LOIS DE FINANCEMENT
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Adoption d'un projet de loi organique
en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi organique (n° 433, 1995-1996), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. - [Rapport n° 438 (1995-1996.)]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la sécurité sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez examiner en deuxième lecture le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.
Il est inutile d'insister auprès de vous sur l'importance de ce texte, qui se situe au coeur de la réforme de la sécurité sociale. Vous savez également à quel point il est nécessaire que la première des lois de financement de la sécurité sociale puisse être présentée au Parlement dès l'automne prochain.
Loin de remettre en cause la réforme, les chiffres récemment publiés par la commission des comptes de la sécurité sociale soulignent l'impérieuse nécessité de conduire le navire à bon port. Au-delà des aléas de la conjoncture, le redressement des comptes et la sauvegarde de notre système de sécurité sociale exigent courage, constance et persévérance.
Comme toute réforme de structure, la réforme de la sécurité sociale doit être jugée sur le long terme.
Mais aucune solution durable et réaliste n'est plus concevable en ce domaine sans que la représentation nationale soit mise en mesure d'effectuer régulièrement et solennellement les choix fondamentaux. Il appartiendra ensuite aux pouvoirs publics, aux partenaires sociaux, aux professions de santé et, en définitive, aux assurés sociaux de faire leurs les objectifs que vous voterez. En effet, seul le Parlement dispose de la légitimité qui permettra d'arbitrer sereinement entre les exigences de protection sociale de nos concitoyens et les contraintes économiques et financières qui s'imposent à tous.
Je tiens également à souligner d'emblée la qualité du travail accompli par les deux assemblées sur ce projet de loi organique. Les améliorations apportées par le Parlement, singulièrement par la Haute assemblée, au projet de loi organique sont indéniables et substantielles. Je tiens à vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs.
J'y vois d'abord la marque personnelle des deux rapporteurs, qui ont su mettre en évidence les enjeux politiques, juridiques et économiques des lois de financement devant leur assemblée respective. Je crois aussi que la collaboration à laquelle ce texte a donné lieu au sein de chacune des deux chambres est pour beaucoup dans la qualité de vos travaux : une commission spéciale a été constituée à l'Assemblée nationale ; au Sénat, la commission des lois a accueilli des membres de la commission des affaires sociales et de la commission des finances.
A ce stade, je crois pouvoir dire que nous sommes parvenus à un consensus sur l'essentiel et à un accord sur la quasi-totalité du texte.
Les orientations de principe ne font plus débat. Il en va ainsi de la conception des lois de financement : il s'agira de lois courtes, qui comporteront une double dimension politique et financière. En effet, ces deux caractéristiques les distinguent des lois de finances.
Ce seront des lois courtes, tout d'abord.
Il n'est en effet pas question de retracer avec précision l'ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale. Les dépenses de la sécurité sociale ne sont pas assimilables à des crédits limitatifs, et les objectifs votés par le législateur seront déclinés avec l'ensemble des acteurs de notre protection sociale.
C'est aussi pourquoi nous sommes d'accord pour conférer un champ exclusif, mais limité, aux lois de financement de la sécurité sociale, en prohibant les « cavaliers sociaux ».
Par ailleurs, la dimension politique des lois de financement est fondamentale.
Le Parlement doit être mis en mesure d'approuver les orientations politiques qui fondent les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses. Quel sens aurait le vote de prévisions de recettes et d'objectifs de dépenses si le Parlement n'était conduit à se prononcer au préalable sur les orientations et les objectifs de la politique de santé et de sécurité sociale qui les sous-tendent ?
Les modalités du vote sur les objectifs de dépenses et sur les prévisions de recettes constituent la seconde orientation de principe qui ne fait plus débat.
Le Sénat a marqué son accord sur les principes posés en première lecture par l'Assemblée nationale, à savoir un vote par branche plutôt qu'un vote par régime, un objectif d'assurance maladie exprimé soit en taux, soit en montant et, enfin, un vote par catégorie de recettes. Les deux assemblées partagent donc la même philosophie de ces lois de financement.
Les questions restant en discussion ont été très largement débattues, et un accord définitif, à la faveur de cette deuxième lecture, semble désormais très proche.
Sur plusieurs dispositions, l'Assemblée nationale a fait droit aux arguments du Sénat. Ainsi en a-t-il été à propos de la reconduction de l'objectif national d'assurance maladie de l'année précédente, dans les hypothèses où la disposition correspondante de la loi de financement ne pourrait entrer en vigueur au 1er janvier.
Le Sénat a également souhaité distinguer la rédaction du rapport de la Cour des comptes de sa transmission au Parlement, prévoir que les commissions parlementaires compétentes pourront saisir la Cour des comptes de toute question relative à l'exécution des lois de financement et, enfin, permettre l'adoption d'amendements améliorant le contrôle du Parlement sur l'application de ces lois.
Comme le Gouvernement, l'Assemblée nationale a considéré que ces dispositions allaient incontestablement dans le sens de l'amélioration du texte.
En revanche, bien qu'elle partage les mêmes objectifs que le Sénat, l'Assemblée nationale a fait valoir avec pertinence que la loi organique ne peut prévoir l'annexion à la loi de finances du rapport récapitulant l'ensemble des impositions et des crédits affectés aux organismes de sécurité sociale.
Certes, une telle mesure permettra au Parlement de s'assurer de la concordance entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel interdit que les annexes aux lois de finances soient créées hors d'une loi de finances.
Il reste donc, finalement, trois questions en débat.
La première, qui vous préoccupe tout particulièrement, tient au calendrier de discussion des lois de financement annuelles.
Je veux d'abord rappeler que l'Assemblée nationale a opportunément complété le projet de loi organique sur ce point. Il était nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles se déroulera habituellement la procédure, hors l'hypothèse exceptionnelle dans laquelle l'Assemblée nationale ne se prononcerait pas dans le délai qui lui est imparti. Pour l'essentiel, vous avez fait vôtres ces dispositions, mesdames, messieurs les sénateurs.
Il faut ajouter que l'Assemblée nationale a eu le souci de placer les deux assemblées sur un pied d'égalité en leur donnant le même délai d'examen en première lecture.
Vous avez cependant relevé que, dès lors que le projet de loi de financement doit être déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale, les contraintes inhérentes à l'examen du projet de loi de finances au Sénat interdisent tout chevauchement entre les deux textes. Votre préférence va donc à un examen de la loi de financement préalable à celui de la loi de finances.
Compte tenu de la charge de travail du Parlement au mois de décembre, vous soulignez également les inconvénients que provoquerait, pour l'Assemblée nationale comme pour le Sénat, un dépôt trop tardif du projet de loi.
Tout en mesurant les contraintes propres à l'Assemblée nationale, le Gouvernement ne conteste pas la pertinence de ces préoccupations. Bien plus, malgré les importantes difficultés qu'un calendrier plus serré lui imposera, il s'est engagé par la voix de M. Jacques Barrot à respecter pour sa part la date que le Parlement retiendra, fût-elle celle du 15 octobre.
A cet égard, vous n'avez pas manqué de relever que le rapporteur du projet de loi organique à l'Assemblée nationale s'est déclaré à l'écoute des arguments du Sénat et que l'Assemblée nationale a accepté de s'engager dans la voie d'un compromis, en reliant cette question à celle de l'objet sur lequel portera le vote des assemblées, deuxième question à laquelle je viens maintenant.
En effet, la deuxième difficulté porte sur les modalités selon lesquelles le Parlement effectuera les choix qualitatifs, sans lesquels ces lois de financement constitueraient des lois purement comptables.
Nous sommes tous d'accord pour faire en sorte que les options financières des lois de financement s'articulent avec des choix et des orientations de politique de santé et de politique de sécurité sociale.
Le débat porte seulement sur l'instrument à travers lequel le Parlement s'exprimera sur ces choix et ces orientations politiques.
