III. M. JEAN-MICHEL JOUBIER
RESPONSABLE DU SECTEUR FORMATION DE
LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU TRAVAIL (CGT)

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M. le Président - Merci d'avoir répondu à notre invitation. Je vais vous passer la parole. Pouvez-vous nous dire comment vous voyez cette affaire, cette affaire que je ne sais pas bien nommer - on a parlé de stages diplômants, on n'en parle plus -et mes collègues et moi vous poserons quelques questions.

M. Jean-Michel Joubier - J'ai la responsabilité du secteur formation à la CGT et je suis accompagné d'Isabelle Masson, qui est secrétaire générale du centre confédéral de la jeunesse à la CGT.

Je ne sais pas trop moi non plus si l'on doit parler de stages diplômants, ou de stages de première expérience en entreprise, puisque lorsque nous avons rencontré M. Pineau-Valencienne, il nous a dit que l'appellation de stage diplômant n'était pas la sienne et qu'il préférait stage de première expérience en entreprise.

Comment aborder cette question ?

Nous pensons qu'effectivement, dans le cadre de la formation professionnelle, l'entreprise a un rôle à jouer et nous sommes, nous l'avons dit et écrit, en faveur de la mise en place d'une alternance, qu'elle soit sous statut scolaire ou sous contrat de travail, en précisant que lorsqu'aujourd'hui les médias ou les organisations parlent d'alternance, on n'évoque que l'aspect contrat de travail : nous pensons qu'il n'y a aucune raison, en matière de formation professionnelle, qu'on ne puisse pas développer également l'alternance sous statut scolaire.

Ceci étant, il ne semble pas que ce soit cette question-là qui soit posée par le CNPF. Il semble que le dispositif proposé s'adresserait à des jeunes en formation universitaire et en formation générale, donc non professionnelle, et que, de la façon dont les choses nous ont été présentées, il s'agirait d'un stage long de 9 mois, c'est-à-dire quasiment une année universitaire.

Il faut être clair, parce que je crois que l'on est en train de mélanger deux types de problème.

Il y a aujourd'hui effectivement, dans le cadre de la formation, un besoin de connaissance de l'entreprise, mais cela doit se faire en cohérence avec l'objectif de la formation.

Par ailleurs, se pose le problème de l'insertion, de l'arrivée du jeune dans l'entreprise, et donc de l'emploi.

Or je crois que l'on ne peut pas, pour améliorer les conditions d'emploi des jeunes, mélanger les deux types de problème, le problème de formation et l'aspect insertion, connaissance de l'entreprise.

Je ne sais pas où en est aujourd'hui la proposition initiale du CNPF, parce que le CNPF nous avait dit qu'il nous enverrait en tout début de cette semaine un projet formalisé, mais nous ne l'avons toujours pas reçu. Nous craignons quand même, derrière ce projet, de retrouver quelque chose qu'on avait connu dans le passé et qui était prévu par la loi quinquennale sur l'emploi c'est-à-dire un certain contrat d'initiation professionnelle ; je devrais dire même un sous CIP, puisque le stage serait à peu près de même durée, mais au niveau de l'indemnisation on est loin de ce qui était proposé dans le cadre du CIP, que les jeunes avaient d'ailleurs massivement rejeté, à tel point que le gouvernement avait été conduit à annuler cette mesure.

Nous pensons qu'il faut mener une réflexion au plan national, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale et le patronat, sur la mise en place et le développement de stages, avec une relative réglementation qui assurerait des garanties aux jeunes en formation, mais nous estimons que la proposition patronale aujourd'hui ne correspond ni aux besoins ni à cette démarche.

Nous avons donc intérêt, dans nos réflexions et dans le débat, à bien séparer l'aspect formation et l'aspect emploi et insertion dans l'emploi, qui sont deux problèmes de nature différente et qui nécessitent des approches et des solutions différentes.

M. le Président - Merci Monsieur. C'est en effet un bon moyen de poser le problème.

Je vais demander à mes collègues de poser leurs questions, et le dialogue va s'établir.

M. Ivan Renar : Vous parlez d'insertion, mais d'après ce que j'ai pu lire, il ne s'agit pas de stages d'insertion mais de stages dits diplômants, parce qu'il ne s'agit pas, pour les étudiants, d'entrer dans la vie active. L'objectif, comme le disait M. Gandois, est de procurer une "carte de visite" aux étudiants qui leur permettra de se présenter à une embauche ultérieure.

Je dis cela parce que la problématique n'est pas tout à fait la même.

