Deuxième séquence - L'intime et la guerre

Animée par Claudine Lepage,
vice-présidente de la délégation aux droits des femmes

Intervenants :

Clémentine Vidal-Naquet , docteure en histoire,
maîtresse de conférences à l'Université de Picardie Jules Verne

Jean-Yves Le Naour , docteur en histoire

Fabrice Cahen , chargé de recherche (histoire) à l'INED

Claudine Lepage, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes

Nous abordons maintenant la question de l'intime et la guerre, une autre thématique décisive de notre sujet.

Comme l'exprime si bien Michelle Perrot dans la préface du livre de Françoise Thébaud, « La mort bouleverse le rapport à l'autre, rend l'amour tout à la fois plus urgent et plus dérisoire, plus avide et plus désemparé. La guerre, éducation sentimentale (...), engendre d'autres formes de désir (...), d'autres manières d'aimer, de concevoir le mariage ou le couple (...) » 41 ( * ) .

La première des conséquences de la guerre pour les couples est la séparation et la nécessité, pour combler l'absence de l'autre, de communiquer par lettres. Clémentine Vidal-Naquet a justement consacré sa thèse, en 2013, au lien conjugal pendant la Grande Guerre, ce qui l'a conduite à analyser très finement des correspondances de couples séparés par la guerre.

On sait combien le courrier était crucial pour les hommes séparés de leurs proches et confrontés à l'horreur des combats.

Pour illustrer ce point, voici un dessin d'enfant, issu des collections du musée de Montmartre, daté du 28 mai 1917 : à gauche, le jeune artiste indique la légende suivante : « Épouse écrivant à son mari » ; à droite : « Poilu recevant sa lettre tant attendue » 42 ( * ) .

Le personnage du vaguemestre, qui apporte lettres et colis, est ainsi une figure-clé de la vie dans les tranchées, comme le montre un autre dessin du 11 juillet 1916 du même fonds, intitulé « Le vaguemestre apporte les lettres de leurs femmes aux poilus du front ».

Et à l'arrière, ce sont des femmes qui remplacent les facteurs, faisant ainsi le trait d'union entre les soldats et leurs proches : je ne résiste pas au plaisir de vous montrer cet autre dessin d'enfant, daté du 19 juin 1917, qui montre la « factrice », « remplaçante du facteur mobilisé » - titre qui fait écho au débat actuel sur la féminisation des noms de métier ! Clémentine Vidal-Naquet, je vous donne sans plus tarder la parole pour intervenir sur « le lien conjugal à l'épreuve de la guerre ».

Clémentine Vidal-Naquet, docteure en histoire, maîtresse de conférences à l'Université de Picardie Jules Verne, auteure de Correspondances conjugales 1914-1918 . Dans l'intimité de la Grande Guerre

Le 4 août 1914, à 10 heures 40 du matin, Georges Gayraud, employé de bureau, devait se marier à Paris avec Marthe Coppin, couturière de 22 ans. Mais, sur le registre de mariage, l'acte, qui avait été préparé en amont de la cérémonie et était prêt à être complété et signé, est barré d'un grand trait à côté duquel il est inscrit : « annulé pour défaut de comparution des parties ». L'annonce de la mobilisation générale est venue compromettre le mariage de Georges et de Marthe, comme ce fut le cas pour de très nombreux autres couples. Pendant toute la durée de la guerre, on estime ainsi que 800 000 mariages en France n'auront pas été scellés, malgré la loi sur le mariage par procuration votée en avril 1915, qui permettait aux soldats mobilisés de se marier sans être présents à la cérémonie.

Pourtant, l'annonce de la mobilisation générale aura parfois eu l'effet inverse : à Paris, en août 1914, des mariages sont conclus dans l'urgence entre des conjoints qui ne prévoyaient parfois pas de se marier, du moins pas dans l'immédiat. Célébrés à la hâte, ces mariages sont rendus possibles car le parquet dispense les mariés des formalités habituelles : pas de publication de bans, deux bulletins de naissance suffisent. Dans les quartiers populaires de Paris, plus de la moitié des mariages s'accompagne de la légitimation d'un ou de plusieurs enfants. Dans le contexte de guerre, ces mariages improvisés ont une portée légale fondamentale : ils permettent aux futurs orphelins d'hériter, et aux futures veuves d'obtenir une pension. Ces unions précipitées démontrent que les mobilisés imaginèrent, avant même les premiers combats, les conséquences possibles de leur disparition. En ce sens, ces mariages témoignent de l'acceptation immédiate du tragique de la guerre.

Acceptation que l'on retrouve dans les nombreuses lettres qui se sont échangées entre le front et l'arrière. Ces correspondances fournissent à l'historien une quantité inédite de sources sur les relations conjugales et la manière dont elles ont été bouleversées par la guerre. C'est ce que je voudrais vous présenter dans cette communication. Il s'agit ici d'analyser une expérience à la fois éminemment intime, mais aussi largement partagée puisque, pendant les quatre années de guerre, au moins cinq millions de couples vivent à distance en France, loin l'un de l'autre. Cette séparation contraint les couples à formuler dans leurs lettres leurs impressions, à décrire leurs émotions et leurs sentiments. Ainsi c'est la première fois à cette échelle que l'historien peut avoir accès à l'expression d'une forme d'intimité amoureuse et conjugale. À travers l'analyse de ces correspondances, je voudrais essayer de répondre à une question : quelles formes ont pu prendre des relations conjugales presque exclusivement vécues par correspondance, dans une période marquée par l'extrême violence et la mort ?

Je procéderai en trois temps. Après avoir montré de quelle façon, pendant la guerre, la lettre est perçue comme un espace privilégié pour l'expression de l'intimité conjugale, je m'arrêterai sur l'expression de l'intime, à travers deux thématiques : celle de l'expression de l'affection et du désir au sein des lettres, et celle de la transformation de la relation par l'omniprésence de la mort.

Commençons par la lettre comme lieu de l'expression de l'intime. Durant la Grande Guerre, dans l'armée française, chaque jour, 1,8 million de lettres, en moyenne, ont été envoyées du front vers l'arrière et trois à quatre millions de l'arrière vers le front. L'écriture de la lettre est ainsi pour beaucoup un acte quotidien, même si cet acte demande évidemment plus ou moins d'efforts selon les milieux sociaux. Si pour certains écrire était déjà une habitude d'avant-guerre, pour d'autres cette pratique est une nouveauté qui surgit avec la guerre. L'école de Jules Ferry a permis de développer l'usage de l'écriture, même de manière balbutiante. C'est ce qui explique la masse de lettres en circulation dès le début du conflit. Ainsi, les rapports conjugaux passent par l'écrit et n'existent presque que grâce aux échanges de lettres.

La pratique de l'écriture, encore réservée aux familles bourgeoises au XIX e siècle, se démocratise à la faveur de la guerre. Cette entrée en écriture d'un très grand nombre de couples a, sans aucun doute, favorisé la découverte et la généralisation de l'introspection. La correspondance de l'agricultrice Césarine Pachoux, par exemple, raconte la découverte progressive du plaisir de l'écriture et de l'échange de lettres. Peu habituée à écrire, elle commence sa correspondance de guerre par des éléments uniquement matériels mais essentiels, comme les travaux des champs. Mais peu à peu, elle se confie, exprime ses désirs, raconte ses rêves... La lettre est ainsi devenue, pour Césarine, le lieu de l'épanchement quotidien et amoureux.

