M. le président. Par amendement n° 51, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, au début du premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-15 du code du travail, de remplacer les mots : « La réunion annuelle du comité d'entreprise européen porte » par les mots : « Les réunions du comité d'entreprise européen portent ».
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Il s'agit - vous l'aurez compris, mes chers collègues - d'un amendement de conséquence par rapport à l'amendement n° 45, portant sur le texte proposé pour l'article L. 439-14 du code du travail et prévoyant que le comité d'entreprise européen se réunit non pas une, mais deux fois par an.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Comme sur l'amendement n° 45, qui prévoyait deux réunions du comité d'entreprise européen au lieu d'une, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 51.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. La directive a limité le nombre de réunions annuelles obligatoires. Comme sur l'amendement n° 45, qui allait dans le même sens, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 51.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 51, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 52, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-15 du code du travail, après le mot : « financière », d'insérer les mots : « et sociale ».
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Le texte proposé pour l'article L. 439-15 par l'article 3 du projet de loi dispose que la réunion annuelle du comité d'entreprise européen porte, de manière générale, sur la situation économique et financière de l'entreprise.
Nous ne contestons bien entendu aucunement ce fait. Nous estimons cependant que la situation sociale de l'entreprise doit être mise sur le même plan que le domaine économique et financier.
Certes, les questions de l'emploi et des conditions de travail sont évoquées, en partie du moins, par le projet de loi, nous direz-vous. Nous considérons cependant que cela ne peut dispenser de placer le domaine social au centre des préoccupations du comité d'entreprise européen.
Cet oubli des auteurs du texte n'est-il d'ailleurs pas à rapprocher du décalage important existant entre différents pays européens sur le problème de la place du domaine social dans la construction européenne ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. La commission considère que cet amendement est satisfait. En effet, l'information porte notamment sur l'emploi.
Pour le reste, les dispositions nationales s'appliquent et n'appellent pas d'information spécifique sur le plan transnational. En France, le comité d'entreprise continue d'être destinataire de ce type d'informations.
Telle est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 52.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Madame Demessine, quand on parle de la situation et de l'évolution probable de l'emploi, de changements substantiels concernant l'organisation, de l'introduction de nouvelles méthodes de travail ou de nouveaux procédés de production, c'est bien la situation sociale sous l'angle de ses liens avec les données économiques, financières et technologiques notamment que l'on vise.
Par conséquent, le Gouvernement ne considère pas cet amendement comme nécessaire, et il émet donc un avis défavorable sur ce texte.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 52, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 53, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter, in fine, le premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-15 du code du travail par les mots : « passés et projetés ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Depuis de trop nombreuses années, la démocratie au sein des entreprises est mise à mal par la politique de chômage et d'austérité pratiquée par les différents gouvernements.
Aujourd'hui encore, de multiples plans de licenciements sont annoncés chez Bally, Myrys, Moulinex, Danone, dans le secteur bancaire, etc.
L'augmentation du nombre des demandeurs d'emploi a une influence directe sur la démocratie au sein de l'entreprise. La menace aux licenciements constitue, pour les dirigeants d'entreprise, un formidable moyen de pression sur les salariés, ce dont notre code du travail ne prend pas toujours la pleine mesure.
La pratique des licenciements collectifs comme mode de régulation économique des entreprises ne pourra durer éternellement. La mise en concurrence des entreprises à l'échelon européen, l'absence de réelles coopérations, les lois de la rentabilité économique à court terme pèsent sur la croissance de notre pays et sur le sort de milliers de travailleurs privés d'emploi et de réelles perspectives d'avenir.
La fréquence de la tenue des réunions au comité d'entreprise européen n'est pas pour nous satisfaire ; l'un de nos amendements visait d'ailleurs à multiplier ces rencontres. Le rythme d'une rencontre par an est en effet, selon nous, très en deçà de ce qui serait nécessaire pour assurer une véritable participation des salariés à la vie de l'entreprise.
Nous proposons en outre que soient discutés les licenciements collectifs passés et projetés.
