ACCORD EURO-MÉDITERRANÉEN
ÉTABLISSANT UNE ASSOCIATION
ENTRE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
ET LA TUNISIE

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 426, 1995-1996), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part. [Rapport n° 444 (1995-1996)].
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué à l'outre-mer. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la signature de l'accord d'association entre l'Union européenne et la Tunisie, qui a eu lieu le 17 juillet 1995 à Bruxelles, constitue un acte politique majeur.
Tout d'abord, il instaure entre l'Union européenne et la Tunisie un partenariat étendu, qui couvre à la fois les domaines politique, économique et culturel.
Ensuite, il est le premier d'une nouvelle génération d'accords d'association : il ouvre la voie à un renouvellement ambitieux de la politique méditerranéenne de l'Union européenne.
Enfin, il constitue pour la France à la fois l'aboutissement d'un processus qu'elle a largement soutenu et un nouveau défi, celui d'adapter sa coopération riche et dense avec ce pays ami.
L'Europe a aujourd'hui pris la mesure de l'importance stratégique de la rive sud. La Méditerranée a trop longtemps été un espace de tension et de conflits ; elle doit devenir un espace de paix et de prospérité. La conférence euro-méditerranéenne de Barcelone constitue, en quelque sorte, l'acte fondateur d'une « nouvelle conscience méditerranéenne ».
C'est dans cet esprit, et animée d'une telle ambition, que l'Union européenne a entrepris de renouveler les accords de coopération qui la lient depuis la fin des années soixante-dix aux pays du sud de la Méditerranée.
La Tunisie a été la première à conclure un tel accord, suivie par Israël et le Maroc. Cela illustre sa volonté d'avancer résolument vers un nouveau partenariat avec l'Europe, qui demandera un engagement très fort de part et d'autre.
En effet, cet accord d'association renouvellera en profondeur la relation euro-tunisienne de trois manières.
D'abord, en élargissant considérablement les domaines de coopération. Un dialogue politique sera mis en place. La question des services et du droit d'établissement sera prise en compte.
Ensuite, en approfondissant la coopération. Le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques constitue un élément essentiel de cet accord. La coopération économique sera renforcée de manière à accompagner l'ouverture de l'économie tunisienne et à encourager l'intégration régionale.
Enfin, en instituant une réciprocité des engagements, qui est le gage d'un authentique partenariat. Cela concernera avant tout le régime des échanges, avec l'établissement progressif d'une zone de libre-échange et l'amélioration d'un régime commercial préférentiel.
La mise en place progressive d'une zone de libre-échange constitue, à l'évidence, un défi important pour l'économie tunisienne. Elle nécessitera des périodes d'adaptation, prévues par l'accord, et un soutien financier important, que l'Union européenne est prête à apporter.
Mais la Tunisie possède en elle-même des atouts sérieux pour y parvenir. Elle bénéficie d'une situation intérieure stable politiquement et socialement. Son économie est globalement saine et lui permet d'afficher un revenu par habitant élevé ainsi que des prévisions de croissance du PIB supérieures à 6 p. 100 pour 1996. La politique prudente menée par les autorités monétaires tunisiennes leur permet de maîtriser les prix. Enfin, ses grands équilibres sont bien contrôlés, avec un déficit public fixé à 2 p. 100 du PIB en 1996 et une dette extérieure stable.
Des réformes structurelles ont d'ores et déjà été engagées mais elles devront être poursuivies : démantèlement progressif du tarif douanier, mise à niveau de l'industrie, développement de l'infrastructure agricole, promotion des investissements européens en Tunisie et amélioration de la formation professionnelle.
Dans ce contexte, le soutien financier qu'apportera l'Union européenne à la Tunisie est primordial. Les décisions du Conseil européen de Cannes en ont donné la mesure : pour la période 1995-1999, près de 5 milliards d'écus seront affectés à la Méditerranée, somme qui a vocation à être doublée par des prêts de la Banque européenne d'investissement.
La France, en tant que partenaire privilégié de la Tunisie, entend également la soutenir pleinement dans cette phase de transition, en adaptant sa coopération bilatérale aux problèmes qu'elle aura à surmonter.
Vous savez à quel point la France est attachée au succès de ce processus. Elle est heureuse aujourd'hui que la Tunisie, en concluant cet important accord avec l'Union européenne, s'associe à cette ambition.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui proposé à votre approbation.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bertrand Delanoë, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux de vous présenter aujourd'hui l'accord euro-méditerranéen avec la Tunisie, première pierre de ce pont qu'il nous faut construire entre les deux rives de la Méditerranée.
