PRÉSIDENCE DE M. JEAN DELANEAU
vice-président

M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget que nous examinons aujourd'hui est central, car rien n'est plus représentatif de la particularité française que la structure de l'Etat et sa fonction publique.
Avec près de 2 100 000 fonctionnaires de l'Etat, le budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat est parmi les plus importants puisqu'il constitue plus de 40 % de l'ensemble du budget de l'Etat, 41,8 % exactement, si l'on tient compte des aides à l'enseignement privé et des pensions versées aux anciens combattants.
Certes, ce sont des dépenses quasi incompressibles, mais on constate, et ce à tous les échelons de la société, que l'Etat et la fonction publique, notions indissociables, ont besoin d'être réformés.
Le projet de loi de finances pour 1997 étant placé sous le signe de la maîtrise des dépenses publiques, l'enjeu pour la fonction publique est de cumuler plusieurs objectifs que je résumerai ainsi : une meilleure gestion et une plus grande efficacité à un coût qu'il faut absolument maîtriser.
Je dois dire, monsieur le ministre, que, malgré de fortes contraintes économiques, vous vous êtes déjà largement avancé sur la voie des réformes, et cela sans dépasser le cadre qui a été fixé pour la maîtrise des dépenses publiques.
Certes, les crédits de la fonction publique ont augmenté de 14,6 %, et il faut veiller à ce que la dérive ne se poursuive pas, mais nous devons tenir compte d'un certain nombre d'éléments - notre excellent rapporteur spécial, M. Marini, les a évoqués - concernant l'évolution des traitements de la fonction publique.
En ce qui concerne les effectifs et la masse salariale, le projet de loi relatif à l'emploi précaire dans la fonction publique, qui a été voté récemment par le Sénat et qui le sera prochainement par l'Assemblée nationale, permet, d'une part, de clarifier l'état des lieux, offrant une possibilité de titularisation à près de 150 000 personnes dans les trois fonctions publiques, et, d'autre part, de mener une politique d'emploi dynamique grâce au congé de fin d'activité. En libérant leur emploi à cinquante-huit ans, les bénéficiaires - environ 15 000 personnes - ajouteront des postes vacants aux traditionnels flux de recrutement et offriront ainsi à des jeunes des possibilités supplémentaires d'emploi.
Monsieur le ministre, se pose, à cet égard, le problème que l'on retrouve régulièrement lorsque des négociations ont lieu avec les syndicats de fonctionnaires : celui de l'association des autres employeurs publics que sont les collectivités locales et les hôpitaux à ces négociations. Bien souvent, en effet, les collectivités locales estiment qu'on leur impose les conclusions de négociations auxquelles elles n'ont aucunement pris part.
Il faudra donc trouver le moyen de faire en sorte que les collectivités locales soient effectivement associées aux négociations.
Pour ma part, contrairement à d'autres, je ne crois pas qu'on puisse envisager que les fonctions publiques territoriale et hospitalière ne bénéficient pas des conditions qui ont été consenties, après négociation, à la fonction publique de l'Etat. Je suis pour une certaine unité de la fonction publique, dans le respect, bien sûr, de certaines spécificités, car il serait illusoire de penser que nous pouvons disposer d'une fonction publique territoriale et d'une fonction publique hospitalière de qualité sans qu'un certain nombre de règles s'appliquent à tous.
Mais, j'en reviens au présent projet de budget.
Les dispositions que j'ai évoquées s'accompagnent d'une volonté de maîtriser les effectifs et la masse salariale : 5 599 emplois seront supprimés cette année.
Vous souhaitez, à l'avenir, monsieur le ministre, mettre en place une meilleure gestion prévisionnelle ; cela me semble indispensable. En effet, à l'examen de la pyramide des âges de la fonction publique, on ne peut être qu'inquiet des discordances qui risquent de se produire à brève échéance.
S'agissant des suppressions d'emplois, je suis toujours surpris qu'on se contente d'une analyse quantitative et qu'on oublie l'aspect qualitatif. Il est évident que, dans le domaine de l'éducation nationale, par exemple, nous avons besoin de nouveaux postes dans l'enseignement supérieur mais que la diminution des effectifs dans les maternelles ou dans le primaire ne justifie pas le maintien de tous les emplois, sauf à considérer que, quel que soit le nombre d'enfants, le nombre de maîtres doit rester le même : cela deviendrait vite complètement insupportable pour la collectivité publique.
Reste à savoir où se situe l'équilibre entre les suppressions d'emplois et les remplacements de ceux qui partent à la retraite, alors même que le dispositif du congé de fin d'activité va accroître le nombre de départs.
Quant à la masse salariale, son augmentation a été freinée et c'était d'autant plus nécessaire que l'écart de pouvoir d'achat entre le secteur public et le secteur privé, nous le savons bien, ne pourrait guère être compris par l'opinion publique.
Des améliorations ont été apportées, notamment par les accords Durafour, mais il faut maintenir une certaine homogéniété et, en tout état de cause, les rémunérations publiques ne doivent pas augmenter dans des proporitions telles que cela aggraverait le déficit.
J'en arrive à l'efficacité et à la qualité de la fonction publique.
S'il faut incontestablement maîtriser les coûts, cela ne doit pas se faire au détriment du souci de présenter à l'usager un meilleur service, ce qui suppose de disposer d'une fonction publique plus performante.
A ce propos, j'aimerais souligner les efforts engagés en termes de formation. Si les crédits inscrits à ce titre sont, apparemment, inférieurs à ce qu'ils étaient dans le budget précédent, il faut y ajouter ce qui sera intégré dans le fonds pour la réforme de l'Etat, et il me semble qu'un effort important sera fait à cet égard.