Dans cette découverte de la transmission des sentiments et des émotions, la lettre a pu apparaître comme un intermédiaire commode, puisque l'absence de face-à-face facilite le dévoilement. Il faut ici distinguer ce qui se dit et ce qui s'écrit, et ne pas prétendre avoir accès au premier lorsqu'on entre dans le second. Yvonne Retour note par exemple, avec malice, en janvier 1915 : « Je ne serai malheureusement pas là quand tu liras cette lettre, alors je peux te dire toutes les folies que je veux ». Ainsi, le partage des intimités doit beaucoup à la distance, parce que celle-ci épargne de trop directs vis-à-vis ; elle contraint aussi les époux à se raconter pour subsister en tant que couple. La guerre semble ainsi engager les conjoints plus avant sur les voies de l'échange.

Pourtant, on sait aussi que la relation épistolaire du couple n'est pas exclusive. En effet, il est très fréquent que la femme lise la lettre du soldat au cercle des proches. Cependant il s'agit toujours d'une lecture sélective, où l'on évite les passages sentimentaux dans lesquels sont dévoilés les désirs et les émotions intimes. Loryse Lévêque explique par exemple à son mari Jean : « Ce matin, une plus longue lettre bien jolie que j'ai mal lue à haute voix, sauf les dernières lignes car tout ce qui est tendresse, je le garde jalousement pour moi ». De même, l'instituteur Jean Déléage trouve le moyen de transmettre ce qu'il appelle ses « polissonneries » à sa femme exclusivement, en utilisant de l'encre sympathique. Le couple Boussac entretient quant à lui une double correspondance, Marie-Josèphe ayant demandé à son mari d'envoyer dans chaque enveloppe deux lettres : l'une est partagée avec la famille et l'autre n'est que « pour [elle] seule ». Cette pratique de la lecture de la lettre du conjoint mobilisé à la famille met ainsi en évidence, en creux, le geste du secret, le geste de la complicité. Elle permet aux couples de sauvegarder un espace confidentiel étroit, preuve de la permanence d'une intimité malgré la distance.

On comprend dès lors les protestations à l'encontre du contrôle postal qui s'immisce dans les échanges. Les objections exprimées démontrent aussi que la lettre est considérée comme un espace privé à préserver, à placer à l'abri des regards du censeur ou des proches indiscrets. En tout cas, malgré le risque de contrôle postal, malgré l'autocensure qui l'accompagne, les époux dévoilent dans leurs lettres une part plus ou moins importante de leur intimité.

J'en viens maintenant à l'expression de l'attachement et du désir dans ces correspondances conjugales. Il est un point sur lequel les couples auteurs de ces correspondances s'accordent, c'est celui d'une intensification des sentiments. Celle-ci serait, selon eux, directement liée à l'éloignement et au risque de mort. En décembre 1914, par exemple, Abel Ferry écrit à sa femme, Hélène : « Je suis heureux, mon amour, que la guerre te donne complètement à moi et notre mariage datera du jour de la déclaration de guerre ». Le paysan Paul Pireaud s'étonne, lui, en janvier 1918, de ses propres élans passionnés. Il écrit : « Je ne sais de quoi cela dépend mais même au temps où nous faisions l'amour je n'ai jamais été fou d'amour et empli d'autant de désir comme maintenant ». Selon les épistoliers, donc, la guerre permettrait de prendre conscience de la puissance des sentiments ressentis en même temps qu'elle les renforcerait. Évidemment, la distance facilite l'expression de l'attachement et le passage à l'écriture, en favorisant l'échange, encourage aussi le développement du sentiment amoureux. En ce sens, on peut dire que l'écriture est agissante.

La lettre représente donc un espace où l'on exprime l'affection, mais elle est aussi le lieu de l'expression du désir physique. Toutefois, la formulation écrite du désir sexuel constitue une absolue nouveauté pour un très grand nombre d'épistoliers. Elle s'avère, de ce fait, d'une très grande difficulté. Il faut en effet parvenir à dire, tout en déjouant la pudeur. Ainsi certains épistoliers utilisent des sous-entendus ou donnent aux organes sexuels divers surnoms pour éviter de les nommer directement. Par exemple, Maurice Chevalier écrit à Mistinguett : « L'enfant est en forme et il pourrait être présenté à sa femme actuellement ». L'iconographie facilite également l'expression du désir ; de nombreuses cartes postales grivoises sont très fréquemment utilisées dans un sens érotique par les conjoints. Peu à peu, les langues se délient. En décembre 1914, Yvonne Retour fait état de sa gêne et s'étonne de sa propre audace, mais elle revendique aussi un droit à dire son désir à son mari. Elle écrit : « Je te désire tant !... Parfois j'en ai honte. Je te voudrais dans mes bras, que je t'étouffe avec mes plus ardents baisers... Ce n'est pas mal, dis mon coeur chéri, puisque tu es mon petit mari adoré ? »... Deux mois plus tard, en février 1915, elle fait un pas de plus et elle écrit : « Je t'adore et je n'ai plus honte de te dire combien je te désire. Alors je te veux, je te désire, je suis folle de toi et veux que tu me reviennes. » Au sein même des couples, le dicible s'élabore et se construit peu à peu, et les couples échafaudent des modes de communication dans lesquels les seuils de pudeur sont sans cesse réévalués.

Il faut ici évoquer la difficulté à déceler l'écrit et l'éprouvé. Les épistoliers croient-ils vraiment ce qu'ils écrivent ? Ressentent-ils l'amour qu'ils décrivent ? C'est impossible à affirmer. Néanmoins on peut supposer que l'écrit, performatif, soit créateur de sentiments. Ainsi, si pendant quatre années, ces couples n'écrivent sans doute pas toujours ce qu'ils éprouvent, peut-être peu à peu éprouvent-t-ils ce qu'ils écrivent.

L'omniprésence de la mort - j'en viens à mon troisième point - transforme les relations intimes. Massivement, les couples ont imaginé les lendemains de guerre dans leurs correspondances, la libération puis le retour du soldat, la reprise de la vie familiale, souvent dans toute sa banalité. Hippolyte Bougaud écrit à sa femme Félicie, en novembre 1915 : « C'est la guerre, et là-dedans pour nous, le principal c'est le retour . » Cette constance des couples à évoquer la certitude du retour permet de mesurer en creux la profondeur de l'angoisse : l'obsession du retour est aussi évidemment une obsession de la survie, un refus de l'éventualité de la mort. Pourtant, certains ont imaginé dans leur correspondance la mort du soldat ; certaines femmes ont entrevu leur solitude et certains hommes se sont projetés dans un après-guerre dans lequel ils n'auraient plus aucun rôle à jouer. Ils ont pu, d'une certaine façon, organiser leur départ. Ainsi, dans le couple Retour qui forme continuellement des projets d'avenir commun, est évoquée épisodiquement l'éventualité de la mort de Maurice. Yvonne évoque son immense chagrin si son mari devait disparaître ; elle avoue pleurer à cette seule pensée. De son côté, Maurice affirme en mai 1915 dans une lettre à Yvonne : « Être tué à la guerre est une belle mort, puisqu'on peut se préparer ». Dans des « lettres-testaments », il oriente son avenir, lui donne des pistes à suivre pour l'éducation de leur fils et cherche les mots destinés à l'apaiser si elle le perdait.

