D. LOI N° 2016-87 DU 2 FÉVRIER 2016 CRÉANT DE NOUVEAUX DROITS POUR LES PERSONNES MALADES EN FIN DE VIE

La loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie apporte deux principales évolutions à la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite loi « Leonetti » :

- d'une part, elle institue la possibilité de recourir sous certaines conditions à la sédation profonde et continue jusqu'au décès dans l'objectif de réduire la souffrance dans les situations de fin de vie ;

- d'autre part, elle modifie le régime juridique des directives anticipées afin de leur conférer une force plus contraignante pour le médecin concerné.

La loi renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir la procédure collégiale préalable aux décisions médicales relatives à la fin de vie (limitation ou arrêt des traitements, sédation profonde et continue, non-application des directives anticipées) ainsi que les modalités de rédaction et de prise en compte des directives anticipées.

Compte tenu des enjeux sociétaux et éthiques majeurs soulevés par ce texte, ses mesures d'application étaient particulièrement attendues. Dès le mois d'août 2016, la loi a fait l'objet de deux décrets en Conseil d'État qui l'ont rendu pleinement applicable 97 ( * ) .

• La garantie de la collégialité

Au cours des discussions parlementaires, le Sénat a marqué son profond attachement au respect de la collégialité dans l'accompagnement médical de certaines situations de fin de vie. La loi du 2 février 2016 impose ainsi le recours à la procédure collégiale dans trois situations :

- lorsqu'un arrêt des traitements est envisagé au titre du refus de l'obstination déraisonnable s'agissant d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté (article 2 de la loi) ;

- lorsqu'il s'agit de vérifier si les conditions sont réunies pour mettre en oeuvre une sédation profonde et continue associée à l'arrêt des traitements, que le patient soit ou non en mesure d'exprimer sa volonté (article 3 de la loi) ;

- pour les décisions pouvant conduire à écarter l'application des directives anticipées du patient (article 8 de la loi).

Le décret n° 2016-1066 du 3 août 2016 précise l'organisation de la procédure collégiale qui a vocation à s'appliquer dans chacun de ces cas . Le principe de collégialité impose au médecin de consulter « les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe ».

Pour rappel, la définition des membres des équipes de soins a été précisée à l'article 96 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, laquelle a retenu une approche extensive permettant d'inclure un « ensemble de professionnels qui participent directement au profit d'un même patient à la réalisation d'un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d'autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes ». La rédaction retenue par le décret précité devrait permettre d'éviter les éventuelles situations de blocage qui auraient résulté de l'obligation pour le médecin de réunir un collège si large qu'il rendrait impossible la prise de décision.

S'agissant de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement et/ou de recours à la sédation profonde et continue, il est précisé que le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. Il a l'obligation de l'engager « à la demande de la personne de confiance, ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches ». La procédure collégiale « prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant (...) L'avis motivé d'un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile ». La décision appartient au médecin.

S'agissant des directives anticipées, l'article 8 de la loi prévoit que le médecin est tenu de les respecter sauf dans deux circonstances : en cas d'urgence vitale « pendant le temps nécessaire à l'évaluation complète de la situation médicale » et s'il les juge « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ». Dans cette dernière hypothèse, les mesures d'application imposent de recueillir « l'avis des membres présents de l'équipe de soins, si elle existe , et celui d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant, avec lequel il n'existe aucun lien de nature hiérarchique » . Il est précisé que le médecin peut recueillir auprès de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient. En revanche, le décret ne va pas jusqu'à préciser les modalités de prise de décision au sein du collège.

Toute décision prise dans le cadre collégial, notamment celle conduisant à refuser l'application des directives anticipées, est soumise à une obligation de motivation et de traçabilité . Le dossier médical du patient doit ainsi comporter les « témoignages et avis ainsi que les motifs de la décision ».

L'avis d'un médecin consultant, voire d'un deuxième médecin consultant en ce qui concerne la limitation ou l'arrêt des traitements et la sédation profonde et continue jusqu'au décès, l'obligation de motivation de ces avis et leur inscription dans le dossier du patient constituent autant de garanties procédurales pour le patient, sa personne de confiance ou ses proches.

Dans sa récente décision sur la conformité à la Constitution de certaines dispositions de la loi du 2 février 2016 98 ( * ) , le Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement du droit à un recours juridictionnel effectif, a en outre indiqué qu' une décision d'arrêt ou de limitation de traitements de maintien en vie conduisant au décès d'une personne hors d'état d'exprimer sa volonté doit être notifié aux personnes auprès desquelles le médecin s'est enquis de la volonté du patient , dans des conditions leur permettant d'exercer un recours en temps utile.

