CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES

CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE, RÉPUBLICAIN, CITOYEN ET ÉCOLOGISTE

Alstom un de nos plus grand fleuron industriel était un groupe stratégique pour la France dans l'énergie, dans le nucléaire, dans la défense, dans le ferroviaire, dans les télécommunications.

Le projet industriel d'Alstom a été vidé de son sens. L'intérêt national a cédé le pas aux intérêts purement privés, victime des relations malsaines entre la haute administration, les banquiers d'affaires. Un «entre-soi» qui, au sommet de l'État, a failli à protéger les intérêts nationaux, comme le souligne justement la commission d'enquête en cours à l'assemblée nationale.

En trente ans de ventes à la découpe en prise de participations hasardeuses ce groupe intégré à capitaux largement nationaux est passé sous contrôle étranger et risque de disparaitre en tant en qu'acteur industriel indépendant.

En 2014 lors de la cession de la branche énergie à General Electric le gouvernement français n'a défendu ni le secteur énergétique, ni l'intérêt général, ni l'intérêt du pays seule a prévalu la dimension économique et financière de l'opération. Comme le souligne A. Montebourg « Alstom n'était pas en situation d'urgence. D'autres pistes étaient possibles pour éviter la vente d'actifs. Le rapprochement avec Thales aurait permis à l'État de « construire une stratégie mondiale à partir de nos seules ressources et de consolider notre conglomérat ferroviaire et énergétique » et ce n'est qu'un exemple.

Avec la vente de la branche énergie, c'est tout un pan du savoir-faire français qui est passé sous le giron américain. Il en est ainsi du brevet de la turbine Arabelle, « une pépite technologique française », reconnue sur le marché mondial du nucléaire.

Cette opération a donc pu justement être qualifiée de véritable trahison de l'appareil d'État.

À cet égard le rapport décrit parfaitement les errances de l'État en rappelant que « L'État ne semble pas avoir pesé sur des choix stratégiques et capitalistiques qui sont pourtant à l'origine de l'affaiblissement des champions industriels nationaux qu'il avait lui-même constitué ».

Dès lors il aurait été opportun de faire un bilan plus large de cette inaction.

Un bilan qui aurait permis la remise en cause du dogme des années 90-2000 qui a dénié à la puissance publique sa capacité d'intervention économique au nom de la concurrence libre et non faussée sous couvert de régulation en lieu et place de la réglementation.

Résultats : la cession d'actifs stratégiques, la suppression de près de 20 % de l'effectifs européen d'Alstom.

Or si aujourd'hui se dégage une unanimité pour dénoncer la faillite de l'État stratège beaucoup semblent oublier que cette faillite trouve ses sources dans la remise en cause théorique et idéologique de la capacité de l'État à une planification « industrielle verticale » pour reprendre les mots du rapport.

Et cela doit faire l'objet d'un bilan non pour se désoler de la situation mais pour la remettre profondément en cause et redonner à l'intervention étatique ses lettres de noblesse. Cette même intervention qui a doté la France d'une industrie de pointe, d'une industrie puissante.

« Le droit communautaire reconnaît que certains secteurs justifient que l'État "contrôle qui contrôle"68 ( * ), dès lors l'incurie de l'État ne peut se résumer à un manque de moyens juridiques.

Enfin Alstom, même réduit au seul secteur ferroviaire c'est encore 8.500 emplois directs, près de 84.000 induits et 12 sites sur le territoire national.

C'est sous cet éclairage qu'il nous faut appréhender la décision de rapprochement avec Siemens qui permettra à cette entreprise de devenir majoritaire du nouvel ensemble.

Alstom étant un acteur majeur de l'industrie ferroviaire, porté par un marché structurellement dynamique, ce rapprochement soulève de nombreuses interrogations comme le souligne le rapport.

Certes, l'opération est présentée comme un «  mariage entre égaux », Alstom et Siemens réalisant effectivement des chiffres d'affaires comparables dans le secteur ferroviaire : un peu plus de 7 milliards d'euros chacun.

Mais il semble que cela ressemble plus à une fusion-absorption voire une donation, car Siemens ne mettra pas une euro dans la corbeille de la mariée sans parler des 1, 8 milliards d'euros de dividendes qui seront versés aux actionnaires.

Ainsi, loin d'être un rapprochement stratégique de consolidation du groupe et du tissu industriel national, il semble que ce dernier n'ait qu'une finalité capitalistique et financière loin des préoccupations de longs termes que devrait porter l'État.

Les erreurs commises en 2014 risquent donc de se reproduire. (Pourra-t-on encore parler d'erreur à ce stade ?)

Pourquoi précipiter ce rapprochement alors que les deux acteurs sont en bonne santé économique et qu'Alstom possède des atouts notamment des bases dans de nombreux pays.