J'ai noté aussi une action particulière en faveur des jeunes et des futurs fonctionnaires : les subventions pour les écoles vont en effet être augmentées.
Est également prévue une réforme d'ensemble du système de notation. Celui-ci est, de fait, largement obsolète. Si nous parvenons à mettre au point un bon système d'évaluation - et cela concerne aussi bien les collectivités territoriales, qui connaissent les mêmes problèmes -, nous responsabiliserons beaucoup mieux les fonctionnaires, ce qui contribuera à l'amélioration de l'efficacité de la fonction publique.
J'aurais aimé évoquer la formation des personnels territoriaux. Vous le savez, monsieur le ministre, certaines personnes s'efforcent de redresser la situation du CNFPT, le Centre national de formation des personnels territoriaux, et de lui donner une pleine efficacité. C'est une oeuvre très complexe, mais nous faisons tout ce qui est possible pour que le CNFPT rende aux collectivités locales les services qu'elles peuvent en attendre.
M. Jean-Claude Peyronnet. Bon courage !
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis sensible à cet encouragement venant d'un ancien président du CNFPT.
Nous avons aussi essayé - et je parle sous le contrôle de M. Daniel Hoeffel - de donner au président et au conseil d'administration du CNFPT les moyens d'une meilleure efficacité. Peut-être n'aviez vous pas bénéficié, monsieur Peyronnet, des mêmes conditions.
Je dirai maintenant quelques mots de la réforme de l'Etat.
Personnellement, je n'aime pas beaucoup cette expression, « réforme de l'Etat », parce que, à mes yeux, l'Etat est une entité et qu'il s'agit non pas de le réformer, puisqu'il existe, mais de faire évoluer son fonctionnement et son administration.
Cette réforme de l'administration et du fonctionnement de l'Etat est sans doute l'un des plus grands dossiers que la France ait à mener à bien. Je me réjouis donc de la priorité que lui accorde le Gouvernement, notamment par le biais d'un fonds doté de 150 millions de francs.
Certains parlent de paradoxe parce qu'on veut faire des économies mais qu'on dépense des sommes importantes pour mettre en oeuvre la réforme. Ceux-là se trompent, à mon avis, car, de toute évidence, il n'y a pas de véritables économies sans modifications à long terme.
De plus, et tous les citoyens le sentent, c'est la pérennité même de l'Etat qui sera en jeu si l'on ne l'adapte pas en tenant compte des évolutions et des mutations de notre société.
Vous disiez à l'Assemblée nationale, il n'y a pas si longtemps, monsieur le ministre, que, « pas plus que les déficits publics, les cloisonnements et les complexités de l'Etat, de son organisation et de ses textes ne sont une fatalité ». Je partage entièrement votre analyse. Les mesures que vous avez déjà engagées en attestent d'ailleurs la justesse.
Ainsi, le Gouvernement a imposé la réalisation d'études d'impact destinées à accompagner certains projets ; c'est une excellente décision. Cela étant, les premières études d'impact dont j'ai pu prendre connaissance laissent apparaître qu'il reste des progrès à faire. En effet, elles ne sont pas toujours assez précises, surtout en ce qui concerne les coûts induits par un certain nombre de réformes. Croyez bien que nous serons exigeants quant aux études d'impact concernant les réformes à venir, et le membre de la commission des lois qui s'exprime en cet instant pense notamment à ce qui intéresse la justice.
Monsieur le ministre, vous avez prôné une gestion dynamique du service public. Ainsi, pour remédier à la complexité croissante des procédures, à l'enchevêtrement des compétences ou au manque de transparence, le Gouvernement a prévu, entre autres, trois cents mesures de simplification administrative, une procédure de paiement rapide des dettes de l'Etat, un délai de réponse obligatoire de deux mois, une multiplication des accords tacites, un renforcement du rôle du médiateur, la mise en place de contrats de service allant de pair avec une baisse des effectifs des administrations centrales.
Vous avez beaucoup insisté sur la déconcentration. On en parle depuis longtemps. Cette déconcentration devrait donc être une réalité depuis longtemps. En fait, c'est une oeuvre qu'il faut poursuivre, afin de redonner aux échelons déconcentrés de l'Etat tout leur rôle et toutes leurs responsabilités.
Enfin, monsieur le ministre, bien que cela ne relève pas de votre compétence, je me permets de souligner l'importance du problème de la gestion du parc immobilier de l'Etat. D'importants efforts de simplification devront être accomplis aussi dans ce domaine.
En conclusion, j'indiquerai que le groupe de l'Union centriste votera votre projet de budget, monsieur le ministre, mais je veux aussi saluer votre détermination à réaliser cette réforme de l'administration et du fonctionnement de l'Etat dont nous avons grandement besoin et que nous attendons tous. Bien entendu, cette réforme doit s'accompagner de la poursuite de la décentralisation, qui est indispensable pour redonner à la France son dynamisme et aussi rapprocher du terrain les décisions qui concernent nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la géographie ministérielle rapproche traditionnellement la fonction publique et les réformes administratives. Passer de celles-ci à la « réforme de l'Etat », c'est changer l'ordre de grandeur de l'ambition. Il n'est pas question, en cet instant, de vous demander comment vous avez atteint cette ambition, mais plutôt comment vous l'avez abordée tant il est vrai que des premiers pas dépend la suite de la trajectoire.
Vous n'avez certes pas chômé, monsieur le ministre. Je songe, notamment, à la circulaire sur la réforme de l'Etat, au commissariat à la réforme de l'Etat, à l'ouverture d'un fonds, pour lequel vous nous demandez 150 millions de francs en 1997, au projet de loi sur les relations entre l'administration et le public et aux futures maisons des services publics.
