Annexe 2 - Résolution 1677 (2009) - Fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie

1.  Dans sa Résolution 1643 (2009), adoptée le 27 janvier 2009, sur la « mise en oeuvre par l'Arménie des Résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008) », l'Assemblée parlementaire a estimé que, si elle demeurait insatisfaite et profondément préoccupée par la situation des personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008, de récentes initiatives des autorités et, en particulier, l'initiative prise par l'Assemblée nationale d'Arménie de réviser les articles 225 et 300 du Code pénal conformément aux normes du Conseil de l'Europe, devaient être considérées comme un signe de la volonté des autorités arméniennes de satisfaire aux demandes formulées par l'Assemblée dans ses résolutions antérieures. L'Assemblée a décidé de rester saisie de la question et a invité sa commission de suivi à examiner de près la mise en oeuvre des résolutions pertinentes de l'Assemblée et à proposer à l'Assemblée toute mesure supplémentaire que la situation imposerait de prendre.

2. L'Assemblée estime que les demandes et les recommandations figurant dans ses Résolutions 1609 (2008), 1620 (2008) et 1643 (2009) constituent une feuille de route concrète et réaliste en vue du règlement de la crise politique qui a éclaté en Arménie après l'élection présidentielle de février 2008. Ces demandes et recommandations gardent donc toute leur validité.

3. L'Assemblée se félicite de l'adoption, le 18 mars 2009, des modifications des articles 225 (émeutes) et 300 (usurpation de pouvoir) du Code pénal arménien, lesquelles, de l'avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), représentent généralement un progrès par rapport aux dispositions précédentes, en ce qu'elles réduisent les possibilités d'en donner une interprétation abusive ou trop large. Elle prend note de l'impact important de ces modifications sur la situation des personnes qui sont privées de liberté en relation avec les événements des 1 er et 2 mars 2008 et dont le procès n'est pas terminé. Elle relève, cependant, que ces modifications n'ont aucun effet sur d'autres cas considérés par l'Assemblée comme étant particulièrement préoccupants, tels que les cas des personnes qui ont été inculpées ou condamnées uniquement sur la base de témoignages de la police, en l'absence de preuves irréfutables.

4. De l'avis de l'Assemblée, la libération de toutes les personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 qui n'ont pas commis à titre personnel d'actes de violence graves formerait seule la base nécessaire à l'ouverture du dialogue et à la reconsolidation permettant de surmonter la crise politique consécutive à l'élection présidentielle de février 2008. De plus, leur libération répondrait aux préoccupations et aux demandes de l'Assemblée en ce domaine.

5. C'est pourquoi l'Assemblée se réjouit de la proposition d'amnistie générale soumise à l'Assemblée nationale par le Président arménien le 16 juin 2009 et de son adoption rapide par l'Assemblée nationale le 19 juin 2009. Concernant cette amnistie, l'Assemblée :

5.1. se réjouit qu'elle s'applique explicitement aux personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 qui n'ont pas été inculpées de crimes violents ou qui n'ont pas été condamnées à des peines de prison de plus de 5 ans. Pour les autres cas, les peines qui sont encore à exécuter seront réduites de moitié ;

5.2. note que, en vertu de cette amnistie, sinon la totalité, la plupart du moins des personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 seront libérées ; elle suivra l'évolution de la situation en ce qui concerne les cas restants ;

5.3. note que pour les personnes qui encourent des peines de prison de plus de 5 ans, l'amnistie s'appliquera uniquement aux personnes déjà jugées par les tribunaux et qu'elle s'appliquera également à celles inculpées en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 qui se tiennent actuellement cachées, après l'achèvement de leur procès, à condition qu'elles se présentent aux autorités avant le 31 juillet 2009. L'Assemblée demande instamment aux autorités, en vue d'une application possible de l'amnistie après l'achèvement de leurs procédures judiciaires, d'autoriser les personnes concernées à rester libres pendant la durée de leurs procès si elles se présentent aux autorités avant le 31 juillet 2009.

6. L'Assemblée appelle les forces politiques de la société arménienne, représentées ou non au Parlement, à saisir cette nouvelle opportunité et à engager un dialogue ouvert, constructif et sérieux sur les réformes demandées par l'Assemblée.

7. L'Assemblée note qu'il reste possible d'engager des actions civiles en responsabilité à l'encontre des personnes condamnées en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008, notamment de celles qui ont été reconnues coupables d'avoir organisé des émeutes. A cet égard, elle craint que l'engagement d'actions civiles par les pouvoirs publics ne compromette l'objet de l'amnistie, et appelle les autorités à faire en sorte qu'aucune action de ce type ne soit engagée par des autorités civiles.

8. Concernant l'enquête indépendante, impartiale et crédible sur les événements des 1er et 2 mars 2008, et les circonstances qui les ont déclenchés, l'Assemblée regrette l'interruption des travaux du groupe d'experts indépendant chargé d'établir les faits en relation avec ces événements (le groupe d'enquête), provoquée par les tensions insurmontables entre ses membres et la politisation de ses travaux par des membres des deux parties. A cet égard, l'Assemblée :

8.1. appelle les membres du groupe d'enquête à présenter leurs constatations et conclusions, peut-être sous la forme de rapports individuels, à la Commission d'enquête parlementaire ad hoc, et préconise que cet ensemble de constatations et de conclusions soient publiées, comme le prévoit le décret présidentiel portant création du groupe d'enquête ;

8.2. estime qu'une enquête indépendante, impartiale et crédible sur les événements des 1er et 2 mars, et leurs circonstances, reste nécessaire en conformité avec les critères définis par l'Assemblée, malgré la dissolution du groupe d'enquête, et considère par conséquent que le rapport final de la Commission d'enquête parlementaire ad hoc déterminera si les critères d'impartialité et de crédibilité ont été respectés et si d'autres investigations sont nécessaires.