Comme eux, certains couples ont parfois ébauché ensemble par correspondance une organisation matérielle, voire une gestion émotionnelle de la séparation définitive. Ont-ils ainsi apprivoisé le pire ? C'est difficile à dire. Toujours est-il que c'est bien la soudaineté qui accompagne l'annonce de la disparition de Maurice Retour en septembre 1915. À l'annonce de la mort de Maurice, Yvonne écrit : « Tomber de si haut en quelques minutes, est-ce possible ? ». Puis, en 1922, elle se souvient : « Et à la vie qu'on sent, qu'on vivait quelques minutes avant, il faut dire un adieu brusque, brutal, sans aucune préparation ». Avant même que la mort ne survienne, la simple menace de la séparation définitive transforme la relation épistolaire et ne laisse finalement, au conjoint souhaitant se livrer, qu'une marge très étroite de liberté.

Dans les correspondances conservées, les conjoints expriment l'attachement, ils enjolivent leurs relations passées et idéalisent l'avenir. Lorsque la mort menace, peut-on tout exprimer ? Peut-on prendre le risque de laisser une trace posthume obscure sur la relation ? Je ne le crois pas ; cela explique sans doute la part infime consacrée par les conjoints à l'expression de leurs doutes, de leur insatisfaction, de leur déception et de leur colère. J'émets l'hypothèse que ces correspondances, essentielles au lien entre les femmes et leurs hommes, sont certainement aussi des objets de deuil, reliques futures si la mort survenait. Elles furent construites un peu comme des épitaphes destinées à devenir la trace d'une relation enjolivée.

Ces échanges épistolaires semblent presque tous présenter une France sentimentale dans laquelle l'attachement au conjoint semble dominer, voire aller de soi. Il y a là un effet de source, puisque les correspondances qui nous sont accessibles sont celles qui ont eu une valeur pour celui ou celle qui les a conservées. Mais il me semble peu raisonnable d'imaginer que la teneur des relations conjugales a été si peu conflictuelle et si empreinte de bons sentiments. Alphonse de Châteaubriant écrivait à sa femme, en avril 1915 : « La guerre a créé dans la masse des esprits un romantisme, un mensonge sentimental qui m'est odieux ».

Cette omniprésence du bon sentiment révèle une incapacité de dire, une impossibilité de partager, de part et d'autre du front, son expérience du conflit. Certes, la guerre, en provoquant l'écriture quotidienne, encourage la confession. En même temps, le risque de mort muselle l'expression des intimités. Dans cette recherche systématique, obsessionnelle parfois, du lien banal, du bon sentiment, se concentre donc peut-être la valeur tragique de ces relations conjugales du temps de guerre.

Claudine Lepage, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes

Merci pour votre travail et pour l'interprétation de cette correspondance de guerre.

On ne peut s'intéresser à l'intime pendant la guerre 1914-1918 sans se poser la question de la sexualité. Jean-Yves Le Naour, auteur de Misères et tourments de la chair. Les moeurs sexuelles des Français - 1914-1918, est l'interlocuteur incontournable pour nous parler de la morale sexuelle pendant la Grande Guerre.

Jean-Yves Le Naour, docteur en histoire, auteur de Misères et tourments de la chair. Les moeurs sexuelles des Français-1914-1918

La Grande Guerre est la première guerre totale - même si l'expression est inventée dans l'entre-deux-guerres -, une guerre intégrale. C'est la mobilisation de toutes les énergies, avec la mobilisation de la main d'oeuvre, des hommes au front et des femmes à l'arrière, des industriels, de l'économie financière, la mobilisation psychologique... Les fronts sont aussi intérieurs - les Français disent « l'arrière », les Britanniques parlent de Home Front . Il y a le front de la production, et le front de la morale « chacun à sa place ». Et à force de mobiliser toute la société, l'armée va finir par mobiliser les prostituées...

Au départ, la guerre devait être courte, et l'armée n'avait absolument pas prévu d'intendance sexuelle. C'était l'affaire de quelques semaines, quelques mois tout au plus. Le héros, bien sûr, est chaste et viril. Il est fort, pur, il n'a pas de sexualité - donc évidemment rien n'avait été prévu. Tel était le discours dominant en août-septembre 1914, dans les premiers mois du conflit : c'est celui de la régénération morale du pays, de la régénération morale de la France par la guerre, par le bain de sang purificateur. Cela peut nous surprendre aujourd'hui...

Ce discours n'a pas tenu très longtemps - jusqu'en 1915. Ce bain de sang purificateur devait redresser le corps d'une Nation qui s'enfonçait dans le confort, la jouissance, qui se féminisait, et était en train de dégénérer...

Mais la guerre dure, la séparation des hommes et des femmes s'éternise. Se pose alors la question de la frustration affective et de la frustration sexuelle. Vous avez vu tout à l'heure à l'écran une carte postale, datée du 14 décembre 1915, d'une vigneronne de l'Hérault qui signait : « ta femme qui t'embrase de tout son coeur ». À l'époque, on est très pudique, mais parfois il y a des lapsus. Une épouse signe ainsi : « des gros baisers de ta chérie qui ne sexe de penser à toi »... J'ai eu la chance incroyable, assez rare, de tomber sur une correspondance érotique. J'ai dû la transcrire - difficilement car elle est écrite en pattes de mouche, à la fois horizontalement et verticalement, pour économiser le papier. L'épouse donne des conseils à son mari : « Ne te masturbe pas trop, réserve-moi ce jet délicieux, cette bonne liqueur ». Le mari lui envoie des photos pornographiques qu'il achète sous le manteau, et elle des poils pubiens... Elle lui écrit : « Je suis très heureuse de savoir que mes lettres te font jouir ». Au départ, la correspondance était normale, et puis elle a glissé. C'est devenu un jeu. Cette frustration est montée, ils sont séparés depuis des mois. Puis elle voit la souffrance de son mari, alors elle lui écrit : « Va voir une prostituée, mais choisis-la bien propre quand même . » Il lui répond : « Comment toucher une autre femme que toi, c'est absolument impensable ! ». Elle est bien contente de cette réponse, qu'elle attendait, même si elle se disait prête à se sacrifier...

Autre signe de cette frustration, certaines femmes rejoignent leurs hommes dans les cantonnements - ils ne sont pas toujours dans les tranchées, mais parfois à quelques kilomètres des lignes, voire bien en arrière de la zone des combats, à Amiens, Épernay ou Reims, et parfois pendant une semaine, voire quinze jours. Évidemment, certaines épouses ont envie de prendre le train et de rejoindre leurs hommes. C'est absolument interdit, mais les officiers sont les premiers à faire venir leurs femmes, alors ils ferment les yeux... Les gendarmes sont là pour traquer et arrêter les femmes, pour les renvoyer, et le contrevenant est puni. Certains rusent : des femmes vont voir un commissaire de police et leur demandent un laissez-passer en bonne et due forme pour ne pas être arrêtées, sous le prétexte que leur grand-mère est malade, ou tout autre chose ; le docteur Voivenel a mis en place avec sa femme un stratagème : elle se fait passer pour une représentante en vins à la recherche de clients, ils s'écrivent, et lui demande si Madame Untel viendra à Épernay du tant au tant, puisqu'il aimerait la rencontrer pour acheter certains échantillons 43 ( * ) ... De très nombreuses femmes accèdent ainsi aux villes du front.

Dans les cantonnements ou dans les villages, on loue une petite chambre... Le capitaine de Sommereux explique ainsi : « Tout le monde se rue à l'hôtel : on s'empare d'assaut d'une chambre, on se barricade pour rester maître de la position et malgré tant de précautions, on n'était guère tranquille. De quart d'heure en quart d'heure, une bonne frappe à la porte : dépêchez-vous donc, il y a des gens qui attendent en bas votre chambre » 44 ( * ) . La guerre est terrible. L'armée n'apprécie pas ce désordre et cette indiscipline ; elle fait donc la chasse aux épouses et punit les contrevenants. Mais comme le dit une blague de l'époque : « Quel mal y a-t-il à baiser sa femme sur le front ? ».

