Rapport n° 145 (1995-1996) de MM. Charles DESCOURS , sénateur et Daniel MANDON, député, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 19 décembre 1995

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N° 2451

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DIXIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 décembre 1995.

N° 145

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance

du 15 décembre 1995

enregistré à la Présidence du Sénat le 18 décembre 1995

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARRÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LE PROJET DE LOI autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale,

PAR M. Daniel MANDON,

Député.

PAR M. Charles DESCOURS

Sénateur.

(1 ) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Foucher, député, président ; Jean-Pierre Fourcade, sénateur, vice-président ; Daniel Mandon, député, Charles Descours, sénateur, rapporteurs.

Membres titulaires : MM. Bruno Bourg-Broc, Jean-Pierre Delalande, Bernard Accoyer, Denis Jacquat, Claude Bartolone, Députés ; MM. Claude Huriet, Louis Boyer, Jean Chérioux, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard, Jacqueline Fraysse-Cazalis, sénateurs.

Membres suppléants : Mme Roselyne Bachelot-Narquin, MM. Jean Bardet, Daniel Pennec, Jean-Luc Préel, Jean-Louis Bernard, Julien Dray, Mme Muguette Jacquaint, députés ; M. Jacques Bimbenet, Mme Michelle Demessine, MM. Jean Madelain, Charles Metzinger, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, sénateurs.

LES TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale, s'est réunie le lundi 18 décembre 1995 à l'Assemblée nationale sous la présidence de M. Martial Taugourdeau, président d'âge.

La Commission a d'abord procédé à la désignation de son bureau. Elle a élu :

- M. Jean-Pierre Foucher, député, Président ;

- M. Jean-Pierre Fourcade, sénateur, vice-président ;

- M. Daniel Mandon, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

- M. Charles Descours, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

M. Charles Descours, Rapporteur pour le Sénat, a rappelé que la Commission des Affaires sociales du Sénat avait procédé à une trentaine d'auditions afin de préparer le débat et proposé de prévoir plusieurs jours de discussion en séance publique, si besoin était. Toutefois, le dépôt de 2 805 amendements sur le bureau du Sénat a entravé sa bonne volonté. C'est pourquoi le Président de la Commission des Affaires sociales du Sénat s'est vu dans l'obligation de rappeler que l'Assemblée nationale, le mercredi 15 novembre 1995, par 463 voix pour et 87 voix contre, et le Sénat, le jeudi 16 novembre 1995, par 218 voix pour et 84 voix contre, ont approuvé une déclaration de politique générale du Gouvernement sur la réforme de la protection sociale qui prévoyait expressément le dépôt d'un projet de loi autorisant le Gouvernement, en application de l'article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnances, pour l'exécution de son programme, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.

Le Président de la Commission des Affaires sociales du Sénat a observé qu'ainsi, sous couvert du droit d'amendement, on tentait de faire obstacle à la mise en oeuvre d'une procédure expressément prévue par la Constitution et dont le principe a, de surcroît, été approuvé par les deux assemblées du Parlement.

La question préalable n'avait d'autre finalité que de permettre la poursuite de la procédure et son achèvement en temps utile. C'est dans ces conditions que celle-ci a été votée en séance publique au Sénat le vendredi 15 décembre 1995.

Le Vice-Président Jean-Pierre Fourcade a souligné qu'avant et après le recours au vote de la question préalable en Commission, des discussions avaient été engagées avec l'opposition. Au cours de ces discussions, la majorité a clairement signifié aux groupes de l'opposition qu'elle était prête à consacrer quatre ou cinq jours à l'examen d'amendements de fond. Cette négociation a failli aboutir mais s'est heurtée à un blocage, notamment de la part du groupe communiste, qui a montré que l'engagement d'une discussion raisonnable n'était pas possible. Deux tendances se sont en effet manifestées à cette occasion au sein de l'opposition : l'une en faveur d'un examen sérieux du projet de loi d'habilitation, l'autre préconisant le déversement d'un flot d'amendements. Il est regrettable que la seconde tendance l'ait finalement emporté.

