G. LES CONSÉQUENCES POLITIQUES DE L'AGRESSION DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE CONTRE L'UKRAINE - GUERRE D'AGRESSION CONTRE L'UKRAINE : PARTICIPATION DES ATHLÈTES RUSSES ET BIÉLORUSSES AUX JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES DE PARIS 2024

1. Intervention de M. Bernard Fournier

Madame la Présidente,

Mes chers collègues,

La guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine nous a incités à réaffirmer nos valeurs lors du Sommet de Reykjavik des 16 et 17 mai derniers. Lors de ce sommet, il a été décidé que le soutien à l'Ukraine devait être un impératif politique pour le Conseil de l'Europe et ses États membres.

Ce soutien est d'autant plus nécessaire que de l'issue de cette guerre dépendra l'avenir de nos valeurs démocratiques et la stabilité de notre continent. Si l'Ukraine ne parvient pas à faire reculer la Russie, celle-ci s'attaquera demain à la République de Moldavie et à la Géorgie, qui sont déjà la cible de tentatives de déstabilisation politique.

La Fédération de Russie contribue déjà à fomenter des manifestations contre le Gouvernement au pouvoir en République de Moldova. Elle mène également contre ce gouvernement de vastes campagnes de désinformation en ligne et des cyberattaques. La situation dans les régions géorgiennes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud s'est également de nouveau dégradée, une pression de plus en plus forte s'exerçant pour intégrer ces deux régions à la Fédération de Russie. Enfin, une victoire de la Russie impliquerait un statu quo politique en Biélorussie pour encore de nombreuses années.

Il est donc essentiel que nous puissions nous rassembler autour des valeurs de notre Organisation, tout en soutenant le droit de l'Ukraine à se défendre. L'Union européenne, les États-Unis et le Royaume-Uni fournissent une assistance militaire à l'Ukraine en lui livrant des armes de pointe, indispensables pour qu'elle puisse mener sa contre-offensive. Je veux souligner l'importance de l'effort que cela représente pour nos États, tant sur le plan financier qu'industriel et logistique, mais cela nous rappelle que la défense de nos valeurs a un coût.

Parallèlement, les crimes commis par la Fédération de Russie continuent d'être documentés et répertoriés. Ce travail est indispensable pour pouvoir un jour traduire en justice les responsables des crimes commis dans le cadre de cette guerre d'agression. Un registre des dommages causés par la guerre a été créé lors du 4e Sommet, première étape vers un mécanisme international d'indemnisation des victimes de l'agression russe.

Si de nombreux organismes travaillent à établir les différentes responsabilités, notre Assemblée doit continuer de plaider pour que les responsables des crimes de guerre russes, y compris au plus haut niveau de l'État, puissent être jugés et condamnés. Ils devront, le moment venu, répondre de leurs crimes.

Enfin, si je me réjouis de voir que le soutien à l'Ukraine fait généralement l'unanimité parmi les États membres du Conseil de l'Europe, je regrette que ce ne soit pas le cas dans le monde entier. Nous devons nous interroger sur les raisons de ce soutien ou d'une neutralité bienveillante à l'égard de la Russie lors des réunions du Conseil de sécurité des Nations Unies, au regard de l'enjeu que représente la diffusion de nos valeurs.

Je vous remercie.

2. Intervention de M. André Gattolin

Merci, Madame la Présidente.

Mes chers collègues,

Je veux tout d'abord féliciter très chaleureusement nos deux rapporteurs, M. Emanuelis Zingeris et Mme Linda Hofstad Helleland, pour la qualité de leurs deux documents qu'ils nous ont délivrés et puis aussi des amendements qui ont été ajoutés, notamment par nos collègues ukrainiens, et dont nous débattrons.

Alors, le rapporteur M. Emanuelis Zingeris nous a invités évidemment à traiter les deux sujets. Il est vrai que les deux sujets sont éminemment liés et je dirais que, finalement, et cela va être un peu difficile pour nos traducteurs, mais la question est qu'au regard de tous les crimes déjà commis contre l'humanité et bien au-delà par la Russie, la Russie doit être mise au ban des nations : le bannissement. L'un des bannissements est la question de leur présence et de celle de leurs alliés biélorusses aux jeux Olympiques.

Et puis, de ce bannissement, il va falloir passer au banc des accusés. C'est le même mot en français, la même sonorité, mais c'est celle d'argumenter l'accusation et là, nous sommes bien dans ces deux tendances-là. Et s'il faut faire un autre lien, je dirais que malheureusement, la Fédération de Russie est d'ores et déjà médaille d'or, recordman absolu - depuis le rétablissement du droit international après la seconde guerre mondiale - de la multiplication en dix-sept mois de toutes les violations du droit international, du droit humanitaire et du droit de la guerre.

Alors oui, il ne faut pas autoriser les athlètes russes et biélorusses à participer aux jeux Olympiques, et surtout pas sous cette mystification qui consisterait à les mettre sous bannière neutre. Vous imaginez un match de football entre Biélorussie et Fédération de Russie ? « L'équipe neutre vient de marquer un but contre l'équipe neutre, c'est formidable ! L'équipe neutre a gagné ! »

Mais bientôt, d'ailleurs, tous les athlètes, tous les pays voudront jouer sous bannière neutre parce qu'ils seront sûrs de gagner. Peut-être reviendrons-nous à de véritables jeux Olympiques, avec les valeurs fondamentales et humaines que nous devons respecter.

Les arguments aussi contre cette bannière neutre sont évidents : nous savons qu'une grande partie des athlètes russes de plus haut niveau sont des soldats et sont dans des équipes militaires payées par l'État. Vous voyez un instant ces gens-là se taire ? Ils ne l'ont pas fait ces derniers mois. Ceux qui sont allés saluer la bravoure des gens qui adoptaient soi-disant de pauvres enfants orphelins ukrainiens déportés de force, ceux qu'on a vus dans les meetings de M. Vladimir Poutine.

Alors je sais, mon gouvernement n'est pas favorable à ce que je dis : ce n'est pas mon problème. Mon problème, c'est que je suis parisien, je suis français ; il y aura les jeux Olympiques ; je défends des valeurs et, ces valeurs, je les défendrai jusqu'au bout. Je préfère être européen plutôt que français et je préfère défendre les valeurs fondamentales plutôt que les valeurs européennes quand elles ne sont pas bonnes.

Je terminerai en citant Pierre de Coubertin, un de mes compatriotes qui a recréé les jeux Olympiques en 1896. Il disait : « L'important n'est pas de gagner, l'important est de participer. » En l'occurrence, ici, il faut gagner ; il faut que l'Ukraine gagne et il faut que les Biélorusses et la Russie ne participent pas.

Je vous remercie.

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