M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits dont nous abordons l'examen recouvrent deux domaines bien différents. Il s'agit, d'une part, de l'ensemble de la politique de rémunération de l'Etat et du secteur public et, d'autre part, des crédits propres au ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.
Dans ce bref exposé, je mettrai l'accent, en premier lieu, sur les problèmes de l'Etat employeur, en second lieu sur la réforme de l'Etat, qui est évidemment l'enjeu essentiel.
S'agissant de l'Etat employeur, nous le savons bien, nous nous situons dans un cadre très contraignant. Nous avons en effet l'impérieux besoin de réduire les déficits publics. Or, à l'évidence, les dépenses de rémunérations et les dépenses induites par les rémunérations, qui représentent 42 % du budget général de l'Etat, ce qui est très important, doivent faire l'objet d'un effort tout particulier, compte tenu de la politique de maîtrise actuellement mise en oeuvre.
Ainsi, le budget qui nous est proposé pour 1997 ne comporte-t-il, au titre des rémunérations, que les crédits nécessaires à la prise en compte des effets des mesures catégorielles décidées dans le passé, ainsi que des mesures individuelles, du glissement vieillissement technicité, le GVT, et de différentes autres mesures techniques.
J'appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le meilleur indicateur de la rémunération des fonctionnaires, qui est la rémunération moyenne des personnels en place, dégage depuis plusieurs années, par rapport à l'indice des prix à la consommation, une marge qui peut être considérée comme un gain de pouvoir d'achat. Je crois qu'il est bon de le redire. Ainsi, en 1995, la progression de la rémunération moyenne des personnels en place est de 5,5 %, par rapport à un indice des prix en augmentation de 1,8 %.
S'agissant de la dépense induite de la fonction publique, elle s'élève à 650 milliards de francs, premier poste du budget de l'Etat, soit près de 42 % de ce budget général.
Nous avons fait, en commission, la liste des facteurs d'évolution et des inquiétudes pour l'avenir.
Monsieur le ministre, nous avons en particulier mis l'accent sur les pensions, car, en ce domaine, il ne faut pas se le cacher, les perspectives sont fort préoccupantes pour les années à venir. Nous voyons évoluer très rapidement et très défavorablement le rapport démographique entre les cotisants et les ayants droit. En effet, si l'on peut considérer que le nombre des premiers est stable, celui des seconds va à peu près doubler entre 1995 et 2015. Voilà la réalité à laquelle nous n'échapperons pas à l'avenir et cet élément reviendra certainement de manière lancinante dans tous les budgets futurs de l'Etat.
Nous ne pouvons pas ne pas considérer le mode de gestion de la fonction publique comme quelque peu archaïque.
Quand je parle d'archaïsme, je peux évoquer l'unicité de la négociation salariale. Nous le disions récemment, à l'occasion de l'examen du projet de loi concernant certains aspects de l'emploi dans la fonction publique : une seule négociation salariale pour l'Etat, les collectivités territoriales et le secteur hospitalier. A l'évidence, une seule négociation salariale pour 9 millions de personnes, c'est une concentration excessive !
La gestion de la fonction publique reste exagérément parisienne, pas suffisamment déconcentrée. Trop de commissions paritaires se tiennent à l'échelon ministériel, souvent pour prendre des décisions qui seraient assurément mieux venues si elles étaient plus proches du terrain.
Enfin, cette gestion demeure très cloisonnée, avec un très grand nombre de corps qui, souvent, regroupent des personnes faisant les mêmes métiers. Sur ce point, on le verra en conclusion, le Gouvernement essaie d'évoluer à un rythme qui lui semble compatible avec les possibilités de réforme de l'Etat.
Les effectifs de la fonction publique diminuent, pour la première fois en 1997, en nombre absolu, mais le solde négatif, qui est de 5 600 postes, n'est que la conjugaison de 9 300 suppressions de postes et de 3 700 créations de postes. Ce budget comporte en effet des créations de postes, contrairement à ce qu'on entend ici ou là : 2 660 postes pour l'enseignement supérieur, 475 postes pour la justice. Certes, il y a, en compensation, des suppressions : 1 400 postes pour les services financiers et 5 300 postes pour l'enseignement scolaire en fonction de la démographie des élèves.
