M. le président. M. Guy Allouche souhaite obtenir de la part de M. le ministre délégué au logement une réponse à la question écrite qu'il lui a posée, le 27 juin 1996, relative au non-respect par la SA d'HLM Carpi, filiale du groupe Maisons familiales, de la réglementation issue du concours du comité national des bâtisseurs sociaux - CNBS - élaborée en 1975 et dérogatoire à la réglementation HLM en matière de logements acquis en accession à la propriété.
Compte tenu du caractère extrêmement délicat de ce dossier, il s'étonne qu'aucune réponse ne lui ait été fournie depuis lors.
La réponse qui a été apportée sur le même sujet à l'Assemblée nationale, lors de la séance de questions orales sans débat, le 8 octobre dernier, à l'un de ses collègues député ne répond pas aux problèmes posés.
En effet, aucune explication n'a été apportée sur le fait de savoir pourquoi l'administration affirme aux accédants qu'elle ne possède pas les fiches d'agrément indiquant les caractéristiques techniques et le prix de leurs logements. L'absence de ces documents est grave, car les acquéreurs ne peuvent constater par eux-mêmes la réalité des affirmations du ministère du logement quant au respect du concours CNBS par la SA d'HLM Carpi.
Il s'étonne que l'administration puisse affirmer que tous les éléments démontrent le respect par la SA d'HLM Carpi de la réduction de prix imposée par ce concours, alors qu'elle déclare dans le même temps aux accédants ne pas être en possession des fiches d'agrément de leurs logements.
Dès lors qu'il est établi que ces documents ont été adressés par les ministères du logement et de l'environnement aux directions départementales de l'équipement concernées pour procéder au contrôle effectif de l'application du concours CNBS par la société Carpi et que ces pièces semblent désormais introuvables, il revient à M. le ministre délégué au logement de justifier précisément des documents lui permettant d'attester de la pertinence des contrôles effectués.
Il lui demande donc de lui assurer que sera mise à sa disposition dans les délais les plus brefs la circulaire n° 77-162 du 8 novembre 1977, dont il ne dispose pas, celle-ci n'ayant pas été publiée au Journal officiel ; de lui assurer que ses services remettront immédiatement et sans condition aux accédants qui en feront la demande dans les prochaines semaines les fiches d'agrément de leurs logements « Alezan », « Futaies » et « Notos » afin qu'ils puissent vérifier par eux-mêmes la violation ou le respect par la SA d'HLM Carpi du concours CNBS ; dans le cas où ces documents ne seraient plus en possession de l'administration, de lui expliquer les raisons de la disparition de ces pièces et de justifier alors précisément de la nature des documents lui permettant d'affirmer que la SA d'HLM Carpi a effectivement respecté la réglementation dérogatoire du concours CNBS. (N° 478.)
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Madame le secrétaire d'Etat, si je souhaite revenir sur l'affaire résultant du non-respect par la société d'HLM Carpi de la réglementation propre au concours du CNBS, le comité national des bâtisseurs sociaux - affaire complexe déjà exposée par mes collègues MM. Alain Richard au Sénat et Jean-Pierre Kucheida à l'Assemblée nationale - c'est parce que les réponses que nous a données M. Périssol, ministre délégué au logement, ne me satisfont pas.
M. Périssol s'est référé systématiquement dans ses propos « à deux concours CNBS... dont l'un seulement impliquait des prix réduits »
Personnellement, je ne connais l'existence que d'un seul concours. Peut-être M. Périssol faisait-il référence à deux circulaires de 1976 et de 1979, applicables audit concours CNBS ? Dans ce cas, il s'agit bien de deux circulaires différentes, mais qui portent sur le même concours. Je voudrais que, par votre intermédiaire, M. le ministre me le confirme.
M. Périssol nous a dit également qu'« aucune clause de réduction de prix ne s'appliquait pour les projets agréés par la circulaire de 1979 ». Or ce n'est pas exact : cette réduction de prix est bien rappelée au bas de la page 5 de ladite circulaire. Les projets de la société Carpi, les logements « Alezan », « Futaies » et « Notos » devaient donc, dans ce cadre, appliquer la réduction de prix, ce qui, j'insiste, n'a pas été le cas.
