ANNEXE 2 - LES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION MATTÉOLI

Recommandations relatives aux archives

Recommandation n° 1 : Accès aux fonds d'archives

L'accès à tous les fonds d'archives doit être largement facilité. La mission recommande que soit accordées de nouvelles dérogations pour l'accès aux fonds d'archives publiques non encore ouverts (préfecture de Police, CDC, Récupération artistique, OBIP, commissaires-priseurs, gendarmerie et justice militaire, etc.) et de faire établir et publier l'inventaire de tous ces fonds. Elle considère également que toutes les archives privées (banques, assurances, SACEM, galeristes et marchands d'art, etc.) devraient faire l'objet d'un effort systématique de conservation, d'inventaire et d'ouverture, dans des conditions à déterminer. Les archives privées relatives à la spoliation des Juifs de France et aux restitutions devraient être accessibles dans les mêmes conditions que les archives publiques.

Recommandation n°2 : Conservation des archives

L'ouverture des archives entraîne leur consultation par de nombreuses personnes. Or pour des raisons purement matérielles (nature des papiers), les documents les plus souvent consultés dans les archives publiques se dégradent de façon inquiétante. La mission recommande donc l'enregistrement sous une forme informatique de ces documents (numérisation), ce qui permettrait en outre d'en faciliter la consultation. Elle recommande d'autre part avec insistance aux institutions privées concernées, et notamment aux banques et compagnies d'assurances, de se doter de véritables services d'archives pour assurer la conservation et la consultation des documents relatifs à cette période de notre histoire.

Recommandation n° 3 : Conservation des archives et fichiers de la Mission

Les archives de la Mission devant être versées aux Archives nationales conformément au droit commun, la Mission considère que l'ensemble des fichiers informatiques nominatifs qu'elle a constitués en vertu d'une autorisation explicite et restrictive de la CNIL font partie intégrante de ce versement et que leur pérennité doit être assurée en tout état de cause dans l'état où ils se trouvent à la fin des travaux de la Mission.

Recommandation n° 4 : Fichiers informatiques constitués par la Mission

D'une part, la transmission à la commission chargée de l'examen des demandes individuelles d'une copie des fichiers informatiques nominatifs constitués par la Mission serait de nature à faciliter l'indemnisation des victimes. D'autre part, l'accès à ces fichiers devrait être ouvert à des associations régulièrement déclarées...

Recommandations relatives aux recherches

Recommandation n° 5 : Recherches pour identifier les oeuvres dans les musées

L'effort nécessairement long entrepris par les Musées de France à la demande de la Mission et avec son soutien pour identifier avec précision les oeuvres et objet d'arts dont il est impossible d'affirmer avec certitude qu'ils ne proviennent pas d'une spoliation a déjà abouti à des résultats importants. Il doit cependant être poursuivi.

Recommandation n° 6 : Institutions où la recherche doit être poursuivie

La Mission a collaboré avec plusieurs ministères et de très nombreuses institutions publiques ou privées; elle a signalé, dans son rapport, combien ces collaborations ont été fructueuses. Ils auront à coeur pour la plupart de poursuivre leurs investigations, mais les recherches supplémentaires apporteront, le plus souvent, des nuances ou des rectifications de détail aux résultats auxquels a conduit le travail mené en liaison avec la Mission. Dans deux cas, celui des compagnies d'assurances d'une part, celui des Domaines d'autre part, il est particulièrement souhaitable de prolonger les recherches.

Recommandation n° 7 : Sujets sur lesquels la recherche doit être poursuivie

À l'exception de la publication de la totalité des textes officiels, notre Mission s'est concentrée sur la France métropolitaine. Nous n'avons pas étudié l'Alsace et la Moselle, annexées de fait au Reich ; la spoliation y a été pourtant considérable, mais elle résulte de l'application directe d'une législation allemande à laquelle le gouvernement de Vichy a été étranger. Nous n'avons pas traité non plus la spoliation des Juifs en Algérie, dans les départements d'Outre-mer, les protectorats et les colonies. Dans le cadre géographique et administratif que nous avons considéré, nous n'avons pu traiter que partiellement certains sujets qui méritent intérêt, comme les Groupements de travailleurs étrangers (GTE), ou les administrateurs provisoires. Enfin, les monographies font encore défaut pour certains camps d'internement

Recommandations relatives aux restitutions individuelles

Recommandation n° 8 : Principe général

Quand un bien dont l'existence en 1940 est établie a fait l'objet d'une spoliation et n'a pas été restitué ou indemnisé, l'indemnisation est de droit quels que soient les délais de prescription en vigueur.