Cela étant, nous nous posons autant de questions que vous, et je voudrais avoir votre avis sur la durée des stages envisagée, c'est-à-dire neuf mois, sur le niveau d'indemnisation, surtout si le jeune doit se loger à l'hôtel, puisqu'on dit que le jeune ne pourrait peut-être plus être logé en cité universitaire et sur les horaires hebdomadaires des stagiaires. Il faudrait s'assurer que ces stages ne risqueront pas d'aller à l'encontre de l'embauche de jeunes diplômés qui arrivent, eux, normalement sur le marché du travail, et la tentation pourrait être de faire accomplir à ces jeunes stagiaires autre chose qu'un stage diplômant.

Enfin, qui doit piloter ces stages, est-ce que c'est l'Etat, via le ministère de l'éducation nationale, où est-ce que ce sont les employeurs ou leur organisation patronale, et dans ce cas-là quel est le rôle de l'éducation nationale ?

M. Jean-Claude Carle - Je me réjouis de votre position favorable à l'alternance, et je suis d'accord avec vous : quel que soit le statut des bénéficiaires, statut scolaire ou statut de contrat d'apprentissage ou autres, je crois qu'il faut que les deux formules coexistent.

Cependant, est-ce que l'alternance n'a pas une dimension plus vaste et est-ce qu'il ne faut pas y voir un passage quasi obligé à tout moment d'un cursus universitaire et plus particulièrement en fin de cursus ? C'est-à-dire qu'il faut peut-être déconnecter cela du statut, soit du statut du stagiaire soit du statut de l'étudiant, car on voit aujourd'hui des jeunes de niveau bac + 5 ou plus, et qui sont confrontés à la réalité du chômage parce qu'ils ne sont pas suffisamment opérationnels.

Quelle est votre position par rapport à ce problème de l'alternance ?

M. Daniel Eckenspieller - Je voudrais revenir sur ce qu'on a dit à l'instant, à savoir qu'il n'existe aucun projet qui soit écrit noir sur blanc.

Je voudrais vous poser la question de savoir s'il vous paraît choquant que, au cours de leur cursus universitaire, des étudiants qui font des études générales, disons plutôt des études qui ne sont pas professionnelles, parce que les études ne sont jamais générales, effectuent un semestre d'immersion dans une entreprise au cours de leur cursus, éventuellement proche de leur futur domaine d'activité ou éventuellement, même, un peu éloignée, pour prendre en compte les réalités sociales et économiques de la vie de l'entreprise.

Pour eux, cela peut être une expérience indispensable pour s'insérer par la suite dans la vie professionnelle et aussi un atout de pouvoir se prévaloir de cette expérience quand ils auront terminé leur cursus universitaire, qu'ils seront diplômés et qu'ils seront véritablement en recherche d'emploi, étant rappelé qu'ils conserveraient leur statut d'étudiant et que ce stage se ferait sous le contrôle des instances universitaires.

M. André Maman - J'ai l'impression que cette formule risque de ne pouvoir être appliquée de la même façon partout en France. Il faudrait qu'on laisse chaque université s'organiser, et ce qui m'inquiète, c'est que l'on dise : nous attendons un plan et ce plan va être appliqué, et que l'on ne tienne pas compte des initiatives privées.

Je trouve pour ma part très positif que les jeunes aient ce sens de l'entreprise, pour leur personnalité, leur dignité ; même s'ils sont employés à un salaire qui n'est pas très élevé, cela leur permet de sortir de leurs études.

Certains étudiants ont en effet étudié pendant quinze ans et plus, et ils auraient ainsi la possibilité d'approcher une réalité différente, où peut-être ils vont trouver leur voie ; il faut leur laisser cette opportunité le plus tôt possible, dans leurs études, et pas au-delà de bac + 5 ou bac + 6.

Je souhaiterais donc une diversité dans les solutions proposées en laissant une large part à l'initiative privée dans le cadre des régions, sans instituer un carcan de lois ou de règlements.

J'ai eu l'impression, en écoutant M. Joubier, qu'il y avait un souci de protéger les gens qui cherchent du travail, mais il ne faut pas que ces derniers se sentent menacés par ces jeunes stagiaires.

Il nous revient donc de présenter ces stages diplômants comme ils le méritent, avec les avantages qu'ils ont et les inconvénients qu'ils présentent, mais en limitant les dangers pour les gens déjà en place.

Je crois que c'est là quelque chose d'important si l'on veut assurer la réussite de ces stages diplômants.

