qui est d'assurer la cohésion de notre société dans la période de mutation qu'elle connaît.
Pour lutter contre le chômage et l'exclusion, il vous faut avant tout privilégier le maintien ou le retour à l'entreprise chaque fois que cela est possible.
En premier lieu, je puis vous assurer que l'Etat continuera à accompagner les salariés des entreprises en difficulté, même s'il a pris quelques mesures pour éviter les abus.
En l'absence de M. Jacques Barrot, j'aimerais répondre à M. Joly au sujet de l'établissement bancaire qu'il évoquait.
Un plan d'adaptation a été mis en place pour les années 1995 à 1997 dans le cadre d'une procédure de licenciement économique. Il a été jugé préférable d'attendre la fin de l'application de ce plan avant d'envisager une nouvelle aide de l'Etat. Je pense que M. Jacques Barrot aura à coeur de répondre personnellement à M. Joly sur ce point.
Il faut ensuite donner la priorité au retour à l'emploi dans le secteur marchand.
Le contrat initiative-emploi reste le principal instrument de lutte contre le chômage de longue durée par la réinsertion dans le secteur marchand.
Il aura bénéficié à plus de 450 000 salariés à la fin de 1996. Il s'est avéré puissant et efficace, contrairement à ce que pense M. Fisher.
Il a néanmoins été jugé nécessaire d'en améliorer l'efficacité dans le domaine de la lutte contre l'exclusion, en en concentrant l'action au profit des personnes connaissant les plus graves difficultés d'accès à l'emploi.
Alors que l'exonération des cotisations patronales est maintenue pour tous les bénéficiaires du CIE, notamment les femmes isolées, la prime est désormais réservée à ceux qui embauchent les personnes en difficulté : 1 000 francs par mois pour un demandeur d'emploi inscrit depuis plus de vingt-quatre mois, 2 000 francs par mois pour un demandeur inscrit depuis plus de trente-six mois, ainsi que pour les bénéficiaires du RMI et de l'ASS, les handicapés, les chômeurs âgés de plus de cinquante ans, les jeunes de niveau de qualification VI ou V bis.
Dois-je préciser, monsieur Fischer, que l'exonération liée au CIE est compensée par le budget de l'Etat et ne pèse donc pas sur le financement de la protection sociale ?
En troisième lieu, je vous expliquerai la mesure qui a été prévue en faveur des chômeurs créateurs et repreneurs d'entreprises. Plusieurs d'entre vous ont exprimé leur inquiétude sur ce sujet.
M. Raffarin a présenté des dispositions générales qui visent à mieux mobilier les circuits financiers existants et à davantage accompagner les créateurs dans les premières années d'existence de leur entreprise. Il s'agit là d'une vraie politique de création nationale d'entreprise.
En ce qui concerne les demandeurs d'emploi, la prime est supprimée, mais l'exonération de charges est maintenue et constitue une aide au compte d'exploitation. Par ailleurs, deux mesures ont été prises pour améliorer l'efficacité de l'aide. Les reprises d'entreprises, monsieur Huguet, sont facilitées par la suppression du délai de six mois de chômage pour les demandeurs d'emploi indemnisés.
Les chômeurs les plus en difficulté, bénéficiant du RMI ou de l'ASS, ne voudraient pas se risquer à créer leur propre activité s'ils perdaient le bénéfice de leur allocation. Leurs droits seront donc maintenus pendant six mois après l'obtention de l'ACCRE.
Enfin, nous jugeons nécessaire de contingenter officiellement le nombre d'exonérations accordées. La prime étant supprimée, il y a un danger de voir se multiplier des exonérations qui ne sont pas compensées, mais coûtent plus de un milliard de francs. Nous reviendrons sur ces différents sujets lors de l'examen des amendements.
Cependant, tous les chômeurs ne peuvent retrouver directement un emploi dans le secteur marchand ; nous devons donc maintenir nos aides au secteur non marchand tout en sachant en maîtriser le développement.
Comme en 1996, le nombre des entrées en contrats emploi-solidarité prévu dans le projet de loi de finances pour 1997 s'élève à 500 000 en métropole.
Comme vous l'avez relevé, monsieur Carle, la Cour des comptes a noté, dans son dernier rapport public, que le succès du CES s'est retourné contre l'emploi. Je la cite : ...
