M. le président. « Art. 24. - I. - Au I de l'article 403 du code général des impôts :
« 1° Au 1°, le tarif de 5 215 francs est porté à 5 474 francs ;
« 2° Au 2°, le tarif de 9 060 francs est porté à 9 510 francs.
« I bis - Au a du I de l'article 520 A du code général des impôts :
« 1° Le tarif de 6,25 francs est porté à 8,50 francs ;
« 2° Le tarif de 12,50 francs est porté à 17 francs.
« II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur au 1er janvier 1997. »
Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 82 rectifié, Mmes Fraysse-Cazalis et Demessine, M. Fischer, Mme Beaudeau, M. Loridant, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer cet article.
Par amendement n° 97 rectifié, MM. Foy, Delevoye, Habert, Schumann, Turk, Legendre, Eckenspieller et Haenel proposent :
A. - Au paragraphe I de cet article, de remplacer la somme : « 5 474 francs » par la somme : « 5 554 francs » et la somme : « 9 510 francs » par la somme : « 9 649 francs ».
B. - Au paragraphe I bis de cet article, de remplacer la somme : « 8,50 francs » par la somme : « 6,66 francs » et la somme : « 17 francs » par la somme : « 13,31 francs ».
C. - Après le paragraphe I bis de cet article, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - A l'article 438 du code général des impôts :
« 1° Au 2°, le tarif est porté de 22 francs à 23,43 francs ;
« 2° Au 3°, le tarif est porté de 7,60 francs à 8,09 francs. »
Par amendement n° 96 rectifié, MM. Arnaud, Hoeffel, Badré, Baudot, Bernadaux, Bécot, Belot, Dulait, Diligent, Eckenspieller, Fauchon, Grignon, Lorrain, Laurin, Moinard, Richert, Souplet, Vecten, Blaizot, Haenel et Ostermann proposent :
A. - Au I de cet article, de remplacer le tarif : « 5 474 francs », par le tarif : « 5 450 francs » et le tarif : « 9 510 francs » par le tarif : « 9 467 francs ».
B. - Au I bis de cet article, de remplacer le tarif : « 17 francs » par le tarif : « 14,50 francs ».
C. - Après le I bis de cet article, d'insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... A l'article 438 du code général des impôts :
« 1° Au 2°, le tarif de 22 francs est porté à 29,60 francs.
« 2° Au 3°, le tarif de 7,60 francs est porté à 10 francs. » Par amendement n° 94 rectifié, MM. Doublet, Alloncle, Eckenspieller et Vasselle proposent de remplacer, dans le paragraphe II de cet article, la date : « 1er janvier 1997 » par la date : « 1er février 1997 ».
La parole est à M. Renar, pour défendre l'amendement n° 82 rectifié.
M. Ivan Renar. La rectification de ces amendements, monsieur le président, est sans doute due à la pression, celle de la bière ! Il est bien connu que la meilleure des bières est celle qui est bue à la pression ! (Sourires.)
L'article 24 vise, d'abord, à accroître le montant des droits perçus sur les alcools forts, ce qui n'aura d'ailleurs pas d'autre conséquence que de majorer le prix de vente desdits produits, puis à ajouter des droits sur la bière.
Dans les faits, il aurait presque été cohérent de taxer également les produits de la viticulture, puisque le degré alcoolique de ceux-ci est plus important que celui qui affecte les bières dont certaines, telles les bières dites de ménage, dans une région comme la mienne, titrent à peine plus de deux degrés.
Tel n'est cependant pas le débat. Ce type de financement n'est pas, selon nous, le bon.
Tout d'abord, la fiscalisation ne résout pas le problème financier. Par ailleurs, ce procédé pénalise les intéressés et menace les emplois dans une des plus importantes industries agroalimentaires de notre pays.
Même si l'on peut et si l'on doit mener une lutte contre les méfaits de l'alcoolisme - encore que, comme pour le tabac, il semble abusif de lui imputer de manière exclusive le déclenchement de certaines affections - on ne peut oublier qu'il existe dans notre pays une tradition de production de produits alcoolisés, avec des spécificités régionales non négligeables.