M. Daniel Mandon, Rapporteur pour l'Assemblée nationale, a rappelé que ce débat s'est déroulé dans des conditions qu'il a jugé tout à fait extraordinaires : plus de 5 400 amendements ont été déposés à l'Assemblée nationale, 2 805 au Sénat. La Haute assemblée a donc décidé d'adopter une question préalable afin de permettre, ainsi que l'a indiqué le Président de la Commission des Affaires sociales du Sénat, la poursuite de la procédure. Le Conseil constitutionnel a déjà admis qu'une motion de procédure puisse être adoptée afin de permettre, précisément, un tel déblocage de la situation, faute de quoi le Sénat pourrait faire obstacle à la fixation de l'ordre du jour prioritaire par le Gouvernement. Il faut donc rappeler les termes même de la décision du Conseil constitutionnel du 18 novembre 1986 : « Le projet de loi,...qui faisait suite à la loi du 11 juillet 1986, a été rejeté par le Sénat du fait de l'adoption par cette assemblée de la question préalable, dans des conditions qui n'affectent pas, au cas présent, la régularité de la procédure législative ». Force est de constater que les circonstances actuelles sont très proches de celles de 1986.

S'il avait fallu débattre dans l'une ou dans l'autre assemblée, du quart des amendements déposés, il n'eût pas été envisageable de promulguer la loi avant la fin de l'année. Tout retard est dommageable à la situation de la sécurité sociale, dans la mesure où il est générateur de déficit. Il y a bien urgence et nécessité d'une action immédiate : le recours aux ordonnances qui n'est pas sans précédent en matière sociale, est donc justifié. Il faut aller vite, intervenir sur toutes les branches à la fois, et mettre en place un plan d'ensemble cohérent. Enfin, la prochaine révision constitutionnelle va conférer au Parlement le pouvoir d'approbation annuelle des comptes sociaux qui lui manquait.

Le projet de loi considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en première lecture comporte plusieurs amendements retenus par le Gouvernement lors de l'engagement de sa responsabilité.

Le premier fait débuter le délai de l'habilitation à la date de promulgation de la loi et non de sa publication. Il s'agit là d'une petite nuance, mais ces deux notions sont distinctes en droit, seule la promulgation étant prévue par la Constitution et assortie de délais impératifs : la promulgation précède nécessairement la publication de la loi. La jurisprudence du Conseil d'État distingue les deux notions.

La nouvelle rédaction du 1°) de l'article premier est, d'autre part, beaucoup plus précise que celle du projet de loi initial. L'habilitation donnée au Gouvernement dans le domaine de l'assurance vieillesse a en effet paru trop large au regard du caractère ponctuel des deux mesures qu'il entend prendre sur cette base. Il s'agit de viser de manière explicite ces deux mesures, qui ont respectivement pour objet de modifier :

- le mode de revalorisation des pensions de retraite et d'invalidité servies par le régime général et les régimes alignés sur celui-ci, afin de neutraliser temporairement le mécanisme de rattrapage de l'écart entre l'évolution prévisionnelle des prix et leur évolution constatée ;

- le mode de calcul des pensions des pluriactifs, de sorte que ceux-ci ne puissent plus obtenir un montant total d'avantages de vieillesse calculé sur une durée d'assurance plus longue que celle qui serait retenue pour un assuré justifiant de la même durée d'activité, mais n'ayant appartenu qu'à un seul régime d'assurance vieillesse.