Tel est le sens de l'amendement que nous demandons au Sénat d'adopter dans l'intérêt à la fois de notre économie, des salariés de notre pays et des salariés européens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Cet amendement est contraire à l'esprit de la directive, qui exclut l'information préalable. Il s'agit, là encore, d'un point sensible de la transposition. D'ailleurs, il est explicitement indiqué par la directive que ces procédures ne portent pas atteinte aux prérogatives du chef d'entreprise.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Monsieur Fischer, la rédaction du projet de loi reprend le texte des prescriptions subsidiaires annexées à la directive.
Le premier alinéa qui dresse la liste des sujets sur lesquels porte la réunion du comité d'entreprise européen mentionne la situation et l'évolution probable de l'emploi comme la fermeture d'entreprises, d'établissements ou de parties importantes de ceux-ci, et les licenciements collectifs.
Il est complété par le deuxième alinéa, qui indique qu'en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de licenciements collectifs, le comité d'entreprise européen ou son bureau a le droit d'être réuni dans les meilleurs délais.
Ces explications permettent, je crois, de répondre, d'une certaine manière, au problème que vous avez posé. C'est pourquoi le Gouvernement, tout comme la commission, émet un avis défavorable sur l'amendement n° 53.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 17, Mme Dieulangard, M. Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la première phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-15 du code du travail, de supprimer le mot : « considérablement ».
Nous avons tous en mémoire la très brillante explication de texte de M. Mélenchon relative au mot « considérablement ». Vous allez sans doute nous en faire une réédition, mon cher collègue !
M. Jean-Luc Mélenchon. Pas du tout, monsieur le président !
Nous voici à un moment où le texte pourrait donner une définition de ce qu'est « un événement considérable ». Il s'agit ici de délocalisations, de fermetures d'entreprises ou de licenciements collectifs, tous événements qui sont certes considérables dans la mesure où ils modifient considérablement les intérêts des salariés.
Cependant, cette définition est aussi imprécise que je l'ai indiqué tout à l'heure, puisque, s'ils étaient réellement considérables, on pourrait attendre que de tels événements aboutissent à des conclusions impératives. Or nous ne sommes en présence que d'un « notamment », dont on pourrait aussitôt se dire qu'il est inclusif mais dont on constate quatre lignes plus loin qu'il ne l'est nullement puisque, de ces situations considérablement agressives, les travailleurs n'auront le « droit » que d'être « informés », ce qui ne signifie pas qu'il y ait obligation de le faire.
Je me suis interrogé pour essayer de définir un peu mieux les choses et j'ai constaté qu'en toute hypothèse les situations décrites sont extrêmes. Or, précisément, ce ne sont pas les situations extrêmes qui nous intéressent en l'occurrence, mais tout ce qui se situe entre l'extrême et le relatif et qui est tout de même d'une très grande importance dans la vie quotidienne des entreprises.
Selon Sartre, « un homme qui, par un discours, peut renverser un ministre peut modifier "considérablement" les destinées de son pays ». Voilà certes une définition extrême, mais nous comprenons bien que, avant cet extrême, entre vous et nous, monsieur le ministre, il y a des situations intermédiaires, comme l'adoption d'un amendement qui vous contrarierait. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. J'apprécie l'humour de notre collègue M. Mélenchon. Cependant, la commission ne l'a pas entendu, et c'est sans doute pourquoi elle n'a pas été sensible, dans le cas présent, à ses arguments.
Par coordination avec la position qu'elle a prise à propos de l'amendement n° 15, la commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Il est dommage que nous ne siégions pas tous les deux à l'Académie française, monsieur Mélenchon, car il serait intéressant d'essayer de nous entendre sur ce terrain.
M. le président. Et M. Schumann vient juste de quitter l'hémicycle !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Je suis en tout cas obligé de vous répondre que l'article 3 reprend le texte de la directive, lequel a fait l'objet d'une rédaction négociée.
Vous avez eu tout à l'heure, monsieur Mélenchon, un petit moment de découragement, ce qui m'étonne de votre part. En effet, vous m'avez fait observer que, en reprenant purement et simplement le texte de la directive, on pouvait se demander à quoi sert le Parlement. Mais nous reprenons aussi l'accord interprofessionnel ! Au demeurant, reconnaissez-moi au moins l'honnêteté d'avoir dit qu'un vrai problème se posait, en tout cas pour ce qui est de la deuxième partie du texte, avec la relation entre les accords qui ont été passés et les textes que nous examinons. Une réflexion doit donc être menée sur ce point - pourquoi pas au Sénat ? - car il est vrai que le problème est réel.
