M. le président. J'appelle en discussion l'article 98, qui est rattaché pour son examen aux crédits de l'action sociale et de la solidarité.
Cet article a été supprimé par l'Assemblée nationale, mais, par amendement n° II-8, M. Chérioux, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - De le rétablir dans la rédaction suivante :
« I. - Il est inséré, dans la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, un article 27-2 ainsi rédigé :
« Art. 27-2 . - Le montant total annuel des dépenses des établissements et services visés aux 6° et 8° de l'article 3 de la loi, imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat et, corrélativement, le montant total annuel des dépenses prises en compte pour le calcul des dotations globales de fonctionnement de ces établissements ou services, est déterminé par le montant inscrit à ce titre dans la loi de finances initiale de l'exercice considéré.
« Ce montant total annuel est constitué en dotations régionales limitatives. Le montant de ces dotations régionales est fixé par le ministre chargé de l'action sociale, en fonction des priorités en matière de politique sociale, compte tenu des besoins de la population, de l'activité et des coûts moyens des établissements ou services, et d'un objectif de réduction progressive des inégalités dans l'allocation des ressources entre régions.
« Chaque dotation régionale est répartie par le représentant de l'Etat dans la région, après avis du représentant de l'Etat dans le département, pour chaque département de ladite région, en dotations départementales, dont le montant tient compte des priorités locales, des orientations des schémas prévus à l'article 2-2 de la présente loi, de l'activité et des coûts moyens des établissements ou services, et d'un objectif de réduction des inégalités d'allocation des ressources entre départements et établissements ou services.
« Pour chaque établissement ou service, le représentant de l'Etat dans le département compétent peut modifier le montant global des recettes et dépenses prévisionnelles visées au 5° de l'article 26-1 de la présente loi, imputables aux prestations prises en charge par l'aide sociale de l'Etat, compte tenu du montant des dotations régionales ou départementales définies ci-dessus : la même procédure s'applique en cas de révision, au titre du même exercice, des dotations régionales ou départementales initiales.
« Le représentant de l'Etat dans le département peut également supprimer ou diminuer les prévisions de dépenses qu'il estime injustifiées ou excessives compte tenu, d'une part des conditions de satisfaction des besoins de la population, telles qu'elles résultent notamment des orientations des schémas prévus à l'article 2-2 de la présente loi, d'autre part, de l'évolution de l'activité des coûts des établissements et services appréciés par rapport au fonctionnement des autres équipements comparables dans le département ou la région.
« Des conventions conclues entre le représentant de l'Etat dans la région, les représentants de l'Etat dans le département, les gestionnaires d'établissement ou service et, le cas échéant, les groupements constitués dans les conditions prévues à l'article 2 de la présente loi, précisent, dans une perspective pluriannuelle, les objectifs prévisionnels et les critères d'évaluation de l'activité et des coûts des prestations imputables à l'aide sociale de l'Etat dans les établissements et services concernés. »
« II. - Les dispositions du I ci-dessus sont applicables à compter du 1er janvier 1998.
B. - En conséquence, avant cet article, de rétablir la division III et son intitulé dans la rédaction suivante :
« III. - Action sociale et solidarité. »
Cet amendement est assorti d'un sous-amendement n° II-15 rectifié bis, présenté par Mme Bocandé, MM. Mercier, Lorrain, Chérioux, Huriet et Machet, et tendant à compléter le texte proposé par le paragraphe A de l'amendement n° II-8 par deux paragraphes ainsi rédigés :
« III. - Le deuxième alinéa de l'article 26-2 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'autorité compétente peut augmenter les prévisions de recettes et de dépenses visées au 5° de l'article 26-1 qui lui paraîtraient insuffisantes. Elle peut également supprimer ou diminuer les prévisions de dépenses si elle estime celles-ci injustifiées ou excessives compte tenu d'un objectif annuel ou pluriannuel d'évolution des dépenses délibéré par la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas visés à l'article 2-2 de la présente loi.
« Des conventions conclues entre le président du conseil général, les gestionnaires d'établissement ou service et, le cas échéant, les groupements constitués dans les conditions prévues à l'article 2 de la présente loi, précisent, dans une perspective pluriannuelle, les objectifs prévisionnels et les critères d'évaluation de l'activité et des coûts des prestations imputables à l'aide sociale du département dans les établissements et services concernés. »
« IV. - Les dispositions du III ci-dessus sont applicables à compter du 1er janvier 1998. »
La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-8.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de rétablir l'article 98 du projet de loi de finances, qui porte sur les modalités de financement et de tarification des établissements sociaux et médico-sociaux.
Le financement repose sur la connaissance par l'autorité tarifaire des recettes et dépenses prévisionnelles « justifiées et non excessives » présentées par les organismes concernés.
Cette reconnaissance ouvre alors droit pour les organismes à ce que l'on pourrait appeler un droit de tirage, qui leur permet d'assurer leur financement, sous forme soit de prix de journée, soit de dotations mensuelles forfaitisées.
Aujourd'hui, ce droit de tirage reste valable même si les prévisions initiales sont dépassées, et cela sans qu'aucune contrainte ne pèse sur les organismes pour les inciter à maîtriser leurs dépenses.
S'agissant des structures financées par l'Etat, une incohérence se révèle depuis plusieurs années entre la limitation de fait du montant de l'enveloppe de financement nationale et le caractère inflationniste d'une procédure budgétaire fondée sur la garantie, sous le contrôle du juge, de ce que l'on pourrait appeler des « droits acquis ».
