M. le président. Sur le texte proposé par l'article 3 pour l'article L. 439-10 du code du travail, je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 39, M. Fischer, Mmes Demessine et Fraysse-Cazalis, les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de supprimer le texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-10 du code du travail.
Par amendement n° 14, Mme Dieulangard, M. Mélenchon et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-10 du code du travail, de remplacer les mots : « , d'échanges de vues et de dialogue » par les mots : « et de consultation ».
Par amendement n° 15, Mme Dieulangard, M. Mélenchon et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent, dans le second alinéa du texte présenté par l'article 3 pour l'article L. 439-10 du code du travail, de supprimer le mot : « considérablement ».
La parole est à M. Fischer, pour défendre l'amendement n° 39.
M. Guy Fischer. Notre amendement vise à supprimer le texte proposé par l'article 3 pour l'article L. 439-10.
En effet, dans cet article, il est prévu que, comme l'écrit M. le rapporteur, « plutôt que d'instituer un comité d'entreprise européen, le chef d'entreprise européen, le chef d'entreprise ou son représentant et le groupe spécial de négociation peuvent décider, par accord, d'instituer une ou plusieurs procédures d'information et d'échanges de vue et de dialogue ».
Le deuxième alinéa disposant que l'accord doit prévoir les modalités de réunion des représentants, l'article offre donc une possibilité de ne pas s'engager dans la constitution d'un comité d'entreprise européen.
Si, effectivement, on peut comprendre qu'une autre structure d'information et de consultation des travailleurs puisse être mise en place d'un commun accord entre l'employeur ou son représentant et le groupe spécial de négociation, la rédaction qui nous est proposée reste cependant beaucoup trop évasive.
A notre sens, la mise en place d'une autre procédure d'information des salariés ne saurait être acceptée sans avoir à l'avance ce qu'elle sera.
En effet, le texte proposé pour l'article L. 439-10 permet de mettre en place une structure ne présentant pas les garanties, même relatives, qu'offre malgré tout le comité d'entreprise européen.
Faute de précisions, nous pensons qu'il faut supprimer ce nouvel article et imposer comme mesure commune celle qui est prévue par la directive. Il ne faut pas que soient rendues possibles des procédures de consultation au rabais.
Cet amendement nous permettra d'éviter ce risque et c'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de l'approuver.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Louis Souvet, rapporteur. M. Fischer n'ignore pas que la suppression du texte proposé par l'article 3 pour l'article L. 439-10 n'empêcherait pas l'application du dispositif prévu par ce texte. En effet, les dispositions d'une directive qui ne sont pas transposées en droit interne sont d'application directe.
La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. Nous sommes bien là au coeur du texte : l'institution d'une procédure d'information, d'échange de vues et de dialogue est une option fondamentale de la directive, et monsieur Fischer, et nos partenaires européens l'ont reprise.
Elle est un facteur de souplesse, en même temps qu'elle favorise la liberté contractuelle en laissant aux partenaires sociaux le choix d'opter entre la création d'un comité et l'institution d'une procédure.
Le Gouvernement est donc opposé à l'amendement n° 39.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon, pour défendre l'amendement n° 14, bien que ce dernier ait déjà été présenté.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, vous avez bien raison de dire que nous nous sommes déjà exprimés sur ce point ! Il s'agit, en effet, de préciser les termes du texte proposé pour l'article L. 439-10 par l'adjonction des mots « et de consultation ».
Nous nous en sommes déjà expliqués tout à l'heure. Je crois que nos arguments sont encore présents dans la mémoire de chacun, et que l'on retrouvera, hélas ! les mêmes votes.
M. le président. Vos argumants ont en effet marqué le Sénat ! (Sourires).
Monsieur Mélenchon, je vous invite maintenant à présenter l'amendement n° 15.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous remarquerez, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, dans cette affaire, les groupes de gauche tiennent à la précision des termes. (Sourires.)
Une fois encore, nous « tombons » sur un mot qui, selon nous, induit un risque de restriction du droit reconnu par ailleurs aux représentants des salariés de se réunir.
Le texte du projet de loi ne mentionne pas par qui et sur quels critères sera apprécié le caractère « considérable » ou non des questions transnationales qui justifieront la réunion des salariés, ce qui peut être aussi source de contentieux.