C'est vrai pour les régions spécialisées dans la production d'alcool fort comme pour les grandes régions de brasserie que sont, par exemple, le Nord-Pas-de-Calais, la Lorraine ou l'Alsace.
Les grandes brasseries, comme je l'ai dit, constituent un élément important des industries agroalimentaires. Aussi, cette manière de procéder semble absurde.
Il en est de même pour le tabac. Bruxelles nous accorde 1 million d'écus pour aider les producteurs de tabac et 900 000 écus pour lutter contre le tabagisme. On fera bientôt de même avec nos industries agroalimentaires.
La suppression de l'article 24 serait une mesure de bon sens. C'est pourquoi nous vous demandons de voter notre amendement.
Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Habert, pour défendre l'amendement n° 97 rectifié.
M. Jacques Habert. L'article 24 relève certains tarifs de la fiscalité sur l'alcool afin de freiner la consommation de ces produits - nous connaissons les ravages de l'alcoolisme dans toute la France - mais aussi et surtout de procurer de nouvelles recettes à l'assurance maladie.
Dans le projet de loi initial, l'article 24 procédait à un fort relèvement, de l'ordre de 17 %, des droits sur les alcools et sur les spiritueux. Les conséquences en étaient importantes, puisque, compte tenu des dispositions de cet article, cette majoration devait fournir à l'assurance maladie une recette supplémentaire de 1,5 milliard de francs.
Mais nos collègues de l'Assemblée nationale se sont penchés spécialement sur cet article qui, manifestement, les a beaucoup intéressés. Naturellement, nombre d'entre eux ont cherché à protéger les productions locales, telles que le cognac, le calvados et l'armagnac, qui risquaient d'être trop lourdement taxées pour continuer à être produites dans les conditions actuelles. On a estimé, avec raison, qu'un tel dispositif pourrait avoir des conséquences graves, mais la réduction qui a été adoptée par l'Assemblée nationale est fort importante puisque la taxe a été abaissée à 4,9 %. En contrepartie, nos collègues députés ont augmenté considérablement les droits spécifiques sur la bière, qui progressent de 36 %.
Autrement dit, on a l'impression que, à l'Assemblée nationale, d'un côté, on a fait des coupes claires et, de l'autre, on a trop chargé la barque.
Il n'en demeure pas moins que les dispositions sur lesquelles nous nous prononçons maintenant ne procureraient que 850 millions de francs à l'assurance maladie, dont on cherche particulièrement à favoriser les recettes.
Nous proposons donc un nouveau système à travers cet amendement dont le premier signataire est M. Foy, mais auquel des personnalités distinguées de la Haute Assemblée ont donné leur aval, en particulier des sénateurs du Nord - Pas-de-Calais, MM. Schumann, Delevoye et Türk. Plusieurs collègues de l'Est, notamment d'Alsace-Lorraine, des régions productrices de bière ont également cosigné cet amendement, en particulier MM. Haenel et Eckenspieller.
Le système que nous suggérons prévoit une augmentation équitablement répartie, à savoir 6,5 %, sur les spiritueux et les bières. Nous y ajoutons le vin.
M. Roland Courteau. Hélas !
M. Jacques Habert. S'agissant de celui-ci, l'augmentation est très modérée, puisqu'elle ne représente que 1,43 franc par hectolitre.
Enfin, nous y ajoutons même les cidres alcoolisés, pour lesquels l'augmentation est également très raisonnable, puisque le tarif est porté de 7,60 francs à 8 francs.
Nous nous sommes livrés à un travail d'équité. Celui-ci donnera sans doute satisfaction au Gouvernement, car les recettes attendues s'élèveraient à près de un milliard de francs - 950 millions de francs, a-t-on calculé - ce qui est très proche du but que l'on cherche à atteindre.
