B. RELEVER LES DÉFIS SPÉCIFIQUES AUXQUELS SONT CONFRONTÉS LES BIÉLORUSSES EN EXIL

1. L'intervention de M. Jacques le Nay

Merci, Madame la Présidente.

Je voudrais tout d'abord remercier notre collègue M. Paul Galles pour ce rapport qui illustre parfaitement les situations difficiles auxquelles sont aujourd'hui confrontés les centaines de milliers de Biélorusses en exil, du fait de la répression dont ont été victimes les opposants au régime d'Alexandre Loukachenko à la suite des élections du 9 août 2020.

Depuis les manifestations qui ont suivi ces élections, le régime s'est encore durci. En mai 2021, il n'a pas hésité à détourner un avion de ligne reliant Athènes à Vilnius pour permettre l'arrestation d'un opposant politique.

En septembre 2021, notre Assemblée adoptait une résolution pour dénoncer la pression migratoire orchestrée par la Biélorussie aux frontières de la Pologne, de la Lituanie et de la Lettonie. À cette époque, le régime de Minsk n'avait pas hésité à faire venir des migrants d'Irak et de Syrie pour les diriger vers ces trois pays, déclenchant ainsi une grave crise aux frontières ; aujourd'hui, il laisse le Président russe utiliser son territoire pour mener une guerre d'agression contre l'Ukraine, acceptant que des ogives nucléaires soient transférées de Russie vers la Biélorussie.

Le 24 novembre 2022, le Parlement européen a adopté une résolution sur la répression continue de l'opposition démocratique de la société civile en Biélorussie. Cette résolution rappelle la répression en cours dans le pays, qui vise également les citoyens biélorusses à l'étranger, et appelle à soutenir l'opposition démocratique, la société civile et les défenseurs des droits de l'homme en Biélorussie et à l'étranger.

Le rapport que nous examinerons vendredi souligne également l'importance de la répression transnationale exercée par la Biélorussie.

Pour venir en aide aux personnes qui souhaiteraient quitter la Biélorussie, il est nécessaire de délivrer des visas humanitaires dans des consulats et ambassades encore en activité en Biélorussie. Malheureusement, le nombre de celles-ci diminue constamment. Dès lors, il est nécessaire de pouvoir installer, dans les États où les Biélorusses peuvent entrer sans visa, des structures pour accueillir ceux qui souhaiteraient se rendre dans un autre État. Ces efforts doivent tenir compte du fait que les Biélorusses ne souhaitent majoritairement pas demander l'asile politique car ils souhaitent pouvoir retourner rapidement dans leur pays.

Face à cette situation, il est essentiel que la communauté internationale continue de condamner fermement les abus du régime de Loukachenko et de le sanctionner. En parallèle, une distinction doit être faite entre ce régime et une grande partie de la population qui ne le soutient pas. Le Conseil de l'Europe a également un rôle à jouer en soutenant Mme Tsikhanouskaya. Je salue à cet égard la réunion du groupe de contact qui s'est tenue hier à Strasbourg.

Pour conclure, la situation en Biélorussie, actuellement à la solde de Moscou, nous montre - s'il en était besoin - que nous devons continuer à soutenir l'Ukraine. Il en va de la sauvegarde de nos valeurs dans cette région du monde.

Je vous remercie.

2. L'intervention de Mme Nicole Duranton

Merci, Madame la Présidente.

Mes chers collègues,

Félicitations à notre collègue M. Paul Galles pour son excellent rapport. Il a souligné combien la situation des exilés biélorusses est préoccupante.

Bien qu'il soit difficile d'estimer leur nombre, le rapport fait état de 100 000 exilés en Pologne et 49 000 en Lituanie, qui sont les deux pays qui ont accueilli le plus de Biélorusses fuyant leur pays au cours des trois dernières années. Ceux qui avaient trouvé refuge en Ukraine ont pour la plupart d'entre eux été obligés de fuir à nouveau, principalement vers la Géorgie où l'entrée des ressortissants biélorusses se fait sans visa.