Par ailleurs, les conséquences sont tirées de la professionnalisation des armées et de la réforme de structures en matière de défense.
Monsieur le ministre, en ce qui concerne les effectifs et les rémunérations, il s'agit donc d'un budget maîtrisé. Je crois que vous avez fait au mieux, compte tenu des marges de manoeuvre étroites qui étaient les vôtres, et que les arbitrages ont été pris dans les meilleures conditions possibles, du moins pour l'année 1997.
Je ne reviendrai pas sur les crédits de votre ministère, qui sont détaillés dans le rapport écrit. Je mettrai simplement l'accent sur le fonds pour la réforme de l'Etat, qui est une innovation de ce budget. Créé au cours de l'année 1996, il est confirmé en 1997 avec 150 millions de francs, dont 50 millions de francs pour une première section consacrée au financement de réformes particulièrement importantes ou exemplaires, et 100 millions de francs pour une seconde section consacrée à la mise en chantier de réformes à conduire dans les trois années à venir.
La réforme de l'Etat, qu'est-ce à dire ? Les objectifs sont clairs : il faut que l'Etat puisse dépenser mieux pour mieux assumer ses missions. Le Premier ministre a engagé un effort de réflexion très important avec tous vos collègues du Gouvernement, qui a permis de dégager un certain nombre d'orientations.
Il convient de changer l'Etat central, de réduire le nombre des directions d'administration centrale, de mieux déléguer les responsabilités, de rénover la fonction publique en réduisant le nombre de corps et en réformant le système de notation pour aller vers plus d'évaluation individuelle, de diversifier les carrières et d'encourager la mobilité. Toutes ces actions sont assurément indispensables !
Quelles sont les premières réalisations ? Une expérimentation utile des contrats des services est en cours. Ce nouveau mode d'arbitrage budgétaire permet de rendre un service responsable de ses objectifs, ce dernier pouvant, grâce à une évaluation globale de ses moyens, consentir éventuellement à une réduction de ces derniers, en les « sécurisant » en quelque sorte, et bénéficier de plus de souplesse, c'est-à-dire d'une fongibilité des crédits.
M. le président. Monsieur le rapporteur, je me dois de vous rappeler que le temps s'écoule !
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. J'en arrive à ma conclusion, monsieur le président. Les contrats de services me semblent devoir être mis en valeur, car ils représentent un élément qualitativement important dans le budget de 1997, tout comme est importante la gestion patrimoniale de l'Etat qui devra se concrétiser.
La réforme de l'Etat suppose de persévérer dans l'effort sur de nombreuses années, effort qui n'est qu'amorcé et qui doit conduire à un objectif ambitieux. On ne pourra pas, en effet, faire l'économie d'une révision des modes de la négociation salariale, ni d'un desserrement du carcan de la négociation centralisée et unique. C'est du moins un voeu que je formule.
Par ailleurs, la notion de métier devra prévaloir pour réduire le nombre de cloisonnements administratifs et faciliter la mobilité dans l'intérêt des agents publics. En effet, monsieur le ministre, en analysant ces crédits, le souci de la commission est évidemment de rendre hommage au travail des fonctionnaires de l'Etat, de valoriser leurs responsabilités tout en considérant que, pour ce faire, il convient d'assouplir les modes de gestion de l'Etat et d'engager une véritable politique à long terme de gestion prévisionnelle des effectifs et de gestion des ressources humaines de l'Etat.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances recommande l'adoption de vos crédits. (Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 27 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de l'Etat est à l'ordre du jour de toutes les républiques et de tous les gouvernements.
Le Gouvernement que nous soutenons a engagé une réforme profonde du secteur de la protection sociale. Cette action était la condition de la survie de nos régimes de sécurité sociale. Critiquée, combattue par les uns, soutenue par les autres, cette réforme est actuellement en marche.
Il en est de même de celle des entreprises publiques, dont le bilan pèse lourd dans les comptes publics. L'Etat ne peut continuer à supporter, pour ce secteur, des déficits considérables dont les contours sont mals cernés.