Cela étant, il est difficile de revenir sur une telle avancée, sauf pour une raison majeure. En effet, cette avancée a fait l'objet d'un compromis, et je suis convaincu, monsieur Mélenchon, que, même si vos propos donnent à penser que vous n'aimez pas beaucoup ce mot, vous considérez vous-même parfois que le compromis peut être une voie de coopération entre partenaires.
M. Jean-Luc Mélenchon. A condition de ne pas confondre compromis et compromission !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Excellente distinction !
M. Jean Chérioux. Il y a des compromis historiques !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Quoi qu'il en soit, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 17.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 17, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par Mme Dieulangard, M. Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 54 est déposé par M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Tous deux tendent, dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'article 3 pour l'article L. 439-15 du code du travail, après les mots : « notamment en cas de », à insérer les mots : « projet de ».
La parole est à M. Mélenchon, pour défendre l'amendement n° 18.
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous visons actuellement des situations qui affectent considérablement les intérêts des salariés, « notamment » - chacun d'entre nous a maintenant son opinion sur l'adverbe - en cas de délocalisation, de fermeture d'entreprises ou d'établissements ou de licenciements collectifs. De la sorte, on ne se saisit de la situation que lorsqu'elle est déjà ficelée. En insérant le mot « projet », nous entendons que les directions soient dans l'obligation de saisir les représentations salariales en amont de la situation qui va « considérablement » affecter leurs intérêts.
Cette précision éclaire le texte sans en déformer l'économie, vous m'en donnerez certainement acte, monsieur le ministre. Il s'agit seulement de bien signifier que les travailleurs ne seront pas saisis de la situation lorsqu'ils n'y peuvent plus rien, c'est-à-dire, en fait, lorsque la négociation sera rendue impossible.
M. le président. La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 54.
M. Guy Fischer. Le texte proposé pour le second alinéa de l'article L. 439-15 du code du travail pose le principe du droit à l'information du bureau ou, à défaut, du comité en cas de circonstances exceptionnelles affectant considérablement les intérêts des salariés, notamment en cas de délocalisation, de fermeture d'entreprises ou d'établissements, ou encore de licenciements collectifs.
Notre amendement a pour objet de préciser que la réunion annuelle du comité d'entreprise européen ne sera pas seulement saisie des cas de délocalisations déjà entrepris, mais également des projets en la matière. En effet, il apparaît pour le moins délicat de suggérer une information qui ne serait qu' a posteriori .
Les salariés d'une entreprise à dimension européenne n'auraient-ils pas, concernant la vie de leur entreprise, le droit d'être informés de l'ensemble des projets qui sont élaborés afin de contribuer à leur réalisation ou à leur rejet, avec comme objectif la satisfaction de leurs intérêts et de ceux de leur entreprise, en particulier lorsqu'il s'agit de délocalisations ?
Cet amendement a d'autant plus d'importance que certains grands groupes de dimension mondiale n'hésitent pas à fermer des entreprises en France et en Europe pour délocaliser vers des pays où la législation sociale est pratiquement inexistante.
Je ne reviendrai pas sur le cas de l'entreprise Moulinex, qui ferme ses entreprises en Normandie et contribue de ce fait à sinistrer toute une région tout en annonçant qu'elle va procéder à de nouveaux recrutements au Mexique.
Quant au chausseur Bally France, filiale du groupe suisse Oerlikon-Buchrle, il ne procède pas autrement : en cessation de paiement depuis le 20 août 1996, il a été placé le 3 septembre dernier en redressement judiciaire. La mesure vise les unités de production de Villeurbanne - 221 salariés - de Moulins - 230 salariés - le dépôt de Vierzon - 35 salariés - comme le siège parisien et les 110 magasins implantés en France. La direction motive sa décision par une perte de 28 millions de francs en 1995 et un endettement de près de 500 millions de francs.
Ces résultats, mes chers collègues, sont le produit de la décision prise par cette même direction de réaliser, en 1993, un joint venture à Ranipet, en Inde, prévoyant la fabrication de millions de paires de chaussures dans ce pays. C'est l'incendiaire qui crie au feu !
