EXAMEN EN COMMISSION

Sous la présidence de M. Jean François-Poncet, président, la commission a procédé, le mercredi 22 mai 1996, à l'examen du rapport, en deuxième lecture, de M. Jean Huchon sur le projet de loi n° 277 (1995-1996), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l' aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.

M. Jean Huchon, rapporteur, a tout d'abord indiqué qu'il s'était rendu en mission, du 8 au 11 avril 1996 en Guadeloupe et en Martinique pour y recueillir l'avis des présidents des conseils régionaux et des conseils généraux, de plusieurs députés, de nombreux maires et membres des conseils généraux, ainsi que des représentants de l'État et des fonctionnaires des services extérieurs. À cette occasion, il a constaté la diversité des situations locales et la nécessité d'aboutir rapidement à une solution, pour mettre fin à la carence séculaire de l'État.

Le rapporteur a estimé que la complexité du problème aurait justifié, si le principe d'égalité des citoyens ne s'y était pas opposé, des réponses au cas par cas, pour parvenir à une solution où le droit aurait cédé à l'équité. Il a ajouté qu'il avait choisi de faire primer le réalisme et l'esprit d'équité sur une analyse purement juridique.

M. Jean Huchon, rapporteur, a ensuite indiqué que l'Assemblée nationale avait, quant à elle, introduit plusieurs modifications et ajouts dans le projet de loi. Il a rappelé qu'elle avait institué une obligation de délimitation du rivage de la zone des cinquante pas géométriques et qu'elle avait, en outre, créé une commission juridictionnelle de vérification des titres antérieurs à 1955, dans chacun des départements de Guadeloupe et de Martinique, afin de relever de la forclusion les personnes qui n'avaient pas été en mesure de présenter leurs titres en 1955.

M. Jean Huchon, rapporteur, a approuvé la création d'un dispositif destiné à réouvrir, par esprit d'équité, le droit de validation des titres, institué par le décret du 30 juin 1955, et estimant qu'une simple question de procédure avait, dans de nombreux cas, privé les citoyens de la reconnaissance de leur droit.

Soucieux de lever toute ambiguïté au sujet de la qualité des personnes qui pourront obtenir de la juridiction créée, à cette fin, la validation des titres antérieurs à 1955, le rapporteur a jugé souhaitable de préciser que dès lors que des terrains seraient occupés par des personnes se comportant en propriétaire, les titres correspondants ne pourraient pas être validés par la commission. Il a jugé qu'il n'était, en effet, pas envisageable qu'une personne qui disposait d'un titre en 1955, et qui ne s'était pas manifestée depuis lors, alors qu'un occupant avait pris possession de son terrain prétende obtenir la validation de ses titres.

M. Jean Huchon, rapporteur, a ajouté que les locataires qui occupaient une résidence sise sur un terrain susceptible d'être revendiqué par son « propriétaire » potentiel (à savoir la personne qui dispose d'un titre) ne pourraient prétendre empêcher ce dernier de faire valider son titre par la juridiction compétente, du seul fait de leur occupation ; le paiement d'un loyer montrerait par lui-même qu'ils ne se considéraient pas comme les possesseurs du terrain où ils étaient établis.

S'agissant des modalités de fixation de l'étendue et du prix de vente des terrains cédés, le rapporteur a précisé que l'Assemblée nationale avait souhaité limiter le risque de cessions de terrains plus étendus que nécessaire à leurs occupants, et que le dispositif applicable aux terrains à usage professionnel prévoyait que la superficie cédée ne pouvait excéder plus de la moitié de la superficie occupée par l'emprise au sol des bâtiments et installations édifiés avant le 1er janvier 1995. Il a indiqué que si l'exercice de l'activité professionnelle nécessitait une surface plus importante, celle-ci ne serait vendue que moyennant un prix majoré, tandis que la superficie des terrains cédés à usage d'habitation n'excéderait pas un plafond fixé par décret.

Le rapporteur a regretté que l'Assemblée nationale ait supprimé le mécanisme de préemption que le Sénat avait institué afin de lutter contre la spéculation.