Fondamentalement, vous craignez que l'examen et le vote d'un rapport ne donnent lieu au dépôt d'une floraison d'amendements, ce qui allongerait exagérément la discussion des lois de financement.
Le Gouvernement considère pour sa part que l'obligation constitutionnelle de déterminer les conditions générales de l'équilibre financier rend nécessaire le vote du Parlement sur un document de synthèse permettant de confronter les orientations de la politique de santé et des politiques de sécurité sociale, d'une part, et les contraintes économiques et financières, d'autre part.
Un tel rapport, aussi concis que possible, offrira d'ailleurs au Parlement une vision politique d'ensemble, pluriannuelle, sur les choix et les orientations en matière de sécurité sociale, ainsi que sur les perspectives financières à moyen terme. Il évoquera des mesures aussi bien réglementaires que législatives.
Ce rapport tiendra compte des enseignements de la Conférence nationale de la santé et des avis des caisses. Il sera ainsi un instrument majeur de l'articulation entre la démocratie politique et la démocratie sociale.
Il faudra bien sûr, comme pour n'importe quel texte de loi, trouver un équilibre entre le droit d'amendement et une saine organisation des débats.
C'est pourquoi, sur cette question que l'Assemblée nationale considère comme la plus importante de celles qui restent en discussion, le Gouvernement continue de marquer sa préférence pour le vote sur un rapport.
La dernière question en débat concerne les ressources non permanentes des régimes de sécurité sociale et des organismes qui concourent à leur financement.
Nous avons tous la conviction que les prestations ne sauraient être financées par l'emprunt. Nul n'a jamais exprimé l'intention de permettre à la sécurité sociale de vivre à crédit et de reporter ainsi sur les générations futures la charge de notre couverture sociale.
Mais les rentrées et les dépenses n'étant pas, par construction, concomitantes, la sécurité sociale est, de toute éternité, évidemment contrainte de recourir à des lignes de trésorerie. Il faut également envisager l'équilibre des régimes dans une perspective pluriannuelle, les excédents d'une année couvrant les déficits d'une autre.
Le seul souci du Gouvernement a été de conférer un droit de regard au Parlement sur le recours aux avances de trésorerie. Pour le reste, l'emprunt est interdit aux organismes de sécurité sociale. Il n'appartiendrait en tout état de cause qu'au législateur de revenir sur la règle qui veut qu'aux dépenses permanentes doivent correspondre des ressources permanentes.
Quant à la loi organique, elle a pour objet, comme l'a justement souligné M. le rapporteur, de fixer le contenu des lois de financement et les règles de procédure qui présideront à leur examen, et non de trancher des questions de fond.
Aussi le Gouvernement souhaite-t-il sur ce point une rédaction qui soit la plus pédagogique possible. La précision selon laquelle les ressources non permanentes ne peuvent couvrir que les « besoins de trésorerie » lui paraît avoir un tel objet.
Je souhaite donc que, sur les quelques points qui restent en débat, nous parvenions très vite à des solutions qui soient satisfaisantes pour les deux assemblées comme pour le Gouvernement.
Je voudrais surtout, pour conclure, souligner à quel point la discussion de la loi constitutionnelle puis celle de la loi organique auront été riches et fructueuses. Comme M. Toubon puis M. Barrot ont déjà eu l'occasion de le souligner, le travail que l'Assemblée nationale et le Sénat ont accompli tout au long de ces six premiers mois de l'année a permis d'améliorer très considérablement le dispositif conçu dans le cadre du discours du Premier ministre des 15 et 16 novembre dernier.
Notre tâche était délicate. Nous avions d'abord à imaginer une nouvelle catégorie de lois. Nous devions également insérer la discussion de ces lois de financement dans un calendrier toujours chargé. En effet, contrairement à une idée trop répandue, les responsabilités du Parlement sont considérables, et les réformes passent, d'abord et avant tout, par la voie législative.
Enfin, nous avions l'obligation de rédiger un texte qui confère une cohérence d'ensemble à la réforme, puisque la loi organique a pour objet de relier la révision constitutionnelle, d'une part, et les dispositifs prévus par les ordonnances structurelles, d'autre part. En d'autres termes, cette loi articule la démocratie politique et la démocratie sociale selon un schéma sans précédent,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ça, c'est sûr !
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. ... qui était depuis très longtemps appelé de ses voeux par l'ensemble des Français.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ah non !
M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat. Malgré sa difficulté - ou peut-être à cause d'elle - l'exercice au terme duquel nous arrivons a démontré la vitalité de nos institutions, l'importance du dialogue entre les assemblées et la qualité du travail parlementaire. Au nom de M. Jacques Barrot, qui n'a pu être présent aujourd'hui parmi vous, je voudrais vous en remercier. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Il a eu peur de moi !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.
Comme pour la première lecture, la commission des lois a jugé souhaitable d'associer, tout au long de ses travaux, à la fois la commission des affaires sociales et la commission des finances, et de faire en sorte que nos propositions soient le résultat de nos efforts conjoints.
Certes, l'Assemblée nationale a approuvé plusieurs des amendements que nous avions proposés en première lecture, en apportant parfois quelques modifications de détail qui, globalement, ont emporté l'adhésion de la commission des affaires sociales et de la commission des finances.
Néamoins, vous l'avez souligné, monsieur le secrétaire d'Etat, trois points importants séparent le Sénat de l'Assemblée nationale : il s'agit, d'abord, de la définition du contenu de la loi de financement ; ensuite, de la fixation des limites de couverture des besoins de financement des organismes de sécurité sociale par des ressources non permanentes ; enfin, du calendrier d'examen de la loi de financement. Contrairement à mon habitude, je commencerai par la fin, car il s'agit du point le plus important, sur lequel je souhaite insister ; je traiterai les deux autres sujets ensuite.
En ce qui concerne le calendrier d'examen du projet de loi de financement, l'Assemblée nationale proposait, dans le texte initial, le dépôt du projet de loi au plus tard le 30 octobre et nous accordait - nous l'en remercions vivement - vingt jours pour en discuter, au même titre que l'Assemblée nationale.
Les trois commissions de notre Haute Assemblée qui ont oeuvré sur ce texte ont fait, avec pertinence, me semble-t-il, la démonstration qu'un tel calendrier était, en tout état de cause, inacceptable.
En effet, dans l'hypothèse où le texte initial adopté par l'Assemblée nationale aurait été maintenu, le Sénat aurait dû examiner simultanément le projet de loi de finances et le projet de loi de financement entre le 20 novembre et le 10 décembre et, dans la bousculade, entre le 11 décembre et le 21 décembre, les deux assemblées, cette fois-ci, auraient dû réunir les deux commissions mixtes paritaires, procéder aux secondes lectures tant du projet de loi de finances de l'année que du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sans oublier l'adoption du projet de loi de finances rectificative.
Ce carambolage était naturellement insupportable et il aurait eu des conséquences désastreuses sur l'organisation de l'ensemble du travail parlementaire.
C'est la raison pour laquelle, à l'unanimité des membres de notre Haute Assemblée, nous avons proposé de fixer la date limite de dépôt du projet de loi au 15 octobre et, corrélativement, nous avons accepté, non plus à l'unanimité, mais à la majorité, de réduire à quinze jours le délai d'examen du projet de loi de financement.
Certes, nous sommes conscients que la règle des « deux quinze » - surtout celle du 15 octobre - entraînera des contraintes extrêmement lourdes qui pèseront à la fois sur le Gouvernement et sur les partenaires sociaux. Toutefois, le Parlement a également ses contraintes. Il y va de sa crédibilité, de sa mission, du respect de ses prérogatives, tant législatives que de contrôle. Nous ne pouvons pas travailler dans la bousculade et dans la précipitation.