Au 2°) de cet article, un amendement de rédaction globale a été adopté de manière à préciser -et donc à restreindre- le champ de l'habilitation en matière d'allocations familiales. Il ne s'agit plus de viser la nature et le montant des prestations familiales dans leur ensemble, mais de bien spécifier que seules les allocations actuellement versées sous condition de ressources sont incluses dans le champ d'application des ordonnances et que l'objet de celles-ci est soit d'élargir l'assiette des revenus pris en compte et de modifier les plafonds de versement, soit de soumettre à une condition de ressources des allocations qui ne le sont que partiellement aujourd'hui. Naturellement, toute simplification des modalités de gestion et des régimes de versement sera la bienvenue, ici comme ailleurs.

La modification apportée au 4°) de l'article premier est purement rédactionnelle.

Dans le 7°) de l'article premier, les mots « le cas échéant » ont été supprimés parce qu'ils paraissaient inutiles, l'existence d'une dette du régime d'assurance maladie des non salariés non agricoles au 31 décembre 1995 étant une certitude et non une simple éventualité.

Enfin, un amendement à l'article 2, lequel prévoit la rétroactivité de l'ensemble du dispositif financier au 1er janvier 1996, est venu supprimer la référence aux mesures de trésorerie, qui, par définition, sont instantanées.

Le Président Jean-Pierre Foucher, après avoir observé qu'environ 280 amendements étaient déposés devant la Commission mixte paritaire par les membres socialistes de la Commission mixte, a rappelé que le but d'une CMP était l'examen d'amendements ayant pour objet de parvenir à une rédaction commune. Or, les amendements déposés ne répondent manifestement pas à cet objectif.

M. Claude Bartolone, député, a souhaité exposer devant la Commission mixte paritaire les raisons du dépôt de ces amendements.

Alors qu'au Sénat une tentative d'accord avec l'opposition a été effectuée, force est de constater qu'aucune proposition de ce type n'a été faite à l'Assemblée nationale. Bien que des déclarations tout à fait intéressantes du Président de l'Assemblée nationale et du Président du groupe RPR aient souligné que les questions touchant à la réforme de la Sécurité sociale méritaient un véritable débat et aient reconnu l'intérêt des interventions de l'opposition, le Gouvernement a systématiquement réduit le débat à sa plus simple expression. Il est donc abusif, dans ces conditions, de prendre prétexte du nombre d'amendements pour clore toute discussion. Dans le passé, l'actuelle majorité n'a d'ailleurs elle-même pas hésité à déposer de nombreux amendements sur des textes qui lui tenaient à coeur.

C'est bien face à une attitude de blocage que l'opposition a été contrainte de déposer sur le texte actuel un certain nombre d'amendements. Il faut rappeler en effet que le Gouvernement a, tout à la fois, décidé de recourir à la procédure des ordonnances, à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution et à l'invocation de la question préalable au Sénat, dans le seul but d'empêcher le débat alors que les parlementaires, sénateurs comme députés, ont manifesté leur souhait de discuter des problèmes de fond concernant la réforme de la sécurité sociale.

La situation actuelle et l'attitude du Gouvernement rappellent le Goum avant la chute du mur de Berlin : le texte s'apparente à un beau supermarché dont les rayons seraient restés vides ; le Premier ministre procède à des effets d'annonce, mais n'a rien à présenter en rayons !

En effet, si des forums régionaux ont bien été organisés, ils s'apparentaient plutôt à des conversations de salon sans résultat tangible à la sortie ; ils ont, de surcroît, été organisés avec la participation de deux membres du Gouvernement évincés par la suite.

De même, la mission commune d'information sur la réforme de la sécurité sociale s'apparentait à une marche forcée : avant même sa tenue, les intentions gouvernementales étaient connues. Au cours de son déroulement, un remaniement ministériel est intervenu qui a entraîné, outre l'éviction de Mmes Elisabeth Hubert et Colette Codaccioni, la nomination d'un nouveau ministre responsable de ce secteur, M. Jacques Barrot, qui est venu expliquer devant la mission, tout en s'en excusant, qu'il n'était pas en mesure de bien connaître l'ensemble du dossier ! Il a en conséquence proclamé de bonnes intentions, mais sans donner de renseignements précis sur les orientations gouvernementales...