Il a relevé que, pour protéger les espaces naturels, une procédure d'expulsion avait été introduite.

Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait également renforcé les pouvoirs du conservatoire du littoral sur les espaces naturels de la Guyane et de la Réunion, en permettant que ces espaces lui soient remis.

En ce qui concerne l'aide aux acquéreurs de terrains à usage d'habitation, le rapporteur a estimé qu'elle risquait de perdre son caractère automatique dans la mesure où son obtention serait soumise à des conditions fixées par décret.

S'agissant du rôle des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des cinquante pas géométriques, le rapporteur a déclaré que ces entités qualifiées « d'instrument de coopération entre l'État et les communes » pourraient définir leurs relations dans le cadre de conventions spécifiques, et qu'il était prévu que les agences exerceraient un « rôle de coordination » avec les collectivités locales, dans la mesure où elles seraient consultées sur la compatibilité des projets de cession avec le programme d'équipement des terrains en voirie et réseaux divers qu'elles établiraient.

Le rapporteur a approuvé le dispositif élaboré pour mieux prendre en compte les spécificités de quartiers « d'habitat spontané » tels que celui de Volga-Plage. Il a rappelé que l'Assemblée nationale avait institué la possibilité de passer des conventions entre l'agence, au nom de l'État, et la commune, pour préciser le programme d'équipement en voies et réseaux divers, prévoir les mesures techniques, juridiques et financières qui les conditionnent ainsi que les contributions respectives de l'agence et de la commune dans les opérations prévues par la convention.

Le rapporteur a ajouté que la participation de représentants de l'agence d'urbanisme et d'aménagement au conseil d'administration de l'agence et la consultation des communes sur les conditions de fixation du montant de la taxe perçue au profit des agences avaient été prévues.

Enfin, le rapporteur a rappelé que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement du Gouvernement tendant à ce que l'adaptation, la réfection et l'extension limitée des constructions existantes soient autorisées dans les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, et qu'à l'article 10, un amendement relatif à l'établissement d'un rapport annuel sur l'application de la loi avait été adopté.

Puis, le rapporteur a exposé l'esprit des modifications qu'il proposait d'apporter au projet transmis par l'Assemblée nationale.

Il a jugé souhaitable d'harmoniser l'appellation des « zones d'habitat dégradé », des « quartiers d'habitat dégradé » et des « quartiers d'habitat spontané » cités dans le texte, et il a proposé de les dénommer « quartiers d'habitat spontané », et d'en prévoir la délimitation à l'article 4 alinéa 4 et non à l'article 1er.

M. Jean Huchon, rapporteur, a souhaité que le caractère obligatoire de l'aide de l'État à l'acquisition soit explicitement affirmé, sous réserve de l'application d'un barème qui prendrait en compte les ressources, l'ancienneté de l'occupation et le rapport entre le revenu et le nombre des membres du foyer fiscal.

S'agissant de la délimitation des secteurs occupés par une urbanisation diffuse, le rapporteur a estimé que, vu la variété des cas d'espèces, il était malaisé de fixer a priori une liste limitative de critères les caractérisant. Considérant que le juge administratif exercerait pleinement son contrôle sur les décisions prises par le représentant de l'État, il a jugé souhaitable de laisser à celui-ci une certaine marge d'appréciation, tout en affirmant clairement, afin d'éviter tout abus, le principe selon lequel la présence de constructions éparses ne pourrait faire obstacle à l'identification d'un secteur comme espace naturel.

Le rapporteur a souhaité qu'un mécanisme tendant à lutter contre la spéculation soit inclus dans le texte. À cette fin, il a proposé d'une part de prévoir la taxation de la plus-value réalisée par les personnes qui vendraient les terrains qu'elles auraient acquis dans les conditions prévues aux articles L.89-3 et L.89-4, et de rétablir, à défaut, le droit de préemption adopté en première lecture d'autre part. Il n'a pas jugé souhaitable que des personnes qui achèteraient un terrain moyennant une aide de l'État, profitent de cette vente pour réaliser une opération spéculative.