Pour mettre fin à ces désordres, l'armée décide d'encourager la prostitution dans la zone des armées et de l'organiser. C'est une vraie rupture, car au début de la guerre, il n'était pas question de la favoriser, mais de la chasser. On faisait des descentes dans les maisons de tolérance à la recherche d'espions. L'alliance entre l'antipatriotisme ou l'espionnage et l'immoralité est un fantasme, porteur de sens. Les prostituées étaient même soupçonnées d'être des espionnes, de faire parler les hommes pour savoir quels étaient les déplacements des unités... On est très loin de la prostituée patriote de Maupassant dans Boule de suif, bien au contraire : la prostituée, c'est la laideur morale, tout le contraire de cette France que l'on veut reconstruire à la faveur de la guerre.

Mais comme il y a une forte demande au front, les prostituées affluent de l'intérieur vers la zone des combats. Elles sont confrontées là-bas à un travail d'abattage terrible, et ne restent pas longtemps. Selon l'expression du docteur Léon Bizard, « les filles sont assez vite détériorées ». Je le cite : « Là c'était la bousculade, un dur, dangereux et écoeurant business” : cinquante, soixante, jusqu'à cent hommes de toutes les couleurs, de toutes les races à “faire” par jour, sous la menace continuelle des avions, des bombardements, qui firent du reste leurs victimes parmi ces malheureuses. [...] On allait puiser à l'arrière pour garnir les “tolérance” de l'avant, où des femmes qui n'étaient vraiment pas des paresseuses ont vu leurs 50 000 hommes pendant la guerre » 45 ( * ) . Je le dis : cela vaudrait une médaille !

Mais l'armée est insatisfaite parce que les maladies vénériennes sont en augmentation et qu'elles affectent la santé des soldats. Elle a le sentiment que tous ses efforts pour endiguer ces maladies seront vains tant qu'elle ne contrôlera pas directement les maisons de tolérance. Or celles-ci relèvent d'un commerce privé, soumis à un règlement municipal. Des conférences d'hygiène sexuelle sont prononcées devant les hommes par des médecins, mais aussi devant les ouvrières, à l'arrière, dans les usines. Ainsi, le professeur Gougerot 46 ( * ) ou d'autres professeurs d'université déclarent aux ouvrières : « N'oubliez pas que vous êtes françaises ! » 47 ( * ) . Cela signifie : « N'ayez pas de relations avant le mariage, sinon vous risquez des maladies vénériennes, d'avoir des descendances absolument pourries, abâtardies par la syphilis... ». Ce sont des conférences morales plus que d'hygiène ou d'éducation sexuelle.

Certains militaires souhaitent alors créer un bordel prophylactique, hygiénique, contrôlé par l'armée avec un règlement dicté par l'armée, où les filles se feraient examiner tous les jours, afin d'éviter les maladies vénériennes. Les soldats clients devraient s'enduire la verge de pommade au calomel avant le rapport sexuel, puis procéder à une toilette... Ce bordel militaire existait déjà dans les colonies, le fameux Bordel militaire de campagne (BMC), mais pas sur le territoire français, où régnaient les commerces privés. Le 13 mars 1918, les BMC voient le jour en France métropolitaine, à la suite d'une circulaire signée par Clemenceau. Ces bordels sont réservés aux militaires de l'armée, qui fournit des locaux, voire les construit si nécessaire, et dicte le règlement, mais ne recrute pas les filles. Cela reste un commerce privé, en quelque sorte une franchise, externalisée... Le règlement est très précis, il prévoit même le nombre de lits, le nombre de serviettes par chambre...

L'armée ira encore plus loin en 1919 avec l'occupation de la Rhénanie, à titre de gage d'exécution du traité de Versailles, normalement pour quinze ans. Pour que les troupes coloniales ne fréquentent pas les Allemandes, pour différentes raisons - les Allemands ne veulent surtout pas que des femmes blanches soient en contact avec des troupes coloniales ; ce serait une inversion du rapport de domination coloniale, un scandale - l'armée crée des bordels dans les casernes, avec un personnel recruté en Algérie par l'armée, acheminé aux frais de l'armée en Allemagne, avec un prix des passes fixé par l'armée. La prostitution est donc devenue un service public...

Pourquoi l'armée a-t-elle soutenu la prostitution, et en même temps fait la chasse aux épouses légitimes qui se rendaient dans la zone ? On pourrait croire qu'elle a fait le choix du moral du soldat contre la morale, mais ce n'est pas tout à fait cela dans l'esprit des conservateurs et des hygiénistes de l'époque : la maison de tolérance est un moindre mal, et elle est morale à sa façon. Cet « égout séminal » canalise le vice et fixe le mal. Cet abcès de fixation protège ainsi l'ensemble des femmes honnêtes, et évite le libre-échange sexuel. Autant que de protéger la santé des soldats, le but est d'enrayer - en vain d'ailleurs - la libéralisation des moeurs, le libre commerce sexuel qui se développe justement pendant la guerre. Des médecins désemparés parlent ainsi de « prostitution gratuite » ou de « prostitution bénévole ».

Mais il y a pire que la prostitution, cette chose terrible qui menace le pays d'une effroyable démoralisation : l'émancipation des femmes !

Claudine Lepage , vice-présidente de la délégation aux droits des femmes

Merci de votre intervention vigoureuse. Je ne suis pas certaine que les murs de la salle Clemenceau soient habitués à entendre de tels propos...

Pour rebondir sur la question de la morale sexuelle, on sait - vous l'avez développé - que la hiérarchie militaire craint beaucoup, pendant la guerre de 1914, les maladies vénériennes qui menacent l'aptitude au combat. Ces documents, issus des collections du musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux 48 ( * ) , illustrent l'importance de l'enjeu.

Une affiche, commandée au peintre Steinlen, exhorte ainsi le soldat à « garder toutes ses forces pour la patrie » et à « résister aux séductions de la rue où [le] guette la maladie aussi dangereuse que la guerre », qui « conduit ses victimes à la déchéance et à la mort sans utilité, sans honneur ». Ces maladies ont parfois été transmises aux épouses, avec de graves conséquences.

Jean-Yves Le Naour, docteur en droit

Des brochures, distribuées aux soldats, leur recommandaient de ne pas s'approcher des prostituées...

Claudine Lepage, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes

Un tract des ministères de l'hygiène, de la guerre et de la marine appelle en effet les « jeunes soldats » à se méfier des maladies vénériennes et les met en garde contre les dangers du « cabaret » et des « prostituées ». Il leur recommande, s'ils sont déjà atteints, de s'adresser « sans crainte de punition » au médecin du régiment.

J'en viens aux viols de guerre, un aspect de l'histoire de la Première Guerre mondiale un peu oublié. Plus de deux millions de Français ont, durant cette guerre, vécu sous occupation allemande : dans ces territoires se posa, dès le début de la guerre, le problème des viols et des atrocités commis par les belligérants à l'encontre des populations civiles.

Des viols, tentatives de viols et autres sévices à caractère sexuel sont dénoncés dans plusieurs départements français - Vosges, Meurthe-et-Moselle, Meuse, Aisne, Oise... - et dans la Belgique voisine. Dès 1915, ils font l'objet d'un rapport officiel britannique, traduit en trente langues et largement diffusé. En France, une commission d'enquête confiée à des magistrats produit douze rapports sur ce sujet entre 1914 et 1919.