Recommandation n° 9 : Restitutions et indemnisations antérieures

L'enquête de la Mission a montré, d'une part, que de nombreux biens spoliés avaient été restitués en vertu de mesures prises après le rétablissement de la légalité républicaine ; d'autre part, que de nombreux biens pillés ont été indemnisés au titre des dommages de guerre ou par le gouvernement fédéral allemand. Quand un bien spolié ou pillé a été restitué ou indemnisé selon des principes qui ont été établis par la loi (française ou allemande) ou par des accords internationaux, et après vérification des différents fonds d'archives, aucune nouvelle indemnisation ne doit être envisagée. En ce qui concerne les dépôts des internés à Drancy pendant la période allemande (juillet 1943-août 1944), la Mission recommande que leur restitution soit envisagée à l'instar de la période française sous réserve des indemnisations déjà effectuées.

Recommandation n° 10 : Indemnisations nouvelles

Afin d'éviter que des préjudices identiques ne donnent lieu à des réparations inégales, quand un bien pillé ou spolié n'a pas été restitué ou indemnisé dans les conditions rappelées ci-dessus, l'indemnisation doit respecter les mêmes principes que les indemnisations précédentes.

Recommandations relatives à la Fondation pour la mémoire

Recommandation n° 11 : Dotation

Les fonds en déshérence de toute nature résultant de la spoliation doivent être versés par les institutions publiques et privées à la Fondation pour la mémoire dont le Premier ministre a décidé la création.

Recommandation n° 12 : Mission

La Fondation pour la mémoire doit avoir une mission d'histoire, d'éducation et de solidarité. Ses objectifs doivent comprendre notamment le soutien et le développement de la recherche par des organismes publics ou privés d'archives et de documentation sur le sort des Juifs, la spoliation et les restitutions, et ceci particulièrement au travers du CDJC et du Mémorial du martyr juif inconnu...

Recommandations relatives aux oeuvres et objets d'art

Recommandation n° 13 : OEuvres et objets d'art non spoliés

La Mission recommande que les oeuvres et objets d'art dont on a la preuve qu'ils n'ont pas été spoliés soient intégrés définitivement aux collections nationales.

Recommandation n° 14 : OEuvres et objets d'art spoliés ou d'origine incertaine

La Mission estime que laisser ces oeuvres dans les musées où elles se trouvent actuellement peut contribuer utilement à la poursuite d'un double objectif de restitution et de pédagogie, sous la condition de la mise en oeuvre systématique des trois actions suivantes :

- diffusion la plus large, dans les musées accueillant des oeuvres de la spoliation, du catalogue des oeuvres spoliées;

- installation aux abords immédiats de chacune des oeuvres spoliées ou d'origine incertaine d'un cartouche régulièrement actualisé, présentant les éléments de connaissance disponibles sur ses origines ;

- mise en place dans chacun de ces musées d'un site Internet accessible au public présentant les oeuvres spoliées ou d'origine incertaine et projection permanente en boucle de ces oeuvres.

Recommandation n° 15 : Dépôt au musée d'Israël

La Mission recommande que, pour porter témoignage de la spoliation, quelques oeuvres significatives, sélectionnées d'un commun accord parmi les oeuvres de la Récupération artistique, soient exposées au musée d'art de Jérusalem, avec une notice relative à leur origine et aux raisons pour lesquelles elles y sont déposées.