M. André Maman. Très bien !
M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission des lois, la commission des affaires sociales et la commission des finances ont décidé, à l'unanimité, de rétablir le calendrier que nous avions élaboré lors de la première lecture. Pour nous, il est le seul permettant de faire face aux exigences d'un travail serein du Parlement et d'assurer le respect du calendrier, tant budgétaire que de financement de la sécurité sociale.
En ce qui concerne le deuxième point de désaccord, c'est avec l'appui du Gouvernement que nous avons décidé de rétablir la rédaction que nous avions adoptée lors de la première lecture pour le 1° de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. En effet, la rédaction de l'Assemblée nationale ouvrait sans doute trop largement aux organismes concourant au financement de la sécurité sociale la possibilité de recourir à l'emprunt. Ainsi que M. le secrétaire d'Etat l'a indiqué tout à l'heure, nous souhaitons que cette possibilité soit limitée aux seuls besoins de trésorerie.
Le troisième désaccord est d'une autre nature : le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale a été conçu de façon différente à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Pour l'Assemblée nationale, la discussion du rapport d'orientation présenté par le Gouvernement semble primordiale. D'ailleurs, ce n'est pas sans rappeler le processus d'adoption des lois de programmation ou d'orientation.
La démarche du Sénat a été différente : le rapport n'avait pour mission que d'informer et d'éclairer le Parlement. En fait, le Sénat avait une conception de la loi de financement de la sécurité sociale sans doute plus législative et moins politique que l'Assemblée nationale et le Gouvernement.
Tout en étant convaincus que la rédaction sénatoriale était la meilleure et correspondait, en fait, beaucoup plus aux dispositions de la Constitution que celle qui nous est proposée, dans un souci de conciliation et compte tenu des explications qui nous ont été données ainsi que de l'accord de la commission des affaires sociales, nous avons accepté de nous rallier à la rédaction de l'Assemblée nationale. Toutefois, comme l'a souligné M. Jacques Larché lors des débats au sein de la commission des lois, la pratique permettra d'affiner le contenu de ce qui n'est pour l'instant que la carte de l'Afrique avant les grandes explorations.
Je suis convaincu que la sagesse des parlementaires donnera progressivement vie à ces lois de financement de la sécurité sociale et permettra de répondre véritablement à la volonté du Constituant. Peut-être serons-nous d'ailleurs conduits, monsieur le secrétaire d'Etat, à affiner le texte de la loi organique pour la rendre plus conforme à ce que la pratique parlementaire en aura fait. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Mélenchon. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, on ne traiterait pas sérieusement du sujet qui nous occupe si on n'évoquait le contexte, c'est-à-dire la situation actuelle de la sécurité sociale, alors que le train des mesures de la réforme Juppé est lancé et que des projets sont annoncés en lien avec le financement de la sécurité sociale.
Nous croyons, nous socialistes, que le rôle du Parlement est de traiter ainsi politiquement des grands sujets qui viennent en débat. C'est donc la tâche que m'a confiée, au nom du groupe socialiste, mon ami Charles Metzinger.
Au reste, comme il serait étrange, ce débat - quand bien même nous avons affaire à un débat de deuxième lecture - si la tribune demeurait muette sur l'environnement, sur les annonces qui se succèdent et qui, à leur manière, établissent un premier bilan de ce qui a été entrepris et dont cette loi n'est qu'un des éléments !
Ce contexte, maintenant, chaque Français le connaît. Il l'a découvert avec surprise, stupeur et amertume. Ce contexte, c'est le déficit, encore et toujours !
Le 15 novembre dernier, M. Juppé avait annoncé que le déficit serait limité à 17 milliards de francs en 1996 et qu'un excédent pourrait être constaté en 1997. Or la commission des comptes de la sécurité sociale nous annonce à présent un déficit de 48,6 milliards de francs.
On comprend votre embarras ! On comprend que certains, qui ont accompagné ce processus avec l'enthousiasme dont on se souvient, veuillent à tout prix parler à cet instant d'autre chose !
Au mois de mars, le ministre de l'économie et des finances affirmait sur RTL qu'il savait qu'il y aurait 40 milliards de francs de déficit, et il ajoutait qu'il n'y avait pas matière à s'inquiéter.
Début avril, le Premier ministre et le ministre du travail et des affaires sociales expliquaient de leur côté que parler de 40 milliards de francs de déficit relevait de la désinformation. Ce n'était pas très agréable pour leurs collègues, mais on voit que, il y a encore deux mois, l'optimisme était de mise. Optimisme de commande !
Quelles explications nous fournit-on aujourd'hui, alors que l'on continue à mettre en route la machine à détruire la sécurité sociale, dont cette loi est l'un des instruments ?
La première explication, c'est que ce serait trop tôt pour juger de la valeur du dispositif et, la seconde, qui n'a pas manqué de nous procurer le sentiment d'une victoire, au moins morale, après coup, c'est que la conjoncture serait la cause profonde de la situation.
Ainsi donc, ce serait trop tôt ! Je veux entrer dans le détail. Qu'y aura-t-il de différent plus tard ?
Nous savons tous qu'aucune des causes structurelles du déficit comptable - nous nous souvenons tous que vous avez voulu continuellement vous situer sur un terrain comptable - que nous avions dénoncées n'est touchée par ce plan Juppé, rectifié depuis à la faveur de négociations qui n'ont pas toujours bénéficié de la publicité qui aurait été souhaitable pour en comprendre tous les aspects, rectifié par des tractations que je qualifie de maquignonnages et qui ont, depuis, modifié le visage de cette réforme et de la prétendue rigueur universelle dont elle était l'inspiratrice.
S'agissant de la médecine libérale, ce fameux chapitre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé était, hier, après le premier moment de grande volonté de réforme, le drapeau autour duquel se groupaient, tandis que déferlaient les manifestations, d'un côté les tenants de la réforme et, de l'autre - je dois le dire à mon grand regret - une certaine gauche égarée, dont vous n'avez jamais manqué à l'époque de me jeter les arguments à la figure.
Aujourd'hui, cette gauche doit certainement méditer avec amertume l'appoint qu'elle est venue apporter à une bien mauvaise opération qui s'achève - si j'ai bien compris - par des tractations de présidences de caisses, en vérité fort éloignées des nobles et généreux objectifs affichés par les intéressés au moment où, au nom de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, ils ralliaient votre bannière.
Où en sommes-nous ?
L'objectif fixé en novembre pour la progression des dépenses de santé était de 2,1 p. 100. D'ores et déjà, la progression est de 3 p. 100 et l'objectif de 2 p. 100 n'est tenable qu'à condition que les dépenses restent stables. Comme le resteraient-elles ? C'est donc impossible !
Des sanctions étaient prévues pour les médecins. Elles ont permis quelques effets d'annonce et quelques beaux mouvements de menton. Aujourd'hui, elles sont officiellement abandonnées ! La taxe de 1 franc sur la feuille de maladie est également abandonnée.
La Caisse nationale d'assurance maladie, qui devait récupérer 1,9 milliard de francs sur la hausse des cotisations sociales des médecins, ne récupérera rien. Le lobby médical a obtenu qu'elle soit affectée à l'informatisation des cabinets médicaux.
En bref, l'ensemble de ce volet du plan est, comme prévu et comme il était facile de le deviner, tombé à l'eau !
Les industries pharmaceutiques, grandes pourvoyeuses de déficits, vous les aviez mises à contribution ! A mon avis, cette ponction à l'égaré en cours de route n'était pas la bonne méthode. Peut-être une vision plus globale de leur place dans le dispositif de la santé ou une mise à contribution plus structurelle aurait-elle été préférable. Mais, au moins, c'était juste !