La commission considère qu'il n'y a pas lieu de reprendre cet article. J'espère qu'elle acceptera de revenir sur sa décision. En effet, il me semblerait exorbitant de maintenir une disposition aux termes de laquelle les droits spécifiques sur les bières augmenteraient de 36 %, avec toutes les conséquences qui en résulteraient. Cela me semble vraiment impossible !
Notre proposition est équitable. Nous espérons que la commission l'entendra et que le Gouvernement sera satisfait car elle augmente considérablement les recettes fiscales.
M. le président. La parole est à M. Arnaud, pour défendre l'amendement n° 96 rectifié.
M. Philippe Arnaud. J'ai bien entendu les arguments qui viennent d'être présentés. Ceux que je vais soumettre à la Haute Assemblée vont pour une part dans la même direction, mais pour une part seulement. En effet, nous n'avons pas tout à fait le même sens de l'équité, cher collègue Habert.
L'article 24 a déjà été modifié avec l'accord du Gouvernement par l'Assemblée nationale. Il prévoit une augmentation des taxes sur les alcools pour créer des recettes qui, rappelons-le, doivent servir à lutter contre l'alcoolisme ; c'est du moins ce que l'on nous a dit.
Or, cette mesure ne viserait que les spiritueux et les bières. Paradoxalement, le vin, qui représente à lui seul 60 % de la consommation alcoolique française, en est exclu.
M. Roland Courteau. Cela n'a rien de comparable !
M. Philippe Arnaud. C'est, nous semble-t-il, tout à fait inacceptable. Nous ne voyons aucune raison, je dis bien « aucune », qui puisse motiver une telle disposition.
Notre démarche est exclusivement fondée sur un souci d'équité - c'est un des points sur lesquels je diffère de l'orateur qui m'a précédé - elle n'émane pas de tel ou tel producteur.
Nous attirons l'attention sur le fait que le vin bénéficie déjà, à l'heure actuelle, d'un privilège exorbitant par rapport à la bière, qui ne représente que 18 % de la consommation, et par rapport aux spiritueux, qui, apéritifs anisés et whisky compris, n'en représentent que 15 %.
C'est pourtant bien l'alcool, quelle qu'en soit l'origine, qui est la cause de l'alcoolisme, c'est-à-dire la quantité d'alcool ingéré, et non la quantité de liquide bu. L'alcool se mesure en degrés - chacun le sait - et le meilleur étalon reste le degré volume. Savez-vous que, déjà, un litre d'alcool pur d'origine spiritueux, notamment le cognac et l'armagnac, est taxé à 111,60 francs ? Lorsqu'il est provient de la bière, il est taxé à 12,50 francs et quand il est issu du vin, à 2 francs.
Aujourd'hui, à ce stade du débat, nous ne demandons pas un rééquilibrage, nous souhaitons simplement que chacun contribue à l'effort demandé : c'est cela la solidarité !
Notre proposition se traduit, dans les faits, par une augmentation de 5 ou 6 centimes pour une bouteille de vin de soixante-quinze centilitres.
M. Roland Courteau. Ce n'est pas le problème !
M. Philippe Arnaud. L'équité passe souvent par des mesures différenciées.
S'agissant des spiritueux, l'augmentation proposée est effectivement de 4,50 %, soit une progression de 5 francs par litre d'alcool pur ; en ce qui concerne les bières, l'augmentation s'élève à 16 %, soit une progression de 2 francs par litre d'alcool pur. Quant au vin, l'augmentation est de 34 %, soit une progression de 68 centimes par litre d'alcool pur, autrement dit, comme je l'ai précisé voilà un instant, 5 à 6 centimes par bouteille.
Monsieur le président, vous savez mieux que personne que l'on peut faire dire n'importe quoi aux chiffres et, surtout, ce que l'on veut bien leur faire dire. Il ne faut pas se laisser impressionner par les artifices des pourcentages : un pourcentage de presque rien, cela reste très peu ; un pourcentage de beaucoup, c'est trop ; un pourcentage de trop, c'est mortel ! Mes chers collègues, nous vous appelons à vous prononcer en conscience, pour que vous n'ayez pas de remords. Ce serait loyal ! Monsieur le ministre, nous ne réduisons pas l'assiette, nous l'élargissons.