Comme cela a été souligné lors des auditions, « Alstom est aujourd'hui un groupe solide, avec une capitalisation boursière de 7,9 milliards d'euros, un chiffre d'affaires annuel de 7 milliards d'euros, un carnet de commandes important, qui représente cinq ans d'activité (deux ans pour Siemens Mobility), une trésorerie de 2 milliards d'euros. À ces atouts, il convient d'ajouter des compétences et savoir-faire reconnus dans le monde entier dans les différentes activités du secteur ferroviaire. Aucun problème technologique ou industriel majeur ne met aujourd'hui en difficulté la pérennité de l'entreprise ».

Pourquoi précipiter un rapprochement lorsque l'on sait que si ces deux entreprises sont complémentaires elles sont aussi en choc frontal sur certains produits, l'exemple de la signalisation est éclairant ! Leur appareil de production va nécessairement faire apparaître des redondances entre les différents sites, ce qui à termes malgré les annonces du gouvernent risque de se traduire par des fermetures de sites et des suppressions d'emplois en France mais aussi en Europe.

Pire en transférant « ses activités « matériels roulants » et « signalisation » pour une valeur de 18 milliards d'euros, Siemens ne sort aucun cash et deviendrait majoritaire dans la nouvelle société. Cette opération élimine un de ses concurrents, lui ouvre un marché public porteur, en France - avec le plus grand investissement européen actuel, celui du Grand Paris Express, et un financement public estimé de 37 milliards d'euros d'ici à 2025. L'absorption des activités et des marchés de signalisation permettrait à Siemens de devenir de loin le leader mondial dans ce domaine, de contrôler une grande part des compétences mondiales. Au risque de fragiliser l'emploi, la maîtrise technologique avec la vente des brevets, la pérennité des sites avec un impact sur l'ensemble du tissu industriel dans cette filière ferroviaire considérée en 2014 comme stratégique pour la France ».

La future entité privilégiera-t-elle ICE de Siemens où le TGV Alstom ? Gardera-t-elle les deux gammes ? Les synergies de 450 millions à trouver se feront-elle sur l'emploi ou des sites français ? Ces questions sont restées sans réponses.

Si l'opération semble verrouillée sur les quatre prochaines années ce qui correspond à la commande publique française aucun engagement n'a été pris après cette échéance !

Ainsi encore une fois nous sommes face à une opération capitalistique sans projet industriel. Les données sur le montage financier sont connues, mais le projet industriel attendra. Ce n'est pas acceptable !

Enfin, l'argument de la concurrence internationale peine à convaincre, car c'est d'un véritable investissement dans la recherche et le développement dont il faudrait parler, or il n'en est rien. Pire, la disparition d'un acteur majeur comme Alstom peut accélérer l'entrée de nouveaux acteurs comme le chinois CRRC : moins il y a d'acteurs sur un marché, plus on se répartit le gâteau.

Dès lors sans assises industrielles solides on ne peut que s'interroger sur la concomitance de la vente d'un fleuron ferroviaire national avec la volonté tout aussi précipitée de privatiser la SNCF.

Comment croire au discours « make our planet great again » alors que dans le même temps l'exécutif décide de brader le dernier fleuron du ferroviaire français tout en ouvrant à la concurrence le trafic ferroviaire après la casse du fret.

C'est un contresens au regard des défis du transport de passagers et du fret nécessaires pour répondre à l'urgence environnementales.

C'est un contresens au moment où la diminution des gaz à effet de serre devrait être une cause nationale prioritaire.

C'est un contresens au moment où émerge une nouvelle conception de la mobilité.

Le transport n'est pas une prestation pour ceux qui peuvent se l'offrir, mais un droit. De fait, le droit à la mobilité conditionne le droit à travailler, à se soigner, à accéder à la culture et aux loisirs. C'est pourquoi le ferroviaire est un élément central de l'intérêt général qui justifie la qualification de service public du transport ferroviaire et la préservation de fleuron industriel comme Alstom. À cet égard il est utile de rappeler que l'intégrité, la sécurité et la continuité des réseaux et des services de transport relèvent et de l'ordre public, au sens français, et du service d'intérêt économique général, au sens communautaire du terme.

Des propositions alternatives existent, il suffirait d'écouter les parties prenantes en premier lieu les salariés et les syndicats.

Le besoin de transport est une réalité toujours plus importante en France et en Europe. Le transport ferroviaire répond aux défis de l'aménagement du territoire et de la lutte contre le changement climatique c'est en ce sens que la filière ferroviaire est stratégique. Dès lors l'intérêt de promouvoir la coopération plutôt que la concurrence est pour nous une évidence.

C'est pourquoi un « Airbus du rail » qui intégrerait non seulement les industriels implantés en Europe, mais aussi les États et l'Union européenne, nous semble la piste à suivre. Mais pour cela il faut sortir des logiques purement financière et mettre sur pied une véritable politique industrielle adossée à la commande publique.

Le cas Alstom impose clairement aux pouvoirs publics de reprendre la main, dans l'intérêt du pays, de son économie, des citoyens, des salariés, or cela ne semble pas être la voie choisi par ce gouvernement.


* 68 69 Marie Anne Frison Roche, le décret Montebourg" du 14 mai 2014 sur le contrôle des investissements étrangers est desservi par sa qualification "patriotique" : c'est un texte de droit de la régulation, mafr.fr, 2014.

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