Vous l'aviez assez dit : tout le monde paiera ! On avait même agité la figure des affreux capitalistes de l'industrie pharmaceutique, qui seraient aussi mis à contribution. (M. le secrétaire d'Etat sourit.) . Pas vous, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas dans vos habitudes et personne ne pourrait le croire un instant : quelques-uns, ici, à ce sujet, se sont repeints de vertus sociales que, d'habitude, on ne leur reconnaissait pas si facilement. Vous devez sans doute en garder le souvenir ! D'ailleurs, cette mesure devait également avoir un caractère dissuasif.
Où en sommes-nous ? Nulle part !
En effet, la contribution sera déductible de l'impôt sur les sociétés. Ils ont bien de la chance ! Nous, nous ne pouvons pas déduire de nos impôts ce que nous payons pour le RDS ! De plus, tandis que les contribuables devront acquitter une taxe pendant treize ans, et peut-être plus si vous décidez que, pour boucher le nouveau trou, la durée d'application du RDS sera rallongée - bref, nous en prenons pour treize ans ! - eh bien ! eux n'auront pas à la payer !
La dette ? Les laboratoires, qui ont déjà bien contribué, seront exonérés, dès 1997, des 2 milliards de francs qui ont été mis à leur charge. Peut-être ne sera-ce pas le cas, mais c'est en tout cas ce qu'a déclaré M. Barrot, le 5 juin dernier !
Tout le monde paie, en effet, mais certains paient plus, plus longtemps, plus souvent que d'autres.
Enfin, le reste : les exonérations de cotisations non compensées, dont j'avais, avec mes collègues, montré à plusieurs reprises le rôle qu'elles jouaient dans le déficit structurel de la sécurité sociale ; les dettes patronales impayées. Rien, absolument rien de neuf !
Bref, tout a changé, tout va changer encore après l'adoption de ce texte, pour que rien ne change.
Rappelons ce qu'il en coûtait, sur ces points, en 1994. Sur les 56 milliards de francs de déficit de 1994, 13 milliards de francs étaient imputables aux exonérations non compensées par l'Etat, que l'on distribuait, de loi en loi, fort généreusement - et peut-être la Haute Assemblée se souvient-elle de mon intervention sur ces sujets à l'occasion de la loi quinquennale sur l'emploi, où j'avais dit qu'à force d'exonérations nous creusions nous-mêmes le trou dans lequel la sécurité sociale finirait par tomber.
M. Emmanuel Hamel. Vos interventions sont toujours retenues !
M. Jean-Luc Mélenchon. Donc, 13 milliards de francs d'exonérations non compensées par l'Etat, 18 milliards de francs de dettes patronales impayées, 4,4 milliards de francs de frais financiers et 19 milliards de francs pour la compensation des autres régimes. Voilà le contexte !
Si bien que le « c'est trop tôt » pour juger de la valeur de vos dispositions ne signifie strictement rien. Les causes que nous avions pointées du doigt sont toujours là, et c'est à autre chose que vous vous attaquez avec art et méthode.
Le « c'est trop tôt » est un argument de propagande destiné à donner un petit deuxième souffle médiatique pendant la période au cours de laquelles, hélas ! les chiffres viennent cruellement démentir les professions de foi de l'hiver dernier.
Alors, vous évoquez la conjoncture, et je vous en félicite, car c'est le chemin de la raison et de la sagesse que de le comprendre. Naturellement, vous ne parcourez pas ce chemin jusqu'au bout, mais pourquoi ne pas saluer le pas que vous faites ?
C'est très exactement ce que nous avons passé notre temps à expliquer à cette tribune. Nous avons dit qu'il était impossible d'aborder avec sérieux et bonne foi la réorganisation de la sécurité sociale, en vue de son retour à l'équilibre, uniquement à partir de logiques comptables.
Nous vous l'avons dit : ces logiques ne vous conduisent nulle part ; c'est dans la conjoncture que se trouvent la clé de nos malheurs et la clé des remèdes à trouver.
Il ne peut pas en être autrement pour un système dont le financement est assis sur une cotisation liée à l'activité, et c'est particulièrement vrai pour l'assurance-maladie ; il ne peut pas en être autrement pour un système qui doit intégrer un paramètre inconnu, la santé publique inconnu dans ses développpements !
L'activité ! Eh bien ! tout est dit en deux chiffres : la masse salariale n'a augmenté que de 2,4 p. 100, au lieu des 3,5 p. 100 prévus.
C'est par rapport à l'activité que, en définitive, se réglera, ou plutôt aurait pu se régler ce problème, dans le cadre qui était celui de la gestion de la sécurité sociale jusque-là - il n'y avait aucun besoin de procéder à la révolution à laquelle vous avez procédé - dès lors que cette gestion était penséee en relation avec une politique de relance de ladite activité.
Or, c'est l'inverse que vous avez fait. L'activité, vous l'avez refroidie, glacée, pétrifiée avec des prélèvements massifs et incessants.
Au risque de vous lasser, peut-être, je voudrais vous en infliger le rappel.
Impôt sur les sociétés, en août 1995 : 13 milliards de francs. Ça, c'est à la charge des entreprises !
Hausse de deux points de la TVA : 56 milliards de francs. Ça, c'est pour les ménages !
Impôt de solidarité sur la fortune - c'est très bien : un petit milliard de francs sur quelques familles.
Suppression de la ristourne sur la CSG en septembre 1995 : 9 milliards de francs, pour tous les ménages !
Contribution sociale de solidarité des sociétés, en janvier 1995 : 5 milliards de francs pour les sociétés.
Remboursement de la dette sociale : 25 milliards de francs, à l'« usage » exclusif des ménages.
Augmentation de la cotisation maladie des retraités de 2,4 points en janvier 1996 et janvier 1997 : 15 milliards de francs sur les ménages.
Contribution des entreprises au titre de la prévoyance complémentaire : 2,5 milliards de francs.
La liste n'est pas complète - je n'ai pas abusé de votre temps. Inutile de s'étendre !
Ne figurent dans cette énumération ni les taxes sur les produits pétroliers, ni les taxes sur l'industrie pharmaceutique - mais vous comprenez pourquoi après m'avoir entendu tout à l'heure - ni aucune des recettes dites de poche auxquelles vous avez fait appel bien abondamment, car la poche en question, c'est celle des contribuables.
Il y en a malgré tout quand même pour 126 milliards de francs du fait du Gouvernement Juppé !
Voici le jugement que porte à ce sujet le journal la Tribune, qui, vous le savez tous, n'est ni une feuille gauchiste ni un journal socialiste : « Au hit-parade des hausses d'impôts, le Gouvernement Juppé l'emporte très largement sur son prédécesseur », qui était, nous le savons tous, fort doué en ces matières également ! « Pas moins de 126 milliards de prélèvements nouveaux en année pleine ont été décidés depuis juin 1995 et, pour la plupart, déjà mis en oeuvre. Ils ont porté à un record historique le taux des prélèvements obligatoires, qui atteint 45,7 p. 100 du produit intérieur brut cette année, selon le ministère des finances : 84 p. 100 de ces prélèvements nouveaux pèsent sur les ménages, dont ils représentent près de 2 p. 100 du revenu disponible brut. Ces alourdissements, qu'ils aient été décidés dans le but de réduire les déficits » - avec le succès que chacun peut constater ! - « ou pour financer des dépenses nouvelles, ont probablement pesé sur la conjoncture. Ils sont entrés en vigueur au moment où celle-ci se retournait,... », ce que nous vous avions annoncé, quoique n'étant pas aussi experts, sans doute, que les journalistes économiques de ce même journal, qui, lui, saluait ce qui avait été entrepris pour la sécurité sociale.
Je reprends ma lecture : « Ils sont entrés en vigueur au moment où celle-ci se retournait, faisant dire à M. Nicolas Sarkozy, ancien ministre des finances :... » - vous voyez que je n'ai pas emprunté non plus mes références aux mouvements socialistes ou communistes - « ... nous allons dans le mur tous freins serrés ». En ce qui concerne la sécurité sociale, nous n'en sommes pas loin !
