CHAPITRE V :

LES FINANCES LOCALES A LA RESCOUSSE
DU GOUVERNEMENT

Les collectivités locales contribuent positivement au solde budgétaire de la France depuis 1996. Leur excédent s'est consolidé en 1997 pour atteindre 22,7 milliards de francs, soit 0,22% du PIB. Les estimations pour 1998 et 1999 s'établissent à 0,15%.

Pour les années à venir, le programme pluriannuel de finances publiques à l'horizon 2002, transmis par le gouvernement français à la Commission européenne, envisage la reconduction de soldes excédentaires, compris entre 1,3 et 1,5% du PIB pour 2000, 1,5 et 1,9% pour 2001 et 1,8 et 2,2% en 2002.

Le constat renouvelé d'un excédent comptable permet de mettre définitivement fin aux doutes concernant les capacités de gestionnaires des collectivités locales. Cependant, il ne doit pas conduire à considérer celles-ci comme la variable d'ajustement du déficit de l'Etat. Ainsi, il est regrettable que le gouvernement n'ait pas su résister à cette tentation, comme en témoigne la réforme de la taxe professionnelle opérée par la loi de finances pour 1999, qui aura pour conséquences une réduction probable des recettes des collectivités locales et une augmentation certaine des recettes du budget de l'Etat.

De manière générale, les orientations du gouvernement actuel en matière de finances locales remettent en cause la stratégie poursuivie ces dernières années par les collectivités locales, qui a permis de réduire le poids de l'endettement afin de retrouver des marges de manoeuvre financières pour relancer leurs investissements. En effet, les collectivités locales doivent maintenant faire face à des charges de fonctionnement nouvelles, tandis que l'évolution de la structure des concours financiers de l'Etat ne récompense pas leurs efforts pour limiter la pression fiscale .

I. LA PROGRESSION "TOUJOURS PLUS VIVE" DES CHARGES

L'amélioration de la situation financière des collectivités locales depuis 1996 est largement due à la maîtrise de leurs dépenses. Les élus locaux ont fait des efforts de maîtrise des dépenses courantes et ont préféré différer la réalisation de certains investissements afin d'accélérer le désendettement. Il en est résulté une diminution de leurs dépenses d'investissement, dont le niveau actuel est inférieur à celui de 1993.

Cette situation est appelée à évoluer. La maîtrise des dépenses courantes est compromise par les décisions du gouvernement en matière de rémunérations tandis que les dépenses d'investissements augmenteront inéluctablement en raison des besoins et des normes de plus en plus strictes. C'est pourquoi, de l'aveu même du gouvernement 20( * ) , les années à venir seront marquées par une " progression toujours plus vive " des dépenses des collectivités locales.

Une constante : les transferts de charges non compensés

L'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que " tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l'Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l'Etat aux communes, aux départements et aux régions des ressources nécessaires à l'exercice normal de ces compétences ".

Pourtant, chaque année, des dispositions législatives confèrent des compétences aux collectivités locales sans toujours procéder au transfert symétrique de nouvelles ressources.

Par exemple, le projet de loi relatif à l'accueil des gens du voyage, actuellement en discussion au Parlement, prévoit, dans son article 6, que " des conventions passées entre le gestionnaire d'une aire d'accueil et le département déterminent les conditions dans lesquelles celui-ci participe aux dépenses de frais de fonctionnement des aires d'accueil prévues au schéma départemental sans que cette participation puisse excéder le quart des dépenses correspondantes ".

Compte tenu de la multiplication des transferts de charges non compensés, il apparaît plus que jamais nécessaire de faire vivre les dispositions, non appliquées, de l'article L. 1613-3 du CGCT selon lesquelles " la commission consultative [d'évaluation des charges] établit à l'intention du Parlement, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances de l'année, un bilan de l'évolution des charges transférées aux collectivités locales ".

A. L'ACCÉLÉRATION DES INVESTISSEMENTS

L'investissement des collectivités locales représente les trois quarts de l'investissement public en France et constitue une composante incontournable de l'effort d'équipement de notre pays.

Il convient donc de se réjouir de la confirmation du redémarrage vif de l'investissement local qui, selon le Crédit local de France 21( * ) aurait progressé de 7,2% en 1998, la tendance pour 1999 s'établissant à 5,1%.

La principale explication réside dans l'impossibilité pour les collectivités de différer plus longtemps les investissements de mise aux normes de leurs équipements. Selon une étude du Crédit local de France et du cabinet Arthur Andersen, 70% des investissements nécessaires dans ce domaine restent à réaliser, pour un coût de 90 à 100 milliards de francs.

La reprise de l'investissement s'inscrit dans une logique vertueuse puisque les collectivités locales ont massivement recours à l'autofinancement et délaissent les emprunts, marquant ainsi, selon le ministère de l'Intérieur, " une volonté manifeste de rompre avec la tendance passée de progression constante de l'endettement " 22( * ) .

Toutefois, cette dynamique pourrait être remise en cause par les décisions du gouvernement qui obligent les collectivités locales à accroître leurs dépenses de fonctionnement, qu'elles étaient pourtant parvenues à maîtriser.

B. LES CONSÉQUENCES DES ACCORDS SALARIAUX DANS LA FONCTION PUBLIQUE

Le programme pluriannuel des finances publiques à l'horizon 2002 indique que, s'agissant des collectivités locales, " la progression des dépenses de personnel devrait être modérée " 23( * ) .

Ce point de vue est difficilement recevable puisque, au contraire, les modalités de l'accord salarial dans la fonction publique du 10 février 1998 pénalisent très fortement les budget locaux. Selon l'Observatoire des finances locales 24( * ) , le coût total de l'accord représentera 5,8% des frais de personnel payés par les communes, départements et régions sur l'exercice 1997.

Selon le rapport sur les rémunérations de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 1999 (le " jaune " budgétaire), le surcoût de cet accord pour les collectivités locales est de 2,2 milliards de francs en 1998, 4,3 milliards de francs en 1999 et 3,5 milliards de francs en 2000. A titre de comparaison, en 1999, une année particulièrement faste compte tenu du taux de croissance élevé du PIB, la dotation globale de fonctionnement a augmenté de 3,4 milliards de francs par rapport à 1998.

(en milliards de francs)

Coût de l'accord salarial du 10/02/98 en 1999 par rapport à 1998

Augmentation de la DGF en 1999 par rapport à 1998

4,3

3,45

Pour 1998, l'INSEE 25( * ) estime que les rémunérations des agents des collectivités territoriales ont augmenté de 4,6%, sous l'effet conjugué de l'accord salarial et du recrutement des emplois-jeunes.

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