Cette décision a également permis de préciser que lorsque la volonté du patient demeure incertaine ou inconnue, cette seule circonstance, dont il n'est possible de déduire aucune présomption, ne peut conduire le médecin à décider de l'arrêt des traitements.

• Le contenu et la conservation des directives anticipées

Le décret n° 2016-1067 du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées apporte des précisions sur leurs modalités de rédaction et sur leur mode de conservation.

Il énumère les différentes rubriques que peuvent contenir les directives anticipées. Comme le prévoit la loi, un modèle de directives anticipées pris après avis de la Haute Autorité de santé (HAS) figure en annexe d'un arrêté du 3 août 2016 99 ( * ) . Il comporte deux versions en fonction de la situation dans laquelle se trouve l'auteur des directives au moment de leur rédaction : celle des personnes ayant une maladie grave ou qui sont en fin de vie et celle des personnes qui pensent être en bonne santé. Il convient de noter que ce modèle invite notamment la personne à indiquer si elle souhaite l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation artificielles , ce point faisant l'objet de débats récurrents au sein même de la communauté médicale, comme l'ont d'ailleurs rappelé les discussions parlementaires.

L'article 8 de la loi du 2 février 2016 prévoit la possibilité de conserver les directives anticipées dans un registre national automatisé respectant les conditions posées par la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978. Sur ce fondement, le décret précité prévoit la possibilité pour l'auteur de directives anticipées de les déposer dans son dossier médical partagé (DMP) , étant entendu que la personne peut choisir « de n'y mentionner que l'information de l'existence de telles directives ainsi que le lieu où elles se trouvent conservées et les coordonnées de la personne qui en est dépositaire ». Lorsque les directives anticipées sont conservées dans le DMP, « un rappel de leur existence est régulièrement adressé à leur auteur ». Les dispositions réglementaires ne précisent cependant pas à quelle fréquence cette information doit être fournie.

De façon générale, le décret précise que les directives anticipées « sont conservées selon des modalités les rendant aisément accessibles pour le médecin appelé à prendre une décision de limitation ou d'arrêt de traitement ». En outre, les établissements de santé ou médico-sociaux ont désormais l'obligation d'interroger les patients accueillis sur l'existence de ces directives.

En application de l'article 13 de la loi du 2 février 2016, un décret du 6 avril 2017 est venu apporter des précisions sur son application dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna 100 ( * ) . Ce décret réalise en outre des ajustements rédactionnels de certaines dispositions des deux décrets précités du 3 août 2016.

Pour mémoire, l'article 14 de la loi prévoit qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport évaluant les conditions d'application de cette loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs dans les établissements de santé et médico-sociaux. Votre commission espère pouvoir disposer dès la fin de cette année d'un premier bilan des dispositions législatives adoptées en février 2016. Elle note avec satisfaction que des démarches de sensibilisation des professionnels et d'information de nos concitoyens ont été rapidement engagées après le vote de la loi, qu'il s'agisse des documents élaborés par la Haute Autorité de santé (HAS) sur les directives anticipées et la personne de confiance 101 ( * ) ou de l'actualisation des commentaires formulés par le Conseil national de l'ordre des médecins (Cnom) sur les nouvelles dispositions du code de déontologie médicale.


* 97 Décret n° 2016-1066 du 3 août 2016 modifiant le code de déontologie médicale et relatif aux procédures collégiales et au recours à la sédation profonde et continue jusqu'au décès prévus par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Décret n° 2016-1067 du 3 août 2016 relatif aux directives anticipées prévues par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

* 98 Décision n° 2017-632 QPC du 2 juin - Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés.

* 99 Arrêté du 3 août 2016 relatif au modèle de directives anticipées prévu à l'article L. 1111-11 du code de la santé publique.

* 100 Décret n° 2017-499 du 6 avril 2017 portant application de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie dans le territoire des îles Wallis-et-Futuna et modifiant les décrets n° 2016-1066 et n° 2016-1067 du 3 août 2016.

* 101 Haute Autorité de santé, « Les directives anticipées, document destiné aux professionnels de santé et du secteur médico-social et social », avril 2016 ; « Note méthodologique et de synthèse documentaire. Pourquoi et comment rédiger ses directives anticipées ? », avril 2016 ; «  Les directives anticipées concernant les situations de fin de vie, guide pour le grand public », octobre 2016 ; « La personne de confiance, document d'information et formulaire de désignation », avril 2016.

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