Article 30 - Responsabilité juridique et financière des prestataires de services d'investissement et des membres d'un marché réglementé

Commentaire : le présent article établit la qualité de commissionnaire ducroire des prestataires de services d'investissement lorsqu'ils négocient sur un marché réglementé doté d'une chambre de compensation. Il pose également le principe de la responsabilité d'exécution des membres des marchés réglementés.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. L'OBLIGATION DE DUCROIRE

Brefs rappels préliminaires :

> La notion de ducroire

L'intermédiaire est qualifié de ducroire dès lors qu'il garantit au donneur d'ordres l'exécution du contrat par la contrepartie. Compte tenu du fait que la Chambre de compensation se porte contrepartie de chaque opération enregistrée, en se portant ducroire, l'intermédiaire garantit au donneur d'ordres l'exécution du contrat par la Chambre de compensation.

La garantie de solvabilité des donneurs d'ordres (articles 8-2 de la loi du 28 mars 1885) Le membre compensateur, teneur de compte, responsable de la solvabilité d'un donneur d'ordres, garantit à la Chambre de compensation le paiement des sommes dues par ce dernier s'il est insolvable.

>La responsabilité de bonne exécution

Elle rend le membre négociateur responsable de la bonne exécution des ordres qu'il reçoit.

> La garantie de bonne fin

Elle est donnée par la Chambre de compensation. C'est un engagement donnée par le garant, au profit de la contrepartie du débiteur qu'il garantit, d'exécuter le contrat à la place de ce dernier s'il est défaillant.

La garantie de bonne fin portant sur l'exécution du contrat, elle est donc une obligation de faire qui se résoudra, en cas d'inexécution, en dommages et intérêts (article 1142 du code civil).

On notera d'emblée que la garantie de bonne fin, actuellement posée par le premier alinéa de l'article 9 de la loi du 28 mars 1885 {"Chaque opération sur contrat à terme est enregistrée par une chambre de compensation, ayant le statut d'établissement de crédit, qui en garantit la bonne fin") n'est pas reprise dans le projet. Il faut en déduire que cette garantie de bonne fin dépendra désormais des relations contractuelles entre la chambre de compensation et ses adhérents.

Le premier alinéa paragraphe I pose le principe selon lequel les prestataires de services d'investissement ont la qualité de commissionnaires ducroire à l'égard des donneurs d'ordre dont ils tiennent les comptes, dès lors que les transactions ont été réalisées sur un marché réglementé d'instruments financiers doté d'une chambre de compensation et de garantie.

Cette disposition a été reprise de l'article 8-2 de la loi du 28 mars 1885 qui affirme que les membres à part entière d'un marché réglementé à terme (i.e. les adhérents compensateurs) sont "ducroire quel que soit l'événement".

Il doit être précisé que cette qualité de ducroire s'étend actuellement aux sociétés de bourse (article 3 de la loi boursière).

Etendre, dans ces conditions, l'obligation de ducroire à l'ensemble des prestataires de services d'investissement mérite réflexion.

Il convient de préciser que l'engagement de ducroire que peut prendre un mandataire ou un commissionnaire vis-à-vis de son mandant ou de son commettant consiste à lui garantir l'exécution par les tiers des contrats qu'il passe avec eux pour le compte du mandant ou du commettant.

Il s'agit là d'un engagement spécifique qui, d'une part, ne se réduit ni à un cautionnement, ni à un contrat d'assurance et, d'autre part, ne se présume pas (sauf si la loi le prévoit). En tant que tel, l'engagement de ducroire fait généralement l'objet d'une rémunération supplémentaire.

Dans ce cadre, il doit tout d'abord être observé qu'historiquement, la garantie de ducroire apportée par l'agent de change (article 54 du décret du 7 octobre 1890) ou la société de bourse a été mis en place parce que "cette responsabilité est le complément indispensable du monopole de négociation", ainsi que l'a rappelé le rapporteur de la Commission des finances du Sénat lors des travaux préparatoires de la loi boursière. ( ( * )21)

Constitué intermédiaire obligé, et donc bénéficiaire d'un courant d'affaires sans être soumis à une véritable concurrence, il était considéré juste que l'intermédiaire apporte gratuitement une garantie de ducroire a son client.

Or l'une des conséquences de la transposition de la directive est de supprimer les monopoles, lorsqu'ils existent encore, et de placer les divers systèmes financiers en concurrence : concurrence entre les intermédiaires et concurrence entre les marchés que ces derniers soient réglementes, simplement organisés ou de pur gré à gré.

Il n'y a donc plus de raison d'imposer à l'adhérent de la chambre de compensation d'un marché réglementé une garantie de ducroire alors qu'il ne bénéficie plus d'un monopole.

Il convient en outre d'observer qu'une telle obligation peut se révéler concurrentiellement désavantageuse pour les marchés et les intervenants qui seront soumis au présent texte.

La garantie de ducroire apportée par l'intervenant ayant un coût, deux situations sont en effet envisageables :

- soit, l'intermédiaire répercute le coût de cette garantie sur le client. Les opérations traitées sur le marché enregistreront alors un surcoût dont la justification n'apparaîtra pas clairement pour le client (une garantie obligatoire est une garantie qui, psychologiquement, n'est pas ressentie comme telle par le client) et celui-ci pourra être incité a faire traiter ses opérations par d'autres voies (autres marchés réglementés de l'Union, marches de gré à gré) ;

- soit l'intermédiaire ne répercute pas le coût de cette garantie sur le client. C'est sa marge qui se trouvera alors affectée et, corrélativement, sa capacité d'action dans un contexte de concurrence exacerbée.

