Saïd Omar Oili,
sénateur de Mayotte

Madame la présidente, je m'associe aux propos de mon collègue Thani Mohamed Soilihi que je vais compléter, allant même parfois à l'encontre de certaines préconisations présentées ici. Nous aurons l'occasion d'en débattre librement notamment en commission. Comme vous l'avez souligné lors de votre élection, Monsieur le président, il faut toujours être un sénateur libre et défendre son territoire.

Mayotte fait face depuis plusieurs mois à une crise majeure de l'eau qui annonce très concrètement ce que d'autres territoires ultramarins subiront dans les prochaines années. Cette crise s'abat sur le territoire le plus pauvre de la République. Les indicateurs de pauvreté illustrent ce fossé avec l'Hexagone : 84 % de la population de Mayotte vit sous le seuil de pauvreté. De surcroît, l'afflux d'une population étrangère accentue une poussée démographique de plus de 4 % par an, la plus forte de la République. L'année 2022 a battu un record avec plus de 21 000 naissances. L'équivalent d'une classe de primaire naît tous les jours à Mayotte.

J'avais proposé un amendement concernant la limitation du droit au séjour à Mayotte. Les étrangers en situation régulière sont assignés à Mayotte alors qu'elles ont une carte de séjour. Cet amendement a été refusé au motif qu'il créerait un appel d'air. Qu'est-ce qu'un appel d'air ? Aujourd'hui, 35 000 personnes résident à Mayotte d'une manière régulière sans pouvoir aller ailleurs.

Aujourd'hui, nous sommes le deuxième territoire ultramarin en nombre d'habitants, avec 350 à 400 000 habitants, alors que nous avons un territoire de 374 kilomètres carrés, soit une densité de 2 600 habitants au kilomètre carré.

Cette crise de l'eau découle des changements climatiques que les experts avaient prévus pour nos territoires. À Mayotte, le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) répertorie 11 structures de l'État et sa périphérie comme acteurs de l'eau, sans compter les collectivités. Certains demandent à retirer la compétence aux élus. Je ne suis pas d'accord. Je suis très jaloux de la libre administration des collectivités. Il faut qu'à Mayotte aussi, nous soyons libres de gérer. Ce que nous voulons, c'est un appui pour pouvoir mettre en oeuvre nos projets.

L'effort de rationalisation dans la gestion de l'eau ne devrait pas concerner que les collectivités territoriales, mais aussi les services de l'État. Comment se fait-il qu'aucun des 11 services de l'État n'ait tiré la sonnette d'alarme au cours des dernières années ? Deux chiffres illustrent ce fossé entre une gestion de l'eau dans l'Hexagone et à Mayotte. Dans le rapport de nos deux collègues, il est indiqué que chaque habitant consomme par jour 146 litres d'eau dans l'Hexagone. C'est 60 litres à Mayotte. 250 000 personnes ne sont pas raccordées sur une population de 350 000. Selon les chiffres de l'Insee, 100 000 habitants de Mayotte n'ont pas l'eau courante.

Parler de résilience des Mahorais revient à leur manquer de respect. Ils ne descendent pas dans la rue pour réclamer de l'eau, car ils n'en ont jamais eu. Donnez-leur de l'eau, et s'ils en manquent, ils descendront dans la rue.

Il faut que collectivement nous prenions à bras le corps la question de l'eau dans nos territoires. Cette crise majeure de la ressource en eau à Mayotte aura au moins un aspect positif : permettre de mettre enfin ce dossier sur le dessus de la pile au Sénat et peut-être, au niveau du Gouvernement.

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