Répondant à une demande de nombreux élus des départements de la Guadeloupe et de la Martinique, le rapporteur a jugé nécessaire de faire préciser dans la loi que le Conseil d'administration de chacune des agences comprendrait, outre les représentants des services de l'État et des agences d'urbanisme, des représentants de toutes les collectivités intéressées, à savoir : la région, le département, les communes et la commune intéressée.

Il a précisé que cette disposition permettrait d'assurer que toutes les collectivités locales seraient bien consultées sur les opérations conduites par l'agence, et associées à la préparation de son budget. Il a ajouté que l'adoption d'une telle modification permettrait d'amender les articles 8 et 9, qui prévoient une consultation des communes, des départements et des régions, lors de l'établissement du montant de la taxe.

Enfin, M. Jean Huchon, rapporteur, a estimé que la remise d'un rapport annuel n'était pas le meilleur gage de la diligence des pouvoirs publics, et a proposé de supprimer l'obligation instituée par l'article 10 du projet de loi.

Mme Lucette Michaux-Chevry a estimé que le projet de loi traduisait une nouvelle approche des problèmes de l'outre-mer, puis elle a félicité M. Jean Huchon, rapporteur, de s'être rendu sur le terrain. Elle a jugé que les problèmes nécessiteraient quasiment un règlement au cas par cas, avant de rappeler que la question de la zone des cinquante pas remontait à l'ère coloniale, et résultait de la négligence de l'État qui, en 1986, avait de façon inopportune déclaré cette zone inaliénable et imprescriptible. Elle a ajouté que le projet de loi résoudrait cependant de nombreux problèmes fonciers, dans la mesure où les plus belles terres des îles étaient situées dans la zone. Elle a enfin souhaité que le texte fasse l'objet d'un consensus et d'une application la plus rapide possible, et déploré qu'à Saint-Martin l'État ait laissé s'installer, sans réagir, des squatters de nationalité haïtienne.

Répondant à une question de M. Alain Pluchet M. Jean Huchon, rapporteur, a rappelé que la zone s'étendait sur 81,2 mètres à compter du rivage.

Puis M. Jean Huchon, rapporteur, a déclaré que le souci manifesté par les élus de préserver l'environnement de l'île l'avait frappé, et que, pour les occupants souvent installés depuis des générations, l'obtention d'un titre constituerait un véritable acte de sortie de l'esclavage.

M. Jean François-Poncet, président, a regretté que les pouvoirs publics n'aient, malgré la générosité financière dont ils avaient fait preuve, pas pris en compte la psychologie locale.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements.

À l'article premier (article L.89-1, paragraphe I du code du domaine de l'État), relatif à la délimitation des espaces urbains et des secteurs occupés par une urbanisation diffuse, elle a adopté un amendement tendant à supprimer toute référence aux zones d'habitat dégradé. Elle a également adopté un amendement rédactionnel, au paragraphe III du même article et un amendement tendant à supprimer la liste des critères relatifs aux caractéristiques des zones d'urbanisation diffuse au paragraphe IV.

Puis, elle a adopté l'article L.89-1 ainsi modifié.

À l'article L.89-1 bis nouveau du code du domaine de l'État, relatif à la création d'une commission de vérification des titres antérieurs à 1955, elle a adopté un amendement tendant à préciser que les titres relatifs à des terrains occupés par des squatters ne pourraient être validés, tandis que les titres relatifs à des terrains loués seraient susceptibles de validation.

Elle a également adopté deux amendements rédactionnels aux cinquième et sixième alinéas du même article.

Puis elle a adopté l'article L.89-1 bis (nouveau) ainsi modifié.

La commission a adopté l'article L.89-2 sans modification.

À l'article L.89-3 du code du domaine de l'État, la commission a adopté trois amendements : le premier, au second alinéa, de nature rédactionnelle : le deuxième tendant, au troisième alinéa, à supprimer toute référence au dispositif adopté en première lecture, afin d'éviter toute confusion, et le dernier, à l'alinéa 4, tendant à supprimer l'avis conforme de la commune pour les cessions de superficies supérieures à 1.000 mètres carrés.