Que le premier accord signé dans le cadre du partenariat défini par la conférence de Barcelone le soit avec la Tunisie n'est pas un hasard : il marque la reconnaissance de la place singulière qu'occupe ce pays au sein du Maghreb.
Je ne reviendrai pas sur le contenu même de l'accord d'association puisque M. le ministre vient d'en présenter les grandes lignes. En revanche, j'insisterai sur l'enjeu qu'il représente pour les relations entre l'Union européenne et la Tunisie. Cet enjeu me paraît double : économique et politique.
L'enjeu économique pourrait se résumer par une question : l'accord d'association permettra-t-il de concrétiser, dans un premier temps, à l'échelle de la Tunisie, le développement économique si nécessaire à l'équilibre social et politique du bassin méditerranéen ?
A moyen terme, les effets de la libéralisation des échanges apparaissent positifs, qu'il s'agisse de l'amélioration de la compétitivité du secteur manufacturier, de l'augmentation prévisible des investissements étrangers ou encore, et j'ai envie de dire surtout, de l'accroissement du nombre des emplois créés. A cet égard, la situation de l'emploi et, en particulier, de l'emploi des jeunes, me paraît être l'une des clés de la réussite de la Tunisie de demain.
Il ne faut toutefois pas se dissimuler que l'application de l'accord engendrera, à court terme, des effets perturbateurs : le FMI considère ainsi que le tiers des industries du secteur manufacturier pourrait disparaître, même si d'autres sources font état d'évaluations moins pessimistes.
Par ailleurs, les équilibres budgétaires et extérieurs pourraient être fragilisés. Toutefois, l'économie tunisienne n'est pas désarmée. Ainsi, elle a connu une croissance régulière de 4,5 p. 100 en moyenne ces dix dernières années, l'inflation et les déficits sont maîtrisés, et des réformes structurelles sont mises en oeuvre : autant d'atouts pour surmonter les difficultés de la période transitoire.
Au-delà, la Tunisie peut compter sur le succès d'une politique démographique exemplaire : le taux d'accroissement naturel a progressé à un rythme inférieur de moitié au taux de croissance du PIB.
Les fruits de cette relative prospérité ont été répartis de façon plus équitable que dans des pays de niveau économique comparable, et la classe moyenne représenterait aujourd'hui près de 70 p. 100 de la population.
Enfin, comme cela a été dit, la Tunisie, avec un revenu par habitant de 1 800 dollars par an, se place au premier rang des pays du Maghreb.
Si cet équilibre social constitue un atout considérable, il n'en reste pas moins que la transition et ses difficultés, mais aussi l'esprit même du partenariat euro-méditerranéen, engagent l'Union européenne à accorder son soutien financier. Le libre-échange est indissociable de la coopération économique prônée par l'accord.
De ce point de vue, je me réjouis du doublement du montant de l'enveloppe financière accordée par l'Union européenne à la Tunisie, mais il importe, évidemment, que ces moyens financiers puissent être rapidement disponibles.
Si essentiel soit-il, le volet économique n'épuise cependant pas le contenu de l'accord, dont la dimension politique m'apparaît au moins aussi décisive. Cet accord est en effet original, car il s'inscrit dans la perspective d'un partenariat global où la coopération politique a toute sa place. Celle-ci s'exprime dans des domaines divers, parmi lesquels la protection de l'environnement, l'éducation et la formation me paraissent prioritaires.
Dans tous ces domaines, l'accord fixe des objectifs et il faudra veiller à les concrétiser dans les années à venir. L'enjeu est ici l'ouverture réciproque de nos sociétés et de nos cultures. L'accord trace les voies d'un dialogue.
La Tunisie a réussi à devenir un pôle de stabilité dans un environnement régional particulièrement tendu. Sans doute la vie politique demeure-t-elle caractérisée par une forte personnalisation du régime. Toutefois, fait inédit dans l'histoire de la Tunisie moderne, dix-neuf députés d'opposition siègent aujourd'hui à l'Assemblée nationale.
Le renforcement du pouvoir peut, en outre, se prévaloir d'un acquis : la lutte contre l'intégrisme. Dès 1989, une loi interdisait aux mouvements politiques de se réclamer d'une race, d'une religion ou d'une région. Dans le même temps, soucieux de désamorcer la critique de milieux religieux toujours influents, le Gouvernement n'hésitait pas à promouvoir un islam officiel, mais contrôlé à travers notamment la nomination des imams, le contrôle des prêches, l'interdiction du port du voile dans les écoles et dans l'administration en général. Instruites par la leçon algérienne, les autorités tunisiennes n'ont pas laissé le champ libre aux réseaux islamistes d'entraide et elles assument elles-mêmes la prise en charge des familles les plus démunies.
