3. Les prix

La forte montée du prix du pétrole depuis quelques années est loin d'avoir provoqué l'emballement inflationniste tant redouté (graphique 6). Les effets dits de « premier tour », c'est-à-dire la répercussion directe de la hausse du pétrole sur l'indice d'ensemble, ne sont pas absents de la trajectoire des prix depuis quelques années. Mais ce supplément d'inflation n'a pas dégénéré en inflation de « second tour », prémunissant l'économie française de l'enclenchement d'une spirale prix-salaires.

Graphique 6. Prix à la consommation

En %, m/m-12

Sources : INSEE, calculs OFCE.

L'insensibilité apparente de l'inflation au choc pétrolier est illustrée par le ralentissement, depuis 2002, de l'inflation sous-jacente, c'est-à-dire excluant les tarifs publics et les produits à prix volatil comme l'énergie et l'alimentation (graphique 6). La période de croissance lente, qui a maintenu la trajectoire du PIB sous son potentiel depuis la mi-2001, a réduit les tensions sur l'offre et le pouvoir de négociation des salariés. L'écart grandissant entre l'inflation d'ensemble et l'inflation sous-jacente jusqu'à la mi-2005 témoigne de l'intensité des pressions désinflationnistes à l'oeuvre dans l'économie française, malgré un choc pétrolier a priori inflationniste.

Après un point bas à 0,7 % en glissement annuel à la mi-2005, l'inflation sous-jacente s'est redressée légèrement au-dessus de 1 % depuis lors. Ce mouvement tient à l'effet de la reprise de l'activité, à la remontée du dollar en 2005 et à la baisse du chômage, mais aussi probablement à la diffusion du choc pétrolier au prix des produits incorporant de l'énergie. Mais l'inflation sous-jacente reste modérée, et en tout Etat de cause très inférieure à ses niveaux de 2002.

En l'absence de tensions entre l'offre et la demande à court terme expliquant la hausse du prix du pétrole autrement que par la montée d'une prime de risque, l'envolée de l'or noir a toujours été considérée comme temporaire. Dans ces conditions, les prévisions de hausse des prix étaient établies en référence a l'inflation sous-jacente : si à terme le prix du pétrole devait refluer grâce à l'annulation progressive de la prime de risque, l'inflation d'ensemble n'avait dès lors aucune raison de se maintenir au-dessus du sous-jacent et devait par conséquent converger vers ce niveau.

La décrue du prix du pétrole, et sa stabilisation à 65 dollars le baril, devraient toutefois interrompre la montée de l'inflation tendancielle de l'indice des prix de l'énergie. L'inflation tendancielle globale devrait ainsi ralentir de 2 % en août 2006 en glissement annuel à 1,6 % en 2007.

(1) Scénario central

Les progressions du salaire horaire réel et de la productivité par tête se suivraient, atteignant progressivement leur croissance de moyen terme de 1,7 % par an. La productivité par tête dans le secteur marchand se stabilisant à 3,2 % et celle dans les services à 1,1 %.

10 - Emploi et Chômage

En %

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

86-95

96-05

06-11

Prix à la consommation

1.8

1.6

1.7

1.9

1.9

1.9

1.9

2.7

1.3

1.8

Salaire horaire réel

1.1

1.8

1.6

1.7

1.7

1.7

1.7

1.2

2.0

1.7

Productivité par tête

0.8

1.7

1.7

1.7

1.7

1.7

1.7

1.7

1.1

1.7

Sources : INSEE, prévisions OFCE.

Dans l'ensemble des scénarios retenus, l'inflation resterait au-dessous de la cible de la BCE et ce que le taux de chômage termine à 7,5 % ou 6,5 % de la population active. Ce résultat, dans notre analyse modélisée, suppose une baisse du taux de chômage d'équilibre. Ce concept, issu de la théorie du « chômage naturel » de Milton Friedman (1968), a connu des appellations diverses : NAIRU, NAWRU, chômage de long terme ou chômage structurel. Elle repose sur l'idée selon laquelle au-dessous de ce niveau « naturel », toute baisse du chômage observé a, dans un premier temps, pour contrepartie une accélération de l'inflation ; puis dans un deuxième temps, du fait de la spirale prix-salaires qui découle de cette inflation, le taux de chômage revient à son niveau structurel initial. Au total, la baisse du chômage, n'aura donc été que transitoire, tandis que ses conséquences inflationnistes seraient définitives. Selon cette théorie, les politiques actives de la demande d'inspiration keynésienne sont inadéquates pour combattre le chômage d'équilibre ; seules des réformes structurelles permettraient de diminuer ce niveau « naturel ».

Cette analyse a fait l'objet d'abondantes controverses quant à ses soubassements théoriques mais également sur sa validité empirique. Par ailleurs, certains éléments théoriques permettent d'entrevoir une baisse de ce chômage non inflationniste. Les théories de l'hystérèse montrent comment ce chômage a augmenté avec le taux de chômage observé, du fait de son impact sur le capital humain. A l'inverse, une baisse du taux de chômage devrait amener une baisse du taux de chômage d'équilibre. Avec l'expérience d'une longue période d'absence d'inflation et le renforcement de la crédibilité de la banque centrale européenne, les anticipations sur les prix se modifient, permettant une baisse du chômage d'équilibre. Les baisses de taux d'intérêt passées permettent une augmentation progressive du taux d'investissement, ce qui limite les tensions potentielles sur l'appareil productif. Le NAIRU peut baisser graduellement en réaction aux politiques structurelles sur le marché du travail (réforme de l'indemnisation du chômage en 1993, abaissement de charges patronales, prime à l'emploi, PARE,...). Les politiques structurelles sur le marché des biens (politique de concurrence, dérégulation) et sur les marchés financiers (dérégulation) peuvent aussi diminuer le NAIRU.

En l'absence de baisse du taux de chômage d'équilibre et dans l'hypothèse où il n'y a pas de réponse de la banque centrale qui viserait à ralentir fortement l'évolution des prix, l'inflation augmenterait, entraînant une perte de compétitivité et amputerait alors la croissance. A terme, le taux de chômage reviendrait alors à son niveau d'équilibre, proche du scénario central.

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