N° 372

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 mai 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer,

Par M. Jean HUCHON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents : Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires : Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Sénat : Première lecture : 394 (1994-1995), 113 et T.A. 39 (1995-1996).

Deuxième lecture : 277 (1995-1996).

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2444, 2593 et TA. 493.

Départements et territoires d'outre-mer.

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a adopté, au cours d'une première lecture qui s'est déroulée le mercredi 13 mars 1996, le projet de loi relatif à l'aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d'outre-mer.

Ce projet ayant été transmis au Sénat, votre rapporteur a souhaité examiner, sur place, l'incidence des dispositions législatives en cours d'adoption. À cette fin il s'est rendu en mission, du 8 au 11 avril 1996 en Guadeloupe et en Martinique. Il y a recueilli l'avis des présidents des conseils régionaux et des conseils généraux, de plusieurs députés, de nombreux maires et membres des conseils généraux, ainsi que des représentants de l'État et des fonctionnaires des services extérieurs.

Au cours de cette mission dense, et riche d'enseignements, votre rapporteur a pris la mesure de la diversité des situations locales, et de la nécessité d'aboutir rapidement à une solution du problème humain, économique et social posé par le statut actuel de la zone des cinquante pas géométrique.

Votre rapporteur, qui a rencontré de nombreux habitants de la zone, a été sensible à l'expression de leurs doléances et au désir souvent exprimé de voir le législateur procéder enfin à une réforme attendue depuis plusieurs dizaines d'années.

En présentant son projet à la représentation nationale, le Gouvernement a, très courageusement, choisi de ne pas éluder un problème multiforme, dont la complication justifierait, presque, -si le principe d'égalité des citoyens ne s'y opposait pas-, des solutions au cas par cas, pour parvenir à une solution où le droit céderait à l'équité.

Votre rapporteur estime que des moyens importants, aussi bien matériels qu'humains devront être mis en oeuvre. Il souhaite que les pouvoirs publics ne les négligent pas, car la réussite du projet de cession et d'aménagement de la zone des cinquante pas en dépend. Il a constaté la détermination des acteurs de terrain, leur souci de résoudre les injustices criantes, les situations instables et l'enchevêtrement des droits des habitants.

Conscient des difficultés accumulées du fait des pesanteurs administratives, des conflits d'intérêt, de la précarité où se trouvent de nombreux occupants, votre rapporteur a donc choisi de faire primer le réalisme et l'esprit d'équité sur la sécheresse d'une analyse purement juridique qui susciterait des tensions graves et aboutirait probablement à ce que ce texte, comme nombre de ses devanciers, demeure lettre morte.

Partant du dispositif voté par l'Assemblée nationale en première lecture, votre commission a cherché à en améliorer plusieurs points ; à partir de l'expérience acquise par son rapporteur, lorsqu'il s'est rendu sur le terrain et où il s'est attaché à enregistrer les attentes des populations.

En effet, l'Assemblée nationale a introduit plusieurs dispositions importantes dans le projet de loi présenté par le Gouvernement.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a apporté d'importants compléments au texte voté par le Sénat en première lecture, qui en modifient assez substantiellement l'ordonnancement et la portée.

Elle a, tout d'abord, institué une obligation de délimitation du rivage de la zone des cinquante pas géométriques (article L.89-1 paragraphes II à IV).

Elle a, en outre, créé une commission juridictionnelle de vérification des titres antérieurs à 1955 , dans chacun des départements de Guadeloupe et de Martinique en insérant un article L.89-1 bis nouveau, afin de relever de la forclusion les personnes qui n'avaient pas pu présenter leurs titres en 1955.


• La validation des titres par la Commission de vérification

Votre commission approuve, dans son ensemble, la création d'un dispositif destiné à réouvrir par esprit d'équité le droit de validation des titre institué par le décret du 30 juin 1955. En effet, à cette époque, de nombreux détenteurs de titres n'avaient pas été mis en mesure de présenter leurs revendications à la Commission de validation. Il est donc inéquitable qu'ils n'aient pas pu voir reconnaître leur titre de propriété pour une simple question de procédure.