La question des viols de guerre en 1914-1918 me conduit bien sûr à me référer à l'ouvrage de l'historien Stéphane Audoin-Rouzeau, L'Enfant de l'ennemi - Viol, avortement, infanticide pendant la Grande Guerre. Son analyse part d'un fait divers qui, à l'époque, a suscité en France un débat passionné.

Une jeune domestique de 20 ans, réfugiée de Meurthe-et-Moselle - département partiellement sous occupation allemande - tue en août 1916 l'enfant dont elle vient d'accoucher. Elle assume parfaitement son acte, affirmant lors de son arrestation n'avoir pas voulu laisser vivre un enfant de l'ennemi. Après un procès qui ne laisse personne indifférent, la « petite servante de Lorraine », coupable d'infanticide, est acquittée, comme l'espéraient ceux qui, au nom d'une haine de l'ennemi considérée comme légitime, proclamaient le droit pour les femmes violées de refuser une telle maternité.

Le fléau de ces viols de guerre ne se limite pas, en 1914-1918, à la France. Il est dénoncé aussi en Prusse orientale, en Russie, en Autriche-Hongrie et en Serbie.

Ces viols de guerre ne sont pas spécifiques, on ne le sait aujourd'hui que trop, à la Première Guerre mondiale. Les femmes de réconfort coréennes et le sort des Berlinoises en 1945 soulignent l'ampleur de ce phénomène à l'époque de la Seconde Guerre mondiale.

Un travail de notre délégation aux droits des femmes, entrepris en 2013 à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes du 25 novembre 49 ( * ) , rappelait les dimensions gravissimes des violences sexuelles - viol, grossesses forcées, stérilisation forcée, mutilations, esclavage sexuel - dont sont encore victimes les femmes, à l'époque actuelle, lors des conflits armés. Cette étude intervenait quelque vingt années après la révélation des viols de masse commis pendant la guerre en ex-Yougoslavie, dans un contexte de purification ethnique. Notre rapport rappelait la permanence du phénomène au XXI e siècle, qu'il s'agisse de la Libye ou du Kivu. Il soulignait les conséquences dévastatrices de ces viols pour l'ensemble de la société, aggravées par l'impunité des bourreaux. Il insistait sur les points communs à tous ces viols : la sous-dénonciation liée à la honte et au souci de la réputation, la violence décuplée de viols souvent collectifs commis parfois sous les yeux des proches, le fait qu'ils concernent des victimes de tous âges et de tous les milieux, et enfin le traumatisme immense, tant physique que psychologique, ressenti par les victimes, souffrance renforcée par la loi du silence. Le travail de la délégation évoquait aussi la difficulté d'élever les enfants nés de ces viols, qui fait écho au débat français de 1914-1918.

Hélas, les constats publiés il y a cinq ans par votre délégation sont toujours d'actualité, malgré une véritable prise de conscience de la communauté internationale et l'adoption de nombreuses résolutions dans le cadre de l'ONU. Le récent documentaire de Manon Loizeau, Syrie, le cri étouffé , a apporté une illustration bouleversante de l'actualité du viol utilisé comme arme de guerre. On ne peut que saluer l'attribution récente du prix Nobel de la paix à deux personnalités 50 ( * ) dont l'engagement souligne l'ampleur de la barbarie subie par les femmes dans certaines zones de conflit.

Revenons-en à la France pendant la guerre de 14. Fabrice Cahen est l'auteur d'une passionnante étude, Gouverner les moeurs - La lutte contre l'avortement en France, 1890-1950 , qui va situer le fait divers dont je parlais tout à l'heure et le débat qu'il a suscité dans le contexte de l'époque, contexte dans lequel, nous allons le voir, le Sénat a joué un rôle certain !

Fabrice Cahen, chargé de recherche (histoire) à l'Institut national d'études démographiques (INED), auteur de Gouverner les moeurs - La lutte contre l'avortement en France, 1890-1950

Le 31 juillet 1920 était votée une loi condamnant la propagande en faveur de la contraception et de l'avortement, ainsi que la fourniture de moyens anticonceptionnels et abortifs. Trois ans plus tard, le 27 mars 1923, le crime d'avortement était transféré des cours d'assises aux tribunaux correctionnels - plus enclins, comme l'a rappelé Françoise Thébaud, à sanctionner les infractions.

Ces lois sont souvent présentées à l'échelle européenne comme parmi les plus répressives, sinon régressives, du moment. Elles sont inséparables du contexte de la Grande Guerre, dans la mesure où cette dernière a constitué un temps fort de l'histoire des croisades morales et natalistes en France.

Pour autant, penser que le combat contre la liberté reproductive et que le durcissement du contrôle des corps féminins seraient essentiellement une réaction mécanique à l'hécatombe humaine de 14-18 relève de l'idée reçue. Pour expliquer à la fois l'avènement de cette législation et le fait qu'elle aurait bien pu ne pas voir le jour, je m'intéresserai à l'histoire de l'État et des institutions de la III e République dans leur fonctionnement interne et externe, dans leur travail formel ou informel. Cela conduit à réinterroger deux images auxquelles est souvent associé le Sénat de l'époque, présenté tantôt comme un bastion du conservatisme, tantôt comme un garde-fou des valeurs républicaines.

Dans les années 1900, des médecins témoignent d'une apparente augmentation des « avortements criminels », comme on disait alors, et alertent l'opinion et le pouvoir politique sur ce qui constitue, aux yeux de certains, un nouveau fléau social, une cause majeure de la supposée dépopulation française. Ils mettent à l'agenda politique l'avortement illégal, prohibé depuis le début du XIX e siècle mais peu repéré, peu poursuivi et peu sanctionné. Cependant, l'inscription de la question dans les discussions législatives et les projets gouvernementaux est un phénomène laborieux, qui suit deux circuits concurrents, l'un parlementaire, d'initiative essentiellement sénatoriale, l'autre centré sur l'exécutif, et en particulier sur le ministère de la Justice et sa direction des affaires criminelles, dont la compétence juridique fait autorité ; ce à quoi il faut ajouter des commissions extraparlementaires mises en place à la demande du gouvernement.

Ce fonctionnement par commissions, au sein du Parlement ou en dehors de celui-ci, est un élément clé. Pendant une vingtaine d'années, une petite poignée de personnalités, à peu près toujours les mêmes, vont dominer ce dossier sur le plan institutionnel, soit dans les assemblées parlementaires, soit dans ce que l'on peut considérer comme leurs antichambres, telles que l'Académie de médecine, ou encore la Société générale des prisons où se retrouvent les grands noms du droit criminel. Ces personnalités appartiennent à de nombreux lieux de pouvoir, elles sont uniquement de sexe masculin, et ce sont très souvent des médecins. Leur influence politique découle pour beaucoup du capital symbolique acquis dans leur champ professionnel.

Ils sont d'autant plus écoutés et respectés qu'une centaine de parlementaires provient alors de cette profession et que la question de l'avortement comporte une dimension technique face à laquelle ils sont sans conteste les mieux armés.

Le sujet traité par ces commissions parlementaires et extraparlementaires est en effet complexe, car techniquement ardu, mais aussi hautement passionnel. Il ne recouvre pas toujours les lignes de démarcation idéologiques habituelles.