M. Ivan Renar. En l'occurrence, il s'agit de verres, et non d'assiette ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié est-il soutenu ?...
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 82 rectifié, 97 rectifié et 96 rectifié ?
M. Charles Descours, rapporteur. Ces trois amendements ne sont pas tous de même nature.
S'agissant, tout d'abord, de l'amendement n° 82 rectifié, je répéterai à nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen ce que j'ai dit sur les cigarettes. Diminuer la consommation d'alcool passe par les trois « P » : diminuer la publicité, augmenter les prix et faire de la prévention.
En effet, augmenter les prix n'est pas tout. Il faut faire de la prévention.
Cependant, l'augmentation des prix participe aussi à la diminution de la consommation d'alcool. Dans notre pays, la consommation annuelle d'alcool par habitant est passée de plus de vingt litres à environ douze litres. Cela nous permet tout de même de rester en tête, mais, alors que nous étions loin devant les autres pays, aujourd'hui le peloton nous rattrape. Nous restons donc en tête ; il est de meilleurs records.
Dans la mesure où il existe une taxe sur les alcools, il est bon que le produit de cette taxe aille plutôt à la sécurité sociale. En effet, c'est sur celle-ci que pèseront les soins. Dieux sait si, dans le domaine de l'alcoolisme, on dénombre beaucoup de cancers des voies digestives et des voies aériennes supérieures, mais aussi un fort taux de morbidité. Il est bien que la sécurité sociale, qui va devoir supporter certains désavantages liés à l'alcoolisme, en supporte aussi, si je puis dire, les avantages.
Je suis de ceux qui pensent que lorsqu'il y a des taxes sur les alcools - et il y en a partout - il est préférable que leur produit revienne au budget de la sécurité sociale, plutôt qu'à celui de Bercy.
Je confirme que, philosophiquement, la commission et moi-même sommes hostiles à l'amendement n° 82 rectifié.
Les amendements n°s 96 rectifié et 97 rectifié appellent les mêmes explications. Nous discutons pour la première fois dans notre pays de la loi de financement de la sécurité sociale. Voilà plus de quinze ans que les parlementaires demandaient cet examen aux gouvernements successifs. Nous l'avons obtenu. Nous discutons donc, pour la première fois, d'un budget qui est plus près de 1 800 milliards de francs que de 1 700 milliards de francs.
Nous pensons qu'il convient, autant que faire se peut - nous ne l'avons pas encore assez fait cette année - de discuter des problèmes de santé et de prévention, comme nous l'avons fait tout à l'heure lors de l'examen de certains amendements.
Sans porter de jugement sur les débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale, nous considérons que la discussion qui a eu lieu au Palais-Bourbon, en tout cas telle qu'elle a été présentée par les medias, a été beaucoup trop axée sur des discussions, que je n'ose qualifier de marchands de tapis, visant à réduire les droits de consommation sur le cognac ou l'armagnac et, parallèlement, à augmenter les droits spécifiques sur les bières et à taxer les produits et gains des casinos.
La commission des affaires sociales a estimé que, par principe et compte tenu de l'accord trouvé laborieusement à l'Assemblée nationale, il n'était pas bon que la représentation nationale, alors qu'elle discute d'un sujet aussi important et sensible que le budget de la sécurité sociale, se laisse entraîner à nouveau dans ce type de discussion sur les taxes pesant sur les alcools et sur les produits et gains des casinos. Nous avons donc décidé de ne pas entrer dans le débat. Aussi, avant de donner la position de la commission, je souhaiterais entendre le Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 82 rectifié, 97 rectifié et 96 rectifié ?
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Nous évoquons là un sujet auquel, comme vient de le rappeler M. Descours, nous avons consacré plusieurs heures à l'Assemblée nationale, lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.
En d'autres circonstances, nous avons le souvenir, lors de la discussion de projets de loi récents ou plus anciens, des difficultés et des passions que pouvaient susciter les questions liées à la taxation de l'alcool et à la politique de lutte contre l'alcoolisme dans notre pays.