C'est ainsi que les parlementaires ont pu apprendre dans les couloirs que le Gouvernement mettait au point son projet de réforme, dans l'ignorance la plus complète de l'opposition, mais aussi de sa propre majorité !

Le fameux débat parlementaire a ensuite été malgré tout organisé, en deux parties : une première partie afin de permettre à chacun d'exprimer ses états d'âme, une seconde au cours de laquelle le Premier ministre était censé tenir compte des avis ainsi exprimés. C'est dans ces conditions qu'est intervenu le discours, assez surprenant, du Premier ministre. En effet, qui pourrait être contre le principe de toute réforme ? Le groupe socialiste ne prétend pas qu'il n'y a pas lieu de réformer la sécurité sociale, il estime simplement qu'il aurait fallu discuter pour savoir en quoi et comment il faut réformer le système et qui devra payer.

Le groupe socialiste a donc été amené à déposer des amendements, afin de montrer que, sur un élément essentiel fondant le Pacte républicain, il ne pouvait être question de donner carte blanche au Gouvernement.

L'intention du Président de la Commission mixte paritaire semble être, manifestement, de choisir, parmi les amendements, ceux qui vont être discutés. L'intention du groupe socialiste, dans ces conditions, est de les déposer tous en séance publique : ainsi le Premier ministre aura-t-il droit, à l'Assemblée nationale, à un oral de rattrapage ! Il a déclaré qu'il souhaitait désormais la réconciliation et la négociation : il découvre donc aujourd'hui les mérites de la négociation... Le groupe socialiste utilisera les possibilités offertes par le Règlement de l'Assemblée nationale pour éprouver les délices de la négociation. Celle-ci n'a en effet pas pu avoir lieu jusqu'à présent dans le cadre du débat parlementaire, pour la simple raison qu'il faut être deux pour discuter. Lors de la discussion du projet en première lecture, le ministre présent se prononçait seulement pour ou contre les amendements et, à aucun moment, il n'y a eu de proposition du Gouvernement visant à entamer un véritable débat, y compris sur les points importants. Pas la moindre porte n'a été ouverte à la discussion : telles sont les raisons du dépôt des amendements du groupe socialiste.

Le Vice-Président Jean-Pierre Fourcade, a observé que le discours de M. Claude Bartolone le touchait dans la mesure où lui-même avait exprimé le même souci de discussion avec le Président du groupe socialiste au Sénat M. Claude Estier.

M. Julien Dray, député, après avoir demandé aux membres de la Commission mixte paritaire de bien vouloir excuser son retard, dû à des embouteillages témoignant de la persistance de perturbations sociales dont les médias ne donnent pas toujours l'exacte mesure, a souligné que le groupe socialiste souhaitait qu'un débat sérieux puisse avoir lieu. C'est au groupe socialiste cependant que doit appartenir la responsabilité d'apprécier, au cours du débat, la situation et de juger du nombre souhaitable d'amendements : il n'est donc pas disposé à s'autocensurer avant le débat.

L'attitude ouverte à la discussion de M. Jean-Pierre Fourcade procède d'une bonne intention mais, quand des millions de personnes se posent des questions, il serait trop simple de laisser le Premier ministre s'en tenir à une admonestation publique au cours d'un débat télévisé le dimanche soir... Le spectacle d'une majorité déposant une question préalable afin d'empêcher le débat est lamentable : les institutions de ce pays se sont pliées à une injonction gouvernementale, ce qui n'est pas acceptable compte tenu de la situation en France. Pourtant, les débats qui se sont déroulés à l'Assemblée les samedi 9 et dimanche 10 décembre montrent que, lorsque le Gouvernement laisse ouvertes des fenêtres de discussion, un débat de qualité peut avoir lieu.

La Commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles du projet de loi.

