Françoise Gatel,
sénateur d'Ille-et-Vilaine,
président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et rapporteur de la mission d'information
encourager l'intercommunalité en Polynésie française
rapport Sénat n° 123 (2023-2024)

Monsieur le président,

Mesdames et messieurs les sénateurs,

Chers collègues députés,

Représentants des associations d'élus, notamment de l'AMF,

Et vous tous qui venez des outre-mer pour nous parler de ce que vous êtes, de vos ambitions et de ce que vous attendez de nous.

Je ne suis pas des outre-mer, mais de la Bretagne. Néanmoins, je vous rassure, dans cette terre de Bretagne, les gens ont aussi beaucoup de caractère et de détermination, et je suis heureuse de les partager avec mes collègues.

Les sénateurs ont du caractère, de la conviction et de la détermination. Nous ne lâchons rien et le président Gérard Larcher est l'excellent chef d'orchestre d'une tribu qui défend le bloc local, notamment la commune. La commune est souvent qualifiée de dernier kilomètre. Je pense au contraire qu'elle représente le premier kilomètre, celui de la proximité, où chaque jour se conjuguent les valeurs de notre République, la liberté, l'égalité et la fraternité. C'est autour du maire que la cohésion sociale dont nous avons tant besoin se fabrique. Je vous invite à lire l'excellent édito du Figaro de ce matin qui parle des maires comme des gardiens du temple. Les maires sont les gardiens du temple de la République et de la solidarité.

Au Sénat, nous avons de la voix, de la conviction. Nous sommes tous différents, mais nous partageons le même discours et la même action. Nos propos, comme ceux de Micheline Jacques dont je salue la récente élection à la présidence de la délégation aux outre-mer, sont les mêmes, avec nos mots et nos accents. Je voudrais brièvement rappeler les très récents travaux du Sénat.

Notre première action concerne la protection des élus. Il n'est pas acceptable dans une République et une démocratie que ceux qui s'engagent librement, comme des citoyens responsables pour porter l'intérêt général et servir leurs concitoyens soient victimes d'agressions ou du « bashing » d'élus comme nous le connaissons. Nous avons donc voté à la quasi-unanimité une proposition de loi sénatoriale sur la protection des élus. Au-delà des items que Mathieu Darnaud a évoqués, les maires doivent rester extrêmement vigilants sur le lien renforcé entre l'univers de la justice et les élus locaux. Il n'est pas normal qu'un maire ne sache pas ce qu'il advient des plaintes déposées. Parfois, ces plaintes n'étaient même pas prises en compte. Il est important que le maire sache ce qu'il advient d'un citoyen qui avait été éloigné du territoire pour une raison ou une autre et qui y revient. Il faut assurer cette chaîne de sécurité pour que le maire puisse exercer son mandat.

Notre deuxième action a trait au statut de l'élu. Le terme de statut est gênant, car parmi les maires figurent des retraités, des salariés de l'État, des salariés de petites ou grandes entreprises. Chaque citoyen dans notre pays doit être à même de pouvoir s'engager pour servir ses concitoyens s'il le souhaite. Si le mandat d'élu est un engagement civique, il n'est plus normal que les élus locaux subissent des conséquences financières négatives. Nous avons rendu jeudi dernier huit propositions pour vous accorder une indemnité qui permette de ne pas subir de pertes par rapport à votre situation professionnelle antérieure. Nous travaillerons de la même manière sur la retraite. L'État doit assumer une partie de cette indemnité. Quand vous exercez votre mandat de maire, vous assumez des tâches de l'État : l'état civil, l'organisation des élections, l'urbanisme. S'il fallait remplacer l'ensemble des exécutifs par des fonctionnaires, le coût pour l'État serait d'une autre nature et la qualité de l'engagement ne serait pas le même.