Ces exilés peuvent éprouver des difficultés pour accéder à certains services comme la santé, l'éducation ou le logement. Or, il s'agit là de droits fondamentaux auxquels ils devraient avoir accès dans le pays qui les accueille. J'appelle donc les États membres de notre Organisation à mettre en place des structures qui permettront d'accueillir des exilés biélorusses dans des conditions dignes.

En parallèle, l'Union européenne, qui a progressivement imposé des mesures restrictives à l'encontre de la Biélorussie depuis la fraude électorale de 2020, devrait également accorder un soutien financier à ces États pour assurer l'accueil des personnes en exil. Plusieurs personnalités politiques de haut niveau et des acteurs économiques de premier plan ont été sanctionnés. En effet, il était nécessaire que l'Union manifeste sa désapprobation face à la radicalisation du régime de Minsk.

Au-delà des sanctions, il est nécessaire de soutenir les opposants au régime de Minsk. Je me félicite à cet égard de l'action engagée par le Conseil de l'Europe au travers du groupe de contact.

OEuvrer pour une Biélorussie libre et démocratique implique également de travailler sur la question culturelle. En effet, pendant de nombreuses années, la langue et la culture de la Biélorussie sont restées dans l'ombre de celle de la Russie. De nombreux artistes et intellectuels biélorusses ont embrassé la culture russe alors qu'en parallèle, d'autres ont cherché à préserver et à promouvoir une identité culturelle biélorusse distincte, en mettant l'accent sur la langue biélorusse, les traditions folkloriques et les symboles nationaux. Cette opposition se retrouve aujourd'hui.

Le régime politique autoritaire du Président Loukachenko cherche à maintenir des liens étroits avec la Russie, et le rapprochement de la culture biélorusse à celle de la Russie a souvent été utilisé comme un moyen de renforcer cette relation. Au contraire, les mouvements d'opposition et la société civile en Biélorussie cherchent aujourd'hui à préserver et à promouvoir l'identité culturelle biélorussiese indépendante, en soulignant l'importance de la langue biélorussiese et des traditions nationales. Ces initiatives doivent être soutenues.

Je vous remercie.

3. L'intervention de M. Claude Kern

Merci, Madame la Présidente.

Je voudrais tout d'abord féliciter notre collègue M. Paul Galles pour son excellent rapport, qui souligne combien la démocratie et les droits de l'homme sont bafoués en Biélorussie.

À la suite de l'élection présidentielle d'août 2020, qu'il avait d'ailleurs perdue, Alexandre Loukachenko a usé de la force pour garder le pouvoir et a sévèrement réprimé les manifestations qui ont suivi, en procédant à des arrestations massives, des actes de torture et des disparitions forcées. Face à cette répression, de nombreux Biélorusses ont pris la décision difficile de quitter leur pays, fuyant principalement vers la Pologne et la Lituanie.

Si la Biélorussie n'est pas membre du Conseil de l'Europe du fait de son refus d'abolir la peine de mort, on ne peut ignorer la situation de cet État à nos frontières, de fait associé à la Russie dans son agression de l'Ukraine, ni celle des citoyens qui le fuient. Nombre de nos concitoyens associent la Biélorussie et la Russie, agresseur de l'Ukraine, ce qui peut entraîner des discriminations à l'égard des Biélorusses en exil qui sont parfois aussi victimes d'agression.

Il est donc nécessaire de rappeler que de nombreux Biélorusses ont choisi de fuir leur pays en raison de leur opposition au régime d'Alexandre Loukachenko et qu'ils sont eux-mêmes menacés.

Le rapport que nous examinerons vendredi souligne à cet égard que la Biélorussie a été responsable de près d'un tiers des mesures de répression transnationales en Europe en 2021.

