Brigitte Gonthier-Maurin, vice-présidente de la Délégation aux droits des femmes (Groupe communiste républicain et citoyen)

Madame la ministre,

Madame la présidente du Planning familial ,

Mes chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Avant toute chose, je vous propose de regarder ensemble un court extrait d'un reportage sur la commission spéciale chargée, à l'Assemblée nationale, d'examiner la proposition de loi de Lucien Neuwirth.

Nous sommes en 1967.

(Projection d'un extrait du reportage 15 ( * ) :
« À l'Assemblée nationale, travaux préparatoires
de la loi relative à la régulation des naissances » 16 ( * ) ).

J'ai tout particulièrement tenu à ce que nous regardions ensemble cette vidéo, parce qu'elle met en valeur l'engagement, aux côtés de Lucien Neuwirth, de Marie-Claude Vaillant-Couturier, femme politique communiste, grande figure de la Résistance, déportée à Ravensbrück, témoin au procès de Nuremberg et présidente « historique », si je puis dire, de la Fondation pour la mémoire de la déportation .

Notre collègue Alain Gournac a rappelé avec raison l'engagement de Lucien Neuwirth dans la France libre.

Pour ma part, j'ai trouvé très éclairant que siègent en même temps à l'Assemblée nationale deux députés qui partagent à la fois ce passé résistant et des convictions favorables à la libre maîtrise, par les femmes, de leur fécondité. J'y ai vu la confirmation qu'il fallait bien une âme de résistante et de résistant pour conduire ce combat !

Je voudrais aussi évoquer avec vous l'intervention à l'Assemblée nationale d'une députée, Jacqueline Thome-Patenôtre, membre du groupe de la Fédération de la gauche démocratique et socialiste. Elle rappelle très justement que « Si la femme a été longtemps maintenue dans une situation de mineure et d'inférieure, c'est en grande partie parce qu'elle était soumise à un ordre biologique qu'elle croyait fatal et inéluctable ».

Cela fait écho au constat établi par l'anthropologue Françoise Héritier : la fécondité, au lieu d'être une force pour les femmes, a été la cause principale de leur faiblesse, du fait de la volonté des hommes de se l'approprier dans une logique de pouvoir.

Une expression de la députée Jacqueline Thome-Patenôtre m'a tout particulièrement interpellée : elle dit que la loi va permettre aux femmes de « connaître une vie à part entière ».

En 1967, c'est donc un autre destin qui s'annonce pour les femmes.

Or ce destin nouveau, qui a eu le pouvoir de l'autoriser en votant la loi qui allait révolutionner la vie des femmes ?

Il faut le souligner : en décembre 1967, comme l'a rappelé Corinne Bouchoux, cinq femmes seulement siègent au Sénat ; elles représentent moins de 2 % des sénateurs. Avec onze députées, l'Assemblée nationale fait à peine mieux puisqu'elle ne compte que 2,25 % de femmes élues.

Le débat de 1967 est donc dominé par les hommes ; trois femmes seulement d'ailleurs prennent la parole à l'Assemblée nationale au cours des deux lectures successives de la proposition de loi, une seule au Sénat.

Aujourd'hui, avec un quart de femmes parlementaires, la physionomie de nos hémicycles a bien changé. Et quand nous examinons des mesures législatives qui concernent les femmes au premier chef, nos votes ne sont plus l'émanation d'assemblées presque exclusivement masculines.

Je souhaitais rappeler cet après-midi l'attachement de notre délégation aux droits des femmes à la mixité et à la parité, en politique comme dans tous les autres domaines de l'activité humaine, même si ce rappel nous éloigne en apparence, mais en apparence seulement, de notre sujet.

Au seuil d'une année électorale qui connaîtra trois échéances d'importance majeure, j'aimerais formuler l'espoir que le Parlement qui sera élu d'ici quelques mois reflète davantage encore cet idéal de mixité et d'égalité, pour que nous puissions ensemble, hommes et femmes, dans notre diversité politique, intervenir dans les grands débats qu'il appartient au législateur de trancher.

Car si les avancées en matière de droits et libertés des femmes sont bien réelles, l'actualité récente, aux États-Unis par exemple, montre que dans ce domaine rien n'est jamais définitivement acquis.


* 15 La retranscription des propos tenus dans le cadre de l'extrait de ce reportage projeté lors de la cérémonie est annexée au présent document.

* 16 Reportage ORTF ; réalisation Daniel Costelle, 20 décembre 1966. Version intégrale sur le site de l'INA : http://www.ina.fr/video/I07289511/a-l-assemblee-nationale-travaux-preparatoires-de-la-loi-relative-a-la-regulation-des-naissances-video.html

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