M. Ivan RENAR : Comme votre organisation syndicale est multidisciplinaire, j'avais justement une question : comment peut se faire l'articulation de ce nouveau statut de stagiaire avec les multiples statuts existants déjà au bénéfice des jeunes à l'intérieur des entreprises ?

Ce qui me frappe en effet quand on regarde les entreprises, c'est la multiplicité des statuts, qui ont d'ailleurs assez souvent comme caractère commun la précarité.

Est-ce que vous seriez d'accord pour expérimenter de ce qui est proposé par le CNPF ?

M. le Président - Voici mes questions. J'en ai une qui est très générale, mais c'est simplement pour nous aider à bien comprendre votre position. Est-ce que, sur le principe, vous êtes favorable ou défavorable à ce type de proposition, sans en regarder l'origine ?

Autre question, plus précise, vous avez parlé de l'alternance et des deux statuts de l'alternance, scolaire et sous contrat de travail. Est-ce que vous ne pensez pas que nous avons là l'occasion de développer l'alternance sous statut scolaire ?

Ce qui me frappe, en effet, c'est que dans l'esprit de nos compatriotes, on confond très souvent alternance et apprentissage, et par conséquent alternance et contrat de travail, et là on a une initiative qui vient du patronat, qui permet de développer l'alternance sous statut scolaire.

Troisième question : est-ce que pour vous l'indemnisation doit être forfaitaire et unique pour tous les étudiants ou est-ce qu'elle pourrait être modulée pour tenir compte des situations de ces étudiants, parce que celui qui habite à côté de l'entreprise où il va travailler, ou à côté de sa cité universitaire, dans laquelle il pourra continuer à loger, est plus favorisé que celui qui doit effectuer 100 km.

M. Jean-Michel Joubier - Oui nous pensons que l'entreprise peut et même devrait jouer un rôle dans le cadre de la formation des jeunes ; pas n'importe comment, pas n'importe quelle entreprise, parce qu'il faut prendre en compte les problèmes de garanties, de sécurité, de nature des travaux, etc .

C'est pour cela que j'ai dit d'entrée de jeu que nous étions effectivement favorables au développement et à l'alternance - c'est la première chose - mais je ne suis pas persuadé que ce qui nous est proposé là se situe dans cette perspective. C'est pour cette raison que nous avons un problème. Le constat, aujourd'hui, c'est que les jeunes, qu'ils soient, à la recherche d'un contrat d'apprentissage, d'un contrat de qualification ou qu'ils soient sous statut scolaire, ont souvent de sérieuses difficultés à trouver, soit un maître d'apprentissage, soit un employeur dans le cadre du contrat de qualification, voire à trouver un lieu de stage quand ils sont scolarisés ; combien de fois entend-on les enseignants dire : on a pris ce qu'il y avait et pas forcément les stages qui étaient le plus en cohérence avec la formation initiale des jeunes.

Dans le même temps, alors que l'on connaît cette situation difficile et tendue sur les stages, Didier Pineau-Valencienne dit, du moins nous a dit quand nous l'avons rencontré : en vitesse de croisière nous envisageons 200.000 stages.

M. le Président - Il en a quand même rabattu.

M. Jean-Michel Joubier - Donc, on peut commencer à s'interroger sur la nature des stages, leur avenir et leurs incidences.

En ce qui nous concerne nous disons qu'il y a effectivement un besoin aujourd'hui en matière de stages, qu'il faut prendre en compte leur diversité, et non pas imposer un carcan jacobin national. Mais ne serait-ce que pour la protection des jeunes, pour assurer des garanties et une égalité d'accès, il est nécessaire de prévoir un minimum de réglementation sous le contrôle du ministère de l'éducation nationale.

Je le dis d'autant plus que, si vous me permettez de vous faire part de mon expérience, parce que du temps de la fameuse commission éducation-profession-elle n'existe plus-, qui était sous la responsabilité du ministre de l'éducation nationale, commission restreinte composée de cinq représentants des organisations syndicales, cinq représentants du patronat et cinq experts, dont à l'époque la FEN puisqu'il n'y avait pas encore la scission, nous avions discuté des périodes de formation en entreprise. Je me souviens des représentants du CNPF réclamant fortement le droit pour l'employeur de choisir, c'est-à-dire d'avoir un droit de veto sur l'accueil des jeunes, même si ces employeurs étaient volontaires pour accueillir un jeune, et disant à un moment donné : vous savez bien que certains employeurs n'accueilleront pas certains jeunes, même s'ils sont d'accord pour en accueillir un, compte tenu de la couleur de la peau ou de la consonance de leur nom.