Dans ce fourmillement, les idées ingénieuses ne manquent pas. Je pense à l'accord tacite, à l'utilisation de la carte bancaire, aux chartes qualité. Qui n'applaudirait ?
Cependant, l'affichage d'un objectif aussi ambitieux que celui de la réforme de l'Etat nous invite à formuler un surcroît d'exigences.
Réformer l'Etat, c'est, au-delà des mesures concrètes, se poser le problème de la légitimité. Dans nos sociétés démocratiques, celle-ci découle, certes, des électeurs, mais l'exercice pratique en est partagé, et ce, de plus en plus, entre l'Etat et la société civile.
Suivant les époques et les cultures, la clé de répartition varie entre la périphérie et le centre. Les pays anglo-saxons privilégient la périphérie. Les cultures politiques issues du droit romain partaient du centre, c'est-à-dire de l'Etat, quitte à ce que celui-ci consente à une autolimitation de sa puissance. Aujourd'hui, il semble que la tradition anglo-saxonne ait déteint sur le pays des intendants et des préfets.
Avec une louable lucidité, le Gouvernement a lui-même posé le problème de la triple frontière, sur laquelle campe de plus en plus difficilement notre Etat moderne. La circulaire précitée du 26 juillet 1995 fait explicitement référence à ces trois frontières, à savoir la société civile, les collectivités locales et l'Europe. On pourrait y ajouter le nouvel ordre économique mondial. Vous êtes le garde-frontière de cet Etat, monsieur le ministre. Notre pauvre Etat-nation, qui bientôt aura perdu son attribut régalien, battre monnaie, a bien besoin en effet de se redéfinir et de se ressourcer. Cet Etat, dont il est de bon ton de dénoncer tour à tour l'arrogance, la boulimie et l'impuissance, est tout de même, il faut bien le dire, celui qui a fait la France ; ce ne sont ni les communes, ni les entreprises, ni les banques.
Pourtant, s'il ne meurt pas, comme l'annonçait jadis le sénateur Michel Debré, des vices de régime, il s'étiole par obsolescence juridique. On ne peut plus se satisfaire de la formule de Jacques Donnedieu de Vabres, selon laquelle la circonférence de l'Etat est partout et son centre nulle part, car justement, à l'heure actuelle, sa circonférence semble n'être nulle part et son centre partout.
MM. Philippe Marini, rapporteur spécial, et Jacques Oudin. Très juste.
M. Yann Gaillard. Certes, le Gouvernement ne commande pas au talent. Il est dommage que nous n'ayons pas eu en France - ce n'est pas votre faute, monsieur le ministre - depuis les temps lointains des Duguit et des Carré de Malberg, de grands théoriciens de l'Etat moderne, alors que les Américains, par exemple, ont su, avec la théorie de la justice de Rawls, repenser leur conception traditionnelle de l'Etat partagé.
Permettez-moi de formuler une suggestion farfelue. Et si vous ouvriez, monsieur le ministre, un concours national à ce sujet ? (Sourires.) La théorie politique de Jean-Jacques Rousseau est bien née d'un avis de concours lancé par l'Académie de Dijon. Peut-être quelque agrégatif inconnu vous offrirait-il, enfin, le socle d'une véritable réforme, tant il est vrai qu'il n'y a de solide que les idées...
En attendant cet éventuel grand événement, permettez-moi de revenir sur un plan plus opérationnel. Je souhaite vous poser une question, formuler une réflexion et présenter une suggestion sur trois des points que m'inspirent les documents, forts substantiels, diffusés par votre département ministériel.
Ma question porte sur les directions d'administration centrale. Parmi les annonces publiées dans les « dossiers relatifs à la réforme de l'Etat », en octobre de cette année, figure la mention selon laquelle les ministres auront effectivement remis au 30 novembre leur projet de réorganisation : 10 % des effectifs réels seraient transférés et 30 % des directions centrales supprimées.
Je rappelle que, voilà dix ans, la mission Belin-Gisserot avait prévu la suppression de trente directions d'administration centrale - trente et non pas 30 %, ce qui est beaucoup moins - et de trente-neuf organismes de « statut plus ou moins proche des administrations centrales ». Dix-huit de ces services devaient, en outre, être allégés.
Six ans après, en 1992, une réponse ministérielle à une question écrite de notre ancien collègue André Fosset faisait état de quinze suppressions. Peut-on vraiment croire que demain, comme à l'heure fatale de l'Apocalypse, un tiers des directions se verra consumé ? Faut-il l'espérer ? Faut-il le craindre ?
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Il suffit de le vouloir.
M. Yann Gaillard. L'optimiste pourrait toutefois se consoler à l'idée que, pour réduire le nombre des services administratifs, on a commencé par en créer un de plus : le commissariat à la réforme administrative. Mais je ne doute pas qu'il ait lui-même autoprogrammé sa suppression, quand sa tâche sera menée à bien, ce qui ne saurait tarder, comme d'ailleurs le laisse penser le très intéressant premier rapport annuel qu'il a publié.
Ma réflexion portera sur la question rémanente, obsédante, et un peu décevante, des simplifications administratives, que d'autres orateurs ont évoquées, en termes excellents, ce matin.
Comme vos prédécesseurs, vous avez brandi cette annonce, sous la forme de trois cents mesures. Celles qui ont une nature législative devront être soumises au Parlement en janvier.
Vous avez raison, monsieur le ministre, de commencer par les simplifications législatives. Je rêve d'un gouvernement qui, à son arrivée, déclarerait que, pendant les six premiers mois, ses projets de loi seraient de suppression. Mais qui peut y croire vraiment ? Et, nous-mêmes, l'accepterions-nous ?