Je voudrais faire plusieurs observations pour aller dans le sens de M. Arnaud. C'est vrai qu'il n'est rien de plus menteur que des pourcentages, sauf peut-être les statistiques. (Sourires.) On peut, bien sûr évoquer certaines augmentations. Ainsi, j'ai entendu M. Habert dire tout à l'heure que les droits spécifiques sur les bières augmentaient de 36 %. Pour l'information complète de la Haute Assemblée et de nos concitoyens, je rappellerai simplement que cette augmentation représente en réalité 9 centimes pour une canette de bière de trente-trois centilitres, autrement dit on passe de 3 francs à 3,09 francs. On est donc loin de l'effet d'affichage que provoque ce taux de 36 %, qui peut, bien entendu, impressionner ceux qui ne seraient pas totalement informés des tenants et des aboutissants de la taxation que nous avons proposée.
A la suite de nombreux débats à l'Assemblée nationale, nous sommes arrivés à une position d'équilibre qui concilie à la fois des objectifs de santé publique, avec des recettes pour l'assurance maladie en vue de financer une partie du coût de la prise en charge des pathologies liées à l'alcoolisme - c'est bien, en effet, de cela qu'il s'agit - et l'équilibre économique des terroirs qui nous ont vu naître et auxquels nous sommes légitimement très attachés.
J'en viens à un dernier point : il est vrai que la structure de taxation en vigueur dans notre pays peut paraître quelquefois, également peut-être d'un point de vue de santé publique, un peu erratique ou insuffisamment cohérente. C'est la raison pour laquelle M. Denis Jacquat, député de la Moselle, a été chargé d'une mission sur ce sujet, mission à laquelle le Sénat pourra bien sûr participer.
Cette mission donnera lieu dans le courant de l'année prochaine à des éléments d'information plus exhaustifs qui permettront de fonder une politique peut-être plus durable en la matière que des augmentations décidées par à-coups, au gré de diverses lois de finances ou de diverses lois de financement. En effet, nous sommes bien conscients de la nécessité d'une cohérence et d'une « lisibilité » du dispositif.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles je demande au Sénat d'en rester à l'accord conclu à l'Assemblée nationale, et j'invite donc les auteurs des divers amendements à retirer ces derniers. Si tel n'était pas le cas, le Gouvernement émettrait alors un avis défavorable sur ces textes.
M. le président. Monsieur Descours, quel est, en définitive, l'avis de la commission sur les amendements n°s 97 rectifié et 96 rectifié ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 97 rectifié et 96 rectifié.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 82 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 97 rectifié.
M. Roland Courteau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Je regrette - je le dis d'entrée de jeu - les propos tenus à l'instant par notre collègue Philippe Arnaud à l'égard du vin et de la fiscalité qui s'y attache. Vous essayez, mon cher collègue, de comparer ce qui n'est pas comparable, à savoir des boissons industrielles et des boissons agricoles.
Je suis totalement opposé aux amendements n°s 97 rectifié et 96 rectifié qui visent, sans autre forme de procès, à augmenter les droits de circulation sur les vins. Et de quelle manière !
Mais pis - et c'est là que le bât blesse - les auteurs de ces amendements proposent de modifier totalement le fondement de ces droits de circulation en leur donnant un caractère d'accise, alors qu'ils ont été institués uniquement pour permettre aux administrations d'opérer des contrôles statistiques.
Plus grave encore : si une telle initiative était retenue par le Sénat, elle entraînerait irrémédiablement, et à très court terme, des modifications considérables de la fiscalité française des vins, ce qui serait aussi extrêmement gênant pour la France au niveau des positions qu'elle a à défendre face aux accises élevées des pays du nord de l'Union européenne.
Par ailleurs, je déplore que, une fois encore - c'est décidément un éternel débat ! -, on veuille faire un amalgame entre les alcools forts ou autres boissons alcooliques industrielles et le vin.