La logique capitalistique est implacable : implantons nos entreprises là où l'utilisation de la pauvreté et de la misère sera porteuse d'une plus grande rentabilité. Favorisons la concurrence entre les peuples eux-mêmes au détriment de la satisfaction des besoins des hommes, au détriment de la redistribution des richesses, au détriment du codéveloppement.
Telles sont les réflexions qui nous conduisent, mes chers collègues, à vous soumettre cet amendement.
Je vous prie de m'excuser d'avoir été un peu long, monsieur le président, mais je crois avoir fait la démonstration, à travers deux exemples concrets qui préoccupent des centaines de travailleurs à l'heure actuelle en France, que la porte est désormais ouverte à de telles pratiques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il s'agit là d'un point délicat, comme c'est d'ailleurs le cas pour l'amendement n° 53.
Les partenaires sociaux, lors de la transposition, ont considéré qu'il s'agissait d'une information a posteriori non susceptible d'interférer avec les pouvoirs de décision du chef d'entreprise. Or une information obligatoire sur un projet devient une consultation, ce qui est écarté par la directive, vous le savez.
Il s'agit, je le répète, d'un droit nouveau qui doit être mis en oeuvre avec prudence pour en assurer le succès.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Monsieur Fischer, tout l'objet de ce texte est d'assurer une information satisfaisante aux représentants des salariés dans un cadre européen. Il n'existait jusqu'ici aucune disposition réellement efficiente à cet égard et M. Souvet a raison de dire qu'il faut maintenant que cette nouvelle institution trouve sa place dans le paysage social européen.
Je crois que le mieux est l'ennemi du bien et, si l'on considère qu'il est possible de réunir le comité dans les meilleurs délais, cela constitue une réelle avancée. Nous espérons que tout sera fait pour la conforter.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 18 et 54.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. La défense de cet amendement m'a donné l'occasion de citer l'exemple de la chaussure, et de l'entreprise Bally en particulier. Mais c'est toute la filière du cuir qui est en cause !
Monsieur le ministre, il faut que nous prenions des dispositions pour défendre aujourd'hui notre industrie du cuir, notre savoir-faire et nos sites, qui représentent la qualité de nos entreprises dans le monde entier. Plus que d'une législation a minima, nous avons besoin d'une législation a maxima.
Je me fais donc le porte-parole de ces travailleurs, notamment de tous ceux du secteur de la chaussure, car c'est un véritable cri d'alarme qu'ils lancent.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 18 et 54, repoussés par la commission et par le Gouvernement.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis maintenant saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 55, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-15 du code du travail, de remplacer les mots : « le bureau ou, s'il n'en existe pas, le comité d'entreprise européen a le droit d'en être informé » par les mots : « le comité d'entreprise européen doit être informé préalablement ».
Par amendement n° 19, Mme Dieulangard, M. Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, à la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-15 du code du travail, de remplacer les mots : « a le droit d'en être informé. » par les mots : « en est informé préalablement. »
La parole est à Mme Demessine, pour défendre l'amendement n° 55.
Mme Michelle Demessine. L'ensemble des membres du comité d'entreprise européen doivent obligatoirement être informés en cas de circonstances exceptionnelles qui affectent considérablement les intérêts des salariés, notamment en cas de délocalisations ou de fermetures d'entreprises ou encore en cas de licenciements collectifs.
Il est inacceptable que cette information soit une simple possibilité et non une obligation ! De plus, il n'est aucunement justifié de limiter cette information au seul bureau, comme on nous le propose dans le présent projet de loi. En effet, les expériences en cours et le texte nous montrent qu'il existe une tendance à essayer de faire jouer au bureau un rôle de substitution à ce que doit être, à mon sens, l'activité du comité d'entreprise européen.
Nous pensons que c'est le comité d'entreprise européen qui doit être consulté et non pas le bureau, celui-ci ne devant jouer qu'un rôle d'organisation des débats et de coordination entre les séances.
Je vous rappelle que ce bureau est composé de trois membres, alors que le comité est, lui, composé d'au moins dix membres, puisqu'il s'agit du minimum imposé pour qu'un bureau soit mis en place. Tous les syndicats ne sont donc pas obligatoirement représentés dans le bureau.
Le projet de loi tend donc à rendre doublement confidentielle une information qui, au contraire, devrait être communiquée au plus vite à tous les représentants des salariés, et plus encore aux salariés eux-mêmes.