De plus, se pose le problème du fonctionnement de l'Etat. Comme l'indiquait notre excellent rapporteur à l'instant, et comme je l'ai souligné dans la discussion générale, les réductions du train de vie de l'Etat ont déjà été nombreuses. On ne pourra envisager d'aller au-delà qu'en s'attaquant à des réformes de structures plus profondes.
Chacun mesure combien, au fil des années, les structures de l'Etat se sont développées, empilées ou juxtaposées, pour atteindre, parfois, des dimensions ou une complexité qui pèsent sur les modalités de gestion. Ce phénomène est perceptible au niveau tant national que départemental.
Il est évidemment exclu d'évoquer tous les aspects d'une telle réforme ; aussi me contenterai-je de n'aborder que quelques problèmes spécifiques.
Les administrations centrales peuvent être restructurées pour diminuer le nombre de directions. L'éparpillement des compétences est tel que certains directeurs exercent désormais des attributions qui étaient autrefois celles d'un sous-directeur, et le sous-directeur celles d'une chef de bureau. En revanche, certaines administrations - et je pense en particulier au ministère des affaires sociales - ont souffert trop longtemps d'une insuffisance d'effectifs de conception et d'encadrement, alors même que le secteur social prenait une importance considérable.
Certes, le Gouvernement a décidé d'une réorientation, mais l'augmentation de certains secteurs doit être compensée par la diminution, voire la disparition de services dont l'importance ne se justifie plus.
A cet égard, monsieur le ministre, j'ai déjà cité à cette tribune le cas d'un service qui, par exemple, pourrait être profondément remanié, voire supprimé : il s'agit du service de la redevance audiovisuelle. Ce service avait sa justification autrefois, à une époque où une minorité de Français possédait la télévision et où cette redevance était la seule ressource de l'ORTF. Qu'en est-il actuellement, sachant que chaque foyer possède au moins un poste de télévision ? La redevance pourrait être rattachée à la taxe d'habitation, ce qui libérerait 1 000 personnes sur les 1 150 que comporte ce service, 1 000 personnes qui pourraient être affectées, par exemple, à la récupération des créances sociales.
Parmi les mesures de simplification particulièrement attendues par nos concitoyens figure le bulletin de salaire qui constitue, je dirais, un problème emblématique. Le bulletin français comporte dix-sept lignes, le bulletin anglais quatre lignes. Nous avons déjà atteint un résultat significatif avec le chèque emploi-service. Nous souhaitons que l'employeur, quel qu'il soit, n'ai plus face à lui qu'un seul organisme, n'ait plus à calculer qu'un seul taux de cotisation et à ne verser qu'un seul chèque. Si nous aboutissions à cette mesure, nos concitoyens comprendraient que la réforme de l'Etat est en marche.
J'en viens maintenant aux niveaux départemental et local, en formulant deux remarques.
La première concerne la nécessaire réorganisation des directions départementales. A l'évidence, elles sont trop nombreuses et doivent être réorganisées en fonction des grandes missions de l'Etat et de l'existence des conseils généraux.
Prenons l'exemple de la politique de l'eau et de l'assainissement. Il n'y a pas moins de sept organismes qui ont une compétence qui touche à ce secteur. J'ai créé, en ce qui me concerne, dans ma région, un observatoire local de la qualité des eaux qui est à cheval sur deux départements : j'ai donc quatorze interlocuteurs parmi lesquels l'IFREMER, l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l'agence de l'eau, la DIREN, la direction régionale de l'environnement, la DDA, la direction départementale de l'agriculture, la DDE, la direction départementale de l'équipement et la DDASS, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, mais je pourrais en citer d'autres.
Ma deuxième remarque concerne la réorganisation des structures des services publics locaux en liaison avec notre politique d'aménagement du territoire et le développement des structures intercommunales. La Haute Assemblée est particulièrement attachée au maintien des services publics locaux dans les zones éloignées, déshéritées et vieillissantes, éventuellement autour de la poste. Monsieur le ministre, j'attire surtout votre attention sur l'effort indispensable de prévision, de projection et de concertation avec les collectivités locales concernées.