Rien n'est plus ingrat que la chasse aux simplifications, comme le montre l'affaire des niches fiscales. Les mêmes qui protestent contre la paperasse sont les premiers à réclamer des exceptions, des régimes particuliers, des niches législatives ou réglementaires. Et qui inspire nos amendements si subtils, sinon le corps social ?
En revanche, nous ne tirons pas assez parti de la duplication à l'infini que permet l'informatique.
L'administration, au sens le plus général, qui comprend, comme le perçoit bien l'opinion publique, la sécurité sociale, est surinformée. Qu'a-t-elle besoin de réclamer toutes ces déclarations, tous ces bulletins de salaire, comme l'a justement souligné notre collègue - M. Oudin, ce matin, tous ces avis de situation ? Des progrès ont été enregistrés récemment, par exemple en matière de marchés publics. Il convient d'aller plus loin, et je ne doute pas que vous y soyez décidé.
Quant à ma suggestion - elle est fort modeste, mais je doute qu'elle recueille votre accord immédiat - elle porte sur une institution sensible et qui suscite de trop faciles polémiques. Quelle puissance peut avoir un mot ! Si, voilà près de trente ans, M. Chevènement et quelques-uns de ses amis n'avaient pas inventé le mot « énarchie », le problème de l'ENA se poserait-il dans les mêmes termes ? J'en doute. Mais il est vrai que cette école, vouée à former les cadres dirigeants de notre fonction publique, est devenue, au fil des ans, une grande école à la française, ce qu'elle n'était pas à l'origine, en tout cas pas dans l'esprit de son créateur, Michel Debré, et a perdu quelque peu de vue le rôle qui devait être le sien, c'est-à-dire celui d'une école d'application, susceptible de livrer à nos administrations des cadres directement utilisables, donc préspécialisés.
A cette fin, pourquoi ne pas se contenter d'un seul concours, celui d'entrée, en supprimant le superfétatoire concours de sortie ? Les affectations dépendraient du rang d'entrée, les candidats ayant la faculté de se représenter trois fois de suite à ce concours, si l'affectation à laquelle ils ont droit ne leur convient pas.
M. Paul Masson. Très bien !
M. Yann Gaillard. Dès lors, le tronc commun dans la scolarité serait réduit aux technique de base telles que l'informatique, les statistiques et les langues, et chacun serait formé pendant deux ans, de manière pratique, aux tâches qui devront être les siennes...
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Ils risquent de ne pas faire grand-chose.
M. Yann Gaillard. ... une simple validation de leur assiduité permettant l'accès définitif au corps ou au service auxquels ils étaient, dès l'origine, destinés.
Une telle réforme supprimerait, certes, une partie du romantisme propre à l'ENA, mais elle aurait le mérite de rompre avec cette légende du modèle français de management, modèle qui est en crise, comme chacun sait, et qu'on cherche aujourd'hui à réformer en même temps que l'Etat qui l'a produit.
M. Emmanuel Hamel. Il faut entretenir le romantisme et non le supprimer !
M. Yann Gaillard. Si limitée soit-elle, une telle modification irait dans le sens que vous souhaitez vous-même, monsieur le ministre, quand vous luttez pour rétablir plus d'unité et de mobilité dans la haute fonction publique. Notre Etat a besoin de serviteurs compétents, j'allais dire bien dressés, et peut-être un peu plus modestes. Contribuez, par des mesures de cet ordre, à les lui redonner, et à faire aimer de nouveau l'Etat par les Français ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter du tour de force que constitue la présentation de votre budget. Vous avez sans doute mis votre tenue de camouflage pour préparer celui-ci. (Sourires.) Vous allez nous vanter sa progression par rapport à la loi de finances initiale de 1996.
Permettez-moi, d'une façon générale, de regretter que le Parlement soit, depuis de nombreuses années, beaucoup mieux informé sur les intentions du Gouvernement, dont ce budget est le reflet, que sur la réalisation de celui-ci. Il est en effet connu mais n'est pratiquement jamais discuté plus d'un an après son exécution. La première réforme de l'Etat consisterait à éliminer cette opacité afin que nos concitoyens connaissent les dépenses réelles de l'Etat dans un délai comparable à celui qui existe pour nos communes.
Cependant, je tiens à attirer votre attention sur un certain nombre d'anomalies. Vous avez suivi la méthode du chef de l'Etat au cours de sa campagne électorale : vous promettez beaucoup, vous réalisez peu et votre souci premier est la diminution du nombre des fonctionnaires.
Je traiterai donc, tout d'abord, des tours de passe-passe, puis des contradictions en matière de politique de l'emploi et, enfin, de la façon dont le Gouvernement actuel traite ses fonctionnaires.
Commençons par vos tours de passe-passe.
Pour la première fois, le fonds pour la réforme de l'Etat est budgétisé. Il bénéficie d'une dotation de 150 millions de francs. On peut s'en féliciter. Mais, parallèlement, le chapitre relatif à la modernisation de l'administration est réduit de plus de 16 millions de francs, soit une diminution de près de 45 %.
Ces moyens sont-ils suffisants pour entreprendre un chantier aussi important ? J'en doute d'autant qu'une véritable réforme de l'Etat ne se résume pas à des modifications de nature technocratique. Il s'agirait plutôt de s'interroger sur le rôle de l'Etat, ainsi que sur les missions de régulation et de redistribution qui lui incombent.
Par ailleurs, vous souhaitez des fonctionnaires compétents. Or votre première action consiste à diminuer les crédits de formation. Ils subissent, en effet, une amputation de près de 30 %, passant de 57 millions de francs à 40 millions de francs. Ils diminuent donc pour la deuxième année consécutive. Avouez que cette réduction est en totale contradiction avec la volonté affichée par le Gouvernement de faire de la formation un vecteur essentiel de la modernisation de l'Etat.