La fragilité de la situation a été notamment révélée en 1994 du fait de l'existence d'un décalage entre le taux de progression des crédits votés au titre de la loi de finances et le taux directeur médico-social, qui a entraîné une recrudescence des contentieux au titre desquels l'Etat doit actuellement près de 100 millions de francs pour les seuls centres d'aide par le travail. Dans une conjoncture de pression structurelle à la hausse des dépenses, cette situation est évidemment très dangereuse.
Afin d'assurer une prévision et un contrôle plus stricts de l'allocation de ressources publiques, l'article 98 du projet de loi de finances rattaché à ce projet de budget prévoyait de légaliser, pour les institutions sociales et médico-sociales relevant de l'Etat, le principe d'enveloppes limitatives de financement arrêtées par le préfet.
L'Assemblée nationale a supprimé cet article, dont l'examen du principe qu'il énonce serait repoussé à la prochaine révision de la loi du 30 juin 1975, afin de laisser à l'administration un délai pour affiner les critères d'évaluation de l'activité des établissements.
Il semble pourtant que l'affichage d'objectifs clairs soit la meilleure des incitations possibles à l'élaboration d'instruments d'évaluation pertinents.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a adopté un amendement tendant à rétablir l'article 98, en repoussant toutefois la date de son entrée en vigueur au 1er janvier 1998, afin de tenir compte de la mise en place de la réforme de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales, et médico-sociales qui est annoncée pour le printemps 1997.
De cette manière, lorsque la réforme de la loi de 1975, qui pourrait être votée au printemps ou à l'automne 1997, entrera en vigueur, les organismes sociaux et médico-sociaux seraient prêts à intégrer des objectifs opposables de financement puisqu'ils se seraient préparés à cette perspective dès la publication du présent projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Machet, pour défendre le sous-amendement n° II-15 rectifié bis.
M. Jacques Machet. L'article 98 du projet de loi de finances initial, que la commission des affaires sociales propose de rétablir, a pour objet d'encadrer les dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux relevant de l'aide sociale de l'Etat, dans le cadre d'enveloppes régionales de financement, à caractère limitatif et opposable, qui seraient fixées en fonction des besoins de la population, de l'activité et des coûts moyens des établissements ainsi que d'un objectif de réduction progressive des inégalités territoriales.
Cette disposition n'entrera en vigeur qu'au 1er janvier 1998 afin de permettre, d'ici là, la mise au point des instruments d'évaluation dans la perspective de la prochaine réforme de la loi de 1975.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-8 et sur le sous-amendement n° II-15 rectifié bis ?
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. D'une façon générale, nous sommes favorables à l'existence d'enveloppes limitatives, qui permettent d'encadrer la gestion de certains secteurs.
Cela étant dit, il nous semble prématuré de rétablir les dispositions de l'article 98, avec une application au 1er janvier 1998, dans le présent projet de loi de finances. Aussi, nous nous en remettons à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-8 et sur le sous-amendement n° II-15 rectifié bis ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement s'est engagé à donner une base légale au caractère limitatif et opposable des enveloppes de crédits destinées au financement des établissements sociaux et médico-sociaux. M. Chérioux a souligné la nécessité de cette démarche, nécessité qui ressortait aussi des discussions à l'Assemblée nationale.
Toutefois, chacun sait que nous avons un gros chantier sur la table l'année prochaine - un de plus, monsieur Fourcade ! - qui est celui de la réforme de la deuxième loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales et il nous faut traiter de manière homogène les établissements, qu'ils relèvent d'un financement en provenance du budget de l'Etat, d'une collectivité locale - en l'occurrence le département - ou de l'assurance maladie.
C'est dans le cadre de cette révision que seront discutées, notamment avec les représentants du monde associatif, les modalités de cette réforme dont le principe n'est pas contestable.
Je demande donc aux auteurs de l'amendement et du sous-amendement de les retirer, dans la mesure où nous aurons ce débat l'année prochaine dans le cadre de la réforme de la loi de 1975.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-8 est-il maintenu ?
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'entends, bien sûr, votre appel.
Je préciserai simplement que la commission des affaires sociales avait été animée par un souci de cohérence avec la position qu'elle avait adoptée lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cet amendement est une invitation au Gouvernement à ouvrir le chantier de la réforme de la loi de 1975 et à le mener à son terme.
Là aussi, par cohérence avec la position qui a été prise par la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, je retire cet amendement. Toutefois, j'indique de façon très nette, comme cela a d'ailleurs été précisé dans les rapports de la commission mixte paritaire, que si le Gouvernement ne parvenait pas à achever le chantier de la réforme de la loi de 1975, la commission des affaires sociales du Sénat serait amenée, l'année prochaine, à présenter de nouveau cette disposition.
M. le président. L'amendement n° II-8 est retiré.
M. Jacques Machet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Dans le même esprit que M. Chérioux, je retire mon sous-amendement, monsieur le président.
Je souhaite simplement que la commission des affaires sociales soit associée très en amont aux travaux concernant la réforme de la loi de 1975, pour que nous puissions en discuter au fond.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. le président. Le sous-amendement n° II-15 rectifié bis est retiré. D'ailleurs, il n'avait plus d'objet après le retrait de l'amendement n° II-8.
Le Sénat a achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la santé publique et les services communs, l'action sociale et la solidarité.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures trente.)