D'autres innovations peuvent être développées au niveau local pour permettre aux services de l'Etat et aux collectivités locales d'offrir un meilleur service à nos concitoyens.
Dans le domaine de l'emploi, par exemple, nous connaissons le rôle de l'ANPE. Mais nous savons aussi que l'ANPE ne peut être présente partout et que c'est auprès de la mairie que, souvent, le demandeur d'emploi effectue sa première démarche.
Il est donc normal que les communes ou les groupements de communes s'intéressent aux problèmes de l'emploi. Une ordonnance de décembre 1986 a d'ailleurs prévu que des conventions de collaboration ou de placement peuvent être signées entre l'ANPE et les collectivités. Ces conventions n'ont pas eu un développement considérable, et c'est bien dommage.
Dans mon département, nous avons créé des maisons locales de l'emploi et d'information sur les formations, organisées en réseau avec l'ANPE et le CARIF, le centre d'animation et de ressources pour l'information sur la formation. Je souhaite, monsieur le ministre, que votre gouvernement encourage de telles initiatives.
Face à des situations économiques et sociales parfois difficiles, les collectivités locales sont contraintes d'agir et de réagir.
Vous l'avez dit à l'instant, le succès de l'intercommunalité montre que les communes ont pris la juste mesure de l'intérêt de cette formule pour aborder, ensemble, les problèmes d'aménagement du territoire, de développement économique, de solidarité ou d'environnement.
Cependant, les actions ne sont efficaces qu'en fonction de la qualité des hommes ou des femmes qui les mènent. La particularité de ces actions contraint les responsables des structures intercommunales à recourir à des contractuels, faute de pouvoir trouver les compétences nécessaires dans la fonction publique territoriale.
Il ne s'agit pas, bien entendu, de précariser ces emplois, qui peuvent avoir des durées de trois, six, neuf ans ou plus. Il s'agit de s'adjoindre des compétences à la hauteur des enjeux de développement local.
Les textes autorisent ces recrutements. Il suffit de les appliquer avec discernement et de donner aux préfets les instructions correspondantes.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de celles que vous avez données ou que vous donnerez dans ce sens.
S'agissant de la gestion du personnel, je me permets d'attirer votre attention sur l'impérieuse nécessité qui s'attache à la mise en place d'une politique globale et vigoureuse de gestion des ressources humaines au niveau de l'Etat.
Il sera impossible de procéder aux profondes restructurations des services si une telle politique n'est pas mise en oeuvre. C'est vrai pour tous les secteurs mais plus particulièrement pour le secteur hospitalier, où une profonde réforme est engagée.
Les situations sont trop différentes d'un ministère à l'autre pour que les mesures de réduction d'effectifs puissent s'appliquer aveuglément. Il faut tenir compte des objectifs, des efforts déjà réalisés, des réformes engagées, des rapports existants entre les effectifs déconcentrés et les effectifs centraux.
La réforme de l'Etat est un problème récurrent dont chacun mesure la difficulté.
Vous avez engagé à ce sujet, monsieur le ministre, de nombreuses consultations et lancé d'innombrables études. Je les crois nécessaires et bien ciblées.
Je pense néanmoins qu'elles devront être suivies d'un vaste débat, qui devra s'ouvrir devant le Parlement avant d'être porté devant la nation.
L'Etat doit montrer l'exemple et faire la preuve de sa détermination. Il est impossible qu'il impose des réformes aux autres, qu'il s'agisse des entreprises publiques, du secteur hospitalier, voire des collectivités, sans se les imposer d'abord à lui-même.
Notre développement futur passe à l'évidence par une remise en ordre immédiate ; vous l'avez amorcée mais il faut qu'elle aboutisse à des résultats concrets rapidement.