M. Emmanuel Hamel. Vous avez raison de la citer, madame le ministre !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Absolument !
La Cour précise donc : « Des emplois durables ont ainsi été remplacés par des emplois précaires à la faveur d'une gratuité souvent totale pour l'employeur ». Dans l'intérêt même des bénéficiaires, il est nécessaire de réduire l'entrée en CES et d'en réduire la prise en charge par l'Etat. Cette démarche est cohérente avec une réduction progressive et maîtrisée du nombre de CES.
Désormais, l'employeur devra acquitter au moins 5 % du coût du contrat, alors qu'actuellement la moitié des contrats sont pris en charge à 100 % par l'Etat. Ce ticket modérateur représente une charge d'environ 175 francs par mois. Il nous semble que l'employeur peut assurer cette rémunération. Des discussions sont en cours avec l'éducation nationale pour régler le problème des établissements publics d'enseignements utilisateurs de CES.
Parallèlement, nous favorisons la stabilisation dans l'emploi en augmentant de 20 000 le nombre de postes occupés en emplois consolidés qui intéressent déjà 70 000 personnes et nous avons prévu 25 000 emplois de ville. Le coût des CES et de ces divers emplois atteint 14,8 milliards de francs.
En complément de toutes ces mesures, d'autres dispositions seront prises dans le projet de loi de cohésion sociale au profit des titulaires de minima sociaux pour permettre leur retour à l'emploi.
D'une part, 25 000 contrats d'initiative locale seront offerts en 1997 aux bénéficiaires du RMI et de l'ASS, ce qui conduira à activer des dépenses passives.
D'autre part, en ce qui concerne les nouveaux bénéficiaires de l'ASS, l'assimilation des périodes chômées aux périodes oeuvrées, qui résultait d'une simple circulaire, sera supprimée et le plafond de ressources opposable aux couples passera de 10 360 francs à 8 140 francs par mois. Il reste ainsi très supérieur aux minima sociaux. Les crédits dégagés, 470 millions de francs, seront intégralement réutilisés pour soutenir les politiques locales de lutte contre l'exclusion et d'insertion professionnelle.
Dès lors que nous donnions priorité à l'emploi, il nous a paru légitime de réduire la part des instruments du traitement social du chômage. Il s'agit donc, non de réduire la solidarité de l'Etat en faveur des demandeurs d'emploi, monsieur Gérard, mais de concentrer nos moyens sur les dispositifs les plus efficaces.
Le nombre de stages SIFE collectifs est ainsi réduit de 160 000 à 100 000, ce qui permet de réaliser une économie de un milliard de francs. Ils seront réservés à ceux qui en ont vraiment besoin : les chômeurs de longue durée, les bénéficiaires du RMI et de l'ASS, ainsi que les handicapés, grâce à une initiative heureuse de l'Assemblée nationale que j'ai personnellement appuyée.
Je voudrais maintenant insister sur les modalités de mise en oeuvre de cette politique.
Comme vous, monsieur Jourdain, je suis convaincue que l'implication des acteurs locaux est un facteur déterminant pour la réussite de notre politique.
C'est cette conviction qui nous a conduits à mettre en place les programmes régionaux pour l'emploi des jeunes. Nous démontrons ainsi, monsieur Carle, que c'est bien dans une logique de proximité que les mesures pour l'emploi des jeunes trouvent leur efficacité.
C'est dans cette même logique que le projet de loi sur la cohésion sociale prévoit d'organiser dans chaque département une concertation sur l'utilisation des emplois aidés dans le secteur non marchand. C'est en associant les élus locaux que nous ferons en sorte que ces emplois correspondent à de vrais besoins.
C'est l'une des fonctions que vous avez assignées aux agences territoriales pour l'emploi qui sera ainsi assurée, monsieur Jourdain.
C'est dans ce cadre, monsieur Huguet, que nous pourrons encourager les efforts de formation en faveur des bénéficiaires de CES.
Nous souhaitons enfin pouvoir expérimenter, dès l'année prochaine, une plus grande déconcentration des aides à l'emploi, afin que le préfet puisse développer les partenariats et favoriser les initiatives. Je sais, monsieur Delfau, que vous êtes très sensible à cette démarche, et je tenais à vous l'indiquer.