Alors, estimant peut-être leur production trop visée, nos collègues signataires de ces deux amendements n'ont rien trouvé de mieux à faire, face aux propositions d'augmentation des taxations sur les alcools forts et la bière, que de relever les droits de circulation sur les vins. Ce n'est pas très aimable pour les producteurs de vin, et je ne vous remercie pas, mes chers collègues, même si vous invoquez la santé publique !
Nous sommes favorables à la lutte contre l'alcoolisme, comme nous l'avons dit et répété ici même. Mais, de grâce, ne confondons pas ! On nous parle de l'accroissement de l'alcoolisme en France, et force est de constater que, au cours des dix dernières années, la consommation de certains spiritueux, tels le whisky, le gin, la vodka, les apéritifs anisés, a augmenté de 12 %, alors que, dans le même temps, la consommation de vin baissait de 13 %.
On nous parle de l'alcoolisme de certains jeunes, et c'est effectivement un vrai problème. Mais sait-on ce que boivent ces jeunes lors de leurs sorties, notamment le samedi soir, quand ils recherchent les effets immédiats de l'alcool ? Le vin, mes chers collègues, ne fait plus partie de leur consommation habituelle, et il n'a pratiquement aucune part dans les consommations excessives de boissons alcooliques des jeunes. En revanche, certains spiritueux sont la cause première de cette suralcoolisation. Et je n'oublie pas l'attaque en force des fabricants d'alcools forts en direction de ces jeunes avec leur stratégie commerciale en faveur des premix.
Il ne faut pas confondre, mes chers collègues : le vin, entre dans l'alimentation traditionnelle des consommateurs depuis des générations. Et lorsque je parle de cette boisson, j'évoque un produit agricole, puisqu'il figure parmi les boissons agricoles énumérées à l'annexe II, article 38, du traité de Rome. Il s'agit donc d'une boisson dont la production est strictement limitée, dont les quantités et les qualités sont définies, contrôlées et soumises à un encadrement réglementaire total, ce qui n'est pas le cas d'autres boissons industrielles ne disposant que de définitions succinctes.
Il ne faut donc pas faire d'amalgame. De même, s'agissant de l'aspect économique, les effets entre des boissons industrielles en plein développement économique et des vins ayant perdu une grande partie de leurs consommateurs sont tout à fait distincts.
Faut-il également rappeler, mes chers collègues, que la production viticole est liée à des terroirs, à des contraintes de production qui génèrent des coûts élevés de production, ce qui défavorise le vin par rapport à certaines autres boissons alcooliques liées à des cycles de production industrielle ?
Pour conclure, je rappellerai que l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce se garderont bien de prendre une telle décision pénalisant l'écoulement de leur production nationale !
Ces diverses raisons m'incitent à m'opposer à toute augmentation des droits de circulation et à toute tentative - c'est surtout là l'essentiel - de modification de la fiscalité des vins. (MM. Autain et Cazalet applaudissent.)
M. René Régnault. Je note des applaudissements au banc de la commission ! C'est bon !
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me dois, en tant que cosignataire de l'un des amendements, d'expliquer ma position. J'évoquerai pour ce faire trois aspects.
Tout d'abord, je suis bien entendu d'accord avec les affirmations de M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, lequel a affirmé tout à l'heure que les problèmes de prévention et de santé devaient être au coeur de notre débat.
C'est la raison pour laquelle j'ai précisé dans la discussion générale que je n'étais pas hostile à une taxe frappant les alcools, à condition qu'il s'agisse d'une taxation générale.
Par ailleurs, il n'y a pas lieu, aujourd'hui, d'opposer tel secteur à tel autre.
Tous les secteurs sont importants pour l'économie de notre pays, et il s'agit souvent de productions exportatrices. Je suis originaire d'une région dans laquelle toutes ces productions sont représentées, et je ne souhaite pas que l'on oppose l'une à l'autre.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. Enfin, j'en viens au troisième aspect. C'est à cet égard qu'un problème se pose : selon quels critères a-t-on choisi de frapper telle production, tel secteur géographique et d'épargner tels autres ?