N'oublions jamais ce que disait Edmund Burke : « Un Etat qui n'a pas les moyens d'effectuer des changements n'a pas les moyens de se maintenir ». (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois à la compréhension de mon ami Jacques Mahéas, qui présentera la position du groupe socialiste sur ce projet de budget, d'intervenir avant lui sur ce dossier. Ce faisant, nous interviendrons un peu dans le désordre, allant du particulier au général, mais nécessité fait loi et, en l'occurrence, pour moi, cette nécessité concerne les transports.
C'est donc une courte intervention que je ferai sur un domaine précis, celui des délocalisations de services publics et, notamment, sur un point singulier, celui du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.
Ce faisant, j'irai moi-même du général au particulier. Monsieur le ministre, je n'ai d'ailleurs pas le sentiment d'être hors sujet, puisque vous êtes en charge de la réforme de l'Etat et que, à l'évidence, cette réforme passe en particulier par une déconcentration des services publics, y compris éventuellement sous la forme de délocalisations.
Mme Cresson avait donné l'exemple ; elle fut critiquée sur la forme plus que sur le fond, puisque j'observe que, depuis lors, les gouvernements successifs ne sont pas revenus sur cette politique et que même le CIAT - comité interministériel pour l'aménagement du territoire - de septembre 1994 a décidé de procéder à 10 000 nouvelles délocalisations d'emplois publics.
Au total, et en prenant en compte la réduction de 2 000 emplois décidée au CIAT de juillet 1993, ce sont quelque 23 000 emplois dont la délocalisation a été décidée.
J'ai lu avec intérêt le rapport présenté à l'Assemblée nationale par M. de Courson constatant que 10 500 emplois sont à ce jour effectivement transférés et que 8 000 sont en cours de transfert, soit, d'après M. de Courson, 80 % de ce qui était prévu, ce qui est bien.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous exposiez les projets du Gouvernement dans ce domaine et que vous nous disiez s'il envisage la stabilisation, le ralentissement ou l'accélération de ces transferts d'emplois. C'est ma première question.
Ma seconde question est beaucoup plus précise : elle concerne le CNASEA. Vous le savez, cet établissement public national, placé sous la tutelle conjointe des ministères de l'agriculture et des finances, gère un budget de l'ordre de 16 milliards de francs.
Sa délocalisation a été décidée au CIAT de janvier 1992, officialisée par contrat du 5 janvier 1993 et confirmée par délibération du conseil d'administration du 28 juin 1994.
Cette délocalisation devait se faire à Limoges. Parallèlement, la région Limousin, le département de la Haute-Vienne et surtout la ville de Limoges se sont mobilisés. La ville a dégagé un terrain dans le centre-ville et décidé de le céder gratuitement, alors qu'il était estimé à 6 millions de francs.
Bref, tout semblait aller bien jusqu'au printemps de 1996. Il y avait bien un retard, qui était prévisible à la suite d'un différend entre la direction du CNASEA et l'architecte chargé du projet, mais, à toutes les questions que les élus posaient, les réponses, tant de la direction du CNASEA que du ministère concerné, étaient rassurantes. Depuis juin 1996, plus rien, silence quasi total.
Monsieur le ministre, de quoi s'agit-il ? Quelqu'un essaie-t-il d'allumer un feu pour l'éteindre à la veille des élections de 1998 ? Cela s'est déjà vu dans notre département ; ce serait un peu misérable mais, à la limite, ce serait un moindre mal. La disparition des crédits destinés à financer le début de l'opération au budget du ministère de l'agriculture est-elle imputable à un retard, ce que l'on comprendrait pour le budget de 1997 mais n'exclurait pas la réapparition de ces crédits, ou bien est-elle due à un effacement pur et simple de ceux-ci ?
Les responsables des exécutifs locaux sont inquiets ; le président de la région, le député-maire, moi-même, nous vous demandons de confirmer que cette délocalisation aura bien lieu - elle porte sur 350 emplois, soit 1 000 personnes environ - et, si possible, d'en fixer les dates. Vous rassureriez ainsi toute une ville, tout un département durement touchés par des pertes d'emplois importantes dans le secteur de l'armement, des machines-outils et du textile ; vous rassureriez également les personnels, dont un nombre important, depuis quatre ans, ont été recrutés sous la condition de venir s'installer à Limoges, à partir de 1997, croyaient-ils.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir répondre à ces questions.