Même si peu de Biélorusses en exil demandent le statut de réfugiés, il est important, comme le relève le rapport de notre collègue, de sensibiliser les administrations nationales à la situation politique en Biélorussie. La Pologne et la Lituanie sont aujourd'hui les États qui accueillent le plus de Biélorusses en exil : elles ont pu fournir une assistance humanitaire et juridique aux personnes en fuite. Des centres d'accueil ont été créés dans chacun de ces pays, en collaboration avec des organisations internationales. On peut s'en féliciter et encourager les autres États membres de notre Organisation à en faire de même.

Malgré toutes les difficultés actuelles, il est nécessaire de préparer l'avenir, dans l'espoir que ces personnes pourront bientôt rentrer dans un Biélorussie libre et démocratique. Le Conseil de l'Europe a un rôle majeur à jouer dans ce domaine, et je me félicite en particulier de la création d'un groupe de contact entre le Conseil et les forces démocratiques ainsi que la société civile du Biélorussie.

Je veux également saluer l'action menée par Mme Sviatlana Tsikhanouskaya, qui est à saluer.

Il nous appartient donc de sensibiliser maintenant nos parlements nationaux à la gravité et à l'originalité de cette situation dans laquelle se constitue de fait un État biélorusse en exil.

Je voterai donc ce projet de résolution.

4. L'intervention de Mme Marie-Christine Dalloz

(Discours non prononcé mais annexé au compte rendu officiel)

Les relations de l'APCE avec la Biélorussie se sont pendant longtemps caractérisées par une double exigence. D'une part, le refus d'intégrer un pays appliquant la peine de mort et, d'autre part, la volonté de maintenir un lien dans l'espoir de voir un jour cet État adopter les valeurs du Conseil de l'Europe.

Depuis plus d'un an notre Assemblée consacre une large partie de ses activités aux conséquences de l'agression de l'Ukraine par la Russie et le débat qui nous rassemble cet après-midi s'inscrit aussi dans cette thématique.

Les difficultés rencontrées par les Biélorusses forcés de fuir leur pays en raison de la répression brutale des mouvements de protestation contre l'élection présidentielle truquée du 9 août 2020 se sont aggravées avec l'agression de la Russie. N'ayant pu se maintenir au pouvoir que grâce à l'appui de Vladimir Poutine, Alexandre Loukachenko a entraîné son pays dans un soutien total à la Russie. La Biélorussie est clairement perçue comme un État agresseur et les citoyens biélorusses pâtissent injustement de cette situation, en particulier ceux qui n'ont eu d'autre choix que de s'exiler.

Notre Assemblée se devait de chercher à améliorer leur sort et je félicite le Rapporteur, pour son qui y contribue. Les nombreuses préconisations devraient permettre aux États membres du Conseil de l'Europe de mieux accueillir les exilés biélorusses. Nous devons accroître notre soutien face à une situation qui se durcit et, grâce à ce rapport, nous allons dans le bon sens.

Je souhaite toutefois m'arrêter sur deux points.

Le premier est important car il concerne la stratégie de notre institution. Le Comité des Ministres a acté la création d'un groupe de contact sur la coopération entre le Conseil de l'Europe et les forces démocratiques et la société civile du Biélorussie. Je comprends l'intérêt pratique de formaliser les relations du Conseil de l'Europe avec l'opposition biélorusse mais je suis réservée quant aux possibles conséquences politiques de cette initiative. Il existe le risque que d'autres oppositions (russes par exemple) exigent de disposer d'un canal de communication privilégié avec le Conseil de l'Europe. J'espère que, dans ce cas, les oppositions démocratiques seront unies.

Le second est moins délicat mais doit également être soulevé. Depuis l'expulsion de la Russie du Conseil de l'Europe, notre institution ne dispose plus d'interprétation en russe. C'est un obstacle non-négligeable pour la société civile biélorusse qui maîtrise peu le français et l'anglais.

Je voterai en faveur de la résolution. Merci.

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