L'utilisation de l'adverbe « considérablement » dans ce contexte est certainement un anglicisme, mais, par rapport au droit français, elle traduit une reculade. Le mot « considérablement » semble devoir rejoindre le mot « notamment » parmi les termes qui recèlent les pièges et les chausse-trapes générateurs de contentieux.
En effet, cette expression, sans doute placée là dans un louable souci de précision d'une langue par ailleurs approximative, risque d'aboutir à une regrettable imprécision. Quelle est la différence entre un événement considérable et un événement qui ne l'est pas ? Faut-il prévoir une échelle entre les événements peu, assez ou moyennement considérables ?
Une liste des questions transnationales susceptibles d'être tenues pour considérables va-t-elle être établie et, si oui, par qui ? C'est là d'ailleurs le deuxième piège de ce texte et la deuxième source de litige. Une question devra-t-elle induire des transferts de population ou des licenciements massifs en Europe pour être considérable ?
Nous craignons fort que la maîtrise de ce point n'échappe aux salariés qui se trouvent mis devant le fait accompli et se voient dénier le droit de préparer la réunion du comité d'entreprise par une réunion de travail préalable entre eux.
Dès lors, mieux vaut s'en tenir à la clarté bien française de notre code du travail. Après avoir cité Karl Marx, c'est le moment de citer Saint-Just : « La raison parle français. » (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 14 et 15 ?
M. Louis Souvet, rapporteur. Sur l'amendement n° 14, par coordination avec sa position sur l'amendement n° 8, la commission émet un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 15, je reconnais que le terme « considérablement » m'a surpris. Il correspond davantage à une notion de droit anglo-saxon qu'à une notion de droit français, j'en conviens, comme je l'ai d'ailleurs déjà dit en commission.
Ce terme est cependant suffisamment explicité par la directive, notamment dans l'annexe à l'article 7.
En outre, la banalisation des réunions irait à l'encontre du but recherché, d'autant qu'il existe d'autres procédures lorsque les intérêts des salariés sont affectés.
Ce texte est de surcroît le premier à instituer un droit spécifique commun à dix-sept pays. Si chaque pays le modifie à sa guise, il ne subsistera plus rien de commun ! Ce sera une tour de Babel juridique dans laquelle personne ne pourra s'exprimer ou se comprendre.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 15.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Jean-Luc Mélenchon. Il faut nous supprimer le droit d'amender !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 14 et 15 ?
M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales. L'amendement n° 14 s'écarte de la notion de consultation telle qu'elle résulte clairement de la directive européenne. La conception de la consultation en droit national est opposée à l'esprit de la directive et aux compétences de la nouvelle institution sur laquelle se sont accordés les Etats et les partenaires sociaux à l'échelle européenne.
J'ajoute que l'on est en train de construire des comités de groupe. Il est évident qu'un comité de groupe doit pouvoir fonctionner selon des concepts et des règles signifiant la même chose pour tous.
S'agissant de l'amendement n° 15, l'article sur lequel il porte reprend le texte de la directive. Il a fait l'objet d'une rédaction négociée. La quasi-unanimité de nos partenaires européens restent eux aussi fidèles à la directive quand ils l'adaptent en droit interne, cela afin d'homogénéiser les obligations qui incombent aux directions des entreprises installées dans les différents pays européens.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 14 et 15.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 39, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 14.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention sur la situation dans laquelle nous nous trouvons.
En effet, pour toute la partie de ce projet de loi qui concerne la transcription dans le droit français de la directive européenne, nous ne pourrions toucher à rien puisque ce texte résulte d'un accord communautaire.
Pour toute la partie qui concerne la transcription contractuelle du 31 octobre, nous ne pouvons toucher à rien, car ce sont les partenaires sociaux qui en sont convenus.
Que vient faire le législateur dans cette affaire s'il ne peut toucher à rien ? De grâce, ou bien vous trouvez des arguments pour nous répliquer sur le fond et nous prouver que nous avons tort, ou bien nous arrêtons la discussion car elle n'a plus de sens !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 14, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par la commission et par le Gouvernement.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 439-10 du code du travail.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLE L. 439-11 DU CODE DU TRAVAIL