Accessoirement, je vous signale que la subvention à l'Ecole nationale d'administration subit une diminution de 700 000 francs. Par ailleurs, les crédits mis à la disposition des instituts régionaux d'administration retrouvent seulement leur niveau de 1995. Enfin, l'augmentation des crédits consacrés à l'action sociale interministérielle ne compense pas la réduction de 42 millions de francs qu'ils avaient subie en 1996.
Voilà donc quelques exemples des artifices de présentation de votre budget.
Le deuxième point que j'aborderai concerne l'emploi.
Globalement, 9 283 postes de fonctionnaires civils sont supprimés alors que 3 684 sont crées. Ainsi, pour la première fois depuis 1988, 5 600 emplois sont supprimés.
M. Jacques Oudin. C'est une bonne chose !
M. Jacques Mahéas. Voilà la méthode « Chirac-Juppé » pour lutter contre le chômage !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Et vous, vous luttez pour l'impôt !
M. Jacques Mahéas. L'hémorragie la plus inquiétante concerne l'éducation nationale avec 5 000 suppressions d'emplois, sans compter les 15 000 maîtres auxiliaires qui restent sur le tapis.
Il est certain qu'en matière d'éducation c'est la fin d'une priorité. En effet, sont prévues 5 290 suppressions de postes pour 313 créations dans l'enseignement scolaire. Qui fait mieux en termes de solde négatif !
On justifie cette diminution par la baisse du nombre des élèves. Encore faudrait-il la relativiser. En attendant, elle conduit, tant elle est massive, à la réduction des taux d'encadrement et à la dégradation des conditions d'études et de travail des enseignants. Cette diminution des effectifs relève d'une gestion à très courte vue du personnel, au détriment de l'amélioration de la qualité de l'enseignement.
D'une manière générale, une telle compression des effectifs est tout à fait inadaptée à la situation et en totale contradiction avec la politique contractuelle menée avec les syndicats.
Elle est inadaptée, en effet, au regard des impératifs de modernisation et d'amélioration du fonctionnement des services.
De surcroît, cette réduction mécanique des effectifs est paradoxale alors que nous manquons de personnels hospitaliers, de magistrats, de policiers et d'enseignants dans les universités et, pour comble, 1 400 nouvelles suppressions de postes sont prévues dans les services financiers alors que l'on s'escrime à vouloir faire entrer de l'argent dans les caisses de l'Etat.
Enfin, cette politique est en totale contradiction avec les objectifs des deux protocoles d'accord que vous avez signés, monsieur le ministre, avec les syndicats : d'un côté, le projet de loi de finances programme la diminution des effectifs dans la fonction publique, de l'autre, le protocole d'accord conclu le 14 mai dernier prévoit la titularisation de contractuels, et celui du 16 juillet l'embauche de jeunes en contrepartie des départs en préretraite.
Est-ce à dire que le Gouvernement s'empresse de réduire les emplois précaires dans la fonction publique, en les faisant disparaître, pour éviter de les transformer en emplois stables quand le dispositif légal sera adopté ?
Décidément, les fonctionnaires sont dans la ligne de mire du Gouvernement !
Le troisième et dernier point de mon intervention concerne la façon dont le Gouvernement traite ses fonctionnaires.
Chacun sait que la politique salariale menée depuis 1988 a été mise en panne par le gel des salaires en 1996 et par le refus du Gouvernement de prendre en compte cette dernière année dans les futures négociations. Monsieur le ministre, comptez-vous rester sur ces positions ou pensez-vous procéder au rattrapage des salaires ?
Chacun connaît aussi la faible marge de manoeuvre budgétaire dont dispose le Gouvernement. L'extrême étroitesse des crédits prévus laisse planer des doutes quant aux revalorisations des traitements des fonctionnaires en 1997. Le ministre du budget a parlé de 2 milliards de francs. Une provision de 1,5 milliard de francs a été constituée dans le cadre du projet de budget pour 1997. Or le relèvement d'un point d'indice, soit 0,25 % d'augmentation, coûte plus de 6 milliards de francs. Une négociation sans grain à moudre annonce un dialogue difficile.
C'est pourquoi votre Gouvernement ne manque pas une occasion de rappeler qu'en 1996 la masse salariale a progressé de 3,1 %, que la hausse du pouvoir d'achat des fonctionnaires s'est élevée à 2,4 % et qu'elle serait, pour 1997, de l'ordre de 1,5 %, donc sans doute inférieure à l'inflation.
On se garde bien, il est vrai, de prendre en compte la hausse significative des cotisations sociales, ainsi que l'augmentation de la TVA. Les fonctionnaires ont subi, avec les autres salariés, des ponctions sur leur pouvoir d'achat qu'ils ne sont pas prêts d'oublier.
Cessez de faire passer les fonctionnaires pour des « nantis ». Ils subissent, eux aussi, de plein fouet la politique néfaste de votre Gouvernement.
Cessez d'opposer les agents de la fonction publique aux salariés du secteur privé afin de mieux imposer aux fonctionnaires un recul de leur situation.
Cessez d'énoncer, comme le faisait Alain Madelin, « les avantages acquis des fonctionnaires ».
Cessez de considérer, comme le chef de l'Etat, que « le salaire des fonctionnaires, c'est la feuille d'impôt des contribuables ».
Cessez de faire du fonctionnaire un bouc émissaire et de préférer, comme le Premier ministre, une fonction publique moins nombreuse à une fonction publique « qui fait de la mauvaise graisse ».
