DEUXIÈME PARTIE -
POUR UNE RÉFORME AMBITIEUSE DU DISPOSITIF PUBLIC DE SOUTIEN

I. POUR UNE RÉFORME COURAGEUSE DE LA GOUVERNANCE NATIONALE DU SOUTIEN AUX EXPORTATIONS AGROALIMENTAIRES

A. OBSERVATIONS SUR LES FAIBLESSES DU DISPOSITIF ACTUEL

1. Dispersion des moyens publics, éparpillement sectoriel et gouvernance verticale en « tuyaux d'orgue » ou en « silos »

Pour entrer davantage dans le détail des constats présentés en première partie du présent rapport, le dispositif actuel de soutien à l'export agroalimentaire se caractérise par la dispersion des moyens publics, l'éparpillement des opérateurs sectoriels et une gouvernance verticale en « tuyaux d'orgue » ou en « silos » .

Cet état de fait réside tant dans l'origine diversifiée des financements que dans l'hétérogénéité des opérateurs en charge du secteur :

- le ministère de l'agriculture a consacré 15,5 millions d'euros au travers des trois organismes d'appui Sopexa, (13,5 millions d'euros puis 9 millions d'euros dans la DSP 2012/2017), Ubifrance (0,7 million d'euros) et Adepta (1,3 million d'euros) et 12 millions d'euros via le budget de FranceAgriMer ;

- en outre, environ 20 millions d'euros ont bénéficié au secteur agroalimentaire au titre de la subvention globale du ministère de l'économie à Ubifrance.

La diversité des acteurs du dispositif public de soutien pose donc la question de la synergie des trois niveaux d'intervention de l'État :

- le niveau régalien (administrations de tutelle) au travers de la direction générale des politiques agricoles, agroalimentaires et des territoires (DGPAAT) et de la direction générale du Trésor (DG Trésor) ;

- les opérateurs spécialisés dans la promotion à l'export, la Sopexa dans le cadre de la délégation de service public (DSP) et Ubifrance ;

- l'intervention de FranceAgriMer (FAM) en matière d'export en raison de son rôle de structuration des filières et de l'offre de produit.

De plus, il faut signaler que les collectivités territoriales, en particulier les régions, et les organisations professionnelles contribuent également de manière substantielle à la promotion de l'export agroalimentaire.

En outre, il ne faut pas négliger le rôle du ministère des affaires étrangères et des CCI françaises à l'étranger pour la partie internationale du dispositif d'appui.

Tel que l'illustre le schéma ci-dessous, la gouvernance actuelle des dispositifs de soutien public aux exportations agroalimentaires est devenue illisible .

La situation actuelle du dispositif :
gouvernance verticale en « silos » et chevauchements de compétences

Source : commission des finances

2. Chevauchement de compétences, échec des projets de coordination et de répartition géographique
a) Un défaut de pilotage et un manque de cohérence au niveau ministériel et stratégique...

Pour rester sur l'analyse de la gouvernance au niveau national, les auditions et déplacements ont permis de constater que le secteur de l'agroalimentaire se caractérisait historiquement par un manque de cohérence au niveau ministériel et stratégique , notamment entre les ministères en charge de l'agriculture et du commerce extérieur.

La concertation interministérielle du soutien de l'État à la promotion des exportations agroalimentaires est insuffisante et le délégué interministériel aux industries agroalimentaires semble insuffisamment associé aux problématiques de l'export.

Concrètement, si des conventions et des chartes destinées à progresser sur tous ces points ont été signées à Paris , vos rapporteurs spéciaux se sont rendus compte que beaucoup trop souvent, elles n'ont pas été déclinées, ni mises en oeuvre d'une façon opérationnelle et efficace sur le terrain .

Ainsi, le plan d'orientation à l'export agroalimentaire (POEAA) ne constitue pas une véritable stratégie d'action concertée et partagée par tous les acteurs. Il s'agit d'un plan développé essentiellement par l'administration du ministère de l'agriculture. Par ailleurs, le programme « France Export », sorte d'agenda des manifestations, est la résultante d'une convention de partenariat entre Ubifrance et Sopexa s'apparentant davantage à un pacte de non-agression qu'à une stratégie de collaboration. Aussi, peut-on être surpris de constater sur le terrain que les opérateurs, au lieu de se consacrer chacun aux fonctions dans lesquelles ils sont spécialisés, sont amenés à dupliquer les mêmes fonctions.

b) ...qui se cristallisent autour du débat sur les relations conflictuelles entre Ubifrance et Sopexa

Cette situation a cristallisé le débat sur la relation conflictuelle qu'entretiennent Ubifrance et Sopexa, véritable concurrence destructrice pour votre rapporteur spécial Yannick Botrel. Il en est résulté des chevauchements de compétences et un échec des tentatives de coordination et de répartition géographique .