Sur de telles questions, vous admettrez qu'il est essentiel que les salariés soient au plus vite informés. Il s'agit là d'une exigence démocratique fondamentale.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon, pour défendre l'amendement n° 19.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande qu'il soit bien tenu compte de l'endroit où cet amendement s'insère : nous sommes dans la situation où des circonstances exceptionnelles vont « considérablement affecter les intérêts des salariés », puisqu'il s'agit de cas extrêmes tels que des délocalisations ou des licenciements collectifs. C'est le moment où le comité d'entreprise européen a le « droit » d'être informé. Cette formule figurant à l'article L. 439-15 nouveau du code du travail, selon laquelle le comité d'entreprise européen a le « droit » d'être informé, est à nos yeux ambiguë. Signifie-t-elle que le comité d'entreprise « peut » être informé, le cas échéant, de l'initiative patronale, ou bien qu'il « doit » être informé de par l'obligation qui en serait faite par le présent article ? Cela change tout !
Nous craignons, pour notre part, que cette formule ne signifie plutôt - ce serait, à nos yeux, inacceptable - que la partie salariale doit demander l'information et qu'alors seulement elle a le droit de l'obtenir. Vous le voyez bien, il ne s'agit plus du tout de la même chose !
Comment le comité d'entreprise européen pourrait-il, par exemple, demander des informations sur un projet de délocalisation, délocalisation que les directions d'entreprise, pour les raisons que l'on connaît, gardent en général secrètes jusqu'à l'extrême limite, puisque vous avez repoussé notre amendement prévoyant que la partie salariale est informée d'un tel projet de délocalisation ou de toute autre situation extrême qui « affecte considérablement leurs intérêts » ? Vous le voyez, nous sommes bien dans la situation où le comité d'entreprise peut être informé à la condition qu'il le demande. Mais comment pourrait-il le demander puisqu'il lui faudrait, pour cela, deviner quelle est la situation ? Comment peut-on demander une information à l'aveuglette ?
Compte tenu des restrictions à l'information que comporte par ailleurs le texte, il nous paraît indispensable de préciser que cette information a un caractère d'automaticité et doit, bien entendu, être préalable, si l'on entend, bien sûr, qu'elle ait quelque influence sur la suite des événements !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 55 et 19 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Pour ce qui est de l'amendement n° 55, s'agissant du bureau et du comité d'entreprise européen, je note que l'un n'exclut pas l'autre. La réunion du bureau autorise une information plus rapide.
Quant à l'information préalable, le texte ne la retient pas pour les raisons que j'ai indiquées lors de l'examen des amendements n°s 53, 18 et 54.
En ce qui concerne l'amendement n° 19, je reconnais que l'expression « a le droit » fait partie de celles qui, à un certain moment, m'ont surpris. Elle est effectivement un peu gênante ; mais il s'agit d'un compromis rédactionnel qui vise à écarter, là encore, tout caractère préalable.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. La solution consistant à informer le bureau est plus réaliste et plus facile à mettre en oeuvre. Elle permet de raccourcir les délais, ce qui rejoint les préoccupations exprimées précédemment.
Pour les raisons exposées par M. le rapporteur, le Gouvernement s'oppose à ces deux amendements.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 19, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 20, Mme Dieulangard, M. Mélenchon, les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-15 du code du travail, de remplacer les mots : « à un échange de vues et à un dialogue » par les mots : « à une consultation ».
La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Dans ce genre de situation, les mots, vous le savez, ont une extrême importance et le contexte change selon l'endroit où s'insère l'amendement. Je le rappelle pour la cohérence de mon propos.
Nous sommes donc dans une situation - celle que prévoit la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 439-15 - où les intérêts des salariés sont « considérablement » menacés. C'est le moment où l'on va procéder « à un échange de vues et à un dialogue ». Nous proposons, nous, que l'on procède à une « consultation », terme qui renvoie aux précisions juridiques évoquées dans notre précédente argumentation.
J'attire l'attention sur l'importance de cette précision. Tout à l'heure, M. le ministre a flatteusement comparé nos échanges de vues et nos dialogues, en cet instant, à ceux que l'on entend à la Comédie-Française.