M. Périssol a, par ailleurs, « établi une différence pour l'application de cette réduction de prix dans le temps, considérant que seuls les modèles antérieurs aux années 1980 devaient appliquer des réductions de prix ». Or je constate que la Carpi a présenté postérieurement à cette période aux directions départementales de l'équipement concernées des projets labélisés CNBS, sans appliquer pour autant la réduction de prix, tout comme avant 1980.
M. Périssol nous a affirmé, d'autre part, que « tous les éléments aujourd'hui en possession de l'administration tendent à établir que l'engagement de réduction de prix a été respecté ». Il s'est fondé en cela sur le rapport du commissaire du Gouvernement, M. Tarrel, publié en 1977, alors qu'il est établi que le non-respect par la société Carpi du concours CNBS a débuté à compter de 1979.
Le rapport Trientz, publié par l'inspection générale de l'équipement en 1989, fait état, quant à lui, de « prix très inférieurs au prix de référence ». Mais le prix de référence en question s'entend par rapport au barème des prix HLM pour l'accession, et non pas au regard du concours CNBS.
M. Périssol a enfin déclaré que « les DDE ont contrôlé les prix de revient effectifs des opérations pour la partie bâtiment ». Les fiches analytiques d'accession à la propriété, que j'ai eu l'occasion de parcourir, montrent que la société Carpi appliquait très exactement les barèmes réglementaires HLM pour l'accession, sans opérer la réduction de prix exigée par le concours CNBS.
Vous comprendrez alors, madame le secrétaire d'Etat, ma perplexité devant un tel dossier : les pièces qui sont en ma possession - et elles sont nombreuses - proviennent de plusieurs directions départementales de l'équipement. Au vu des ces dernières, il me semble que tous les éléments de ce dossier n'ont pas été transmis, soit à M. Périssol, ministre délégué au logement, soit à moi-même. Je demande donc que la transparence soit faite sur cette affaire.
Je vous demande la communication et les caractéristiques des documents sur lesquels M. Périssol se fonde pour conforter les réponses qu'il nous a apportées sur ce dossier.
Il existe bien les fameuses fiches d'agrément, qui permettraient enfin de répondre aux problèmes posés. Pourquoi l'administration refuse-t-elle de les transmettre aux accédants qui en font la demande ? Ces documents, à eux seuls, permettraient d'en finir avec cette sombre affaire qui ne doit pas faire oublier l'essentiel : trouver une solution aux immenses difficultés et au désarroi quotidien que rencontrent et que vivent toutes les familles intéressées par ce dossier.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, le dossier des accédants à la propriété de la Carpi est effectivement très complexe, et M. Périssol le connaît fort bien.
Il est vrai que l'une des difficultés résulte dans le fait qu'un certain nombre de documents, remontant aux années soixante-dix, sont difficiles à retrouver.
Je puis toutefois vous remettre sans difficulté - je vous la remettrai dès l'issue de cette séance - la circulaire n° 77-162 du 8 novembre 1977, qui a été publiée non pas au Journal officiel mais au Bulletin officiel du ministère de l'équipement. Elle expose d'une manière générale les objectifs de la politique des « modèles » par laquelle les pouvoirs publics s'efforçaient à l'époque d'encourager l'amélioration des techniques de construction et de favoriser l'accession à la propriété.
Il s'agissait d'inciter les promoteurs à organiser des concours entre les concepteurs et les entreprises de construction pour concevoir des modèles économiques, puis de s'engager à en acquérir un nombre suffisant pour que les économies d'échelle puissent produire leurs effets au bénéfice des accédants à la propriété.
Les promoteurs pouvaient ainsi obtenir des prix attractifs, dont ils faisaient bénéficier les accédants à la propriété.
Les projets sélectionnés, qui donnaient lieu à des fiches d'agrément, faisaient ensuite l'objet de commandes aux entreprises dans le cadre de procédures de passation des marchés allégées.