Ce sont là des choses qui existent et il ne sert à rien de se les cacher.

Donc, s'il n'y a pas un minimum de réglementation et de protection on va vers des situations qui vont accentuer les inégalités entre étudiants, entre jeunes, et à partir de là les inégalités dans l'accès au marché du travail.

Il ne s'agit donc pas de mettre un carcan, mais d'instaurer un minimum de règles.

La deuxième chose, c'est qu'il ne faut pas mélanger le problème de l'insertion, donc de l'arrivée dans l'emploi, une fois le cursus scolaire ou universitaire et le cursus de formation terminés, et cette première expérience professionnelle. Pour notre part, nous sommes prêts à discuter dans un premier temps du cursus de formation ; la durée de stage proposée dans le cadre d'un cursus universitaire nécessiterait aujourd'hui soit que l'on allonge les durées de formation -et pourtant Dieu sait si j'entends dire aujourd'hui qu'il vaut mieux freiner l'allongement de la scolarité, et là on va l'allonger-soit que l'on touche aux enseignements théoriques nécessaires et indispensables qui existent aujourd'hui.

M. le Président - Vous permettez que je vous arrête, parce que cela peut nous aider à comprendre votre position : vous n'êtes pas favorable aux neuf mois, mais l'argument qui me frappe, c'est celui qui tient aux études elles-mêmes, c'est-à-dire que neuf mois, c'est trop long, et que cette durée ne s'intègre pas dans le cursus. Qu'en serait-il alors d'un semestre, soit quatre mois et demi ?

M. Jean-Michel Joubier - C'est ce que nous a dit M. Bayrou quand nous l'avons rencontré hier : quatre mois et demi, c'est en effet un semestre universitaire ; dans ce cas-là, discutons des référentiels des formations.

Il faut que les choses soient claires : si on ne touche pas au niveau des formations, c'est-à-dire si globalement le contenu des connaissances à acquérir en la matière, n'est pas remis en cause, nous ne serions pas opposés à une telle formule.

C'est cela qui nous importe, et une durée de neuf mois, soyons clairs, aura un effet d'aubaine pour un certain nombre d'entreprises, on le sait bien, et cela permettrait des substitutions entre des jeunes diplômés qui ne seront pas embauchés, et ces jeunes stagiaires peu coûteux pour les entreprises. Par ailleurs, et cela me permet de répondre sur l'indemnisation, ce sont des jeunes qui sont quasiment en fin de cursus, d'après ce que prévoit le CNPF aujourd'hui.

M. le Président - C'est vrai que l'on ne sait plus très bien où l'on en est !

M. Jean-Michel Joubier - Absolument, mais au départ, c'était les étudiants de deuxième cycle qui étaient visés

M. le Président - Ce que nous avons entendu ce matin était différent.

M. Jean-Michel Joubier - Effectivement, ce que nous a dit M. Pineau-Valencienne, c'est qu'on pourrait peut-être faire une partie des stages dans le premier cycle et une partie dans le second cycle.

Cela étant, j'attends le texte parce que pour l'instant on discute sur des choses un peu flottantes.

Pour en revenir à l'indemnisation, ce sont quand même des jeunes qui ont déjà un niveau de formation, qui ont une capacité de travail, certes pas la même que celle qu'ils auront à la fin de leur formation, mais qui ont déjà une capacité de travail, de réalisation de projet, et qui vont donc produire dans l'entreprise, l'appellation " première expérience professionnelle " répondant bien à un objectif de travail. Il ne s'agit pas simplement de visiter l'entreprise et de voir son organisation : ces jeunes vont produire, ils vont créer des richesses, dont bénéficiera l'entreprise.

Certes l'entreprise devra prévoir un tuteur, et là espérons, parce qu'on sait que dans les formations où il doit y avoir des tuteurs il n'y en a pas toujours, qu'il y aura vraiment un tuteur, mais ces stagiaires seront quand même à la source d'un " bénéfice ", et si vous me permettez ce terme, d'un " profit " pour l'entreprise.

Nous pensons que l'indemnisation du jeune doit se faire en fonction de son niveau de formation et du type d'activité - je n'ai pas employé le terme " travail " - qu'il va exercer dans l'entreprise.

Je ne peux pas vous dire aujourd'hui de combien sera cette indemnisation, parce que le problème n'est pas de vous donner une échelle, mais ce sont des éléments qui doivent se discuter, y compris avec les organisations étudiantes, qui sont d'ailleurs demandeurs de stages.