Une telle situation entraîne un respect parfois formel des libertés publiques. Toutefois, la situation tunisienne, dans ce domaine comme dans bien d'autres, ne se prête guère aux jugements univoques.
En voudra-t-on un exemple ? Je le trouverai dans l'actualité la plus récente : la justice ne bénéficie peut-être pas toujours de toutes les garanties susceptibles de lui assurer son indépendance et, pourtant, le tribunal administratif de Tunis vient, le mois dernier, de donner tort au Gouvernement dans le contentieux qui l'opposait à la Ligue tunisienne des droits de l'homme.
Certains principes, la liberté de la presse, la liberté de circulation, connaissent parfois des entraves, mais le tableau, de mon point de vue, apparaît contrasté.
Comment ne pas mentionner à l'actif de la Tunisie la place exemplaire faite aux femmes ? Je veux ici rendre hommage à l'oeuvre du Président Bourguiba, poursuivie par son successeur, le Président Ben Ali.
Le statut personnel mis en oeuvre en faveur des femmes en 1956 a encore été récemment renforcé. Cette action a porté ses fruits : quel pays musulman - et même méditerranéen - peut-il s'enorgueillir de compter dans la population universitaire, parmi les étudiants, 47 p. 100 de femmes ? Aujourd'hui, de plus en plus, les femmes accèdent à des postes de responsabilité dans les entreprises et dans l'administration.
La question des libertés et des droits de l'homme constitue un volet important de l'accord. Ce fait me paraît significatif, car il porte témoignage des engagements de la Tunisie. Il montre aussi l'esprit qui doit nous guider dans ce domaine. Il ne s'agit en aucun cas, de mon point de vue, de donner des leçons, mais, dans le cadre d'un partenariat et d'un dialogue fondés sur l'égalité, de discuter de sujets d'intérêt commun.
D'ailleurs, l'ouverture à laquelle invite l'accord ne concerne pas seulement la Tunisie, mais aussi l'Europe. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. Il faut, tout en regardant vers l'avenir, rester fidèle à ce que l'histoire du bassin méditerranéen nous a laissé de meilleur : la rencontre entre des civilisations nourries par les apports successifs de cultures différentes.
Parce que cet accord pose un premier jalon pour féconder un héritage commun, je vous invite, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à approuver le texte qui vous est soumis. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera essentiellement sur deux points.
La volonté des auteurs du texte qui nous est soumis aujourd'hui est d'établir une association entre la Communauté européenne et la République tunisienne. Nous approuvons cette intention, car il nous semble en effet important de mettre en oeuvre rapidement les conditions d'une coopération économique, sociale et culturelle entre les peuples d'Europe et ceux de la Méditerranée.
Cet accord est, en fait, l'illustration de la politique méditerranéenne que les gouvernants des Quinze ont défini à la conférence de Barcelone, en novembre 1995. Il vise essentiellement à la libéralisation des échanges et à l'ouverture du marché tunisien aux produits européens. Sa philosophie s'inspire donc très largement de l'ultra-libéralisme qui régit notre économie et celle de nos partenaires européens.
Quelles peuvent en être les conséquences sur l'économie et le peuple tunisiens ? Le rapport fait à l'Assemblée nationale ainsi que celui de notre collègue M. Delanoë en esquissent quelques traits. Il est fait état, dans ces deux rapports, des risques de « déstabilisation de l'économie et de la société » ou de la « disparition d'un tiers des entreprises présentes dans le secteur manufacturier par voie de liquidation ou de fusion ».
Mais comment peut-on, alors, déclarer que « l'accord se traduira probablement par une augmentation du nombre d'emplois créés » ? Où est la logique ? Certains spécialistes, tunisiens notamment, parlent, en fait, de 120 000 chômeurs de plus et de 30 p. 100 d'entreprises amenées à disparaître.
L'accord d'association que nous examinons aujourd'hui porte les risques d'un accroissement des inégalités et d'une paupérisation de la société tunisienne. Or chacun s'accorde à reconnaître le lien qui existe entre le niveau de vie des pays du Sud et les mouvements migratoires. Il convient donc, pour les pays d'Europe et pour les pays méditerranéens, de construire un nouvel ordre économique international en dehors des impératifs et de la logique fixés par les marchés financiers. Il est temps, pour ces peuples, de sortir du climat de guerre économique imposé par le libéralisme.