9. L'Assemblée est vivement préoccupée par le fait que l'enquête du Procureur général sur les dix décès intervenus n'ait pas encore donné de résultats concrets, et juge essentiel que cette enquête soit menée à terme de manière satisfaisante et sans plus tarder. A cet égard, elle se réjouit de la décision du Président arménien de demander au Procureur général de soumettre un compte rendu complet de ses investigations à la Commission d'enquête parlementaire ad hoc, pour examen.

10. Malgré des changements positifs apportés à la loi relative à la tenue de réunions, d'assemblées, de rassemblements et de manifestations, l'Assemblée note que les demandes déposées en vue de l'organisation de rassemblements continuent à être souvent rejetées par les autorités pour des raisons techniques, ou que ces rassemblements sont soumis à des restrictions injustifiées. Elle appelle donc une nouvelle fois les autorités à respecter le principe de la liberté de réunion dans la pratique, et à mettre en oeuvre toutes les recommandations résultant du projet qui est mené conjointement par le Conseil de l'Europe et l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) consistant à suivre l'application de la loi modifiée relative aux rassemblements et manifestations.

11. Concernant la réforme des médias, l'Assemblée se félicite de l'adoption, le 28 avril 2009, de modifications de la loi sur la radio et la télévision, qui ont été élaborées en étroite consultation avec le Conseil de l'Europe et sont destinées à garantir l'indépendance des organismes de réglementation des médias en Arménie. S'agissant de ces modifications, l'Assemblée :

11.1. note que la procédure de nomination des membres désignés par le Président arménien pour siéger à la Commission nationale de la radio et de la télévision et au Conseil de la télévision et de la radiodiffusion publiques n'est pas définie par la loi, et recommande que le Président arménien prenne un décret visant à établir une procédure de nomination semblable à la procédure applicable aux membres désignés par l'Assemblée nationale. L'Assemblée estime que, malgré les changements positifs apportés à la loi, ces organismes ne pourront pas être considérés comme étant pleinement indépendants tant que tous leurs membres n'auront pas été nommés selon une procédure politiquement neutre ;

11.2. réaffirme la position qu'elle a adoptée dans la Résolution 1609 (2008), selon laquelle la composition de ces deux organismes de réglementation des médias devrait être représentative de la société arménienne ;

11.3. recommande d'interdire aux hommes politiques en activité d'être membres de ces organismes.

12. Concernant la mise en place d'une procédure ouverte, équitable et transparente de délivrance des licences de radiodiffusion, l'Assemblée note que des discussions sont en cours entre les autorités arméniennes et le Conseil de l'Europe sur la base d'un rapport établi par un analyste indépendant. Elle réaffirme sa position selon laquelle il ne faudrait pas tirer prétexte des implications techniques de l'introduction de la radiodiffusion numérique en Arménie pour ajourner indûment la mise en place d'une telle procédure, et donc l'exécution de l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire portant sur le refus d'accorder une licence de radiodiffusion à la chaîne de télévision A1+.

13. Concernant les élections au Conseil municipal d'Erevan du 31 mai 2009, l'Assemblée prend note des conclusions de la mission d'observation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe. Toutefois, les nombreuses allégations faisant état de fraudes et de violations de grande ampleur lors de ces élections démontrent que la confiance de l'opinion publique à l'égard du processus électoral reste très faible en Arménie. Cet état de choses, ainsi que les manquements et les violations observés, vient souligner le fait que la réforme électorale doit maintenant être une priorité pour les autorités. Par conséquent, d'autres réformes électorales sont nécessaires, en vue en particulier de renforcer les mécanismes de contrôle postélectoraux pour la mise au jour des fraudes électorales, notamment, mais non exclusivement, les pratiques de vote multiple.

14. L'Assemblée, réitérant ses demandes exprimées il y a plus d'un an dans sa Résolution 1609 (2008), demande instamment aux autorités arméniennes de mettre en oeuvre sans tarder d'autres mesures de réforme de la police, dont l'instauration d'un mécanisme de contrôle public approprié, ainsi que de la justice, en vue d'assurer son indépendance.

15. En adoptant une amnistie générale pour les personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008, les autorités arméniennes se sont conformées à une demande essentielle de l'Assemblée concernant la crise politique consécutive à l'élection présidentielle de février 2008. Cette initiative, ainsi que l'assurance donnée par les autorités qu'elles ont l'intention de conduire et de conclure une enquête impartiale et crédible sur ces événements et les circonstances qui les ont déclenchés, conformément aux demandes de l'Assemblée, est un signe clair de la volonté des autorités de surmonter la crise politique et ses conséquences, et d'ouvrir une nouvelle page du développement démocratique de l'Arménie.

16. L'Assemblée soutient fermement le processus de consolidation démocratique en Arménie et estime donc que l'évaluation de la mise en oeuvre, par l'Arménie, des autres mesures demandées par l'Assemblée dans ses Résolutions 1609 (2008), 1620 (2008) et 1643 (2009) devrait s'inscrire dans le cadre de la procédure de suivi régulière menée par l'Assemblée à l'égard de l'Arménie. L'Assemblée invite sa commission de suivi à considérer comme une priorité, dans ce cadre, le respect par l'Arménie des résolutions susmentionnées, ainsi que de la présente résolution.

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