(2) Un danger désormais bien identifié pour la France

Sur la base des informations communiquées par les services de l'Etat en charge de l'intelligence économique 119 ( * ) , il est possible d'identifier trois scénarios de délocalisation des activités qui concernent principalement les entreprises de type start-up.

Les premiers cas sont les plus emblématiques du processus puisqu'il s'agit du rachat d'une jeune entreprise innovante par une entreprise étrangère du même secteur. Dans ce cas, la prise de contrôle de l'innovation s'accompagne souvent d'une volonté de l'intégrer dans les laboratoires que possède déjà l'entreprise, généralement dans son pays d'origine ; et ce, aussi bien pour des raisons de rationalisation de l'organisation que de protection des informations stratégiques 120 ( * ) . Si les inventeurs du projet quittent ainsi la France avec leur innovation, la prise de contrôle débouche alors sur ce qu'il est convenu d'appeler une « fuite des cerveaux ».

Dans la deuxième configuration, l'entreprise française n'est pas rachetée par un industriel du secteur mais financée par un fonds d'investissement. Dès lors qu'il en retire la rentabilité attendue, le fonds peut s'avérer assez neutre dans la gestion de l'entreprise, n'ayant a priori aucune raison de délocaliser les activités de R&D. Toutefois, l'étude de ce type d'investissement opéré en France conduit à nuancer fortement ce propos.

En premier lieu, l'exemple de Gemplus montre qu'un fonds de pension (en l'espèce, Texas Pacific Group qui fit l'acquisition de 25 % de la société en 1999) a pu, non seulement décider la relocalisation des activités à plus forte valeur ajoutée dans son propre pays d'origine (en l'espèce, la Californie), mais aussi conduire à une réorganisation de l'ensemble des autres activités, ce qui a abouti à un démantèlement de l'entreprise au détriment des sites français 121 ( * ) .

Quant au troisième scénario décrit, il résulte du choix des inventeurs d'un nouveau procédé de quitter la France pour localiser leur activité dans un pays où ils pourront trouver un financement émanant d'un industriel ou d'une institution financière. La délocalisation du centre de décision est alors concomitante de celle des activités de recherche puisqu'elle découle du départ de l'ensemble de l'entreprise elle-même, à l'initiative de ses créateurs. C'est sans doute ce qui pourrait arriver à Business objects, qui est déjà présentée dans la presse comme une entreprise franco-américaine.

Dans ce cas comme dans les précédents, on observe un fort tropisme américain dans la prise de contrôle des innovations européennes, sans doute lié à l'existence d'une triple asymétrie.

* 119 Plus précisément, l'équipe placée sous l'autorité de M. Alain Juillet, au sein du Secrétariat général de la défense nationale : M. Alain Juillet a été entendu par la mission commune d'information lors de son audition du 21 septembre 2006.

* 120 Un centre de recherches unique placé sous le contrôle direct de l'entreprise présente moins de risque que des unités réparties à travers le monde.

* 121 La production de cartes sans contact a ainsi été transférée à Singapour tandis qu'un site pour des productions moins intensives en technologies était implanté en Pologne en 2003. Début juin 2007, l'entreprise a en outre annoncé une réduction de 12 % de ses effectifs (soit 400 emplois) ainsi que la fermeture de son site du Loiret.

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