Au moment où a eu lieu le débat relatif à la conférence de Barcelone, les parlementaires communistes avaient formulé plusieurs propositions. Elles restent plus que jamais d'actualité. Il s'agit, entre autres, de la nécessité de reconstituer les finances nationales des pays méditerranéens en acceptant l'annulation de la dette, de la signature d'accords valorisant, par exemple, le gaz ou le pétrole, de la participation à la remise à niveau des systèmes éducatifs, de formation, de recherche, des infrastructures de transport, et de la réhabilitation des logements, intégrée dans des programmes d'aménagement urbain.
Voilà autant de mesures de coopération entre l'Europe et les pays du Sud qui contribueraient à améliorer les conditions de vie des peuples méditerranéens, bien entendu, mais également français et européens.
Pour ce qui est plus spécifiquement de la République tunisienne, je souhaite faire part, devant le Sénat, de nos inquiétudes face à l'aggravation des atteintes aux libertés et aux droits de l'homme en Tunisie. Certes, plusieurs instances ont été installées par le pouvoir pour veiller au respect de ces principes, mais comment ne pas être alerté lorsque Me Baudouin, président de la fédération internationale des droits de l'homme, est refoulé à l'aéroport à son arrivée à Tunis le 23 mai dernier, alors qu'il venait rencontrer les dirigeants de la Ligue tunisienne des droits de l'homme ?
La juste lutte contre la menace intégriste ne saurait expliquer les emprisonnements et les condamnations d'opposants politiques, le harcèlement et l'intimidation de leurs familles, de journalistes, de responsables d'associations de défense des droits de l'homme, autant de mesures répressives qui sont d'actualité en Tunisie.
Cette dérive sécuritaire a d'ailleurs justifié l'adoption, voilà un mois, d'une résolution à l'encontre de la Tunisie par le Parlement européen ainsi que des rapports de l'ONU et de divers organismes internationaux.
Cette question n'est pas mineure à nos yeux.
Ces deux points de désaccord conduisent le groupe communiste républicain et citoyen à ne pas voter ce texte.
M. le président. La parole est à M. Habert.
M. Jacques Habert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne pensais pas prendre la parole dans la discussion générale, mais je regrette vraiment les propos de Mme Bidard-Reydet, qui a, en quelque sorte, fustigé la Tunisie pour ses atteintes aux droits de l'homme.
Comme notre rapporteur, M. Delanoë, l'a justement souligné, ce pays se trouve entouré de deux Etats où, en revanche, les droits de l'homme ne sont pas du tout respectés : à l'ouest, l'Algérie a versé dans le terrorisme intégriste et les conditions d'existence y sont devenues de plus en plus dramatiques non seulement pour nos compatriotes, mais aussi pour tout le peuple algérien et son élite intellectuelle ; à l'est, la Libye a sombré depuis des décennies dans une dictature brutale, dont les effets ont eu des répercussions tragiques dans bien des points du monde.
La Tunisie se trouve donc dans une position délicate. Elle a pourtant réussi à maintenir une ligne de démocratie, ce qui était bien difficile dans ces conditions. Nous devons nous en féliciter, et nous devons noter le fait, par exemple, que les femmes, comme l'a indiqué M. le rapporteur, y tiennent une place considérable à tous les égards.
La Tunisie, à mes yeux, est un modèle, et je souhaiterais que beaucoup de pays d'obédience musulmane puissent suivre son exemple.
Aujourd'hui, on nous propose de ratifier un accord qui rapproche la République tunisienne de la Communauté européenne. Cela me paraît fort bien et tout à l'avantage des deux parties.
Sans remonter à Carthage, aux guerres Puniques ou à Saint Louis, qui alla mourir sous les murs de Tunis, permettez-moi simplement d'évoquer la longue période de trois quarts de siècle de présence française, entre 1881 et 1956. Cette période s'est terminée sans heurts, grâce à l'intelligence et à la modération du Président Bourguiba, qui a été l'un des champions de la francophonie et des valeurs morales qu'il avait apprises dans les universités françaises.
Cette longue tradition d'entente entre la France et la Tunisie s'est poursuivie ensuite et elle se concrétise aujourd'hui en s'étendant à la Communauté européenne tout entière.
Nous nous réjouissons de la modération et de la tolérance du gouvernement actuel de la Tunisie, y compris dans le domaine des droits de l'homme. Nous nous félicitons de son esprit d'ouverture, qu'a permis l'accord d'association qui vient d'être conclu.