S'il existe, en effet, à la fin du XIX e siècle, un large consensus quant à la nécessité de combattre l'avortement, la nature et le contenu des mesures à prendre font l'objet de débats permanents, d'une part, entre partisans de la répression ou du contrôle social et partisans des mesures d'assistance aux femmes ou de soutien aux familles, et, d'autre part, au sein même des partisans de mesures coercitives.

De commissions en sous-commissions, les rapports, projets, propositions prolifèrent. La consultation d'experts et de personnalités autorisées démultiplie les lieux de discussions et accroît les dépôts d'amendements.

La principale séquence débute en 1910 : le sénateur radical Odilon-Marc Lannelongue, chirurgien, membre de l'Académie de médecine et vice-président du groupe parlementaire des médecins 51 ( * ) soumet à la Chambre haute une proposition « tendant à combattre la dépopulation par des mesures propres à relever la natalité ». Certaines des dispositions qu'elle contient avaient déjà été promues quelques années auparavant dans le cadre d'une commission extraparlementaire sur la dépopulation.

Il s'agit d'abord de mesures tendant à renforcer l'encadrement de la profession de sage-femme, mesures soutenues par le corps médical, qui trouve dans la lutte anti-avortement une occasion de renforcer son contrôle sur la profession d'accoucheuse.

Il s'agit ensuite de la requalification du crime d'avortement en délit, réforme qui avait été discutée au Parlement dès 1891 et que ses défenseurs justifient au nom du supposé laxisme des jurys populaires.

Enfin, il s'agit de la répression de la propagande anticonceptionnelle, articulée à la notion relativement vague de provocation à l'avortement.

Mais la proposition Lannelongue ajoute à ces mesures relativement consensuelles à l'époque deux dispositions qui constituent une véritable rupture avec le droit républicain et la tradition libérale. La première d'entre elles est l'excuse absolutoire, c'est-à-dire la dispense de poursuites pour l'avortée qui dénoncerait l'auteur des manoeuvres abortives. La deuxième est la levée du secret médical permettant, voire imposant au médecin d'informer la justice des avortements qu'il aurait découverts.

Ces deux mesures provoquent une levée de boucliers au sein même du front anti-avortement. Elles vont pousser le garde des Sceaux, Louis Barthou, sur les conseils de la direction des affaires criminelles, à défendre un projet de loi alternatif excluant ces deux dispositions et laisser le Sénat empêtré dans la tentative de reformulation de la proposition Lannelongue.

Si bien qu'à la veille du conflit, aucune perspective d'aboutissement du processus législatif ne se dessine.

Le débat public autour de l'avortement fait son retour en 1915 à la suite d'affaires de viols commis par l'ennemi, et surtout après le dépôt par le sénateur Louis Martin 52 ( * ) d'une proposition de dépénalisation de l'avortement dans les régions envahies. Le gouvernement parvient à y faire barrage en facilitant l'abandon des enfants nés de ces viols. Néanmoins, l'offensive anti-avortement est relancée, dans un contexte de panique morale qui tient autant, sinon davantage, au bouleversement du rapport entre les sexes qu'à la situation démographique.

Les militants anti-avortement, étroitement liés au principal groupe de pression nataliste, l'Alliance nationale contre la dépopulation, ne cessent de proclamer, en brandissant des données pourtant très ténues, que l'avortement explique l'essentiel du recul de la natalité et qu'il augmente continuellement depuis le début des hostilités. Ils contribuent ainsi à imposer une véritable logique d'urgence qui remet en cause les pratiques délibératives et la temporalité parlementaire. Ils incitent à prioriser, en matière de lutte anti-avortement, les moyens d'action peu onéreux, frappants pour l'opinion, et supposément efficaces à court terme.

Du côté du Parlement, c'est le sénateur et docteur en pharmacie Paul Cazeneuve 53 ( * ) , devenu rapporteur de la commission Lannelongue, qui reprend à sa charge en 1917 le texte porté par son prédécesseur, en veillant prudemment cette fois-ci à associer les membres de l'exécutif.

Son combat est relayé par un propagandiste de poids, le juriste Henri Barthélemy, qui mène une campagne médiatique spectaculaire en tous les sens du terme, visant à faire tomber toutes les réticences, y compris face aux dispositions les plus controversées.

Malgré la pression considérable exercée sur le législateur, les dissensions internes perdurent, ce qui est d'autant plus problématique que les défenseurs de la proposition sénatoriale tiennent à ce que celle-ci soit votée en bloc, considérant que l'ensemble des dispositions forment un tout indissociable dont il faudrait préserver la savante alchimie.

La manière dont le Sénat parle de lui-même, c'est-à-dire comme le lieu où règne un éthos particulier, celui du nomothète 54 ( * ) qui mêle sagesse, prudence, minutie, apparaît ici comme une façon d'euphémiser l'incapacité des pénalistes, des médecins experts et des médecins libéraux à trouver un terrain d'entente, la hantise de froisser les représentants des intérêts professionnels, la fragilité des alliances et des consensus.

Le lien entre le pouvoir législatif et les médecins anti-avortement a produit en somme des effets contradictoires : s'il a facilité la définition de l'avortement comme « maladie sociale », il a rendu aussi plus difficile l'adoption de « remèdes ».

Face à la remise en cause du secret médical, c'est surtout l'Académie de médecine, notamment par la voix du très charismatique Adolphe Pinard, accoucheur et pédiatre, qui se pose en gardienne des valeurs libérales.

En réaction à l'instauration d'une excuse absolutoire, c'est-à-dire d'un droit à la délation, c'est bien le Parlement lui-même qui s'érige en rempart moral contre ce qui est présenté comme une transgression républicaine, alors même qu'à la fin de l'année 1917, le gouvernement semble moins hostile à examiner la question . C'est bien la commission sénatoriale qui finit elle-même par écarter « toute proposition pouvant donner à l'avortée dénonciatrice le bénéfice d'une impunité », et Paul Cazeneuve admettra lui-même en 1918 qu'une telle mesure serait « dangereuse autant que répugnante » et contraire à « notre caractère français ».

Près de deux ans après l'Armistice, la proposition Cazeneuve, moult fois amendée, est toujours en discussion et l'élection de la très nataliste « Chambre bleu horizon » ne débloque pas la situation. La commission de l'hygiène de la Chambre des députés accueille un nouveau député médecin, élu en décembre 1919, Adolphe Pinard 55 ( * ) , farouchement anti-avortement, certes, mais hostile à la suppression du secret médical comme d'ailleurs à la correctionnalisation.

Cette commission de l'hygiène va alors entrer en conflit direct avec la commission de législation civile et criminelle, dirigée par Édouard Ignace 56 ( * ) , et ce qui va se produire alors est véritablement un coup de force institutionnel puisque le 23 juillet 1920, en toute fin de session, Ignace demande l'examen immédiat de la proposition sénatoriale, dont il n'a conservé que les dispositions les moins clivantes, en les faisant passer pour les plus urgentes.

Le sujet n'était pas à l'ordre du jour, aucun député ne s'est véritablement préparé au débat, la manoeuvre est soutenue par des membres du gouvernement, dont le garde des Sceaux et ancien sénateur Gustave Lhopiteau 57 ( * ) , qui va répondre à l'interrogation d'un député de la manière suivante : « Nous mettrons cette loi au point après, si besoin est. Votez-la toujours ».

La logique d'urgence a donc triomphé et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si c'est sous la forme de décrets-lois qu'un certain nombre de nouvelles mesures natalistes et anti-avortement vont entrer dans le droit à la fin des années 1930.