Bref, l'argument de la conjoncture, qui, en définitive, vient alimenter nos thèses sur ce qu'il était nécessaire de faire pour le salut de la sécurité sociale, ne peut conduire, en cet instant, qu'à deux conclusions.
La première est, bien évidemment, que nous avions raison, que c'est bien comme cela que le problème aurait dû être posé, qu'on ne pouvait pas penser le problème de la sécurité sociale indépendamment du reste de la marche de l'économie et qu'il ne fallait pas casser sa dynamique interne, la dynamique de la démocratie sociale.
La seconde conclusion est que vous faites ce que vous faites de propos délibéré. Vous créez l'asphyxie. Tout le monde ne le pense pas, je veux bien en convenir à cette tribune. Certains jugent en effet que c'est « la faute à pas de chance » ou que vous seriez, par un malheureux retournement de situation, l'arroseur arrosé et que vous auriez fait, pour ce qui concerne la sécurité sociale, pour le mieux dans votre compartiment de responsabilité ministérielle.
Bref, M. Barrot serait amnistié de ce que fait, avec son soutien, dans le même temps, M. Juppé.
Ce n'est pas mon avis. Je pense qu'il y a une cohérence globale de ce qui est entrepris et, parlementaire assidu sur toutes les questions qui se rapportent à cette réorganisation de la vie de notre nation à laquelle il est procédé à grand fracas et avec grand remue-ménage depuis l'élection présidentielle, je dis que ce sont là autant de segments d'une seule et même stratégie, d'une certaine vision de la France, de la nécessité, que vous croyez ardente, de procéder contre elle à une révolution libérale.
J'ai dit à cette tribune - et chaque jour m'apporte la confirmation que j'avais raison - que, dans un premier temps, il s'agissait pour vous de sortir du paritarisme, et le Premier ministre en avait d'ailleurs fait l'aveu à cette tribune, dès le 16 novembre, en disant : « Nous allons faire ce que personne n'a osé faire depuis trente ans ».
Je vous avait dit : « Il y a trente ans, il n'y avait pas de déficit ».
Qu'est-ce qui vous gêne, en fait, depuis trente ans ? Ce qui vous gêne, c'est le paritarisme, c'est la démocratie sociale, c'est une vision de la sécurité sociale dans laquelle la cotisation est un salaire différé et non pas un impôt.
M. Charles Metzinger. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il était essentiel que vous sortiez la sécurité sociale du paritarisme pour passer à la deuxième étape.
La deuxième étape consiste à faire entrer, par un biais ou par un autre, ce budget dans le budget global de la nation et, en même temps, pour faciliter la transition pour établir les passerelles, de fiscaliser progressivement toutes les recettes de la sécurité sociale.
Vous auriez alors atteint le palier à partir duquel, pour financer ce système de sécurité sociale, il faudrait recourir à un impôt, impôt qui, très vite, deviendrait confiscatoire.
Car, pour financer l'ensemble de ce système de sécurité sociale, vous n'auriez qu'un instrument, alors que la ressource globale de la sécurité sociale est équivalente au budget de la nation et que celui-ci est alimenté, vous le savez, par bien d'autres ressources que l'impôt sur le revenu : la TVA, l'impôt sur les sociétés, etc.
J'en ai fait la démonstration, au nom de mes amis socialistes, sans que jamais on puisse me faire la démonstration du contraire.
Et alors, lorsqu'on en serait parvenu à ce niveau, on pourrait dire : l'Etat garantit à chacun une assurance sociale minimum parce qu'il ne peut pas faire autrement et, pour le reste, voyez les assurances privées !
M. Robert Pagès. Absolument !
M. Charles Metzinger. Très bien !
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est cette mécanique qui est en route, et chaque jour qui passe la voit avancer.
Vous n'êtes donc pas pris par surprise ; vous désorganisez sciemment un système dont vous voulez la fin ; et vous en voulez la fin parce qu'il est une ressource financière considérable qui manque au capitalisme de notre pays pour disposer du booster dont il dispose dans les autres économies libérales.
M. Emmanuel Hamel. Parlez français !
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà le coeur de la réforme, voilà l'objectif qui est visé, et c'est faussement que vous affichez aujourd'hui des mines navrées en regardant le déficit se creuser. Le déficit vous sert !
La dernière de ces vérifications qui vient directement confirmer ce qui avait été annoncé par nous à cette tribune, c'est l'annonce de la création d'une cotisation universelle maladie, impôt qui pèsera, dites-vous, sur l'ensemble des contribuables, et j'entends d'avance ce qui va être dit à cette tribune : tout le monde paiera, c'est mieux que quand ne payaient que les travailleurs salariés au travers de leurs cotisations !
Et le cycle qui a commencé avec le RDS, on le recommencera pour cette cotisation, et, à la fin, vous aurez atteint votre but : avoir entièrement fiscalisé la ressource de la sécurité sociale et de l'assurance maladie. La voie sera ouverte pour que l'on passe à la dernière phase du schéma dont nous avons fait ici la démonstration.
Nous attendons qu'on nous démontre le contraire, et rien ne nous permet de penser que le contraire soit démontrable.
J'estimais, avec mes amis socialistes, qu'il fallait sans cesse le répéter, sûrement pas pour vous convaincre, monsieur le ministre, car nous pensons que, dans cette affaire, vous n'improvisez jamais, ni pour convaincre ceux de nos collègues dont les convictions à ce sujet sont anciennes et connues, mais pour qu'au moins de cette tribune passe quelque chose de la parole qui permettrait aux nôtres de comprendre ce qui est en cause et même de ne pas se laisser distraire dans leur vigilance, leurs analyses et leur capacité de réplique, par le spectacle navrant auquel nous assistons dans la répartition des présidences de caisses, et qui achève de folkloriser le déclin dans lequel est entrée la sécurité sociale du fait du cadre législatif dans lequel, dorénavant, elle se situe et qui transforme les uns ou les autres, à tour de rôle peut-être, en bons gérants loyaux d'un ordre qui, inéluctablement, brisera la machine dont nous avons tous tant besoin.
Au reste, pour ce qui concerne le contenu même du texte qui nous est soumis aujourd'hui, rien n'arrive qui vienne infirmer le pronostic que je viens de faire.
Le projet de loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale est le prolongement naturel de la réforme constitutionnelle que nous avons combattue en son temps. Vous savez que nous l'avons fait au nom de la démocratie sociale, sans jamais y opposer la démocratie parlementaire, comme c'était devenu la mode au moment où ces questions se débattaient dans nos enceintes et où, ici ou là, quelques-uns avaient jugé bon de créer artificiellement ce débat, avec l'espoir peut-être que les socialistes, sur ce sujet, les communistes également, en viendraient à disperser leur énergie dans une querelle qui n'avait pas lieu d'être.
Vous connaissez notre attachement à la démocratie sociale, parce qu'elle était, comme je l'ai dit, l'embryon d'une démocratie dont nous souhaitions qu'il soit ensuite étendu à d'autres comportements de notre société. C'était bien cela, le coeur battant de ce que représentait la sécurité sociale ancienne manière pour le reste de la société, c'est-à-dire une sécurité sociale assise sur le salaire différé. Nous n'avons jamais voulu accepter l'idée qu'une nouvelle fois le capitalisme puisse « externaliser » une partie de ses coûts sur le reste de la société en refusant que son financement et celui des conquêtes de civilisation qu'elle porte puisse être assis sur autre chose que le lieu de la production de la richesse, d'où l'ensemble de ces progrès, en définitive, sont issus et doivent être financés, je n'y reviens pas.
Mais le projet de loi que vous nous présentez contredit malgré tout, à nos yeux, point par point les arguments que vous aviez avancés lors du débat sur la révision constitutionnelle.
