II. DETTE PUBLIQUE ET FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES : LE CHOIX DE L'ÉTATISME ET DE L'INCERTITUDE

Faute d'action volontaire et efficace sur la dépense publique, le gouvernement ne met pas les finances publiques de la France en position d'affronter les chocs de l'avenir. Alors que la dette publique de nos partenaires européens commence à se réduire, celle de la France n'est que stabilisée, et encore de façon précaire. Plutôt que de la réduire, le gouvernement préfère d'ailleurs créer un fonds de réserve pour financer les retraites par répartition.

A. LA DETTE PUBLIQUE N'EST PAS STABILISÉE DURABLEMENT

Pour la première fois depuis 1980, le poids de la dette publique dans le PIB devrait se stabiliser. Mais, il faut apporter deux tempéraments à ce bon résultat.

D'une part, la France est en retard d'un an sur la plupart de ses partenaires de l'Union européenne dans ce processus . A l'issue de son programme de stabilité (2002), elle aurait une des réductions de dette publique parmi les plus faibles de l'Union. Sa situation deviendra alors comparable à celle d'autres pays aujourd'hui moins bien placés qu'elle, et elle rétrograderait de la 4 ème place (1997) à la 7 ème place (2002) de l'Union pour ce ratio.

D'autre part, en l'absence des réformes nécessaires, il est permis de craindre que la dette ne pourra être durablement stabilisée.

1. Les déficits publics : un facteur persistant d'aggravation de la dette

L'Etat a atteint l'équilibre primaire 14( * ) en 1999, et devrait dégager un léger excédent en 2000.

Le programme triennal de stabilité fait état d'un excédent primaire croissant pour l'ensemble des administrations publiques.

 

1998

1999

2000 (1)

2001 (1)

2002 (1)

Solde primaire des administrations publiques (% PIB)

0,6

1,1

1,3/1,5

1,5/1,9

1,8/2,2

(1) Les deux objectifs correspondent respectivement à une hypothèse de croissance de 2,5 % ou de 3 %.

Dans ces conditions, la dette brute des administrations publiques devrait, au pire, rester stable dans la période 1998/2002 (à 52,3 % du PIB), au mieux, régresser de 58,2 % à 55,6 % du PIB.

La réduction du poids de la dette publique est toutefois obérée par la persistance d'un déficit structurel élevé pour l'ensemble des administrations publiques.

Le solde structurel des administrations publiques met en balance des recettes et des dépenses permanentes, hors de l'influence de la conjoncture. L'existence d'un déficit structurel témoigne de ce que l'Etat vit constamment " au-dessus de ses moyens ", car ses dépenses excèdent structurellement ses recettes.

La persistance du déficit structurel

(% PIB)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

- 2,2

- 2,1

- 1,6

- 1,4

- 1,1

- 0,8

Source : direction de la prévision

Faute d'entreprendre les réformes nécessaires, le gouvernement ne réduit plus le déficit structurel que très lentement. Votre commission observe d'ailleurs que les prévisions du gouvernement en la matière sont plus optimistes que celles de l'OCDE (voir infra III)

Or, cette attitude est doublement dangereuse :

- d'une part, compte tenu de la situation très provisoirement favorable des départs en retraite, le déficit structurel va s'améliorer de lui-même, dans les quelques années qui viennent, avant de se dégrader à nouveau très fortement ;

- d'autre part, les déficits structurels sont la source majeure de l'endettement sur moyenne période, les déficits conjoncturels ayant tendance à se compenser avec les excédents conjoncturels.

D'un point de vue qualitatif, votre rapporteur général observe que le gouvernement continue d'emprunter pour financer des dépenses courantes. S'il continue à se réduire, le déficit de fonctionnement de l'Etat atteint néanmoins 68 milliards de francs. Il est intéressant d'ailleurs de noter que le gouvernement, qui avait lors du débat budgétaire contesté la pertinence de cette donnée, en fait désormais état de façon officielle 15( * ) .

2. Le " hors bilan " non provisionné

La précaire stabilisation de la dette proposée par le gouvernement ne permettra pas de faire face aux chocs de l'avenir.

Il faut en effet ajouter à la dette actuelle les engagements " hors bilan " de l'Etat. Certains sont conditionnels : les garanties accordées aux établissements publics, aux crédits à l'exportation, à certaines formes d'épargne etc... Mais d'autres sont certains : les structures de défaisance (Crédit Lyonnais, Comptoir des entrepreneurs), les primes d'épargne-logement, ou les charges de remboursement de la dette de réseau privé en France 16( * ) . Surtout, ce sont les engagements en assurance-vieillesse et en assurance-maladie liés au vieillissement de la population

La direction de la comptabilité publique évalue à 314 milliards de francs au 31 décembre 1998 la dette garantie par l'Etat, mais ce chiffre est sous-estimé car il n'inclut pas toute la dette garantie implicitement.

D'après l'OCDE, les pensions de la période 1994/2070 ne sont pas financées à hauteur de 100 % du PIB de 1994. Pour l'ensemble du prochain siècle, on peut évaluer l'impasse financière des retraites à une somme comprise entre 50 % et 300 % du PIB de 1998.

L'explosion programmée des retraites publiques

Ainsi que votre commission l'a souligné à de nombreuses reprises, les charges de pension sont amenées à progresser dans les années à venir dans des proportions considérables. Il est donc nécessaire que soient prises rapidement les mesures nécessaires pour faire face au choc démographique des années à venir, c'est à dire réformer les régimes de retraite, en particulier les régimes publics. Le rapport du Commissariat général au Plan sur l'avenir du système français des retraites en avait estimé le surcoût, s'agissant des seuls fonctionnaires de l'Etat, entre 123 et 130 milliards de francs en 2020 et de 240 à 263 milliards de francs à l'horizon 2040.



Par ailleurs, selon certaines estimations obtenues par votre rapporteur général la dette implicite de l'ensemble du système de retraite français s'élèverait pour la période comprise entre 1998 et 2100 entre 50 et 300 points de PIB. Il ne s'agit pas là bien évidemment de prévisions exactes mais d'indications destinées à donner un ordre de grandeur quant à l'ampleur des besoins futurs de financement.

Il est dès aujourd'hui indispensable d'incorporer cette dette certaine à la dette publique, pour prendre la mesure des réformes à entreprendre et auxquelles le gouvernement renonce.

B. LA CRÉATION DU FONDS DE RÉSERVE POUR LES RETRAITES : UNE FAUSSE SOLUTION BUREAUCRATIQUE

Le gouvernement a décidé de créer, par la loi de financement pour la sécurité sociale de 1999, un fonds de réserve rattaché au fonds de solidarité vieillesse, destiné à recevoir les éventuels excédents des comptes sociaux, les recettes de privatisation et le produit de la mutualisation des caisses d'épargne.

D'après la direction de la prévision, les actifs de ce fonds pourraient représenter de 0,7 % à 1,5 % du PIB à l'horizon 2002, loin des enjeux financiers précédemment cités 17( * ) .

D'un point de vue économique, les réserves de ce fonds viennent s'imputer sur les engagements futurs des administrations publiques, ce qui est strictement équivalent à un désendettement de ces mêmes administrations. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'a lui-même reconnu au Sénat lors du débat sur le projet de loi relatif à l'épargne et à la sécurité financière.

La différence importante est que le gouvernement fait le choix d'une bureaucratisation accrue de l'économie. Ce choix a le mérite de la cohérence, car il est en conformité avec celui du maintien d'une pression fiscale élevée pour réduire les déficits publics, au détriment d'une action sur les dépenses.

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