Avant l'article premier

La Commission mixte paritaire a été saisie de 83 amendements présentés par les membres socialistes de la Commission visant à rappeler des principes constitutionnels et à établir des principes généraux quant aux conséquences éventuelles des ordonnances prises en vertu de la loi d'habilitation.

Après que le Président Jean-Pierre Foucher eut considéré qu'une demande de suspension de séance présentée par M. Julien Dray ne s'imposait pas dans la mesure où les amendements avaient déjà été déposés à l'Assemblée nationale, M. Julien Dray, député, a estimé que la Commission mixte paritaire ne devait pas être liée par l'horaire de la Conférence des Présidents de l'Assemblée et que les sénateurs, membres de la Commission mixte devaient avoir la possibilité de prendre connaissance de ces amendements afin que le débat puisse s'engager.

M. Jean Chérioux, sénateur, s'est étonné du contenu des amendements, lesquels ne visent pas à modifier les termes de l'habilitation et n'ont donc pas leur place dans le projet de loi.

La Commission mixte paritaire a rejeté les amendements par un vote global.

M. Julien Dray, député, s'est élevé contre cette procédure en indiquant que c'était la première fois qu'il assistait à un tel détournement.

Le Vice-Président Jean-Pierre Fourcade, après avoir rappelé que la loi présentée par M. Michel Delebarre en 1986 avait fait l'objet de votes globaux, a estimé que les amendements n'avaient aucun rapport avec le texte.

M. Claude Bartolone, député, a considéré que la procédure suivie -enchaînement d'une loi d'habilitation, d'un engagement de responsabilité devant l'Assemblée nationale et adoption d'une question préalable au Sénat était caricaturale. Pourtant, le Gouvernement bénéficiait d'un contexte très favorable à la tenue d'un véritable débat : les organisations médicales sont divisées entre généralistes et spécialistes ; une organisation syndicale a pris une position favorable à l'instauration d'un vrai partenariat ; un consensus s'est établi sur l'impossibilité de dépenser autant en matière de maladie avec de si mauvais indicateurs. Et c'est dans ce contexte que le Gouvernement a choisi d'avoir recours à cette procédure. Les membres socialistes de la Commission mixte paritaire, quant à eux, ne souhaitent pas jouer le jeu du pyromane, leur passé plaidant en leur faveur, notamment lorsque l'on se souvient du travail mené avec MM. Bérégovoy et Teulade. Leur demande portait sur un véritable débat qui, s'il n'est pas possible en Commission mixte paritaire, devra avoir lieu en séance publique.

Le Président Jean-Pierre Foucher a souligné que la procédure suivie se rapportait à une circonstance exceptionnelle, dans la mesure où c'est la première fois qu'il y a obstruction au stade de la Commission mixte paritaire.

Article premier

La Commission mixte paritaire a été saisie d'un amendement de suppression de l'article présenté par les membres socialistes de la Commission.

M. Claude Bartolone, député, a réitéré sa demande portant sur l'organisation d'un débat sur le fond de la réforme de la protection sociale et a indiqué que, par leurs amendements, les membres socialistes de la Commission mixte paritaire usaient de toutes les possibilités offertes par la procédure parlementaire. Lors du débat à l'Assemblée, cette volonté de débat au fond avait été saluée par des membres éminents de la majorité. C'est donc en toute bonne foi que les amendements ont été déposés, mais il apparaît que la majorité de la Commission ne souhaite pas les examiner et désire se comporter comme une chambre d'enregistrement. Les membres socialistes de la Commission n'insisteront donc pas et vont se retirer, non sans rappeler au préalable qu'il est curieux, alors que le Premier ministre semble vouloir changer de discours et combler les lacunes de la communication gouvernementale en acceptant le débat avec les partenaires sociaux, de voir le Parlement rester en dehors de ce débat. Il y avait pourtant une opportunité de discussion en Commission mixte paritaire avec des parlementaires spécialistes des questions de protection sociale, et les amendements présentés portaient, notamment en ce qui concerne les principes constitutionnels, sur des sujets importants tels que l'avenir du paritarisme.