Selon vous, le plan Juppé devait permettre une gestion plus démocratique, une valorisation du rôle du Parlement et, sans que jamais la démonstration soit faite, le maintien du paritarisme, à moins que vous n'ayez du paritarisme une vision qui fait, dans ce type de contexte, de ceux qui viendraient à l'assumer sous cette autorité les harkis, en quelque sorte, d'une certaine politique.
Je défends, au contraire, l'idée selon laquelle, après avoir dépossédé d'abord les syndicats, vous allez déposséder le Parlement au profit de la technocratie. Au fond, nous sommes bien dans la logique de la Ve République !
Comme nous l'avions affirmé, quand on disait : « Ce sera le Parlement », il fallait entendre la rumeur ou le bruit annonciateur de l'article 49-3. Nous avions dit : « Ce seront les fonctionnaires de Bercy ». Nous y voilà !
Vous vous étiez engagés à maintenir les principes du paritarisme. Les principes sont toujours là, mais votre projet de loi les vide de tout contenu. Il ne définit aucun rôle pour les partenaires sociaux alors que l'article 3 du projet est dans son ensemble consacré à la place de la Cour des comptes dans le dispositif. Cela seul relève déjà à quel point vous êtes installés dans une logique de maîtrise comptable des dépenses de santé. Les partenaires sociaux ne seront plus que les fidèles exécutants de ce qui aura été décidé ailleurs et sans eux.
Cet « ailleurs » devait être officiellement le Parlement. Pourtant, les annexes prévues à l'article 2, dont chacun d'entre vous sait qu'elles seront déterminantes dans le choix du Parlement puisqu'elles évalueront les données de la situation sanitaire et sociale ainsi que l'évolution des dépenses et des recettes, seront rédigées par Bercy, dont on connaît les préoccupations premières, secondaires, tertiaires... et permanentes dans ces matières.
Vous n'avez d'ailleurs pas prévu, et c'est logique, la création de quelque commission parlementaire que ce soit chargée de travailler de façon spécifique sur la sécurité sociale dont le Parlement aura à connaître.
De plus, selon l'article 2, le vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale sera concomitant à celui du projet de loi de finances, « voisinage » inquiétant. Evidemment, ce choix répond à un critère politique. Le débat sera organisé dans des conditions bâclées puisque contraint dans le temps. Dans l'opinion, c'est sûr, l'effet est garanti : l'annonce des déficits s'entendra cumulativement et l'impression qui en résultera à la sortie sera évidemment, elle aussi, cumulative.
La réduction des déficits publics et ceux de la sécurité sociale, dans des débats aussi voisins, finiront de tout brouiller et d'entretenir toutes les confusions. Au nom de l'équilibre des comptes de la nation, on substituera le débat sur l'équilibre à celui sur les besoins. D'ailleurs, le texte indique clairement que « les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions contribuant à assurer l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ».
Quelle marge de liberté reste-t-il au Parlement ? Je parle du point de vue des raisons que vous avez avancées, vous et non nous !
Comment débattre sereinement dans ces conditions des risques de pandémie ou de l'évolution de la demande de soins ? Nous voici tous transformés en experts-comptables et priés de garder pour nous et pour ailleurs nos réflexions sur cette situation générale qui, pourtant, parce qu'elle traite de la santé publique, relève complètement, pour le coup, de l'appréciation des parlementaires représentant l'intérêt général.
Enfin, le rapport écrit - excellent - de notre collègue M. Gélard parachève l'édifice à sa façon. Il indique, en effet, que l'exercice du droit d'amendement doit pouvoir s'exercer pleinement - on n'en attend pas moins d'un parlementaire ! - sans conduire à une « surcharge de la séance publique ». A bon entendeur, salut !
Nous savons comment on évite, notamment dans cette enceinte, la « surcharge de la séance publique »... Quel euphémisme exquis ! En langage courant, j'imagine que cela doit signifier que la commission propose de restreindre le droit d'amendement du Sénat. Elle ne le fera pas, et son rapporteur est un parlementaire trop au fait de ses pouvoirs pour le proposer. Mais la raison politique viendra, le moment venu, au secours de ce qui n'aura pas été officiellement dit.
Somme toute, si les données sont fournies par Bercy, si le Parlement ne peut discuter que de l'équilibre et si le droit d'amendement est restreint, qui donc, à part ceux qui auront préparé les documents - les fonctionnaires de Bercy - aura la capacité d'intervenir réellement sur la situation ? Au fond, on pourra dire, sans trop exagérer, que c'est eux qui gèreront la sécurité sociale. Vous connaissez la suite du raisonnement, que j'ajoute au constat de cet instant.
Le projet de loi qui nous est présenté permet au Gouvernement de réintroduire discrètement - je ne peux manquer de le relever - quelques-unes des mesures si nettement rejetées lors du mouvement de décembre dernier.
Les cheminots seront heureux d'apprendre que les compétences données au Parlement pour gérer les régimes obligatoires de plus de 20 000 cotisants reviennent à assimiler les régimes spéciaux au régime général, préparant ainsi - et on ne voit pas pourquoi il en serait autrement - leur remise en cause.
Les assurés sociaux seront heureux de constater que la loi de financement se place dans une logique strictement comptable. L'article 2 précise que la loi devra définir « l'objectif national d'évolution des dépenses d'assurance maladie » - nous en avons discuté fort longuement lors de l'examen de cet article - et non pas des dépenses de santé. Autrement dit, et comme je l'ai démontré tout à l'heure, le Parlement se prononcera exclusivement sur les actes remboursables, c'est-à-dire sur cette partie de la santé qui figure, en cet instant, dans les comptes de la sécurité sociale. Mais, fort malheureusement, et malheureusement aussi sur le fond, la santé ne se limite pas aux actes remboursables. La tendance naturelle sera de rembourser de moins en moins d'actes afin de préserver l'équilibre. C'est, comme je l'ai dit tout à l'heure, la porte ouverte à une médecine à deux vitesses.
La tentation d'étatiser la sécurité sociale comme prélude à la privatisation des assurances santé sera alors d'autant plus forte que, si ce projet de loi organique était adopté, aucune révision constitutionnelle ne serait nécessaire pour cela.
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le renouvellement d'arguments que vous avez déjà entendus, quelquefois en nous faisant le reproche d'aborder ces questions avec des a priori idéologiques - mais nous n'éprouvons, nous, aucune honte à juger des faits à partir de ce que nous inspirent nos principes et notre idéal - et souvent en faisant comme si, en définitive, les faits étaient, du coup, éloignés de nos raisonnements. Or les faits, aujourd'hui, rejoignent totalement ce qui a été annoncé à cette tribune par les groupes de gauche.
Je ne sais pas qui me répondra, ni même si on souhaitera me répondre au fond. Je n'admettrais pas qu'on ne le fasse pas, mais je le comprendrais.
Je pense que la réalité tourne à la confusion de vos prétentions comptables.
Je pense que la réalité, malheureusement, nous amène, avec une force et une vitesse que nous n'avions nous-mêmes peut-être pas prévues, vers le fatal écueil que je viens de décrire : fiscalisation, étatisation, privatisation.
Bien sûr, tout le monde regrettera - et moi le premier - d'avoir à revenir à cette tribune pour devoir le constater.
En définitive, nos espoirs sont dans le mouvement social. On ne voit pas qui d'autre aujourd'hui pourrait venir mettre le coup d'arrêt nécessaire, à moins qu'évidemment les élections de 1998 ne le rendent possible. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas développer à nouveau ce que j'ai dit au cours de plusieurs interventions. Toutefois, depuis que notre assemblée a examiné en première lecture ce projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale, quelques éléments nouveaux nous permettent d'alimenter de manière intéressante notre débat et de juger notamment de l'efficacité de la politique de résorption des déficits de la sécurité sociale mise en oeuvre par le Gouvernement.