M. Louis Souvet, rapporteur. A l'Académie française !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais à la Comédie-Française, vous aurez sans doute remarqué, monsieur le ministre, que l'on ne conclut pas et que l'on ne consulte pas - parfois, cela vaudrait peut-être la peine ! - alors que, dans l'hémicycle - vous voyez que la précision a son importance - un « échange de vues et un dialogue » se concluent par une consultation organisée par le président de séance.
Pourquoi ce qui vaut à l'instant où nous prenons la décision ne vaudrait-il pas à l'instant où elle viendrait à s'appliquer sur le terrain ?
L'humour mis à part, je demande que l'on considère bien l'instant où s'inscrit cet amendement : nous sommes dans une situation extrême, le bureau est informé et l'on procède à un « échange de vues et à un dialogue », point final ! Il n'est prévu nulle part que, à l'issue de cet échange de vues et de ce dialogue, on aboutit à la procédure définie par le mot « consultation ».
De ce point de vue, cet instant-là sera plus proche de la Comédie-Française que le débat que nous avons en ce moment.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Il ne m'appartient pas de rectifier au lieu et place de M. le ministre, mais M. Mélenchon fait plus d'humour qu'il ne croit. En effet, M. le ministre a parlé tout à l'heure de l'Académie française et notre collègue a fait référence à la Comédie-Française. Si M. Maurice Schumann était là, il ne serait pas très content. (Rires.)
M. le président. Je n'en suis pas totalement sûr ! (Nouveaux rires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. J'avais mal entendu !
M. Louis Souvet, rapporteur. Cela étant, par coordination avec l'amendement n° 8, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Peut-être, tout à l'heure, n'ai-je pas suffisamment articulé.
M. Jean-Luc Mélenchon. Parlez plus fort pour éviter toute confusion !
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. En tout cas, c'est bien d'Académie que j'avais parlé, d'ailleurs immodestement, je le reconnais, en tout cas pour ce qui me concerne, monsieur Mélenchon, pas pour vous.
S'agissant de l'amendement n° 20, je fais la même réponse que pour les amendements n°s 8, 9, 10 et 14. Nous nous écartons de la notion de consultation telle qu'elle résulte de la directive européenne. Il faut bien arriver, puisqu'on veut appréhender les problèmes sociaux ensemble, à utiliser les mêmes concepts, concepts qui s'enrichiront, monsieur Mélenchon, de la culture sociale des différentes nations européennes.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 20, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 56, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-15 du code du travail, après les mots : « rapport établi », d'insérer les mots : « écrit et traduit ».
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Nous retirons l'amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.
Par amendement n° 57, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le dernier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-15 du code du travail :
« Les moyens sont mis à la disposition des représentants des salariés et de leurs suppléants pour se réunir hors la présence des représentants de la direction de l'entreprise. »
La parole est à Mme Demessine.
Mme Michelle Demessine. Notre amendement ne modifie pas le fond du texte proposé pour le dernier alinéa de l'article L. 439-15 du code du travail. Il précise seulement qu'il ne suffit pas de permettre aux représentants des salariés de se réunir hors la présence des représentants de la direction de l'entreprise avant les réunions, et ce pour deux raisons.
La première a trait au moment où cette rencontre entre représentants des salariés est autorisée : pourquoi, en effet, limiter cette possibilité à un moment particulier, en l'occurrence avant les réunions ? Les représentants de la direction de l'entreprise ne se réunissent-ils pas, pour leur part, dès qu'ils en expriment le désir ?
La seconde, liée à la première, pose la question des moyens mis à la disposition des représentants des salariés pour se rencontrer. Comment organiser une rencontre si les fonds ne suivent pas ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Hélas ! je le regrette pour Mme Demessine, la commission a émis un avis défavorable. En effet, son amendement est satisfait par l'article L. 439-16 du code du travail, qui prévoit la prise en charge des dépenses de fonctionnement de l'entreprise.
En outre, la directive ne mentionne pas les suppléants. Je ne vois donc pas comment la commission aurait pu en faire mention.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Il est défavorable.
Madame Demessine, M. le rapporteur a montré combien le texte même de la directive semblait suffisant pour répondre à votre préoccupation.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 57, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 439-15 du code du travail.

(Ce texte est adopté.)

article l. 439-16 du code du travail