C. LE CARACTÈRE THÉORIQUE DU LIVRE BLANC SUR LA TARIFICATION

1. Les propositions de la Commission

La Commission a publié le 27 juillet 1997 un Livre blanc intitulé « Des redevances équitables pour l'utilisation des infrastructures : une approche par étapes pour l'établissement d'un cadre commun en matière de tarification des infrastructures de transport dans l'Union européenne ».

Elle estime que la grande diversité des systèmes de tarification des infrastructures dans les différents modes de transports et dans les différents Etats membres compromet l'efficacité et la durabilité du système de transport européen. Ainsi, il existe neuf systèmes de tarification différents pour les infrastructures ferroviaires ; les taxes annuelles sur les camions présentent un écart de 3.000 écus ; seuls quatre Etats membres perçoivent des péages sur leur réseau autoroutier ; le régime de TVA et la taxation de l'énergie varient considérablement d'un mode de transport à l'autre ou d'un Etat membre à l'autre. En outre, les redevances sont rarement perçues au point où a lieu l'utilisation et sont généralement sans rapport avec les coûts environnementaux.

C'est pourquoi la Commission juge nécessaire d'entreprendre, à l'échelle de la Communauté, une harmonisation progressive des principes de tarification appliqués dans l'ensemble des principaux modes de transport commerciaux. Elle propose que le système de tarification soit fondé sur le principe de « l'utilisateur-payeur ». Les redevances doivent être directement liées aux coûts que les usagers imposent aux infrastructures et aux autres citoyens.

La méthode préconisée par la Commission est une tarification sur la base du coût marginal social (1 ( * )) , qui consiste à faire payer aux usagers les coûts tant internes qu'externes (coûts d'exploitation, coûts liés à la dégradation des infrastructures, coûts liés aux encombrements, coûts environnementaux, coûts liés aux accidents) qu'ils génèrent au point d'utilisation.

Si elles doivent supporter les coûts réels de leurs activités, les entreprises de transport seront incitées à adapter leurs choix de transport en utilisant des véhicules moins polluants et plus sûrs ; en choisissant des itinéraires et une organisation logistique permettant de réduire la dégradation des routes, l'encombrement, les risques d'accidents ; en optant pour un autre mode de transport.

Ce principe de tarification, en permettant aux gestionnaires des infrastructures de récupérer une partie sensiblement plus importante des coûts auprès des usagers, devrait faciliter le financement d'infrastructures supplémentaires.

La Commission préconise de procéder par étapes, sous l'autorité d'un comité consultatif composé d'experts des Etats membres et garantissant la participation active de tous les intéressés : 1998-2002, introduction de systèmes de tarification dans les infrastructures ferroviaires et les aéroports ; 2001-2004, harmonisation et ajustement des systèmes de tarification, notamment pour les poids lourds et les transports ferroviaires ; après 2004, révision du cadre communautaire au vu de l'expérience acquise.

2. Une application délicate

Contrairement au présupposé de la Commission, le principe de la tarification au coût marginal social ne constitue pas la meilleure solution au plan théorique. Lorsque l'infrastructure est sous-utilisée, la tarification au simple coût marginal direct (c'est-à-dire sans les coûts externes) peut opportunément être préconisée. Lorsque l'infrastructure est saturée, la tarification au coût marginal social de développement (c'est-à-dire incluant le coût marginal des investissements nécessaires à son développement) est préférable pour éviter une demande excessive.

En pratique, la tarification au coût marginal social pose des problèmes de calcul et d'imputation des coûts environnementaux. Dès lors que l'on rechercherait un consensus sur des chiffres précis fondant une réglementation communautaire de tarification d'infrastructures, la fourchette des appréciations apparaîtrait très ouverte, car celles-ci sont à la fois approximatives et subjectives.

Les problèmes de définition et de calcul sont également non surmontés pour le coût de congestion qui, au demeurant, est plutôt un coût interne supporté par l'usager du transport qu'un coût collectif externe. L'imputation des pointes de congestion obligerait à des augmentations démesurées lorsque l'infrastructure est proche de la saturation, d'autant plus mal acceptées par l'usager qu'il est paradoxal d'accroître le coût d'une prestation lorsque sa qualité est dégradée.

Enfin, les coûts marginaux d'usage sont éminemment variables selon les infrastructures concernées, les périodes d'utilisation, la nature des utilisateurs. Un système de tarification devrait donc être extrêmement complexe pour être fidèle, au détriment de sa transparence et de sa lisibilité. S'il est simplifié, il perd ses vertus théoriques.

L'harmonisation des règles de tarification des infrastructures de transport se heurte également à la disparité de la situation des différents Etats membres. Les pays de transit centraux ont intérêt à fixer les redevances à un niveau élevé, tandis que les pays périphériques ont un intérêt contraire.

* (1) Le coût marginal reflète le coût d'un véhicule ou d'une unité de transport supplémentaire utilisant l'infrastructure. Il se distingue du coût moyen, obtenu en divisant les coûts totaux de l'infrastructure par le nombre de véhicules ou d'unités de transport. Le coût marginal est dit « social » lorsqu'il intègre les coûts externes (encombrements, pollution, accidents).

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