Cessez, vous-même, de prendre les fonctionnaires pour des incapables.
M. Emmanuel Hamel. Il n'a jamais dit ça ! Il ne le pense pas !
M. Jacques Mahéas. Ce jour, vous déclarez dans le journal Le Figaro : « Je constate que l'administration d'Etat, très centralisée, est incapable d'accompagner le changement ». Quel mépris !
M. Emmanuel Hamel. Ce n'est pas le mépris des hommes, c'est l'analyse d'une situation !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. C'est vrai qu'on est trop centralisé !
M. Jacques Mahéas. J'attends d'ailleurs un certain nombre d'explications sur cet article qui, je le répète, a été publié aujourd'hui dans Le Figaro .
En fait, je vous demande simplement d'avoir un minimum de considération pour des fonctionnaires dévoués dans l'ensemble et qui mettent leurs compétences au service de la nation. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je regrette profondément que vous ayez placé le débat à ce niveau, monsieur Mahéas. Rien ne vous permet de m'accuser de témoigner de quelque mépris que ce soit pour quelque fonctionnaire que ce soit ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Donnez-vous la peine de lire les déclarations !
M. Jacques Mahéas. J'ai lu l'article !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Ne vous faites pas moins intelligent que vous ne l'êtes ! Vous savez très bien ce que signifie cet article ! En fait, j'ai souhaité expliciter...
M. Jacques Mahéas. Publiez un rectificatif !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation... ce que j'ai évoqué tout à l'heure lors de l'examen du projet de budget relatif à la décentralisation, c'est-à-dire la nécessité pour l'administration de l'Etat d'être capable de se rendre capable d'assumer les forces de changement et d'initiative qui sont réelles dans ce pays et que nous connaissons tous dans nos départements et dans nos régions.
Tel est le sens de cette déclaration et vous l'avez proprement déformé, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jacques Mahéas. Vous suivez tout simplement la logique du Premier ministre !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous rappeler que, en me confiant voilà un an la charge de conduire, d'une part, la réforme de l'Etat dans ses structures et ses méthodes - ce sujet est tout à fait d'actualité et mérite effectivement d'être abordé - et, d'autre part, la modernisation de la gestion des personnels de la fonction publique, le Président de la République et le Premier ministre ont voulu réunir, sous une même autorité, les compétences propres à promouvoir un Etat plus proche des Français, en meilleure prise sur la société actuelle, sur ses difficultés et sur ses attentes.
Pour atteindre ces objectifs, une gestion dynamique du secteur public est nécessaire, sinon nous ne pourrons pas mener à bien cette réforme.
En conséquence, j'entends vous indiquer en quoi le projet de budget pour 1997 permettra une meilleure adaptation de l'administration aux attentes légitimes des fonctionnaires et des usagers.
Conscient qu'il ne constitue toutefois qu'un outil incitatif au regard de la politique générale de la fonction publique qu'il m'appartient de conduire, je m'efforcerai, plus largement, de vous préciser l'esprit qui guide ma démarche et l'état de réalisation des projets de mon département ministériel.
Tout d'abord, la réforme de l'Etat a pour objet de rendre l'administration à la fois plus efficace et plus respectueuse des exigences de service public. En effet, au cours des prochaines années, l'Etat devra tout à la fois préciser ses missions, mieux répondre aux besoins des usagers et tenir compte des évolutions technologiques.
Confrontée à une société en pleine mutation, à des exigences diverses selon que l'on se trouve en milieu rural ou en milieu urbain, l'administration se doit plus que jamais d'être attentive aux préoccupations de ses interlocuteurs. Elle doit, pour cela, faire preuve d'une efficacité accrue.
Les moyens de la fonction publique et du Commissariat à la réforme de l'Etat peuvent utilement concourir à cette adaptation, qui se réalise de manière pragmatique et dans la concertation.
L'administration se doit d'être toujours plus attentive aux préoccupations de ses interlocuteurs. Cela se traduira, en particulier, par le dépôt du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, que vous examinerez prochainement.
Celui-ci prévoit l'accélération du traitement des demandes des citoyens et la faculté, pour les présidents de conseil général ou régional, de transmettre les réclamations du public au médiateur de la République.
Enfin, dans le prolongement des expériences en cours de mise en place de points publics en milieu rural et de plates-formes de services publics dans les quartiers en difficulté, il institue, avec les maisons des services publics, le cadre juridique adapté au développement des services publics polyvalents de proximité.
Le même souci de réalisme et d'efficacité a guidé la rédaction de la circulaire du 21 novembre 1995 prévoyant - un certain nombre d'orateurs l'ont rappelé - la réalisation d'études d'impact préalablement à l'adoption de tout projet de loi ou de décret. Ces études permettront de mieux mesurer les conséquences financières des dispositifs proposés, tant pour l'Etat que pour les collectivités locales ; nous en avons parlé ce matin.
L'administration doit également se donner les moyens d'une efficacité accrue.
C'est l'objet, d'abord, de la réorganisation des administrations centrales et des services déconcentrés de l'Etat ; M. Gaillard vient notamment d'y faire allusion.
Le comité interministériel pour la réforme de l'Etat du 29 mai dernier a arrêté, dans ce domaine, un certain nombre d'orientations.
Tout d'abord, les administrations centrales devront se consacrer désormais aux tâches de conception et d'orientations qui sont les leurs, en déconcentrant les tâches de gestion à l'échelon local.
En conséquence, sur la demande du Premier ministre, chacun des membres du Gouvernement proposera une simplification de l'organisation centrale du ministère dont il a la charge. Je confirme à M. Gaillard que celle-ci sera mise en oeuvre en 1997 et permettra, par une réduction d'environ 30 % du nombre des directions, de parvenir en trois ans à une diminution de 10 % des effectifs d'administration centrale.
