C. LE CADRE INTERNATIONAL ET EUROPÉEN

1. Les règles du commerce international

La « boîte verte » 11 ( * ) de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contient différents dispositifs de soutien parmi lesquels les aides à la promotion. Dans la mesure où ces dernières s'inscrivent dans cette catégorie d'aides publique, les soutiens budgétaires à la promotion des produits agroalimentaires sont réputés ne pas provoquer de distorsions de concurrence significatives dans les échanges internationaux agricoles.

Il résulte de cette règle qu'en conséquence, les crédits engagés dans ce secteur par ce biais ne sont pas soumis à des règles d'interdiction, ni même de plafonnement . Ceci signifie que les États peuvent donc investir directement les sommes qu'ils souhaitent dans la promotion des produits agroalimentaires, dans le respect des règles de l'OMC. Cette exception aux règles du commerce international est suffisamment rare pour être signalée.

Et vos rapporteurs spéciaux soulignent que les États-Unis sont particulièrement attachés à ce principe et militent pour que ce type d'aide demeure dans la « boîte verte » de l'OMC lors des négociations futures.

Il n'existe donc, au niveau de l'OMC, aucune contrainte sur l'origine publique des financements d'Ubifrance ou de Sopexa pour soutenir les exportations agroalimentaires.

2. Les politiques européennes de soutien
a) Le durcissement des normes communautaires

Le droit communautaire est, à l'opposé des règles de l'OMC, beaucoup plus contraignant en matière de soutien à la promotion agroalimentaire.

Depuis l'origine, le Traité de Rome dispose que les aides d'État ne doivent pas provoquer de distorsions de concurrence . Ainsi, les aides qui affecteraient les échanges entre États membres ou fausseraient la concurrence au profit de certaines entreprises ou de certaines productions sont interdites. Ce type d'aide doit être notifié à la Commission européenne et les subventions ne doivent pas avoir pour effet de financer des publicités focalisées sur l'origine nationale des produits, ce qui constituerait une discrimination contre les produits similaires réalisés dans un autre État membre.

De plus, les lignes directrices relatives aux aides d'État dans le secteur agricole indiquent que les campagnes de promotion qui sortiraient du champ d'action qu'elles définissent ne pourraient recevoir d'aide publique . Ainsi, aux termes des points 13 et 14, intitulés « lignes directrices promotion », les aides aux produits devraient se limiter en particulier à la phase de démarrage et de développement. Il convient toutefois de noter que certaines actions de promotion, définies comme de la « vulgarisation des connaissances scientifiques », l'organisation et la participation aux foires et expositions, les relations publiques, la commande de sondages ou d'études de marchés peuvent quant à elles être prises en charge en intégralité par l'État.

Cependant, en application des lignes directrices relatives à la publicité , la Commission européenne distingue ce qui relève respectivement de la publicité et de la promotion, la publicité se définissant comme « ce qui conduit à l'acte d'achat direct de produits ». En conséquence, les régimes d'aides envisagés doivent être justifiés par au moins l'un des critères suivants :

- produit en excédent ou appartenant à des espèces sous-exploitées ;

- nouveaux produits ou produits de substitution non excédentaires ;

- produit de haute qualité, comme l'agriculture biologique ;

- actions utiles au développement de certaines régions ;

- actions utiles au développement des PME.

S'agissant des actions conduites par Sopexa et Ubifrance en faveur des produits agroalimentaires, et notamment des campagnes qui seraient cofinancées par les offices agricoles et les interprofessions, elles doivent respecter l'ensemble du dispositif réglementaire, c'est-à-dire :

- le respect des règles d'étiquetage, qui permettent aux consommateurs de ne pas être trompés sur les produits ;

- la compatibilité avec les campagnes de publicité financées au niveau communautaire ;

- l'interdiction de publicité directe de produits d'une ou plusieurs entreprises données.

Cette dernière règle a empêché, à partir de 2001, les campagnes dites « associatives », où l'État, une interprofession et les entreprises d'un secteur soutiennent conjointement une campagne.