Je souhaite maintenant répondre à Mme Dusseau. Je ne pourrai malheureusement, compte tenu de l'heure, le faire que très brièvement.
Madame Dusseau, vous avez dit ne pas douter de mes convictions et de ma volonté. C'est vrai que l'égalité entre hommes et femmes est acquise en droit mais qu'elle n'est pas totalement appliquée dans les faits. Il nous faut faire évoluer les mentalités, briser des résistances, des conservatismes.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Quel beau programme !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Certes, monsieur le sénateur.
Notre action s'articule autour de trois priorités : l'emploi, l'égalité professionnelle et la parité ; la promotion sociale ; conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale.
Notre projet de budget, s'il est en baisse de 5 % par rapport à 1996, et de 13 % en tenant compte du transfert en provenance de la section « Travail », reflète ces priorités. Il permettra aux associations engagées dans ce sens de maintenir leurs actions.
Vous connaissez les actions principales qui seront développées en 1997. Il s'agit du maintien des subventions au CIDF, de l'ouverture de vingt-cinq nouveaux BAIE, de la création de deux bureaux de ressources juridiques, du développement des interventions relatives à l'emploi, à la formation professionnelle et à l'égalité professionnelle et de l'extension des structures d'accueil, d'écoute et de suivi pour les femmes victimes de violences.
Tout cela n'est peut-être pas intégralement réalisable, j'en suis consciente, mais l'essentiel est bien de favoriser l'emploi et la promotion sociale des femmes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai présenté notre stratégie. Je ne voudrais pas que vous en concluiez que nous nous désintéressons des conditions de travail des Français. Bien au contraire, le budget que vous examinez en témoigne. Je rappellerai l'effort qui est consenti en faveur des élections prud'homales qui se dérouleront en décembre 1997.
Avant de terminer, je voudrais vous dire quelques mots du service public de l'emploi.
Je pense que nous lui demandons beaucoup.
Les moyens du ministère, hors dépenses de personnel, baissent de 1,6 % ; cette diminution est de 4,8 % pour l'administration centrale, soit plus de 20 millions de francs. En revanche, les efforts de gestion ménagent les moyens des services déconcentrés.
La subvention de l'ANPE, fixée à 5,2 milliards de francs, est diminuée de 2,3 %. Cette diminution n'est supportable qu'en raison du transfert de la charge des inscriptions de demandeurs d'emploi à l'ASSEDIC, que nous finançons à hauteur de 250 millions de francs.
Bien entendu, les effectifs resteront stables, car le placement des chômeurs en dépend.
M. Hamel a montré les progrès de l'ANPE, que traduisent l'augmentation de 19 % des entretiens en 1996 et l'objectif de satisfaire 2 millions d'offres d'emploi en 1996.
Les crédits de l'AFPA sont stabilisés. Ils n'ont augmenté que de 1,42 % de 1993 à 1997. La masse salariale n'augmente pas. Ces résultats sont possibles notamment grâce à la signature, le 4 juillet, d'un accord paritaire avec la majorité des organisations syndicales.
Pour répondre à M. Hamel, je précise que cet important accord paritaire a bien pour objet d'assurer la maîtrise de la masse salariale et une gestion modernisée des ressources humaines.
M. Emmanuel Hamel, rapporteur spécial. Merci de vos réponses, madame le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Un effort important a été également réalisé avec, en 1995, une augmentation de 7 % du nombre des bénéficiaires de formation, et cela sans accroissement de la masse salariale, je le répète.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est vrai que la nécessaire rigueur des finances publiques nous a conduits à faire des choix. La priorité est clairement le retour à l'emploi. Les restrictions budgétaires ne compromettent pas cette priorité.
L'augmentation du chômage que peut entraîner la diminution de certains emplois aidés - je pense aux SIFE, aux CES - est compensée par les ouvertures de contrats d'emploi consolidé, d'emploi ville, de contrats d'initiative locale, et surtout par les effets attendus des exonérations de charges sociales.
Je comprends qu'on discute certains aspects de ce budget, mais je suis sûre qu'il emportera votre approbation, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste, ainsi sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.7