Pour répondre à M. Oudin, j'indiquerai que j'attends beaucoup également de la réorganisation des services déconcentrés de l'Etat, qui permettra de transcender les clivages institutionnels entre administrations. Nous devons donner aux préfets les moyens de mieux faire travailler tous ces services ensemble autour de thèmes répondant aux besoins ressentis aujourd'hui à l'échelon local par nos concitoyens, en particulier dans les domaines de l'aménagement du territoire, du développement économique, de l'environnement et de la solidarité.
Une étude de faisabilité a été réalisée ces dernières semaines dans sept départements. Son exploitation devrait permettre au Gouvernement de lancer, au début de l'année 1997, à titre expérimental mais grandeur nature, une nouvelle organisation des services déconcentrés dans un certain nombre de départements, que nous serons conduits à choisir d'ici au mois de janvier prochain.
S'agissant, enfin, de la poursuite des délocalisations, monsieur Peyronnet, je peux vous indiquer que la délocalisation à Limoges du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, a subi divers retards du fait, d'abord, de problèmes archéologiques, ensuite, d'un conflit avec le maître d'oeuvre.
C'est dans ce contexte qu'interviennent les décisions concernant le budget du CNASEA, qui tiennent compte, bien évidemment, du décalage dans le temps de l'opération et de la nécessité d'en ajuster le calibrage, compte tenu de la situation budgétaire de l'heure. Mais ces décisions, je tiens à vous le préciser, ne remettent pas en cause le principe de la délocalisation de cet établissement.
M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !
M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Parallèlement, nous continuerons à développer, d'une part, l'autonomie des chefs de services deconcentrés en matière de gestion et, d'autre part, la déconcentration des concours de recrutement, déjà engagée pour les catégories B et C.
L'efficacité résultera, ensuite, vous l'imaginez bien, de la modernisation de la gestion des personnels, à commencer par l'effort pour la formation.
L'adaptation des compétences des agents grâce à la formation continue sera renforcée. L'Etat réserve actuellement plus de 10 milliards de francs par an pour la formation continue de ses agents. En application de l'accord-cadre du 22 février dernier, l'effort des ministères sera porté, fin 1998, à 3,8 % de la masse salariale, soit 0,6 % de plus que pendant la période 1993-1996.
Le Gouvernement porte également une attention spécifique à la formation et à la gestion des carrières des hauts fonctionnaires.
Les moyens des écoles de formation des cadres de la fonction publique sont également maintenus globalement dans le projet de loi de finances pour leur permettre de poursuivre leur mission.
Le retour à un rythme régulier de scolarité fondé sur l'année universitaire dans les instituts régionaux d'administration, les IRA, justifie l'augmentation de 16,7 millions de francs de leurs crédits en 1997, pour retrouver le montant annuel habituel de ces crédits.
En dépit d'une légère baisse de sa subvention de 161,7 millions de francs à 161 millions de francs, l'ENA disposera, me semble-t-il, des moyens nécessaires à son fonctionnement.
Le Gouvernement entend également accroître l'efficacité de l'administration par un développement de la mobilité.
Le souci de simplification et d'amélioration de la mobilité fonctionnelle des agents justifie l'important travail de rapprochement progressif des corps d'administration générale, d'ouvriers et de service que nous avons entrepris. Il s'agit d'un travail difficile, auquel je crois beaucoup. Je suis absolument convaincu, en effet, que le développement de la mobilité constitue un élément très important : les agents y verront des possibilités de carrière plus intéressantes et l'on pourra espérer une meilleure qualité de travail, d'imagination et d'innovation de l'administration.
Comme le suggère M. Marini, la notion de métier doit être le guide de ce type de travaux, que nous avons maintenant largement entrepris.
Les moyens inscrits pour 1997 permettront d'amplifier l'intervention incitative du fonds interministériel de la réforme pour l'Etat.
Le fonds concourra ainsi à financer les expérimentations indispensables aux adaptations attendues de l'administration comme la mise en place des maisons de services publics, de dispositifs de formation mobilité et un certain nombre de restructurations.
La deuxième grande orientation qui illustre le projet de loi de finances, c'est le souhait du Gouvernement de poursuivre le dialogue social dans la fonction publique et d'améliorer la situation des agents dans le respect des contraintes financières.
Chacun le sait bien, les contraintes qui pèsent sur le budget de l'Etat imposent un effort de maîtrise de la masse salariale de la fonction publique. Toutefois, cet objectif n'interdit ni de rechercher une amélioration de la situation des agents ni de mettre en oeuvre un certain nombre de mesures de soutien de l'emploi.
S'agissant des effectifs, je crois qu'il est clair, en tout cas pour la plupart d'entre nous, qu'une meilleure gestion est indispensable. Le projet de loi de finances pour 1997 marque, à cet égard, un tournant.
Les dépenses induites de la fonction publique représentent une part très importante du budget de l'Etat, soit 38 %. En francs courants, ces dépenses se sont accrues, à champ constant, de 4 % par an depuis 1990.
Dans ces conditions, la maîtrise de la masse salariale est, compte tenu du pourcentage, une contribution indispensable à la stabilisation des dépenses publiques.
En prévoyant la suppression nette de 5 599 emplois dans les administrations civiles, le projet de loi de finances pour 1997 rompt avec la croissance continue enregistrée depuis 1988, marquée par un accroissement des effectifs de 72 300 emplois.
Je tiens, pourtant, à souligner que l'administration restera globalement pourvoyeuse d'emplois en 1997, en raison du nombre important de départs à la retraite, de l'ordre de 46 000. Cette évolution s'amplifiera d'ailleurs au cours des années suivantes.