En effet, si la politique du Gouvernement ne visait, à l'évidence, ni à améliorer la justice sociale ni à apporter une meilleure réponse aux besoins sanitaires du pays, du moins nous assurait-on qu'elle permettrait de réduire le déficit financier du système de soins de notre pays.
Vous présentiez même votre plan comme le seul capable de sauver à long terme notre système de protection sociale de la faillite.
La crédibilité du plan Juppé se fondait avant tout sur un retour à l'équilibre financier. Cette crédibilité, déjà si fortement entamée par les mouvements sociaux du quatrième trimestre de l'année dernière, est aujourd'hui totalement anéantie.
Selon les chiffres publiés le 12 juin dernier par la commission des comptes de la sécurité sociale, dans la meilleure des hypothèses, le déficit de la sécurité sociale sera de plus de 48 milliards de francs en 1996. Certains spécialistes avancent même des chiffres encore plus élevés.
Nous sommes bien loin des prévisions du Premier ministre qui, le 15 novembre dernier, sous les applaudissements de la majorité, annonçait que le déficit du régime général serait ramené à 16,6 milliards de francs en 1996. Il espérait même un excédent de 12 milliards de francs l'année suivante !
Ce n'est pas la seule « inexactitude » de M. Juppé ; après qu'il a promis aux Français, non pas le bout du tunnel, mais l'arrivée du printemps, force est de constater que le printemps tarde à se manifester. La croissance reste faible, la consommation au plus bas.
Comment s'en étonner ? En réduisant les dépenses sociales utiles, en gelant les prestations familiales, en instaurant le RDS, en augmentant la TVA, le Gouvernement écrase le pouvoir d'achat et la consommation. Il contribue à faire croître le chômage, à diminuer les recettes et, au bout du compte, à creuser les déficits.
Les résultats financiers qui viennent d'être publiés montrent bien que la sécurité sociale est avant tout malade du chômage, de la précarité et de la baisse du pouvoir d'achat.
Alors, que propose le Gouvernement ? « Surtout ne pas changer de cap », déclare M. Barrot au Figaro.
En effet, mes chers collègues, pourquoi changer de politique quand elle prouve, encore et toujours, son inefficacité ?
Le Gouvernement poursuit donc dans la voie qu'il s'est tracée, soutenu par la majorité parlementaire - bien absente sur ces travées, d'ailleurs - c'est-à-dire dans celle d'une réduction des dépenses, au nom de la réduction apparente des déficits publics et de la satisfaction des critères de convergence imposés par le traité de Maastricht pour accéder à la monnaie unique.
Avec la loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement espère laisser le Parlement endosser la responsabilité du rationnement des dépenses de santé, d'une politique qui nie le droit à la santé, à la retraite, aux droits des familles.
Cette loi constitue, en quelque sorte, le sommet de l'édifice présenté par le Premier ministre pour « réformer » la sécurité sociale, pour conduire, selon nous, à une couverture sociale minimum, qui constituerait une étape vers une privatisation redoutable pour l'immense majorité des Français.
Mais les faits que j'ai évoqués nous montrent que l'édifice est déjà bien lézardé !
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen se sentent donc confortés dans l'opposition qu'ils ont exprimée en première lecture sur ce projet de loi.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des arguments développés alors par mon groupe, arguments qui nous avaient conduits à déposer une question préalable et à rejeter le texte voté par le Sénat.
Le deuxième passage à l'Assemblée nationale nous fait d'ailleurs discuter d'un texte assez semblable à celui qui a été examiné en première lecture par le Sénat.
Je souhaiterais concentrer mon intervention sur les problèmes de la démocratie, puisqu'il s'agit de l'argument essentiel pour défendre la mise en place de la loi de financement.
Le Parlement ne voit-il pas en effet ses prérogatives élargies ?
Pourtant, la gestion démocratique de l'ensemble du dossier de la réforme de la sécurité sociale fait que nous devons, pour le moins, nous interroger.
Je ne reviendrai pas sur l'attitude de la majorité sénatoriale, qui, souvent, transforme notre assemblée en chambre d'enregistrement. Nous l'avons vu au mois de décembre avec la procédure de la question préalable, chacun s'en souvient, et, plus récemment, sur plusieurs textes importants où elle a tout simplement renoncé à son droit d'amendement.
Je ne détaillerai pas non plus notre position sur la manière dont se déroule le débat sur le projet de loi de finances : on constate bien le peu d'influence des assemblées sur un projet ficelé qui n'autorise, au plus, que quelques ajustements.
Je rappellerai néanmoins à notre assemblée la façon dont, semble-t-il, se règlent maintenant les différends entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
Ainsi, mardi matin, alors que notre commission des lois allait discuter du projet de loi organique, c'est à Matignon, je crois, en présence des présidents de groupe de la majorité, qu'a été conclu un compromis entre les deux assemblées.
C'est donc non plus en commission ou en commission mixte paritaire que sont finalisées les lois, mais au cours de discussions de couloir, dont est écarté, bien entendu, tout représentant de l'opposition.
Tout cela laisse mal augurer du progrès « démocratique » au nom duquel est instituée la loi de financement de la sécurité sociale !
Le Gouvernement fait donc fi des droits des parlementaires, comme il fait fi du mouvement social de décembre dernier, comme il évacue le mécontentement social persistant.
Néanmoins, il nous faut discuter du texte !
Le groupe communiste républicain et citoyen prend acte du fait que la commission des lois revient à la rédaction proposée par l'Assemblée nationale pour le paragraphe III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
Nous nous étions opposés, en première lecture, à la position du Sénat sur ce point. En effet, alors que le projet de loi écartait déjà toute disposition ne concernant pas la recherche de l'équilibre financier, la commission des lois du Sénat avait restreint encore le champ de ce dispositif, en introduisant, comme l'indiquait M. le rapporteur, « une finalité permettant d'exclure toutes dispositions qui n'auraient qu'accessoirement une incidence financière pour n'autoriser que celles qui tendraient principalement à assurer l'équilibre financier ».
Nous prenons acte également qu'en ce qui concerne le calendrier la proposition du Sénat a été retenue. J'ai déjà dit, le 28 mai, que nous approuvions la proposition de la commission des lois d'avancer la date du dépôt du projet de loi par le Gouvernement au 15 octobre, mais que, en revanche, nous désapprouvions la volonté de réduire le temps de discussion à quinze jours dans notre assemblée.
En tout cas, l'ensemble des modifications apportées au texte ne sont pas de nature à infléchir le jugement global que nous avions porté en première lecture.
Nous ne pouvons accepter un texte qui attaque les principes fondant notre protection sociale et n'offre aucune garantie quant au droit de regard du Parlement sur l'action du Gouvernement.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc à nouveau contre ce projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Mélenchon applaudit également.)
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je voudrais tout d'abord répondre à M. le rapporteur, qui a soulevé trois problèmes principaux.
En ce qui concerne tout d'abord le calendrier, le Gouvernement se rallie aux arguments du Sénat, mais cette date du 15 octobre imposera des contraintes réelles au Gouvernement, à l'Assemblée nationale et aux partenaires sociaux.
Cette date butoir ne sera pas facile à respecter, monsieur le rapporteur, mais le Gouvernement se rallie à vos arguments.
Vous avez ensuite abordé, monsieur le rapporteur, la question de l'utilisation des ressources non permanentes pour financer les seuls besoins de trésorerie. Le projet de loi initial comportait bien, en effet, une référence aux seuls besoins de trésorerie, et cela était nécessaire.
Vous avez enfin évoqué le contenu des lois de financement de la sécurité sociale, et je voudrais remercier à cette occasion la commission des lois du Sénat de s'être ralliée à la rédaction qui est issue des travaux de l'Assemblée nationale.