Les concours du CNBS s'inscrivaient dans cette démarche. Malheureusement, M. Pierre-André Périssol me demande de vous confirmer que les fiches d'agrément elles-mêmes n'ont pu être retrouvées. La cause vraisemblable de cette disparition est le déménagement du ministère de l'équipement à la Grande Arche de la Défense, en 1989. La commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, qui avait été saisie, n'a d'ailleurs pu que constater ce fait le 4 décembre 1995.
Tous les éléments dont dispose le ministre du logement indiquent bien cependant que la procédure a été convenablement appliquée par la SA d'HLM Carpi, sous le contrôle de l'administration.
En effet, les instructions nécessaires avaient été données aux DDE pour qu'elles suivent la mise en oeuvre de la politique des modèles, en particulier la passation des marchés par le promoteur auprès des entreprises.
Par ailleurs, les DDE contrôlaient, lors des demandes de financement de PAP, que le prix de revient était inférieur au prix de référence réglementaire et que la marge sur le prix de revient réel n'était pas exagérée.
Il est à noter toutefois - une confusion est souvent faite à ce propos - que le prix de référence lui-même n'était pas affecté par la sélection du modèle par un concours tel que celui du CNBS. L'abaissement du prix payé au fournisseur permettait simplement de réduire le prix de revient effectif en dessous de ce maximum réglementaire dans des proportions plus ou moins importantes selon, notamment, le niveau de la charge foncière qui s'ajoute au prix du bâtiment.
Les contrôles des missions d'inspection administratives sur la SA d'HLM Carpi ont montré que les prix de revient étaient effectivement inférieurs aux prix de référence - jusqu'à moins 15 % - et que les marges étaient effectivement inférieures au maximum réglementaire, ce qui assure que la réduction des prix d'achat aux fournisseurs a bien été répercutée aux accédants.
Saisis à de nombreuses reprises de ce contentieux très délicat et porteur d'angoisses pour les personnes concernées, les tribunaux ont toujours systématiquement confirmé ces analyses.
Rien ne permet donc d'affirmer que, dans ce dossier, les règles n'ont pas été respectées, même s'il est vrai que le temps qui a passé compromet la possibilité de retrouver toutes les pièces susceptibles de rassurer les accédants à la propriété. On ne saurait pour autant renverser la charge de la preuve !
M. Guy Allouche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche. Madame le secrétaire d'Etat, par courtoisie et par déférence, je vous remercie de votre réponse. Force m'est pourtant de constater qu'elle constitue une circonstance aggravante : encore une fois, je constate que non seulement M. Périssol élude ma question mais, de surcroît, qu'il n'a pas été en mesure d'apporter de fondement aux réponses qu'il me fournit.
Madame le secrétaire d'Etat, à vous entendre, il serait désormais impossible de retrouver les documents que je réclame en raison du déménagement du ministère. Or c'est sur la base de ces documents - les fiches d'agrément - que M. Périssol a toujours dit que le concours CNBS avait été respecté. Mais la société Carpi a toujours appliqué les barèmes HLM pour l'accession, qui sont supérieurs à ceux du concours CNBS.
Aussi, madame le secrétaire d'Etat, comment ne pas s'interroger avec une gravité certaine - oui, avec une gravité certaine ! - et se demander si ce concours CNBS n'aurait pas servi uniquement à faire les gros titres de publicités mensongères de la société Carpi ?
Vous n'êtes pas sans savoir qu'une violation par cette société d'HLM de la réglementation du concours CNBS impliquerait un détournement de fonds public !
C'est donc le principe de l'intérêt général qui est directement en cause ici, et qui serait gravement compromis dans cette affaire. Seraient alors lésés non seulement les accédants à la propriété qui ont acquis un logement auprès de la société d'HLM Carpi, mais également l'ensemble des contribuables de ce pays.
Aussi, madame le secrétaire d'Etat, malgré votre réponse, nous n'avons pas l'intention d'en rester là.
M. Henri Weber. Très bien !

POLITIQUE DU GOUVERNEMENT À L'ÉGARD DE CHYPRE