Où est la logique, qui, tout au long de ce débat, à l'Assemblée nationale et ici,...
M. François Autain. Il n'y a pas de logique !
M. Daniel Hoeffel. ... a conduit à la solution qui nous est aujourd'hui proposée ?
Je répète que je suis favorable à une taxation équitablement répartie sur l'ensemble des productions d'alcool ; mais je souhaite que ce soit en vertu de cette équité, de cette justice, de cette répartition que nous nous prononcions.
Vous disiez tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, que, à ce stade du débat, il n'y avait pas lieu de réouvrir la discussion. Je considère pour ma part que nous devons saisir l'occasion de la discussion de ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale pour établir des fondements solides non controversés, qui puissent servir demain de référence.
Je répète que, comme tous dans cette assemblée, nous sommes attachés à l'action de prévention qui doit nous guider. Comme vous, nous connaissons l'origine du mal qui favorise le développement de l'alcoolisme et dégrade la santé. Nous ne cherchons à épargner personne. Mais, de grâce, que l'équité nous guide dans cette démarche ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. René Régnault. C'est un cri du coeur !
M. Jacques Habert. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Permettez-moi tout d'abord de remercier M. Hoeffel de sa belle plaidoirie. J'espère, mes chers collègues, que vous l'aurez entendue. En effet, c'est la première occasion que nous avons d'instituer une compensation aux ravages de l'alcoolisme en prévoyant des taxes qui permettent d'alimenter les fonds que nous voulons voir augmenter.
Pour le moment, l'alcoolisme nous coûte des milliards de francs chaque année. Il serait tout à fait injuste que, d'une façon uniforme et totale, on ne frappe pas d'une certaine façon - mais en toute équité - les produits alcoolisés.
Je dirai à M. Courteau, dont je comprends les propos, puisqu'il est notamment là pour défendre les vins de Bordeaux,...
M. Roland Courteau. De l'Aude !
M. François Autain. C'est encore plus méritoire ! (Sourires.)
M. Jacques Habert. ... que c'est plutôt contre l'amendement n° 96 rectifié, défendu par M. Arnaud, qu'il aurait dû se prononcer. En effet, M. Arnaud propose une taxation sur les vins de l'ordre de 30 %, alors que nous, après y avoir longuement réfléchi et travaillé, nous proposons une taxation uniforme de l'ordre de 6,5 %, soit, je le rappelle, 1,43 franc par hectolitre, ce qui est vraiment peu.
L'article 24, tel qu'il va sortir des travaux de notre assemblée si nous ne l'amendons pas, prévoit 4 % d'augmentation pour les spiritueux, dont on connaît les ravages, 36 % d'augmentation pour les bières, avec les conséquences économiques que l'on sait dans certains départements, et exonère de toute taxe les vins et les cidres alcoolisés, que, nous nous visons.
Cet article est à ce point injuste et inéquitable que l'on se demande comment l'Assemblée nationale a pu le voter en l'état.
Je vous demande, mes chers collègues, de voter notre amendement simplement pour nous octroyer un moment de réflexion, pour que le texte soit examiné de nouveau par l'Assemblée nationale, pour qu'il y ait navette et que l'on aboutisse à une solution équitable et juste.
Je serais désolé que ce texte mal ficelé reparte du Sénat comme il y est venu de l'Assemblée nationale. Pour l'éviter, il me paraît d'ailleurs préférable que le Sénat adopte notre amendement plutôt que - nos camarades centristes ne s'en formaliseront pas - l'amendement n° 96, qui prévoit une augmentation pour les vins de 30 %, ce qui me paraît exagéré.
C'est pourquoi je leur demande d'ailleurs de se rallier à notre proposition.
M. Philippe Arnaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud. Votre plaidoirie, monsieur Courteau, était tout à fait extraordinaire, mais, mon cher collègue, elle n'avait pas la sincérité, la puissance et la force de conviction de la plaidoirie du président Hoeffel, qui disait la vérité et qui la disait « avec ses tripes », parce qu'il sentait que la mesure proposée était véritablement injuste.