La sécurité des opérations sera sans doute l'un des éléments importants de la concurrence que se livreront entre eux les différents marchés de l'Union.

Dans ce contexte, il n'apparaît pas souhaitable d'introduire une trop grande rigidité dans l'encadrement légal des opérations de marché.

Il est au contraire nécessaire de laisser à chaque chambre de compensation une grande latitude pour fixer, en considération de la nature des opérations et/ou de la clientèle, les conditions dans lesquelles ses adhérents participent à ses opérations et, le cas échéant, les garanties que lesdits adhérents apportent à leurs clients.

Ainsi, en fonction de la stratégie de chaque marché, l'élément sécurité des opérations sera ou non valorisé en argument commercial.

Il convient de souligner que, si la chambre de compensation ne détermine pas que ses adhérents interviennent en qualité de ducroire, cela ne fera pas obstacle à ce que chacun d'entre eux puisse prendre cette qualité en vertu d'un accord spécifique et moyennant rémunération, avec chacun de leurs clients.

Toutefois, cette liberté laissée aux chambres de compensation, ne doit pouvoir s'exercer que lorsque les marchés ne sont pas reconnus réglementés et qu'ils s'adressent essentiellement à des investisseurs professionnels. S'agissant des marchés réglementés, sur lesquels doit peser, aux yeux des investisseurs, une présomption irréfragable de sécurité juridique, il semble souhaitable de maintenir l'obligation de ducroire.

Le deuxième alinéa du paragraphe I prévoit que, dans tous les cas, les adhérents compensateurs s'engagent à remplir, vis à vis de la chambre de compensation l'intégralité des obligations découlant des transactions inscrites au nom de leurs clients dans leurs comptes. C'est la garantie de solvabilité.

Cette garantie s'analyse en droit comme un contrat de commission qui est le contrat par lequel une personne (le commettant) donne à une autre personne (le commissionnaire) le pouvoir d'accomplir un acte juridique pour son compte, mais en agissant en son nom propre.

Agissant en son nom propre, le commissionnaire ne représente pas le commettant dans les rapports qu'il entretient avec les tiers. Les contrats qu'il est amené à conclure pour le compte du commettant n'engagent pas celui-ci à l'égard des tiers contractants ; ils engagent personnellement celui qui les a conclus, c'est à dire le commissionnaire.

Ce n'est que dans les rapports entre le commissionnaire et le commettant qu'il y a contrat de représentation, comme si l'on était en présence d'un mandat.

Il en résulte qu'en qualifiant de commissionnaire l'adhérent à la chambre de compensation et de garantie, le projet de loi détermine ipso jure que l'adhérent est personnellement responsable envers la chambre de compensation.

Le troisième alinéa du paragraphe I prévoit que le paiement des sommes dues au titre des obligations fixées aux alinéas précédents ne peut être différé.

Il s'agit en fait d'une disposition indispensable pour ne pas perturber la compensation des opérations. En effet, il est possible d'être "tenu" d'une dette, sans pour autant être "tenu" de son paiement immédiat.

Enfin, le dernier alinéa du paragraphe I prévoit que toute clause contraire aux dispositions des alinéas précédents est réputée non écrite.

B. LA RESPONSABILITÉ GÉNÉRALE DES MEMBRES D'UN MARCHÉ RÉGLEMENTÉ

Le paragraphe II pose le principe de la responsabilité des Prestataires de services d'investissement sur un marché réglementé pour 'exécution des ordres d'opérations qu'ils reçoivent, que ces ordres soient recueillis par eux-mêmes, par leurs agents ou par leurs employés et sous quelque forme que ce soit".

Il s'agit de la responsabilité de bonne exécution.

Il s'agit en fait d'une reprise du troisième alinéa de l'article 8-2 de la loi de 1885 sur les marchés à terme qui dispose que les personnes habilitées à Participer à la compensation de contrats à terme ou à produire des ordres d'opérations sur les contrats à terme de marchandises et à en rechercher la contrepartie "sont également responsables de l'exécution des ordres opérations qu'elles reçoivent, que ces ordres soient recueillis, sous quelque forme que ce soit, par elles mêmes, par leurs agents ou par leurs employés. "

On observera que l'exécution de l'ordre est liée à la négociation et non à la compensation. C'est tout le sens de la segmentation des métiers mis en place par le CBV.

Dès lors cette disposition doit être logiquement rattachée aux dispositions relatives aux marchés réglementés.

II. POSITION DE LA COMMISSION

Votre commission vous demande d'adopter une nouvelle rédaction du paragraphe I cet article et de le déplacer dans la section relative aux dispositions communes à toutes les chambres de compensation.

Elle vous demande également de déplacer le paragraphe II dans la mesure où la responsabilité d'exécution ne concerne que les seuls membres négociateurs. Sa place n'est donc pas dans un chapitre relatif à la compensation et doit être insérée dans les dispositions générales applicables aux membres des marchés (article additionnel après l'article 23).

Pour ces raisons, elle vous demande de supprimer cet article et d'en transférer le contenu normatif dans la section réservée aux dispositions communes à toutes les chambres de compensation.

Décision de la commission : votre commission, vous propose de le paragraphe I de cet article et de reprendre le paragraphe II article additionnel après l'article 24.

* (21) Voir rapport Sénat n° 27 1987-1988, p. 14

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