Enfin, depuis la directive services 92/50 sur les règles de passation des marchés publics, en date du 18 juin 1992, et transposée en droit français en 2001 12 ( * ) , de profonds changements ont été introduits, dans la mesure où sont imposées des règles extrêmement strictes pour les marchés publics en matière de mise en compétition et de seuils pour les appels d'offres 13 ( * ) .

b) La politique commerciale commune

La politique commerciale commune vise « au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu'à la réduction des barrières douanières et autres » (article 206 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne).

Elle relève pour l'essentiel de la compétence exclusive de l'Union européenne (UE) au même titre que la politique de concurrence ou de la politique monétaire 14 ( * ) . Une telle dévolution de compétences conduit l'UE à défendre en principe ses intérêts d'une seule voix sur la scène internationale, sur laquelle elle est représentée par la Commission européenne, tant auprès des États tiers que des organisations internationales. Un tarif extérieur commun (TEC) est appliqué aux produits importés.

Par ailleurs, différents instruments unilatéraux sont mis en oeuvre pour régler les relations avec les pays tiers, qu'il s'agisse du système des préférences généralisées, qui octroie un certain nombre d'avantages commerciaux aux pays en développement et aux pays les moins avancés, ou qu'il s'agisse des instruments de défense commerciale par lesquels l'Union européenne protège ses intérêts contre les pratiques déloyales.

La politique commerciale commune ne s'articule pas réellement avec l'objectif de soutien aux exportations et il paraît difficile d'assurer un équilibre satisfaisant entre l'ouverture des marchés étrangers aux produits européens et la protection du marché intérieur, face à une concurrence qui, de plus, est souvent déloyale.

L'UE est censée protéger ses intérêts à travers différents dispositifs visant à faire face aux pratiques déloyales et aux mesures protectionnistes prises par les États tiers. Ainsi, l'Union européenne dispose de plusieurs outils de défense commerciale (antidumping, anti-subvention, sauvegarde, règlement des obstacles au commerce), mais votre rapporteur spécial Yannick Botrel, a, lors de son déplacement à Bruxelles, identifié une sous-utilisation des instruments de protection des intérêts européens . Et l'organe de règlement des différends de l'OMC, certes sollicité, ne l'est pas encore assez souvent.

Vos rapporteurs spéciaux déplorent, au total, ce qu'ils qualifient de « naïveté européenne » en matière d'échanges agroalimentaires avec le reste du monde , une telle approche devant être à proscrire. La politique commerciale européenne paraît donc insuffisamment défensive et insuffisamment offensive . Mais cette politique peut-elle évoluer et se mettre plus au service de nos politiques d'exportation ?

c) La fin des restitutions à l'exportation

Les restitutions sont des mesures de régulation du marché prises dans le cadre de la politique agricole commune (PAC). Elles visent à compenser la différence de prix pratiqués sur le marché communautaire et sur le marché mondial. Cette aide communautaire consiste à subventionner l'exportation vers les pays tiers. Le dispositif profite donc traditionnellement aux grands exportateurs de produits alimentaires.

Les montants des restitutions évoluent en fonction des modifications du prix des marchés et sont dépendants de la valeur du produit exporté. Elles peuvent être différenciées en fonction de l'espèce, de la qualité ou de la destination du produit.

De plus en plus contesté lors des négociations multilatérales prenant place dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce (OMC), ce mécanisme a vu son poids au sein des différentes aides de la PAC se réduire fortement. Suite à la conférence de l'OMC de Doha qui s'est tenue en 2001, la Commission européenne s'est même engagée à faire disparaître progressivement cet instrument .

L'évolution de la structure de la PAC depuis 30 ans


Source : Commission européenne

Ainsi, les restitutions à l'exportation, qui s'élevaient à 10 milliards d'euros dans les années 1990 et à 3 milliards d'euros il y a encore dix ans, n'ont représenté que 80 millions d'euros en 2012 .

Les dernières restitutions européennes à l'exportation concernaient la filière avicole, mais après avoir connu différents épisodes de baisse , elles ont été abandonnées en juillet 2013 15 ( * ) .

L'extinction progressive des restitutions à l'exportation pour la filière avicole

(en euros par tonne)

Évolution

Janvier

2009

Juin

2010

Octobre

2012

Janvier

2013

Juillet

2013

400

325

217

108,5

0

Source : ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Dans le cadre de la future PAC 2014-2020, il convient de relever que les restitutions à l'export seront abandonnées en tant que mesures de régulation du marché . Toutefois, elles ne disparaîtront pas totalement de la panoplie des instruments de la PAC puisqu'elles subsisteront en tant qu'outils de gestion des crises agricoles .

