M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Madame, messieurs les ministres, le chômage atteint aujourd'hui des niveaux records.
Plus de trois millions de chômeurs étaient recensés en août, et encore ne s'agit-il là que d'un chiffre officiel minimum.
Notre pays connaît une vague de plans dits « sociaux » ou de « restructuration », comme on dit pudiquement, alors qu'il s'agit de la vie de milliers de personnes : Moulinex, Pechiney, l'industrie du cuir et de la chaussure, les arsenaux, le Crédit foncier, le textile-habillement avec la Lainière de Roubaix, la chimie avec Corona Valenciennes. Aucun domaine n'est épargné, pas même le secteur public : ainsi, 15 000 maîtres auxiliaires sont sans affectation et se retrouvent souvent sans aucune ressource, et 200 000 licenciements sont encore programmés pour les mois qui viennent.
Les Français vivent avec angoisse cette situation. Les fins de mois se font plus difficiles, la pauvreté s'étend, les jeunes sont condamnés à la course aux petits boulots précaires, et, de plus en plus, nos compatriotes craignent de rejoindre la cohorte des « exclus ».
Pourtant, pour certains, tout ne va pas si mal. Le Nouvel Economiste nous rassure ainsi sur le sort de quatre-vingt-onze familles qui totalisent un patrimoine de quelque 350 milliards de francs, soit le quart du budget de l'Etat.
Pendant ce temps, la moitié des salariés touchent moins de 7 000 francs par mois.
Ces chiffres, ces situations vécues ne témoignent-ils pas de l'échec des politiques et des recettes appliquées jusqu'à présent ?
N'est-il pas temps de rompre avec cette suicidaire logique uniquement financière et de faire de l'être humain, de son épanouissement et de son bonheur le coeur de notre politique économique et sociale ?
Face à l'urgence en matière d'emploi, ne faut-il pas des actes forts et significatifs ?
Ne pensez-vous pas, madame le ministre, que le vrai signal d'une lutte opiniâtre contre le chômage serait déjà de suspendre les 200 000 suppressions d'emplois programmées dans les entreprises privées et publiques, le temps d'envisager d'autres solutions avec tous les salariés concernés ?
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Ivan Renar. Ne pensez-vous pas qu'il serait urgent d'élaborer une loi-cadre permettant de diminuer le temps de travail, et de passer par exemple aux trente-cinq heures hebdomadaires, sans diminution de salaire, ce qui permettrait de créer, de l'avis de nombreux économistes, entre 500 000 et 700 000 emplois en deux ans ?
Ne pensez-vous pas, enfin, qu'il serait indispensable de répartir autrement les richesses, par une augmentation importante du pouvoir d'achat, des salaires et des pensions, avec toutes les conséquences que cela entraînerait pour notre économie ? Il faudra bien que se réconcilient un jour le social et l'économique dans notre pays.
Madame le ministre, vos réponses à ces propositions d'action précises seront entendues avec intérêt. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - Mme Maryse Bergé-Lavigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur Renar, comme vous l'avez rappelé, la situation de l'emploi reste évidemment préoccupante.
La dimension humaine et sociale ne nous est pas inconnue, et elle est même au coeur de nos préoccupations et propositions.
Comme je l'ai dit tout à l'heure en réponse à M. Vigouroux, le Gouvernement mène à cet égard, depuis maintenant plusieurs mois, une politique qui se veut claire et déterminée. Je ne répéterai pas les propos que j'ai tenus à l'instant ; j'indiquerai simplement que nous avons voulu réconcilier emploi et compétitivité de nos entreprises par l'allégement des charges sociales sur les bas salaires et l'aménagement du temps de travail. Si nous ne l'avions pas fait, nous aurions perdu environ 100 000 emplois au cours des douze derniers mois. Prenons donc en compte cet axe de politique.
Par ailleurs, le Gouvernement a tout à fait à coeur de relancer de manière forte une politique en faveur des jeunes et de faciliter le plus possible leur accès à l'emploi. Comme vous le savez, nous nous efforçons, par exemple, de développer l'alternance, la qualification et l'apprentissage. Nous pensons ainsi offrir, en 1997, 350 000 emplois en alternance à nos jeunes.
Mais, comme vous le savez aussi, nous avons le souci de mettre en place une véritable politique de cohésion sociale. A cet égard, un projet de loi sera soumis prochainement au Parlement.
N'oublions pas non plus le rôle joué par le contrat initiative-emploi, qui a permis à 100 000 chômeurs de longue durée, en un an, de retrouver un emploi.
Monsieur Renar, j'ai bien entendu vos propositions, notamment celle qui vise à imposer une réduction du temps de travail à trente-cinq heures par semaine.
Je me permettrai de vous rappeler que la loi du 30 mai 1996 prévoit une exonération de charges sociales pendant sept ans, en contrepartie d'une réduction de 10 % du temps de travail ; or, cela fait bien trente-cinq heures, monsieur le sénateur !
Je ne comprends donc pas très bien pourquoi, en mai dernier, vous n'avez pas voté ce texte ! (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
De plus en plus, comme vous le savez, monsieur le sénateur, nous encourageons les négociations sur l'aménagement du temps de travail et sur sa réduction. Cela dit, nous pensons qu'il s'agit non pas de faire une loi-cadre, mais, bien au contraire, de permettre que ces aménagements du temps de travail, voire la réduction de ce dernier, soient fondés sur des organisations du temps de travail adaptées à la spécificité des entreprises ; dans ce domaine, les partenaires sociaux ont un rôle essentiel à jouer.
M. le président. Veuillez conclure, madame le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Vous me demandez, monsieur Renar, d'augmenter le pouvoir d'achat. Je crois vous avoir déjà répondu : la réforme fiscale qui passera par une baisse des impôts sur le revenu permettra de l'assurer. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
Enfin, s'agissant de la suppression des licenciements, on se souvient encore de l'inefficacité de l'autorisation administrative de licenciement.
M. Alain Gournac. Ça, c'est vrai !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Nous préférons, pour notre part, nous donner les moyens d'adapter véritablement des plans sociaux avec les dispositifs que j'évoquais tout à l'heure, à savoir l'aménagement du temps de travail, les reclassements, la formation, afin de permettre à notre économie de se moderniser tout en garantissant bien évidemment l'emploi des salariés. (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Répondez à M. Renar !

PROCESSUS DE PAIX ISRAÉLO-PALESTINIEN