J'ajoute que c'est la pratique qui donnera tout son sens aux lois de financement.
Je répondrai maintenant à M. Mélenchon... (M. le ministre cherche du regard M. Mélenchon sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Je suis à ma place, monsieur le ministre !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je vous prie de m'excuser, monsieur Mélenchon, mais je vous avais vu à l'extrême gauche ! (Sourires.)
M. Robert Pagès. C'est une place de choix !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Puis-je employer les termes d'« extrême gauche », monsieur Pagès ?
M. Robert Pagès. C'est une notion républicaine !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je n'aurai donc pas droit à un procès !
M. Jean-Luc Mélenchon. Schoelcher disait : « Je siège et je vote à l'extrême gauche » ; pourtant, il occupait le fauteuil placé juste derrière votre banc, monsieur le ministre !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. C'est un honneur !
MM. Mélenchon et Pagès ont invoqué un peu les mêmes arguments que ceux qui avaient été largement utilisés lors de l'examen en première lecture du présent projet de loi organique, arguments qui ont trait au déficit de la sécurité sociale, qui atteint plus de 48 milliards de francs selon la commission des comptes de la sécurité sociale.
Je vous répondrai, messieurs les sénateurs, que c'est bien pour cela que la réforme de la sécurité sociale ne peut plus être différée !
J'ajoute que j'aurais cru que le renforcement des compétences du Parlement allait vous satisfaire et que vous en remercieriez le Gouvernement. C'est en effet le renforcement des compétences du Parlement en la matière qui constitue la clé de voûte de cette réforme de la sécurité sociale.
Vous dites l'un et l'autre que rien ne va changer. Messieurs les sénateurs, vous sous-estimez ainsi les conséquences de cette compétence nouvelle qui est donnée au Parlement et qui vous échoit du fait de la révision constitutionnelle !
Le rôle du Parlement sera renforcé, notamment grâce au vote d'un taux d'évolution des dépenses par branche, d'un objectif de dépenses d'assurance maladie.
Il convient de donner tout son sens à cette compétence nouvelle du Parlement.
En fait, mesdames, messieurs les sénateurs, l'enjeu qui nous réunit tous est le suivant : nous souhaitons sauvegarder notre système de protection sociale. Nous ne voulons pas, monsieur Mélenchon, l'étatiser dans une première étape, comme vous avez semblé le dire, pour le privatiser ensuite.
Je dirais même que nous nous attachons, nous, à faire tout ce qui est nécessaire pour éviter ce que vous annonciez, monsieur le sénateur. Et je vais vous en donner une preuve : nous faisons, nous, des propositions, nous présentons des projets au Parlement. Or, après avoir écouté attentivement votre discours ainsi que celui de M. Pagès, je vous défie d'y trouver une seule proposition.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est que vous avez mal écouté !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je vous ai bien écouté, monsieur Mélenchon : vous n'avez fait aucune proposition ; relisez donc votre discours !
C'est d'ailleurs là-dessus que je vous attendais, car, monsieur Mélenchon, nous connaissons votre tempérament.
Vous avez raison d'être fier de votre idéologie, mais, en l'occurrence, celle-ci vous conduit depuis très longtemps à critiquer, car vous avez une arrière-pensée finale. J'ai même pensé un moment que vous alliez terminer votre discours par une envolée, par une chanson...
M. Emmanuel Hamel. L'Internationale !
M. Roger Romani ministre des relations avec le Parlement. ... sur les lendemains qui chantent et que vous semblez, ainsi que M. Pagès, avoir oubliée depuis un certain temps.
M. Robert Pagès. Nous pensions que vous en connaissiez les paroles !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. J'en connais bien les paroles, monsieur Pagès !
M. Robert Pagès. Nous pensions que vous connaissiez aussi nos propositions !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Des propositions, vous n'en avez fait aucune aujourd'hui.
M. Robert Pagès. Voyons, monsieur le ministre !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Je dis bien aucune ; vous avez critiqué, et c'est tout !
M. Robert Pagès. Ne jouez pas sur les mots !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Non, je ne joue pas sur les mots ! Relisez votre discours, monsieur Pagès.
Le déficit prévu pour 1996 remet-il en cause la réforme ? Nous répondons non car, mesdames, messieurs les sénateurs, sans les ordonnances, selon la commission des comptes, le déficit aurait été de 80 milliards de francs et non de 48 milliards de francs.
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous ne pouvez pas le prouver !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. C'est un chiffre de la commission des comptes ! Monsieur Mélenchon, puisque vous vous référez à certains chiffres avancés par la commission des comptes, veuillez être logique avec vous-même, et acceptez les autres chiffres qu'elle a établis.
M. Jean-Luc Mélenchon. Acceptez la critique, monsieur le ministre !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. La critique est normale !
Les aléas de la conjoncture expliquent la dégradation que nous connaissons. Or nous le souhaitons ils ne devraient pas perdurer tout au long de l'année.
M. Emmanuel Hamel. Espérons-le !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Nous le pensons, et nous l'espérons. Une reprise économique pourrait assurer, au mieux, un retour spontané à l'équilibre et, au minimum, une réduction du déficit prévisionnel...
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est le père Noël que vous pourriez invoquer !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Vous, mais pas moi !
M. Henri de Raincourt. Moi, je préfère le petit Jésus ! (Sourires.)
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Il n'est pas question, monsieur Mélenchon, monsieur Pagès, de se reposer sur quelque prévision que ce soit. C'est d'ailleurs la différence entre vous et nous.
Nous, nous disons qu'il faut rester vigilant sur les dépenses, et donc mettre en oeuvre un certain nombre de propositions...
M. Jean-Luc Mélenchon. Le déficit était moins important avec nous !
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. ... et mettre en oeuvre résolument la réforme de la sécurité sociale.
Il faut d'abord travailler au sein des conseils d'administration des caisses pour réfléchir aux moyens de contenir la dépense.
Les acteurs du système de santé doivent ensuite faire preuve d'esprit de responsabilité - et je suis persuadé qu'ils le feront - afin que l'inflexion du rythme des dépenses qui s'amorce ne se démente pas.
Enfin, il faut permettre au Parlement de jouer le rôle central qu'il a réclamé depuis longtemps et qui lui est imparti par la Constitution. C'est vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui déciderez désormais chaque année, et dès l'automne prochain, des mesures qui permettront d'assurer l'équilibre de la sécurité sociale.
MM. Pagès et Mélenchon se demandent si l'on peut tenir l'objectif de 2,1 p. 100 pour les dépenses d'assurance maladie.
Il faut se souvenir que, au cours de l'année 1995, l'accélération des dépenses a conduit au dépassement que l'on sait. Mais, depuis six mois, la progression des dépenses s'est ralentie, et ces dernières n'ont plus jamais atteint le niveau du mois de novembre 1995. A l'évidence, une inflexion s'est produite. Les dépenses de l'assurance maladie ont même baissé de 0,4 p. 100 au mois d'avril. Nous devrions tous nous en réjouir, et je suis persuadé que vous le faites avec nous.
Selon le Gouvernement, l'objectif n'est donc pas hors de portée. Il faut que chacun fasse preuve d'esprit de responsabilité. Il semblerait que les médecins et les patients en aient conscience et s'apprêtent à faire preuve de cet esprit de responsabilité.
Après avoir apporté ces réponses, je me dois de m'adresser à vous, messieurs Mélenchon et Pagès. Nous savons que vous êtes des parlementaires de qualité, des hommes attachés, comme nous, à la défense de la sécurité sociale. Mais, messieurs, de grâce ! si critiquer est votre droit et votre devoir, donnez-nous cependant l'occasion, ne serait-ce qu'une seule fois, d'entendre une seule proposition !
M. Robert Pagès. Quand vous voudrez, monsieur le ministre !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous avons même un programme de Gouvernement !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

Question préalable