Nous voterons la ratification de cet accord, en considérant qu'il est extrêmement bénéfique et que, conformément à une tradition séculaire, il permet à la Tunisie de rester ancrée à l'Europe et à tout ce que la Méditerranée représente de civilisation.
M. Hubert Durand-Chastel. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques de Peretti, ministre délégué. Madame le sénateur, je ne peux pas ne pas relever votre propos.
La Tunisie est un pays ami, que je connais bien pour y avoir vécu, et c'est certainement l'un des premiers pays du Maghreb à s'ouvrir progressivement au monde, sans doute difficile, dans lequel nous vivons.
L'ouverture de l'économie tunisienne ne se fera pas du jour au lendemain. Ce qu'il y a d'exemplaire dans cet accord est que cette ouverture se réalise avec un accompagnement financier de la part de l'Union européenne. C'est l'une des justifications principales de l'augmentation des crédits communautaires puisque des programmes ciblés avec les Tunisiens ont été identifiés pour un montant de 250 millions d'écus. Il s'agit de favoriser l'adaptation du tissu économique sans négliger les mesures d'accompagnement social. Cela se décide non pas à Bruxelles, mais en concertation avec les Tunisiens, selon leur propre modèle de développement.
Par ailleurs, s'agissant des droits de l'homme en Tunisie, vous l'avez noté et M. Bertrand Delanoë l'a souligné, les progrès en la matière sont réels et le Gouvernement français est très attentif à la situation, comme partout ailleurs dans le monde. Il marque, chaque fois qu'il en a l'occasion, son attachement à leur respect ainsi qu'à la promotion de l'état de droit. Le Gouvernement français l'a montré à plusieurs reprises : il encourage la Tunisie à poursuivre ses efforts en vue d'assurer le développement et le respect des libertés fondamentales dans un cadre démocratique.
Des avancées notables ont été réalisées, que votre rapporteur a rappelées, dans le domaine des droits des femmes et celui de la protection des enfants. Certes, des progrès peuvent encore être accomplis sur le plan des libertés politiques. Ce qui compte, c'est la tendance, et nous avons le sentiment que la tendance est bonne.
Cela n'empêche pas le Gouvernement de rester vigilant à l'égard des cas humanitaires dont il est saisi et il poursuit son action en faveur des droits de l'homme par tous les canaux diplomatiques dont il dispose sur le plan bilatéral comme sur le plan multilatéral. Mais vous comprenez bien que le Gouvernement préfère, pour des raisons évidentes, agir dans ce domaine de façon discrète.
L'accord d'association, je le pense sincèrement, permettra d'instaurer un nouveau dialogue politique peut-être encore plus régulier que par le passé, et ce cadre permettra également de développer un accord sur les droits de l'homme. C'est en cela que cet accord d'association a une originalité assez marquée.
M. Bertrand Delanoë, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bertrand Delanoë, rapporteur. Je voudrais brièvement dire à Mme Bidard-Reydet, qui a des réticences sur cet accord, que je ne partage pas son pessimisme.
D'abord, sur le plan économique, les industries manufacturières tunisiennes sont condamnées à évoluer avec ou sans cet accord. Personnellement, je préfère qu'elles évoluent en association avec la Communauté européenne. L'aide économique financière de l'Europe à la Tunisie est doublée, ce qui facilitera l'évolution de son économie, avec des résultats positifs en termes d'emplois.
Il en va de même pour les droits de l'homme. J'ai dit que le bilan était contrasté. Je crois qu'il faut se garder des bilans dithyrambiques ou des bilans exagérément sévères ; vous ne l'avez pas fait d'ailleurs.
Je fais pour ma part un pari : je crois à un partenariat politique. Il y a plus de chances que la Tunisie évolue précisément dans le sens que vous souhaitez, à condition que nous sachions avoir un partenariat fondé sur l'égalité des relations entre pays majeurs. Evitons de considérer a priori que certains pays auraient la vertu de toute éternité, alors que d'autres, parce qu'ils l'auraient connue plus récemment - et pourquoi d'ailleurs, chère madame ? -, seraient moins aptes à la pratiquer.
Mme Danièle Bidard-Reydet. Ce n'était sûrement pas mon propos !
M. Bertrand Delanoë, rapporteur. Comme je sais que ce n'est pas votre culture philosophique, je me permets de dire que, sur la base de l'égalité, le partenariat est la meilleure chance de développement économique, pour l'emploi et pour les droits de l'homme en Tunisie.
M. le président. Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. - Est autorisée la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, signé à Bruxelles le 17 juillet 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

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