II. LA RESTAURATION LIBÉRALE OU LA NOUVELLE IDÉOLOGIE DOMINANTE

L'un des aspects majeurs des mutations de l'après-Bretton Woods, c'est le renouvellement de l'idéologie dominante en matière économique et politique : quasi-disparition de la scène idéologique (médias, mainstream de la théorie économique, éléments de langage bureaucratiques et politiques) du keynésianisme, qui avait été au coeur du New Deal , de la reconstruction d'après-guerre en Europe et du nouvel ordre mondial symbolisé par Bretton Woods, et restauration de l'idéologie libérale.

C'est ce libéralisme revisité qui va inspirer les politiques des gouvernements et des bureaucraties dans tout l'Empire et au-delà, après la disparition de l'URSS et les « modernisations » chinoises.

A. LES LIBÉRALISMES

Bien que fidèle pour l'essentiel aux principes libéraux classiques, ce néolibéralisme se décline selon diverses chapelles, celles qui eurent le plus d'influence étant l'ultralibéralisme des pays anglo-saxons (École de Chicago, Milton Friedman, prix de la Banque de Suède) et le néolibéralisme européen (néolibéralisme autrichien et ordolibéralisme allemand). C'est ce dernier qui inspirera directement la politique monétaire et économique de l'Allemagne et indirectement la construction de l'Europe.

À noter cependant :

• une différence essentielle entre les deux côtés de l'Atlantique, s'agissant du rôle de l'État, censé ne jouer aucun rôle pour les Anglo-Saxons alors qu'il est indispensable à la création et au fonctionnement d'une « concurrence libre et non faussée » pour les ordolibéraux européens. D'où l'exploit que représente l'institution d'un « libéralisme bureaucratique » pour régir l'Europe, d'un ordre libéral qui ne peut exister sans réglementation ; le rôle de l'État est sensiblement différent : se faire le plus petit possible dans un cas, ne pas agir mais créer les conditions du bon fonctionnement des marchés dans l'autre ;

• que, dans la réalité, les principes sont largement contournés, s'agissant notamment du rôle de l'État, constamment appelé à la rescousse, et de l'importance des oligopoles, à commencer par l'oligopole bancaire. Disons qu'il s'agit d'une concurrence à géométrie variable.

L'idéologie qui s'installe peut être figurée par trois cercles concentriques :

- au centre, une théorie économique à prétention scientifique ;

- une première couronne, sorte de manuel de politique économique ;

- une couronne extérieure en forme de théorie du comportement humain et du bon fonctionnement de la société en général.

C'est, au sens propre, une idéologie pour ne pas dire une religion du marché, ce que résume bien cette citation d'Alain Minc : « Je ne sais pas si les marchés pensent juste, mais je sais qu'on ne peut pas penser contre les marchés. » 61 ( * )


* 61 La Mondialisation heureuse - Plon - 1997.

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