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la gestion des moyens humains n'est pas seulement la gestion du nombre, c'est aussi la recherche de gains de productivité dans les administrations.
« On peut explorer plusieurs pistes à cet égard.
« En premier lieu, il faut procéder à un examen approfondi des missions dévolues aux services publics, qui permettrait un recentrage des actions de l'Etat.
« En deuxième lieu, il faudrait tirer les conséquences tout à la fois de la décentralisation, de la déconcentration et des changements intervenus du fait de la construction européenne.
« Enfin, la prise en compte des évolutions technologiques doit permettre, au même titre que dans les entreprises privées, de faire des économies et de rationaliser le travail. »
C'est ainsi que s'exprimait M. de Courson, député UDF et rapporteur spécial du budget de la fonction publique, à l'Assemblée nationale.
Le décor est donc planté. L'on voit bien là le sort que réserve le Gouvernement aux fonctionnaires.
Mais cela est moins étonnant que révoltant, surtout lorsque l'on a en mémoire les formules fort désobligeantes du Gouvernement et de son Premier ministre, telles que « mauvaise graisse » ou « la feuille de paie des fonctionnaires est la feuille d'impôt des Français ».
Les fonctionnaires sont conscients du peu de considération que leur porte le Gouvernement.
Dans le même temps, ils sont conscients, et avec eux bon nombre de salariés du privé, qu'ils ne sont ni des nantis, ni des privilégiés, ni plus payés que dans le secteur privé, ni des incapables, comme tentent de le faire croire ceux qui souhaitent opposer les usagers aux fonctionnaires et agents de la fonction publique.
Les fonctionnaires n'échappent pas, en effet, au gel des rémunérations, ni aux attaques contre leur système de retraite, ni aux suppressions d'emplois qui s'élèveront à 5 600 dans la fonction publique en 1997.
A croire qu'en France il y a trop de service public !
Pensez-vous réellement qu'il y ait trop d'enseignants alors que l'on compte 800 000 heures supplémentaires effectuées dans l'enseignement secondaire public ?
Pensez-vous qu'il y ait trop de personnels hospitaliers quand ceux-ci ont des journées qui n'en finissent plus, sans compter les astreintes ?
Pensez-vous qu'il y ait trop de magistrats, trop de greffiers...
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. On crée des postes !
M. Robert Pagès. ... quand on connaît les lenteurs de la justice ?
Pensez-vous qu'il y ait trop de policiers quand on recrute des auxiliaires, des titulaires d'emplois précaires pour effectuer des missions de service public aussi délicates que les leurs ?
Je pourrais continuer longuement à faire le point sur le manque d'effectifs dans la fonction publique, lequel empêche la population de bénéficier d'un service public de qualité lui garantissant des droits aussi fondamentaux que le droit à la santé, le droit à l'éducation, le droit à la sécurité, le droit à la justice.
Si les choix en matière de politique économique et sociale étaient radicalement inversés, ce serait, en termes de réduction du chômage et de relance de la consommation et de l'économie, une avancée considérable, mais cela relève d'une volonté politique qui vous est étrangère, fixés que vous êtes sur la maîtrise des dépenses publiques façon Maastricht !
Nous considérons, par ailleurs, que ni votre projet de loi portant résorption de la précarité dans la fonction publique ni celui de la réforme de l'Etat ne vont apporter de réelles solutions au malaise que vivent non seulement les fonctionnaires, mais aussi les usagers du service public.
Telle n'est pas la priorité des priorités du Gouvernement, qui, à plus ou moins long terme, souhaite remettre en cause la conception française de la notion de service public, à laquelle nous sommes, pour notre part, très attachés.
Voilà, monsieur le ministre, ce que, au cours des cinq petites minutes qui sont imparties au groupe communiste républicain et citoyen, je voulais évoquer pour expliquer notre rejet de votre projet de budget pour 1997 pour la fonction publique et, au-delà, notre rejet pur et simple de votre politique d'austérité.
M. le président. Mes chers collègues, à ce stade du débat, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean Delaneau.)