II. ... ENTACHÉE D'UNE INCERTITUDE STATISTIQUE À COURT TERME

En 2004, 2005 et au premier semestre 2006, la population active observée , telle qu'elle résulte à la fois de la mesure du chômage et de celle de l'emploi, évolue beaucoup plus lentement que la population active potentielle, calculée à partir de nouvelles projections de la population active de l'INSEE.

A partir des dernières enquêtes de recensement (2004 et 2005), de nouvelles hypothèses de fécondité ou de solde migratoire, l'INSEE calcule la population en âge de travailler .

Par ailleurs, en appliquant des taux d'activité tendanciels 52 ( * ) par sexe ou catégorie d'âge, l'INSEE obtient une évolution de la population active tendancielle à l'horizon 2011.

Les projections à moyen terme sont élaborées à partir de cette hypothèse. L'évolution de la population active dépend, dans la modélisation, de l'évolution de l'emploi : une augmentation de l'emploi et une baisse du chômage attirent sur le marché du travail des travailleurs découragés. Les taux d'activité tendanciels par sexe et catégorie d'âge augmentent aussi en fonction de l'évolution de l'emploi (« effet de flexion des taux d'activité »). En tenant compte en projection de l'évolution de ces taux d'activité, on obtient une population active potentielle 53 ( * ) .

Pour 2004, 2005 et le premier semestre 2006, l'écart entre la population active potentielle ainsi obtenue et la population statistiquement observée atteint des niveaux inhabituels et croissants : 118.000 en 2004, 150.000 en 2005 et 146.000 pour le seul premier trimestre 2006 (cf. tableau n° 4 ci-après).

Tableau n° 4
PROJECTION DE POPULATION ACTIVE

(Variations, en fin d'année)

Glissement annuel

2002

2003

2004

2005

2006*

2007*

(1) Population active potentielle

192,1

157,8

157,9

188,2

233,4

132,7

(2) Population active tendancielle

195,1

203,5

146,8

161,2

179,4

106,2

(3) Effet de flexion

-28,7

-47,1

2,0

20,5

54,3

35,8

(4) Effet retrait d'activité

25,7

1,5

9,1

6,6

-0,3

-9,3

(5) Population active observée

258,7

220,7

40,0

37,7

4,9

-17,8

(6) Défaut de bouclage = (5) - (1)

66,6

62,9

-117,9

-150,5

-228,6

-150,5

Sources : INSEE et Ministère du travail; prévision OFCE

Légende : L'effet de flexion correspond à l'entrée sur le marché du travail d'inactifs, en cas de baisse du chômage. Les retraits d'activité comprennent les préretraites et les formations. En revanche, l'effet des retraites anticipées des personnes ayant effectué des carrières longues est pris en compte dans la population active tendancielle.

Ce « défaut de bouclage du marché du travail », persistant et croissant, entretient une incertitude sur la situation actuelle du marché du travail.

L'écart entre population active potentielle et population observée peut provenir essentiellement d'une sous-estimation de l'évolution de l'emploi.

Les niveaux d'emploi estimés par l'INSEE sont pour l'instant calés sur le recensement de 1999. Lorsque l'emploi sera calé sur les nouveaux recensements le niveau de l'emploi devrait vraisemblablement augmenter. Par ailleurs, on peut noter que d'autres sources de l'INSEE fournissent des estimations plus élevées des créations d'emplois. De la fin juin 2005 à la fin juin 2006, l'emploi salarié marchand non agricole aurait progressé de 135.400 personnes selon la source INSEE, de 157.600 personnes selon l'Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (ACOSS) et de 167.400 personnes selon l'Unedic.

L'écart pourrait provenir de différences de traitement des données concernant les entreprises de moins de 10 salariés. Les trois institutions mènent actuellement des travaux pour rapprocher leur méthodologie. Ces travaux pourraient conduire à une révision à la hausse du chiffre Insee (en collaboration avec la Dares).

Dans les branches non marchandes (éducation, santé, action sociale et administrations), la révision pourrait être encore plus forte. Selon l'estimation actuelle de l'INSEE, l'emploi de ces branches aurait progressé de 54.700 de décembre 2004 à décembre 2005, soit environ de 37.000 personnes en moyenne annuelle. L'enquête emploi, une source disponible plus rapidement sur un champ complet, indique que l'emploi de ces branches aurait progressé en 2005 de 140.000 personnes en moyenne annuelle.

Cela amène à penser que l'emploi des branches marchandes comme non marchandes pourrait être fortement révisé à la hausse pour l'année 2005 (et certainement 2006) ce qui réduirait le défaut de bouclage du marché du travail.

Il faut toutefois observer qu'une croissance de l'emploi en 2005 ou 2006 supérieure aux estimations actuelles signifierait également une productivité plus faible (plus de travailleurs pour une même production).

Néanmoins, si l'emploi était révisé à la hausse, il est probable que le PIB connaîtrait une révision de même ampleur (auquel cas la productivité par tête n'aurait pas ralenti). Ceci ne serait pas inhabituel : la variation entre la première estimation du PIB et l'estimation définitive, trois ans plus tard, est en moyenne de 0,35 % point de croissance sur les vingt dernières années . Pour les années qui marquent une forte accélération ou ralentissement de l'activité, les révisions peuvent être encore plus substantielles : en 2000, année de forte croissance, l'estimation définitive était supérieure de 1,2 point de croissance à la première estimation.

Si l'emploi et la croissance en 2005 devaient être révisés à la hausse, cela rendrait plus compréhensibles les évolutions du marché du travail sur la période récente 54 ( * ) .

En conclusion, le défaut de bouclage du marché du travail conduit à envisager une révision à la hausse des niveaux d'emploi et d'activité sur la période récente, mais ne remettrait pas en cause la perspective d'une baisse du chômage à moyen terme .

* 52 C'est-à-dire le ratio de la population en activité (emploi ou chômage) par rapport à la population en âge de travailler, tel qu'il est observé sur longue période.

* 53 Qui tient compte également des effets sur l'activité des travailleurs âgés de diverses mesures (loi Fillon relative aux départs en retraite anticipés, convention de reclassement personnalisée,...). Cet « effet retrait d'activité » est toutefois de second ordre (cf. tableau n° 4).

* 54 Ainsi que celles des finances publiques : l'évolution des recettes fiscales a été supérieure à celle qui laissait supposer l'évolution de l'activité (élasticité égale à 1,2 et, même, à 1,5 pour les seuls impôts revenant à l'Etat). En cas de révision à la hausse du PIB, l'élasticité des recettes à la croissance se rapprocherait de l'unité.

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