Recommandation n° 16 : Rapport annuel

La Mission recommande que la direction des Musées de France présente au gouvernement un rapport annuel faisant état de l'avancement des recherches sur les origines des oeuvres, des progrès de la restitution, des actions menées pour informer le public et des conditions d'exposition et de conservation des différentes oeuvres et objets d'art en cause. Ce rapport serait communiqué à la Fondation pour la mémoire et rendu public avec l'avis du conseil d'administration de celle-ci.

Recommandation n° 17 : Coopération internationale

La localisation d'environ 40 000 oeuvres et objets divers pillés demeure à ce jour inconnue ; un certain nombre se trouvent dans des collections étrangères, publiques ou privées : certains peuvent réapparaître.

La mise en oeuvre de leur restitution sera une tâche de longue haleine et elle se heurtera à des résistances. C'est pourquoi il apparaît souhaitable de mettre en place une structure permanente de coordination entre les directions des archives du ministère des Affaires étrangères et des musées de France, en vue de coordonner dans la durée cette entreprise.

Il reviendrait à cette structure de poursuivre :

- la mise à jour des listes complètes des oeuvres réclamées et non récupérées ;

- les recherches sur ces oeuvres et leur publicité, ce qui nécessitera des moyens, notamment en personnel qualifié ;

- la coopération internationale en faveur du retour des oeuvres se trouvant à l'étranger à la suite des pillages de la seconde guerre mondiale. Ces actions concernent notamment la Russie, avec laquelle un groupe de travail permanent sur les biens culturels devrait être créé, l'Autriche qui conserve de nombreuses oeuvres, et l'Allemagne avec laquelle la Mission recommande de mettre en place une instance intergouvernementale de coopération chargée de recouper les documents archivés dans les deux pays et de clarifier les opérations d'indemnisation effectuées dans le cadre de la loi dite BRüG.

Recommandations relatives aux banques et aux assurances

Recommandation n° 18 : Fusions-acquisitions

Le fait que des fusions, des acquisitions et des changements de statuts soient intervenues depuis la guerre n'autorise pas les établissements financiers, les compagnies et les services d'assurances à se considérer comme déchargés des responsabilités contractées par les sociétés qu'ils ont absorbées ou dont ils sont issus. En conséquence, la Mission recommande que lors de toute fusion, acquisition ou transmission de portefeuille, soit précisé de manière individualisée la répartition des dépôts et des coffres restés sans mouvement et des contrats non réglés.

De même, les liquidateurs, les structures de défaisance ou les bureaux de mobilisation de créances doivent être tenus responsables de l'identification et de la gestion des avoirs inactifs ou non versés.

Recommandation n° 19 : Prescription et déshérence

L'enquête de la Mission a montré que, comme les lois de 1895 et 1935 pour la CDC, celle de 1920 sur la prescription des avoirs déposés était inégalement appliquée pour plusieurs raisons. D'une part, la non-application de la loi ne fait pas l'objet d'un contrôle de la part du ministère des Finances. D'autre part, la loi comporte des ambiguïtés, notamment en ce qui concerne le statut des valeurs étrangères. Enfin, le statut juridique des coffres est ambigu et autorise des pratiques diverses. Les règles de la prescription et leur application doivent donc être réexaminées. De même, les archives relatives aux contrats d'assurance tombés en déshérence doivent être mieux conservées afin de préserver les droits des assurés.

Dans de nombreux pays, des instances diverses ont entrepris un travail d'élucidation analogue à celui que la Mission a conduit pour la France. Il paraît souhaitable, en conclusion de ce travail, de susciter une confrontation de ces différentes recherches, afin de mettre en évidence d'éventuelles particularités, soit dans la spoliation et le pillage eux-mêmes, soit dans les procédures de restitution et d'indemnisation, soit dans les recherches actuelles, la façon dont elles sont organisées et financées, les difficultés auxquelles elles se heurtent et les résultats auxquels elles parviennent. Dans ce but, la Mission recommande l'organisation en 2002 d'une conférence des représentants des commissions nationales et assimilées sur les recherches relatives à la spoliation des Juifs et aux restitutions.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page