Par ailleurs, et pour répondre à M. Pagès, je souligne que les réductions d'emplois ne seront pas effectuées de manière aveugle et dans un souci strictement budgétaire. Il s'agit, dans le cadre d'une démarche pluriannuelle, d'adapter l'organisation des services aux besoins, et d'organiser une plus grande souplesse dans la gestion des corps.
Aussi, les réductions d'effectifs décidées, pour 1997, dans le secteur de l'éducation nationale ne font que tirer les conséquences de la baisse des effectifs scolarisés dans l'enseignement primaire et secondaire. Mais elles préservent les secteurs prioritaires que sont l'enseignement supérieur et la sécurité dans les établissements scolaires, puisque 2 594 emplois sont créés dans l'enseignement supérieur et 250 emplois le sont au titre de la sécurité dans les établissements scolaires.
D'une manière plus générale, je suis convaincu qu'il faut favoriser et encourager une gestion plus dynamique de l'emploi.
Enfin, je vous confirme que l'effort de maîtrise des effectifs n'empêchera pas le Gouvernement d'engager dans les semaines à venir une négociation sur les revalorisations salariales. Le gel de la valeur du point de l'année 1996 ne se prolongera pas en 1997.
Pour répondre à la préoccupation exprimée par M. le rapporteur, je précise que, s'il ne paraît pas techniquement possible de scinder la négociation salariale par fonction publique - M. Hyest a également évoqué ce point - les associations représentatives de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière seront, bien entendu, consultées et tenues informées aux diverses étapes de la négociation. Nous devrons préciser les modalités de cette information et de cette concertation. En effet, une négociation, c'est quelque chose de vivant qui s'accélère à certains moments et qui ralentit à d'autres. Je veillerai à trouver un dispositif d'information réciproque, afin que nous puissions, à travers les associations d'élus en particulier, mener cette concertation tout au long de notre négociation.
Je voudrais évoquer rapidement un certain nombre d'éléments qui ont concouru à la fois à la promotion de l'emploi et à l'amélioration de la condition des agents. Ce sont les accords conclus dans la fonction publique, nous avons eu l'occasion d'en parler voilà quelques jours, puisque vous avez bien voulu adapter, d'une manière d'ailleurs très positive, le projet de texte que je vous soumettais et qui permettait d'intégrer dans la loi l'accord sur la résorption de l'emploi précaire et l'accord sur la cessation anticipée d'activité, qui sera également porteuse de possibilités d'emploi pour des jeunes au cours de l'année 1997.
Vous le voyez, à travers ces accords et ces perspectives de négociation, je crois pouvoir dire que le dialogue social a été largement restauré et se poursuit dans le secteur de la fonction publique. J'ai bien l'intention de poursuivre cet effort, en particulier dans deux directions.
La première concerne l'aménagement et la réduction du temps de travail : l'objectif serait de conclure un accord-cadre en 1997 - si possible d'ailleurs en début d'année - et de permettre ensuite au dialogue social de s'engager administration par administration pour y proposer des solutions adaptées. En effet, en matière d'aménagement du temps de travail, il faut coller de très près à l'exercice effectif d'un certain nombre de travaux et aux conditions d'exercice des différents métiers. En dehors d'un accord-cadre, il me paraît préférable que la négociation puisse se décliner administration par administration.
La seconde direction dans laquelle je souhaite avancer en termes de concertation et de discussion avec les organisations syndicales, c'est l'insertion des personnes handicapées : les syndicats de fonctionnaires seront prochainement réunis afin d'examiner les mesures à prendre pour parvenir à des progrès plus significatifs en faveur de l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. En effet, elle n'a pas toujours donné le meilleur exemple s'agissant de ce souci, ô combien important ! d'insertion des personnes handicapées dans notre société.
Ainsi, de manière pragmatique et concertée, le Gouvernement s'efforcera, chaque fois que cela sera possible, d'améliorer les dispositifs existants.
La progression des crédits de l'action sociale dans le budget pour 1997 concourra aussi à cette amélioration de la situation des agents de la fonction publique.
Les crédits consacrés à l'action sociale passent de 608,3 millions de francs en 1996 à 636,3 millions de francs, soit une progression de 4,61 %.
Je l'ai rappelé au début de mon propos, les crédits de la fonction publique qui sont en discussion aujourd'hui ne donnent qu'une vue très partielle de la politique d'ensemble mise en oeuvre par l'Etat pour la gestion de ses personnels, laquelle s'appuie, bien entendu, pour l'essentiel sur les budgets de chacun des ministères.
Il n'en reste pas moins que les crédits consacrés par le projet de budget pour 1997 à la part interministérielle de cette politique constituent un élément fédérateur du vaste corps social que représente la fonction publique.
Je sais que, au-delà des usagers, les fonctionnaires tiennent beaucoup à l'entreprise de réforme qui est lancée. Je sais aussi, pour avoir été un des leurs, l'attachement qu'ils démontrent pour leur fonction, consistant à oeuvrer dans le sens des grands intérêts collectifs.
Le Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, fait confiance à la fonction publique pour rénover l'administration française. Pour mener à bien cette mission, elle a besoin, aussi, de la confiance de toute la nation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Un sénateur du RPR. Elle l'aura !
M. le président. Je vous rappelle que les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat inscrits à la ligne « Services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix après l'examen, le samedi 7 décembre, des crédits relatifs à la communication.

ÉTAT B

M. le président. « Titre III, 106 709 070 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV, moins 524 669 554 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.

ÉTAT C

M. le président. « Titre V. - Autorisation de programme, 62 600 000 francs ;
« Crédits de paiement, 54 850 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.

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