M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du texte, je donne la parole à M. Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus au terme de cette première discussion sur la loi de financement de la sécurité sociale. Lorsque l'on en fait un bilan sommaire, c'est le scepticisme qui l'emporte sur tout autre sentiment.
Nous nous sommes tous accordés, mes chers collègues, pour constater, d'abord, que le débat comptable auquel nous a conduit la nature même du dispositif qui nous était soumis n'a malheureusement pas permis d'aborder les vraies questions : quelle politique de santé publique pour la France ? Quelle réforme de la protection sociale ?
Pis, l'Assemblée nationale n'a pas pu, ou plutôt n'a pas su sortir du piège qui lui a été tendu par les corporatismes les plus divers ; elle a ainsi offert aux acteurs du système de protection sociale ; en particulier aux professions de santé, un spectacle navrant.
Quant au Sénat, malgré les efforts de nos collègues, de M. le président de la commission des affaires sociales et de M. le rapporteur, le bilan est, somme toute, assez maigre : la fameuse « cagnotte » a été ramenée de 1 milliard de francs à 300 millions de francs et les débats au sein de la commission mixte paritaire ont montré qu'on ne savait pas trop qu'en faire. C'est là un gage dont on ne peut nier les aspects moralisateurs, mais dont on peut craindre qu'il ne se situe pas, loin s'en faut, à la hauteur de vos ambitions financières.
En ce qui concerne le déficit, effectivement, monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit d'une loi de financement et non pas d'une loi de finances. La loi de finances prévoit un article d'équilibre. Il n'empêche que, quand on vote une loi de financement, on doit tout de même avoir une petite idée de la façon dont on va financer le déficit.
De plus, on doit s'assurer que les prévisions en ce qui concerne ce déficit, surtout lorsqu'elles sont faites à long terme, sont aussi réalistes que possible. Or, nous sommes bien obligés de constater, comme je le faisais remarquer tout à l'heure, que vos prévisions, monsieur le secrétaire d'Etat, sont loin d'être réalistes et que les experts qui conseillent notre Haute Assemblée sont arrivés à des chiffres totalement divergents.
Faut-il conseiller au Gouvernement et à la majorité sénatoriale de choisir ces experts-là, ou bien faut-il continuer de courir le risque de voir les prévisions du Gouvernement infirmées par les faits ? Je ne répondrai pas à cette question.
Quoi qu'il en soit, ces divergences entre les chiffres n'ont fait qu'aggraver le trouble qui règne dans les esprits.
C'est une raison supplémentaire pour que nous ne votions pas ce texte.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Puisque notre collègue est revenu sur le problème du choix des experts, je suis amené à faire de même, après M. Fourcade.
Je rappelle que, si les comptes de la sécurité sociale sont en déficit en 1996, c'est parce que les prévisions des experts quant à l'augmentation de la masse salariale pour 1996 étaient erronées, et pas de la largeur du trait !
Je rappelle aussi que tous les experts - non seulement ceux de l'Etat, mais aussi les experts privés - ont prévu pour 1996 une augmentation de la masse salariale de 5,3 %. En fait, elle a été de 2,3 %. L'écart entre les prévisions des experts et la réalité a donc dépassé les 40 milliards de francs.
Il est rare que je mette en cause les fonctionnaires, mais j'avais fait la même remarque à la commission des comptes de la sécurité sociale, et pour la première fois depuis dix ans que j'y siège, on a donné la parole aux experts du Plan pour qu'ils essaient de se justifier.
Cela dit, ils ne sont pas seuls en cause, puisque tout le monde s'est trompé.
En l'occurrence, excusez-moi de le dire, il s'agit d'expertise au « doigt mouillé », et les hommes politiques sont aussi experts que des experts officiels, surtout quand ces derniers font des erreurs pareilles.
De plus, s'il existe une volonté politique, on peut toujours trouver un chemin, même sans les conseils des experts. Je souhaire donc que le Gouvernement, celui-ci et les autres, ait la volonté politique d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale, et les experts s'aligneront !
J'ajoute, mon cher collègue, que, depuis vingt ans, toutes tendances politiques confondues, les parlementaires déposent des propositions de loi émanant de tous les groupes pour que le budget de la sécurité sociale soit débattu au Parlement. Aussi suis-je quelque peu étonné que vous contestiez la première loi de financement de la sécurité sociale et que vous votiez contre.
Enfin, j'ai cru comprendre, monsieur Autain, que vous estimiez que la provision pour les médecins était insuffisante. Les crédits, sont toujours insuffisants ! Mais, vous qui êtes médecin, vous savez combien un tel dispositif a été bien reçu par les médecins.
Nous avons finalement retenu 300 millions de francs.
Certes, il eut mieux valu un ou deux milliards de francs, mais nous verrons combien nous dépenserons, Pour ma part, j'estime que mieux vaut 300 millions de francs que rien du tout !
Heureusement que la majorité du Sénat ne va pas suivre votre avis et va voter le texte, sinon les médecins n'auraient même pas cette provision ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifiée par l'amendement n° 1.

(Le projet de loi est adpoté.)

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