L'existence d'opérateurs sectoriels de l'export agroalimentaire s'explique par des raisons historiques et culturelles, mais se justifie-t-elle encore ?

Le tableau ci-après illustre cette redondance des actions et la nécessité de clarifier les compétences de chaque acteur notamment en matière d'organisation de salon et d'accompagnement vers les professionnels ou vers les consommateurs.

Les redondances entre les acteurs du dispositif public de promotion

Actions

ADEPTA

UBIFRANCE

DSP/SOPEXA

FranceAgrimer

Forme juridique

Association

EPIC

SA

EPA

Personnels dédiés à la fonction export agroalimentaire

215 experts dédiés Agrotech

27 ETP

Information et veille sur les marchés

X

X

X

X

Prospection (missions d'exportateurs à l'étranger)

X

X

X

X

Des opérateurs qui dupliquent les mêmes fonctions

Image France (logos France et France Bon appétit)

X

(logo France)

X

(logo France)

X

(logos France et France Bon appétit, site internet agroalimen-taire.fr)

Coordination des démarches de promotion collective (interprofessions)

X

X

X

Labellisation des opérations de promotion

X

(gestionnaire de la procédure de labellisation)

Une clarification nécessaire des compétences en matière d'organisation de salons et d'accompagnement

Accompagnement collectif (colloques, séminaires, formation en lien avec la filière)

X

X

X

X

Accompagnement BtoB (vers les professionnels) :

- pavillon France sur salons internationaux, animation sur les salons

X

X

X

X

(1 salon)

- rencontres acheteurs et appui à la démarche commerciale individuelle

X

- actions de promotion en point de vente

X

- actions de promotion des primoexportateurs

X

X

- salons équipementiers

X

X

Accompagnement BtoC (vers le consommateur) :

- pavillon France dans les salons internationaux, manifestations grand public, concours

X

X

Cette situation est la résultante d'une partition géographique des rôles au lieu d'une répartition fonctionnelle :

- normalement l'accompagnement BtoB, la compétence générale d'organisation de stand et la promotion de l'image France devait revenir à Ubifrance ;

- alors que le coeur de métier de Sopexa réside dans le marketing, l'accompagnement vers le consommateur et la promotion en point de vente.

Au lieu de cela, « tout le monde fait tout » mais chacun dans son coin, au risque d'un gaspillage des deniers publics et d'incohérences des calendriers, ainsi qu'il a été constaté sur le terrain. Ainsi, lors de son déplacement en Chine, votre rapporteur spécial, André Ferrand, a constaté que Sopexa et Ubifrance organisaient le même soir, à Hong-Kong, une manifestation de promotion pour le vin, dans des lieux différents et pour des publics professionnels. Par ailleurs, il s'est également étonné du fait que le salon Topwine organisé en 2012 à Pékin par Ubifrance ne figure pas dans le calendrier « Destination export » 2012 publié par Sopexa et le ministère de l'agriculture 26 ( * ) .

c) Au final, une tendance générale au saupoudrage des crédits qui nuit à l'efficacité globale du dispositif de soutien

Alors que des situations de redondance et de concurrence entre opérateurs du service public peuvent subsister sur le terrain, l'organisation du « jeu collectif » devrait conduire à une meilleure répartition des compétences entre Ubifrance et Sopexa fondée sur la complémentarité des savoir-faire et une saine émulation.

Dans la mesure où les dotations budgétaires diminuent (9 millions d'euros par an pour Sopexa en 2013 au lieu de 13,5 millions d'euros en 2012), sans mutualisation des moyens, notre dispositif court le risque de saupoudrage des crédits et d'abandon de certaines missions .

D'ores et déjà, la DSP attribuée à Sopexa pour la période 2013-2017 ne lui permet plus d'assurer sa mission première de promotion auprès du grand public , sauf à ce que la tutelle recentre la Sopexa sur son coeur de métier.

C'est pourquoi, il apparaît urgent de revoir en profondeur le schéma actuel de gouvernance.


* 26 A cet égard il est également curieux de constater que, dans une brochure réalisée dans le cadre de la DSP, il soit renvoyé au site www.sopexa.com pour obtenir des informations alors qu'il existe un site gouvernemental www.franceagroalimentaire.com.

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