Il ne s'agit donc pas de remettre en cause le principe du stage, et c'est bien pour cela que j'ai dit que nous n'étions pas forcément contre le stage, mais la proposition telle qu'elle a été formulée globalement et présentée par la presse.

C'est pour cela que je dis que l'alternance doit se développer dans le cadre de la formation.

Jusqu'à il y a dix ans, un jeune qui sortait de l'école et qui était embauché était généralement plus embauché en CDI qu'il ne l'est aujourd'hui ; il avait un salaire conventionnel de base, de début, et l'entreprise, payait en fait le coût de l'adaptation du jeune, de la période nécessaire entre la sortie de l'école et le moment où il devenait " rentable ", ou opérationnel.

Aujourd'hui, avec la nouvelle logique de réduction du coût du travail, et de chasse aux coûts d'exploitation, l'entreprise refuse de payer le coût d'adaptation ; nous estimons même à cet égard que la proposition du CNPF ressemble à une période d'adaptation.

Bien sûr il ne s'agit pas de l'entrée immédiate dans un emploi, parce que le jeune va poursuivre ses études, mais il s'agira quand même d'une période d'adaptation à l'entreprise pour rechercher une meilleure efficacité et une meilleure rentabilité à terme du jeune, le coût de cette période étant transféré sur la collectivité publique.

Après tout, la collectivité peut décider à un moment donné de prendre ce coût en charge : débattons-en, mettons clairement les choses sur la table, mais ne mélangeons pas les deux problèmes.

M. Robert Castaing - Je vais me faire l'avocat du diable, mais si le tutorat existe réellement, s'il est fait convenablement, il a un coût : le fait que l'on enlève quelqu'un à l'entreprise pour former le stagiaire a un coût aussi pour l'entreprise.

On peut du moins l'exprimer ainsi, parce que moi aussi j'essaye, comme vous, de voir tous les arguments pour et tous les arguments contre, et il faut bien reconnaître que l'on reste un peu sur notre faim.

M. Jean-Michel Joubier - Il faut savoir, dans la réalité, que le tuteur n'est pas en permanence avec le jeune, qu'il travaille ailleurs.

S'il y a autant d'échecs et de ruptures dans les contrats d'apprentissage, et s'il n'y a pas suffisamment de réussites à l'examen, c'est bien qu'il y a à un moment donné un problème de présence et de formation dans l'entreprise. C'est une réalité.

Ensuite, l'entreprise est aussi gagnante, parce que toutes les expériences ont montré qu'un tuteur qui fait bien son travail s'enrichit lui-même, qu'il est plus performant, plus qualifié et à terme plus efficace pour l'entreprise.

Le tutorat apparaît donc, dans les faits, comme une formation qualifiante pour le tuteur, et cela apporte un " plus " à l'entreprise. Il faut aussi calculer le retour sur investissement pour l'entreprise.

C'est donc quand même une opération qui est sacrément bénéfique pour l'entreprise.

M. le Président - Même si - permettez-moi d'insister un peu plus - nous admettons ce que vous dites, est-ce que vous ne pensez pas, en stratégie pure, que l'on risque de perdre une chance qu'on ne retrouvera pas de si tôt si ce projet n'aboutit pas ?

M. Jean-Michel Joubier - J'ai un problème pour parler en termes de stratégie...

M. le Président - D'accord, le terme n'était peut-être pas bon.

M. Jean-Michel Joubier - Je vais expliquer pourquoi. C'est parce qu'au coeur de tout cela, c'est le jeune qui est là, le jeune qui n'est pas une marchandise, qui est un être humain, c'est son avenir, c'est la qualité de la formation reçue qui est en jeu. C'est aussi à partir de là que son avenir pourra se construire.

Donc je ne peux pas simplement dire qu'on va peut-être " louper " une occasion, je raisonne aussi par rapport aux pratiques que l'on connaît d'un certain nombre d'entreprises ; ça ne veut pas dire que toutes les entreprises se conduisent comme des " sagouins " vis-à-vis des jeunes, ce n'est pas vrai.

Ceci étant, il y a quand même un grand nombre de problèmes, et on évoque un domaine qui est celui de la formation d'un individu en train de se construire, en devenir, et qui a toute une vie devant lui ; c'est quelque chose sur quoi on ne peut pas s'amuser à parier, il faut quand même avancer avec le maximum de certitudes et de garanties, sinon c'est un individu qu'on démolit.

M. le Président - Merci. Votre prestation nous a intéressés. Elle était dense et très éclairante.

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