La Chambre adopte alors le texte à une écrasante majorité ; cependant, la correctionnalisation n'est pas inscrite dans la loi et les combattants anti-avortement vont encore batailler pendant plusieurs années, tenter plusieurs fois de court-circuiter les débats, avant que la mesure ne soit définitivement adoptée en mars 1923.

Pour conclure, notons qu'aucun des protagonistes à l'origine de ces changements législatifs ne croit sérieusement empêcher le ralentissement démographique en s'en prenant à l'avortement et à l'information contraceptive. Les lois de 1920 et de 1923 relèvent pour beaucoup de l'action politique démonstrative. Elles visent notamment à satisfaire des groupes de pression et une partie de l'opinion en donnant, à peu de frais, l'impression que l'État s'est emparé du problème.

Au final, elles font plus de mécontents que de satisfaits et les combattants anti-avortement ne vont cesser, jusqu'à la fin du régime de Vichy, de réclamer - et souvent d'obtenir - de nouvelles mesures et, surtout, une action beaucoup plus musclée de la part des pouvoirs publics. Mais c'est seulement au terme d'une escalade répressive, dont les deux exécutions effectuées sous Vichy ne sont que la partie visible de l'iceberg, qu'ils seront forcés de s'interroger sur l'utilité de la coercition en matière de vie privée.

Claudine Lepage, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes

Quarante ans après le vote de la loi, on entend de nouveau des voix qui s'élèvent pour remettre en cause cet acquis pour les femmes.

Nous avons quelques instants pour échanger avec nos intervenants. Qui souhaite leur poser des questions ?

De la salle

Ma question s'adresse à Mme Vidal-Naquet. Comment avez-vous constitué votre corpus documentaire ?

Clémentine Vidal-Naquet, docteure en histoire, maîtresse de conférences à l'Université de Picardie Jules Verne

Je l'ai constitué avant la grande collecte. J'ai soutenu ma thèse en 2013, et en rédigeant celle-ci, j'ai écrit à toutes les archives départementales de France pour savoir ce qu'il y avait dans leur fonds. J'ai surtout privilégié l'interaction entre les hommes et les femmes. Les lettres de femmes étant beaucoup moins conservées que les lettres d'hommes, ma priorité était de recueillir les correspondances exprimant la parole des femmes. Sur le corpus en lui-même, pour ma thèse, j'ai étudié environ 80 correspondants, ce qui représente des milliers de lettres. Depuis, j'en ai lu beaucoup d'autres, et celles-ci ne laissent pas apparaître de différences par rapport à ce que j'ai pu observer dans le cadre de mes précédents travaux.

Autre point : mon corpus ne contient pas de correspondances provenant d'ouvriers agricoles ou d'ouvriers de la grande industrie, pour des raisons aussi de conservation.

J'évoquais par ailleurs le problème des conflits conjugaux, qui apparaissent en marge de ces correspondances, mais il faut aussi imaginer la masse que représentent les centaines, voire les milliers de lettres échangées au sein d'un couple, ce qui nécessite de l'espace - on a parlé des greniers. C'est pourquoi les correspondances issues du monde agricole sont beaucoup plus nombreuses. Je lance un appel : si vous détenez des correspondances rédigées par des ouvriers agricoles ou de la grande industrie, je serais curieuse de les lire.

De la salle

On a parlé de cette femme médecin qui s'est fait passer pour un homme pour s'engager sur le front, mais a-t-on quelques éclairages sur la place des femmes médecins ou internes en médecine à l'époque de la guerre ? Elles ne devaient pas être très nombreuses.

Jean-Yves Le Naour, docteur en droit

Ce sujet sera abordé cet après-midi. Nicole Girard-Mangin ne s'est pas fait passer pour un homme ; on a cru qu'elle en était un, le titre « docteur » étant neutre.

De la salle

Un complément à ce qu'a dit M. Le Naour : mon instituteur a été lieutenant dans l'armée, tandis que mon père, qui a eu 20 ans en 1914, a fait la guerre ; par conséquent, j'ai aussi connu des chansons de ce genre-là, qu'on chantait aux repas de noces. Par exemple : « C'est les petites femmes qui nous manquent, c'est les petites femmes qu'il nous faut, Ça vaut mieux que des billets de banque ou des conserves d'abricots ». Ou encore la chanson de Craonne : « Adieu la vie, adieu l'amour, Adieu toutes les femmes, C'est bien fini, c'est pour toujours De cette guerre infâme, C'est à Craonne sur le plateau Qu'on doit laisser sa peau, Car nous sommes tous des condamnés, C'est nous les sacrifiés ».

De la salle

La censure a-t-elle pu empêcher les gens d'évoquer dans leurs correspondances leurs sentiments ?

Clémentine Vidal-Naquet, docteure en histoire, maîtresse de conférences à l'Université de Picardie Jules Verne

Le contrôle postal à partir de 1915 est surtout destiné à mesurer le moral de l'arrière et du front. Toutes les lettres ne sont pas lues - elles sont sélectionnées au hasard dans chaque compagnie -, ce que savent les combattants. J'ai le sentiment qu'une autocensure opère, mais qu'elle ne limite guère l'expression de la violence de la guerre - j'ai évoqué l'aspect intimité et sexualité de cette correspondance. Tout au long de la guerre, ce sont parfois des milliers de lettres qui ont été échangées et, à un moment ou à un autre, les combattants évoquent l'extrême violence du conflit, même s'ils tentent d'atténuer leur expérience du front. Sont évoqués les cadavres déchiquetés, les villages pillés et parfois même l'envie de tuer. Ce qui est interdit par les autorités militaires - interdiction plutôt bien respectée -, c'est l'indication du lieu d'où est envoyée la lettre. Pour l'expression de leur intimité, les couples s'adressent parfois aux censeurs en leur demandant de sauter quelques lignes. Ce besoin de confession, de consolation, fait que le contrôle postal n'opère pas tant que cela finalement, nonobstant cette autocensure évidente, difficile à mesurer.

Jean-Yves Le Naour, docteur en droit

Clémentine Vidal-Naquet rappelait tout à l'heure que plus de cinq millions de lettres étaient échangées chaque jour. Or au maximum de son fonctionnement, la censure contrôlait 180 000 lettres par mois... C'est un sondage destiné à savoir ce que pensent les soldats, et non à retenir les « mauvaises » lettres. Auquel cas, les soldats ne diraient plus ce qu'ils pensent dans leurs lettres et le « thermomètre » serait cassé.

Concernant les correspondances amoureuses, le censeur a pu se sentir ridicule, ou avoir l'impression d'être un voyeur en les lisant.

De la salle

Je suis Mireille Saki, conseillère municipale de Sevran. Des personnes ayant vécu la Grande Guerre pourraient-elles encore apporter leur témoignage ?

Claudine Lepage , vice-présidente de la délégation aux droits des femmes

On ne compte plus aucun ancien combattant encore en vie, malheureusement.

De la salle

Dispose-t-on de statistiques sur les divorces après la guerre ?

Clémentine Vidal-Naquet, docteure en histoire, maîtresse de conférences à l'Université de Picardie Jules Verne

Bien sûr. Il faut battre en brèche une idée reçue, celle que les couples auraient divorcé massivement après la guerre. Depuis la loi Naquet de 1884, le divorce reste un phénomène très marginal, évidemment interrompu pendant la guerre par la séparation des couples, en dépit de la mise en place, en 1916, du divorce par procuration, qui ne fonctionne pas plus que les mariages par procuration. Après la guerre, on assiste à un phénomène de rattrapage, comme pour les mariages, dont le nombre a fortement crû. En 1913, on enregistrait en France environ 13 000 divorces ; en 1920, on en a compté 30 000, sachant qu'il est très difficile de faire la part entre les divorces liés au conflit et ceux qui auraient été prononcés de toute façon. Cette augmentation du nombre de divorces s'inscrit dans une tendance à une progression régulière depuis 1884. Ce phénomène de rattrapage s'interrompt vers 1921-1922, avant de reprendre son rythme de progression.