Monsieur Habert, je suis tout à fait d'accord avec vous, on ne peut pas laisser cet article sans l'amender et sans élargir l'assiette pour que l'ensemble des produits alcoolisés se trouvent taxés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'avez dit, la réalité de notre capacité à soutenir la sécurité sociale, c'est la réalité de nos solidarités collectives, et il faut là des ressources. Ces ressources, je dirai que c'est collectivement que l'on doit les trouver. Si l'on parle d'alcool, on doit viser l'ensemble des produits alcoolisés.
C'est vrai, l'Assemblée nationale a sans doute appréhendé le problème avec beaucoup de rapidité, et on connaît la force des lobbies en son sein.
M. François Autain. C'est quoi un lobby ?
M. Philippe Arnaud. Rien de tel ici, me semble-t-il, puisque nous sommes une assemblée de sages.
M. François Autain. Ah !
M. Philippe Arnaud. Je suis nouveau dans cette assemblée et je souhaite effectivement y découvrir la sagesse.
Je le disais, hier, dans la discussion générale, toute mesure discriminatoire est vécue comme une injustice, et la répétition des mesures discriminatoires, leur accumulation conduit à un sentiment de rejet. Prenons garde ! - je ne vais pas vous rappeler les chiffres qui ont été cités tout à l'heure - il y a une inégalité flagrante de traitement entre les vins, qui sont des produits alcoolisés, et les bières ou autres spiritueux.
Monsieur Courteau, vous avez voulu introduire une distinction entre les produits qui seraient nobles, ceux de la vigne, et les produits industriels. Le Charentais que je suis peut vous dire que le cognac est un produit noble, un produit de la vigne, et non pas un banal produit industriel, comme vous avez tenté de le faire croire.
Voià pourquoi je souhaite que soit retenu l'amendement n° 96 rectifié, encore qu'il y ait sans doute un moyen terme à trouver entre cet amendement et l'amendement n° 97 rectifié.
M. Jacques Machet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. J'ai écouté avec beaucoup d'attention mes collègues Hoeffel et Arnaud s'exprimer sur ce problème de la taxation de l'alcool, qui, c'est vrai, a soulevé des discussions au sein de notre groupe.
Pour ma part, en tant que membre et, au surplus, sur ce texte, rapporteur de la commission des affaires sociales, je serai solidaire de cette dernière.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je dois dire que je suis quelque peu attristé, car je pensais que ce débat, qui s'est ouvert à l'Assemblée nationale, n'aurait pas lieu ici.
Nous abordons un grand problème pour la première fois, et nous voilà partis dans de basses querelles ! Peut-être est-ce dû à notre qualité de Gaulois. D'un côté, il y a le vin, de l'autre, la bière, de l'autre encore, les spiritueux. Ce n'est pas digne du débat de ce soir.
Je sais qu'il faut respecter les opinions des uns et des autres et que chacun est attaché à son terroir, mais, maintenant que chacun a dit ce qu'il avait à dire, il serait souhaitable qu'il ne reste pas trace, tout au moins dans le texte, de ces débats un peu vains... (Rires) au niveau où nous sommes.
Au nom de la dignité de cette assemblée, je demande donc à nos collègues, après qu'ils ont défendu leur point de vue, de bien vouloir retirer leurs amendements.
M. Roland Courteau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Sans que cela porte atteinte en quoi que ce soit à la dignité de cette assemblée, je veux dire, une fois encore, qu'il n'y a pas de discrimination.
Il y a, d'un côté, des boissons de statut agricole, telles que définies par le traité de Rome, et, de l'autre, des boissons à caractère industriel.
Ce qui est grave, monsieur Arnaud, c'est la modification du fondement du droit de circulation sur les vins et les conséquences qui en résulteraient sur la fiscalité si le Sénat retenait votre position.
J'ignore si j'ai été convaincant - nous le saurons dans quelques instants. En tout cas, j'ai été sincère.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 97 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 96 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 24.

(L'article 24 est adopté.)

Article 24 bis