B. LE DÉFI DE L'ÉLARGISSEMENT

L'élargissement représentera pour l'Union européenne une augmentation de son territoire de 1,8 million de km 2 et de sa population de 170 millions d'habitants. Une forte croissance économique des pays candidats est attendue, qui exigera une augmentation parallèle des flux de transport, avec une tendance forte en faveur du transport routier et de la voiture privée. Après l'élargissement, les pays d'Europe centrale joueront un double rôle : celui de composants de l'Union européenne élargie et celui d'interfaces avec les nouveaux Etats indépendants d'Europe orientale et les pays riverains de la mer Noire et de la mer Méditerranée.

1. Les transports dans les pays d'Europe centrale et orientale

La situation des transports dans les pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion est difficile, ce secteur étant concerné au premier chef par la restructuration économique engagée depuis 1989. Ces pays avaient hérité de la période sous tutelle soviétique une structure du marché des transports bien particulière par rapport à celle de l'Union européenne, avec une prédominance du rail. Cette situation initiale a évolué rapidement, comme le montre le tableau ci-dessous.

Entre 1990 et 1998, alors que le volume global des marchandises transportées diminuait de 21 % du fait de la récession économique traversée par les pays d'Europe centrale et orientale, le trafic routier a augmenté de 19,4 %. Dans le même temps, le trafic ferroviaire s'est effondré, enregistrant une diminution de 43,5 %. Ce déclin semble être essentiellement imputable à la qualité médiocre des services fournis par les compagnies de chemin de fer.

En moyenne, sur la période 1989-1998, le trafic routier a augmenté de 2,2 % par an, tandis que le trafic ferroviaire a diminué de 9,3 % par an. Il s'en est suivi une forte évolution de la répartition modale du trafic de marchandises, comme le montre le tableau ci-après.

Alors que les parts du transport fluvial et par pipelines restent stables entre 1989 et 1998, celle de la route s'accroît de 27,1 % à 47,4 %, tandis que celle du fer diminue de 62,9 % à 42,2 %. Ce dynamisme de la route s'observe également en matière de transport de passagers, comme le montre l'évolution du parc d'automobiles individuelles dans les pays candidats.

Entre 1990 et 1998, le nombre total d'automobiles dans les pays d'Europe centrale et orientale est passé de 14,7 millions à 23,1 millions, soit une augmentation de 57 %. Le taux de motorisation moyen, d'un niveau de 221 véhicules pour 1000 habitants, reste sensiblement inférieur à celui de l'Union européenne, qui est de 451. Seule la Slovénie, avec un taux de 403, s'en approche déjà.

2. La reprise de l'acquis communautaire par les pays candidats

Les négociations d'adhésion sur le chapitre transports présentent un degré de difficulté particulier du fait de la lourdeur des enjeux économiques et de l'ampleur de l'acquis. Avec plus d'une centaine de règlements, directives, décisions et lignes d'orientation, la politique des transports représente 10 % de tout l'acquis communautaire.

La Commission estime que les périodes de transition ne pourront être qu'exceptionnelles, courtes et limitées dans leur champ d'application, et qu'elles ne devront pas produire de distorsions de concurrence significatives. Pour l'instant, les demandes de périodes transitoires se concentrent surtout dans le transport routier, notamment sur des secteurs spécifiques où des frais de modernisation élevés et une pression concurrentielle marquée sont à attendre.

Dans le transport routier, l'Estonie et la Hongrie demandent une longue période de transition pour l'harmonisation fiscale ; la Hongrie et la Pologne demandent des périodes de transition concernant les poids maximum autorisés car ces pays devront d'abord améliorer leurs routes pour les rendre accessibles à des poids lourds jusqu'à une charge maximale de 11,5 tonnes par essieu. Dans le transport ferroviaire, la Pologne et la Hongrie souhaitent une intégration très progressive de l'acquis, eu égard aux besoins de restructuration de leurs compagnies ferroviaires. Dans le transport fluvial, la Hongrie demande que ses navires soient exemptés temporairement du régime communautaire de réduction de la capacité de la flotte.

Seule la Slovénie n'a pas demandé de période transitoire.

Certain des Etats membres actuels, ainsi que l'Union internationale des transports routiers (IRU), préconisent une stratégie d'intégration progressive des marchés, afin d'éviter que l'élargissement ne cause préjudice à un secteur si vital.

Au-delà des demandes de périodes transitoires, l'élargissement soulève la question de la capacité administrative à faire appliquer l'acquis communautaire. C'est particulièrement vrai en matière de sécurité maritime, où le contrôle par l'Etat du port, dans des pays comme Chypre et Malte, et le contrôle par l'Etat du pavillon, dans des pays comme la Roumanie et la Bulgarie, posent problème.

3. La nécessaire connexion aux réseaux transeuropéens

La deuxième conférence sur les transports paneuropéens, qui a eu lieu en Crète en 1994, a fixé neuf corridors de transport prioritaires pour l'Europe centrale et orientale, principalement routiers et ferroviaires. Ce concept de corridor a permis de simplifier les propositions d'investissement dans des infrastructures de transport, et de concentrer le soutien apporté par les organismes financiers internationaux.

Pour les pays candidats, la Commission a mis sur pied un processus d'évaluation des besoins en infrastructures de transport (TINA) visant à mettre en évidence les grandes lignes des mesures nécessaires en ce qui concerne l'extension du RTE-T aux pays candidats, et à identifier les priorités et les projets d'intérêt commun.

Le gros des investissements provient des institutions financières internationales, comme la BEI, la BERD ou la Banque mondiale, qui depuis 1990 ont prêté environ 2,6 milliards d'euros aux pays d'Europe centrale et orientale. Leur engagement dans les infrastructures de transport se poursuit à un rythme de 500 millions d'euros par an.

Les investissements nécessaires pour créer le RTE-T dans les pays d'Europe centrale et orientale sont estimés à 90 milliards d'euros pour les quinze prochaines années (37 milliards d'euros pour le rail, 44 milliards d'euros pour la route, 1,5 milliard d'euros pour les voies navigables, 4,5 milliards d'euros pour les aéroports, 3 milliards d'euros pour les ports maritimes et 1 milliard d'euros pour les terminaux). Il s'agira surtout de mettre le réseau routier et ferroviaire aux normes de l'Europe occidentale pour leur permettre d'absorber la croissance du trafic attendue, sans qu'il soit question de créer de nouvelles liaisons. Etant donné les contraintes budgétaires que connaissent les pays concernés, et eu égard à leur retard énorme en matière d'entretien, ils auront besoin d'une forte assistance extérieure.

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