Nous travaillons actuellement sur deux autres volets de ce statut de l'élu. Nous devons tout d'abord faciliter l'engagement et l'exercice du mandat. Il doit être plus facile d'obtenir des autorisations d'absence, se déplacer, faire garder ses enfants, etc. Un étudiant peut aussi éprouver l'envie de devenir un élu local. De même, vous devriez pouvoir être maire sans avoir besoin à longueur de journée de paracétamol, parce que les services de l'État vous donnent la migraine. Je l'ai vécu en tant que maire. Nous devons par ailleurs encourager les gens à s'engager sur un mandat de maire, parce que leur sortie sera sécurisée. Vous connaissez comme moi des élus qui ont pris des engagements en termes de réduction de temps de travail, qui ont parfois vécu des vies personnelles difficiles à cause de leur engagement, et qui, le dimanche soir, ont été balayés et se sont retrouvés sans emploi, avec des difficultés pour se réinsérer.

Je voudrais saluer tout particulièrement la Polynésie française. À la demande du président du Sénat et notre collègue Lana Tetuanui, nous avons mené voilà quelques mois une mission en Polynésie française sur l'intercommunalité et nous avons découvert, si nous ne le savions pas, ce que sont l'éloignement par rapport à l'Hexagone, l'insularité et les différences des outre-mer. L'égalité de droits se reconnaît par la différence des moyens. Il faut que l'État nous écoute. L'État aurait moins d'ennuis s'il nous permettait d'agir. Je pense que dès lors qu'on leur laisse de la liberté, les élus locaux savent faire. Il est très important de trouver des solutions qui vous conviennent du mieux possible au sein des outre-mer. Nous étions tout à l'heure en réunion avec nos amis des îles Marquises. Nous défendons l'idée qu'il faut expérimenter un EPCI d'archipel auquel on donnerait des capacités d'agir en matière économique et touristique. Bientôt, aux îles Marquises, il existera un site patrimonial de l'Unesco. Ce territoire doit avoir les moyens d'agir.

Enfin, il faut avancer dans la déconcentration des services de l'État. Je salue notre collègue Agnès Canayer qui, avec Éric Kerrouche, a rédigé voilà quelques mois un rapport que tous les ministres devraient lire matin, midi et soir. Tout est dedans. Les diagnostics ont été dressés. L'État ne doit plus être celui qui contrôle quand vous avez déjà fait ou celui qui vous donne des injonctions depuis Paris, que vous habitiez en Martinique ou en Bretagne. La déconcentration implique un État avec un préfet ou un haut-commissaire qui doit se tenir aux côtés des élus pour trouver des solutions plutôt que de venir une fois que tout est fait pour dire que ce n'est plus possible et qu'il faut tout recommencer.

Je n'ose même plus prononcer le terme de simplification. Nous avons manifestement du mal à nous faire comprendre. Les choses devraient être simples. Jean-Étienne-Marie Portalis disait que les lois sont faites pour les hommes et non pas les hommes pour les lois. La loi doit servir, être simple et lisible. À la suite de notre rapport sur l'intercommunalité en Polynésie française, une proposition de loi de notre collègue Lana Tetuanui propose la mise en ligne par l'État d'une version consolidée et à jour de toutes les dispositions législatives que vous devriez connaître, mais qui sont aujourd'hui éparpillées dans de nombreux codes. Pour appliquer la loi, il faut que celle-ci soit simple et lisible. Nous soutiendrons cette proposition concrète de toutes nos forces.

Enfin, si la subsidiarité apparaît aussi compliquée à mettre en place que la simplification, elle est pourtant très simple ; elle consiste à laisser faire le bon niveau. Or ce bon niveau est souvent celui des élus locaux. En janvier dernier, je me rends à une cérémonie des voeux dans une petite commune. Trois dames ne cessaient de critiquer le maire dont c'était la première cérémonie de voeux à cause du Covid. Lorsqu'il m'a donné la parole, j'ai rappelé que votre maire prend soin de vous tous les jours. Vous pouvez ne pas avoir voté pour lui, trouver qu'il est mal habillé, avoir un avis différent, mais respectez-le. Si nous ne prenons pas soin de nos élus locaux, un jour personne ne prendra soin de vous.

Au Sénat, nous portons ce message tous ensemble avec détermination et nous sommes sûrs de votre soutien et de votre surveillance positive. Je vous remercie.

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