Puis, la commission a adopté l'article L.89-3 ainsi modifié.

La commission a adopté, au 4e alinéa de l'article L.89-4 du code du domaine de l'État, relatif à la cession à titre onéreux des terrains occupés à fin d'habitation principale, un amendement tendant à supprimer toute référence à une rédaction initiale ; et au cinquième alinéa du même article, un amendement de portée rédactionnelle.

Puis, la commission a adopté l'article L.89-4 ainsi modifié.

La commission a ensuite adopté, sans modification, les articles L.89-4 bis (nouveau), L.89-4 ter (nouveau), L.89-4 quater (nouveau) et L.89-5 du code du domaine de l'État, respectivement relatifs à la délimitation des terrains cédés, à la cession des terrains supportant des édifices religieux et à la cession des terrains supportant des locaux appartenant à des associations et à des syndicats.

Puis elle a adopté un article additionnel avant l'article L.89-5 bis du code du domaine de l'État, tendant à soumettre à l'imposition sur les plus-values les produits de cessions et prévoyant que l'exonération applicable aux plus-values issues de la vente des résidences principales ne serait pas applicable.

La commission a rétabli, dans la rédaction issue des travaux du Sénat, l'article L.89-5 bis du code du domaine de l'État relatif au droit de préemption des terrains revendus.

La commission a adopté, à l'article L.89-5 ter nouveau du code du domaine de l'État, relatif à l'expulsion des occupants des espaces naturels, un amendement de portée rédactionnelle.

Puis, elle a adopté l'article L.89-5 ter (nouveau) ainsi modifié.

La commission a adopté l'article L.89-6 du code du domaine de l'État, relatif à la publication d'un décret d'application sans modification.

Puis, la commission a adopté, sans modification, l'article L.88-1 du code du domaine de l'État relatif à la remise, à titre gratuit, des espaces naturels au conservatoire du littoral dans les départements de la Guyane et de la Réunion.

Elle a également adopté sans modification l'article premier bis (nouveau) tendant à insérer un article L.171-2 dans code forestier, posant le principe de l'imprescriptibilité des forêts et terrains à boiser dans les départements de la Guadeloupe et de la Martinique, avant d'adopter l'ensemble de l'article premier.

Puis, elle a adopté l'article premier ainsi modifié.

À l'article 2 , la commission a adopté un amendement relatif à l'octroi une aide de l'État pour les cessions effectuées en application de l'article L.89-4 du code du domaine de l'État et l'article ainsi modifié.

La commission a adopté, sans modification, l'article 3 relatif à la création d'une agence pour la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans chacun des départements de Guadeloupe et de la Martinique et l'article 4 relatif aux compétences de ces agences.

À l'article 5 , relatif à la composition du conseil d'administration des agences précitées, la commission a adopté un amendement tendant à ce que des représentants élus des régions, des départements, des communes et de la commune concernée fassent partie du conseil d'administration. Puis, elle a adoptée l'article 5 ainsi modifié.

La commission a adopté à l'article 6 un amendement tendant à préciser l'origine des subventions versées à l'agence. Puis elle a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Aux articles 7 et 8 relatifs à l'institution d'une taxe pour le financement des agences précitées, dans chacun des départements de la Guadeloupe et de la Martinique, la commission a adopté un amendement qui supprime l'obligation de consulter la commune, le département et la région sur le montant de la taxe. Le rapporteur a indiqué que cette consultation était inutile, dans la mesure où ces collectivités participeraient au conseil d'administration des agences. Puis elle a adopté les articles 7 et 8 ainsi modifiés.

La commission a ensuite adopté, sans modification, l'article 9 qui insère plusieurs dispositions relatives au droit de l'urbanisme à l'article L.156-3 du code de l'urbanisme, ainsi que l'article 9 bis a (nouveau), 9 bis b (nouveau) dont l'objet est analogue.

À l'article 10 , relatif à la publication d'un décret en Conseil d'État, la commission a adopté un amendement tendant à supprimer l'obligation de déposer un rapport et l'article ainsi modifié.

Enfin la commission a approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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