Pour lever toute ambiguïté au sujet de la qualité des personnes qui pourront obtenir de la juridiction créée, à cette fin, la validation des titres antérieurs à 1955, votre rapporteur juge cependant utile de préciser que, dès lors que des terrains sont occupés par des personnes qui se comportent comme leur propriétaire, les titres y afférents ne pourront pas être validés par la commission.

Il n'est, en effet, pas envisageable qu'une personne disposant d'un titre non validé, antérieur à 1955, et qui ne s'est pas manifestée, depuis lors, alors qu'un occupant s'est installé sur le terrain prétende obtenir la validation de ses droits. De la même façon, les locataires qui occupent une résidence sise sur un terrain susceptible d'être revendiqué par son « propriétaire » potentiel (à savoir la personne qui dispose d'un titre) ne pourront prétendre empêcher ce dernier de faire valider son titre par la juridiction compétente, du seul fait de leur occupation : le fait qu'ils payent un loyer montre par lui-même qu'ils ne se considèrent pas comme les possesseurs du terrain où ils sont établis.

S'agissant des modalités de fixation de l'étendue et du prix de vente des terrains cédés, l'Assemblée nationale a souhaité limiter le risque de cession de terrains, plus étendus que nécessaire, à leurs occupants. À cette fin, ont été créés un dispositif applicable aux terrains à usage professionnel et un mécanisme destiné à régir les cessions de terrains à usage d'habitation. La superficie des terrains à usage professionnel cédés ne peut, désormais, excéder plus de la moitié de la superficie occupée par l'emprise au sol des bâtiments et installations édifiés avant le 1er janvier 1995. Si l'exercice de l'activité professionnelle nécessite une surface plus importante, celle-ci ne pourra être vendue que moyennant un prix majoré (article L.89.3 alinéa. 3). Quant à la superficie des terrains cédés à usage d'habitation, elle ne pourra excéder un plafond fixé par décret (article L.89.4 alinéa. 4.).

L'Assemblée nationale a supprimé le mécanisme de préemption que le Sénat avait institué, afin de lutter contre la spéculation (article L.89.5 bis).

Pour protéger les espaces naturels, une procédure d'expulsion a été introduite à l'article L.89.5 ter nouveau).

Adoptant un amendement déposé par le Gouvernement (l'article L.89.6 nouveau), l'Assemblée nationale a également renforcé les pouvoirs du conservatoire du littoral à la Guyane et à la Réunion sur les espaces naturels, en permettant que ces espaces lui soient remis.

En ce qui concerne l'aide aux acquéreurs de terrains à usage d'habitation, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement. Il résulte de cette modification que l'octroi de l'aide n'est plus, désormais, automatique mais soumis à des conditions fixées par décret (article 2. alinéa 1).

Le rôle des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone des cinquante pas géométriques a également été précisé. Ces entités son désormais qualifiées « d'instrument de coopération entre l'État et les communes ». Elles peuvent définir leurs relations dans le cadre de conventions spécifiques (article 3). En outre, il est prévu que les agences aient un « rôle de coordination avec les collectivités locales », qu'elles exerceront notamment en étant consultées sur la compatibilité des projets de cession avec le programme d'équipement des terrains en voirie et réseaux divers qu elles ont établi (article 4).

Pour mieux prendre en compte les spécificités de quartiers « d'habitat spontané » tels que celui de Volga-Plage, l'Assemblée nationale a institué la possibilité de passer des conventions entre l'agence, au nom de l'État, et la commune, afin de préciser le programme d'équipement en voies et réseaux divers, de prévoir les mesures techniques, juridiques et financières qui les conditionnent et de fixer les contributions respectives de l'agence et de la commune dans les opérations prévues par la convention (article 4).

Enfin, la participation de représentants de l'Agence d'urbanisme et d'aménagement au conseil d'administration de l'agence a été prévue (article 5).

La consultation des communes sur les conditions de fixation du montant de la taxe perçue au profit des agences, a également été introduite (article 7).

À l'article 9, qui prévoit d'importantes améliorations au droit d'urbanisme, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à ce que l'adaptation, la réfection et l'extension limitée des constructions existantes soient autorisés dans les secteurs urbanisés. Une disposition analogue a été adoptée pour les secteurs occupés par une urbanisation diffuse, à l'article 9 bis B (nouveau).

Enfin, à l'article 10 un amendement tendant à l'établissement d'un rapport annuel sur l'application de la loi a été adopté

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