Vos rapporteurs spéciaux jugent nécessaires, compte-tenu de ces évolutions vers une disparition des restitutions à l'exportation, de réorienter le soutien à l'export des États membres en direction d'un financement renforcé des moyens alloués aux campagnes de promotion des produits .

d) Les programmes de soutien à l'export de l'Union européenne

Les dispositifs nationaux d'appui à l'exportation sont complétés par un dispositif horizontal de promotion cofinancé par l'Union européenne . Le financement communautaire est de 50 %. Et parmi les 50 % provenant de fonds nationaux, une part d'au moins 20 % doit être issue des secteurs professionnels. Il revient donc à l'État d'inciter les professionnels à solliciter ces fonds communautaires, en sachant qu'il sera lui-même en mesure d'apporter un complément s'élevant jusqu'à 30 % maximum du coût. S'agissant du montant de ces aides versées par l'Union européenne pour la promotion transversale de produits, elles représentent environ 50 millions d'euros par an, dont 10 millions d'euros pour la France .

En 2012, la France gérait ainsi 16 programmes sur financement communautaire représentant un montant total réparti sur trois ans de 65 millions d'euros, soit un peu plus de 21 millions d'euros par an, répartis à moitié entre un financement communautaire et un financement au niveau de l'État membre (part nationale au sein de laquelle, la part pris en charge par le budget de l'État était de moins de 30 %, soit 2 millions d'euros par an entre 2008 et 2012).

Il apparaît à vos rapporteurs spéciaux que les conditions imposées rendent les campagnes peu efficaces : en effet il est impossible de faire référence à l'origine nationale du produit ou même d'utiliser un symbole tel que la tour Eiffel pour ne pas discriminer les États membres entre eux.

Parallèlement à la préparation de la PAC 2014-2020, une réforme de ce dispositif est en cours. Les propositions de la Commission sont attendues pour cette année. Parmi les innovations attendues, la levée de l'interdiction de la référence à l'origine nationale des produits pour les actions de promotion conduites dans les pays tiers, actuellement assez dissuasive pour nos filières, est fortement espérée .


* 11 La « boîte verte » regroupe les aides publiques autorisées par l'OMC, c'est-à-dire ceux dont les effets de distorsion sur les échanges sont nuls ou minimes.

* 12 La directive a été transposée par la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (dite loi « MURCEF »).

* 13 Les campagnes de promotion confiées par un organisme de droit public à des sociétés privées sont ainsi rentrées dans ce champ. Par ailleurs, les offices agricoles, qui entretenaient des relations privilégiées avec Sopexa, sont eux-aussi devenus des « pouvoirs adjudicateurs » et ont eu l'obligation, dès lors qu'ils désiraient mettre en oeuvre une campagne de promotion des produits agro-alimentaires, de déposer des appels d'offre, et l'interdiction d'utiliser directement les services de Sopexa sans mise en concurrence. Enfin, les rapports de Sopexa avec les interprofessions ont également évolué sous l'effet du droit communautaire : alors que ces organismes, de droit privé, avaient pour habitude d'utiliser les conseils de la société, fournis à titre gracieux au titre de sa mission d'intérêt général, ils ont ensuite dû être facturés comme les autres clients.

* 14 Pour la politique monétaire, la compétence de l'UE n'est exclusive que pour les Etats membres de l'Eurogroupe qui utilisent l'euro.

* 15 La dernière décision européenne est en date du jeudi 18 juillet 2013. Dans le cadre des pouvoirs délégués au comité de gestion des mesures de marché de la PAC, il a été décidé, suite à une proposition de la Commission européenne, de supprimer totalement les restitutions européennes dédiées aux exportations de volaille, seules restitutions à l'exportation qui demeuraient. Ces aides ne profitaient quasiment plus qu'à la France (93 %) et la décision fragilise donc la filière avicole française, notamment les groupes Doux et Tilly-Sabco. Les montants de leurs restitutions perçues pour l'exercice 2012 représentaient respectivement 55 millions d'euros et 20 millions d'euros .

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