Jean-Yves Le Naour, docteur en droit

Il faut noter une spécificité : en temps de paix, dans 90 % des cas, ce sont les femmes qui demandent le divorce ; dans le premier après-guerre comme dans le second après-guerre, ce sont majoritairement des hommes qui demandent le divorce.

Clémentine Vidal-Naquet, docteure en histoire, maîtresse de conférences à l'Université de Picardie Jules Verne

On note également une augmentation des demandes de divorce pour adultère féminin - on divorce pour faute grave. Aussi, après la guerre, les divorces sont davantage prononcés en faveur des hommes, contrairement à ce qui prévalait avant la guerre.

De la salle

C'est un grand plaisir de voir la persévérance de femmes et d'hommes à poursuivre cette réflexion sur la place des femmes dans les conflits armés et de la diffuser aussi intelligemment. Certains d'entre vous étaient peut-être déjà présents en avril 2016, quand nous avions organisé avec l'association Démocraties le premier colloque au sein du Palais du Luxembourg, en présence de son président, le général Henri Paris, sur la place des femmes dans les conflits armés. Nous avions alors rassemblé des jeunes femmes universitaires, des femmes de terrain témoignant d'un passé douloureux ou alors oeuvrant à travers le monde auprès des armées ou sur les processus de violences sexistes, sexuelles et d'inégalités genrées.

Le public était hétéroclite, composé de militaires, de membres d'associations féministes ou pas, de citoyennes et de citoyens éclairés. Les échanges furent émouvants, qui ont donné suite à un petit fascicule. Dans cette continuité de recherches universitaires, nous avons beaucoup à faire ensemble et à partager.

J'ai écouté avec intérêt ce qui a été dit ce matin sur la place des femmes pendant la guerre, sur l'évolution de la sexualité quand les femmes s'affirment.

De la salle

Je suis Liliane Rehby, secrétaire nationale de l' Association républicaine des anciens combattants . Ma question s'adresse à Clémentine Vidal-Naquet.

À la lecture de ces correspondances, avez-vous noté de l'autocensure de la part des Poilus, afin de ne pas affoler leurs familles ? J'ai pu comparer les lettres qu'a envoyées Henri Barbusse à sa femme, Hélyonne, avec son roman Le Feu , pour lequel il a obtenu le prix Goncourt : cela n'a rien à voir. On sent qu'il se refrène pour la ménager.

Clémentine Vidal-Naquet, docteure en histoire, maîtresse de conférences à l'Université de Picardie Jules Verne

Mais il lui envoie les épreuves de son texte ! Je pense que sa femme Hélyonne sait très bien ce que les obus font aux corps.

Ce qui manque dans ces correspondances, ce n'est pas la violence, ce n'est pas l'omniprésence de la mort, ce n'est pas le risque de mort du soldat, c'est la peur. Voilà ce que n'expriment pas les combattants, c'est la peur, dont on imagine ce qu'elle doit être en première ligne. Sans doute est-ce une question de conception de la virilité qui prévaut à l'époque.

Claudine Lepage, vice-présidente de la délégation aux droits des femmes

Je vous remercie. Cet échange clôt nos séquences de la matinée. Nous nous retrouverons donc cet après-midi dans cette même salle, à 14h15.


* 41 Les femmes au temps de la guerre de 14, op. cit. p. 15.

* 42 Voir en annexe la présentation de cette collection ainsi que les reproductions des dessins projetés pendant le colloque.

* 43 Paul Voivenel, Avec la 67 ème division de réserve , Toulouse, Éditions de l'Archer, 4 vol. 1933-1938, vol. 3, pp. 86-87 (note de l'auteur).

* 44 Capitaine de Sommereux, À la guerre comme à la guerre , Paris, La Renaissance du livre, 1918, pp. 74-75 (note de l'auteur).

* 45 Dr Léon Bizard, Souvenirs d'un médecin des prisons de Paris , éd. Grasset, 1925, p. 197 (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 46 Chef du centre dermato-vénérologique de la XI e région militaire (Tours) (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 47 Gougerot, Conférence antivénérienne faite à des ouvrières , Melun, 1919, 36 p., p. 35 (cité par Jean-Yves Le Naour, « L'éducation sexuelle du soldat en 14-18 », www.jeanyveslenaour.com ) (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 48 Voir en annexe les reproductions des documents projetés.

* 49 Pour que le viol et les violences sexuelles cessent d'être des armes de guerre, rapport d'information de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la délégation aux droits des femmes n° 212 (2013-2014) - 10 décembre 2013, https://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-212-notice.html

* 50 Nadia Murad, ex-prisonnière de Daech, témoin des atrocités commises par l'État islamique contre les femmes Yezidies, nommée en 2016 ambassadrice de l'ONU pour la dignité des survivants de la traite des êtres humains, et Denis Mukwege, chirurgien spécialiste de la réparation des femmes victimes de viols de guerre en République démocratique du Congo, créateur en 1999 d'un hôpital à Panzi où il a soigné quelque 50 000 femmes violées lors du conflit au Kivu. Le prix Nobel de la paix a été décerné à ces deux personnalités « pour leurs efforts pour mettre fin à l'emploi des violences sexuelles en tant qu'armes de guerre ». Nadia Murad et le Docteur Denis Mukwege avaient déjà reçu à ce titre le prix Sakharov du Parlement européen. La délégation aux droits des femmes a rencontré Nadia Murad le 18 février 2016, dans le cadre de la préparation d'un rapport d'information intitulé Traite des êtres humains, esclavage moderne : femmes et mineur-e-s, premières victimes (par Corinne Bouchoux, Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Brigitte Gonthier-Maurin, Chantal Jouanno et Mireille Jouve), n° 448 (2015-2016). Voir pp. 14 à 16 le compte-rendu de cette rencontre (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 51 Voir la biographie du sénateur Odilon-Marc Lannelongue (1840-1911) dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940) de Jean Jolly, sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/senateur-3eme-republique/lannelongue_odilon0147r3.html#1889-1940 (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 52 Voir la biographie du sénateur Louis Martin (1859-1944) dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940) de Jean Jolly, sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/senateur-3eme-republique/martin_louis1739r3.html (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 53 Voir la biographie du sénateur Paul Cazeneuve (1852-1934) dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940) de Jean Jolly, sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/senateur-3eme-republique/cazeneuve_paul1143r3.html (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 54 Dans la Grèce antique, membre d'une commission athénienne qui vote les lois (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 55 Voir la biographie d'Adolphe Pinard (1844-1934) dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940) de Jean Jolly, sur le site de l'Assemblée nationale : http://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/(num_dept)/5938 (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 56 Voir la biographie d'Édouard Ignace (1862-1924) dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940) de Jean Jolly, sur le site de l'Assemblée nationale : http://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche/(num_dept)/3926 (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

* 57 Voir la biographie de Gustave Lhopiteau (1860-1941) dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940) de Jean Jolly, sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/senateur-3eme-republique/lhopiteau_gustave0772r3.html (note du secrétariat de la délégation aux droits des femmes).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page