L'amendement a été rejeté.

La Commission mixte paritaire a ensuite rejeté six amendements des mêmes auteurs tendant à supprimer les deuxième (1°), troisième (2°), quatrième (3°), sixième (5°), septième (6°) et huitième (7°) alinéas de l'article premier.

Elle a rejeté deux amendements des mêmes auteurs tendant à restreindre la période pendant laquelle le Gouvernement sera autorisé à prendre des ordonnances.

Article premier 1°- Assurance vieillesse

La Commission mixte paritaire a rejeté trente et un amendements des membres socialistes de la Commission.

Article premier 2°- Adaptation des dispositions relatives aux prestations familiales

La Commission mixte paritaire a rejeté vingt et un amendements des membres socialistes de la Commission.

Article premier 3°- Assurance maladie

La Commission mixte paritaire a rejeté trente-six amendements des membres socialistes de la Commission.

Article premier 4° - Prélèvements au profit de la sécurité sociale

La Commission mixte paritaire a rejeté treize amendements des membres socialistes de la Commission.

Article premier 5° - Réforme hospitalière

La Commission mixte paritaire a rejeté douze amendements des membres socialistes de la Commission.

Article premier 6° - Organisation et fonctionnement des organismes gestionnaires de différents régimes

La Commission mixte paritaire a rejeté deux amendements des membres socialistes de la Commission.

Article premier 7° - Apurement de la dette sociale accumulée au 31 décembre 1995

La Commission mixte paritaire a rejeté dix-huit amendements des membres socialistes de la Commission.

Article premier 8° - « Recentrage » du Fonds de solidarité vieillesse

La Commission mixte paritaire a examiné un amendement de M. Jean-Pierre Delalande précisant que l'ensemble des ressources du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devrait être affecté à sa mission permanente de financement d'avantages d'assurance vieillesse à caractère non contributif dans le cadre d'une gestion équilibrée.

M. Jean-Pierre Delalande, après s'être interrogé sur « l'infaillibilité » du Gouvernement, dans la mesure où le texte destiné à être adopté n'a pas été véritablement modifié, a indiqué que son amendement avait été adopté par la Commission des Finances de l'Assemblée nationale et accepté par la Commission des Affaires sociales saisie au fond, lors de l'examen du projet de loi. Il a pour objet de rappeler que la mission du FSV est « d'éponger » le coût du non contributif pour les régimes d'assurance vieillesse. Or, le projet de loi est moins précis, puisqu'il fait référence aux prestations relevant de la solidarité nationale et qu'on peut soutenir que l'ensemble de l'assurance vieillesse est couvert par cette notion extensive.

Dans la perspective de la mise en place d'une prestation dépendance, il convient de rendre plus restrictive la rédaction du projet de loi, afin d'éviter que celle-ci puisse être financée à « guichets ouverts » par le FSV. Pour éviter le risque d'une dérive incontrôlée de cette prestation, qui pourrait également peser sur le budget de l'État ou celui des collectivités locales, il faudrait faire de la dépendance une cinquième branche de la protection sociale alimentée par des cotisations spécifiques permettant d'assurer en totalité le financement des prestations versées.

Le Vice-Président Jean-Pierre Fourcade a rappelé que le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale avait pris en compte des modifications significatives proposées par le rapporteur pour l'Assemblée et qui rendent le projet de loi acceptable pour le Sénat, notamment en matière de prestations familiales et de retraite. Le texte définitif ne sera donc pas tout à fait celui du Gouvernement.

M. Charles Descours, Rapporteur pour le Sénat a précisé que le Sénat avait, lui aussi, certaines réserves à exprimer, notamment en ce qui concerne le FSV, l'organisation hospitalière et le rôle des médecins généralistes, mais que la tactique suivie par l'opposition n'avait pas permis que le débat ait lieu. En ce qui concerne le problème soulevé par l'amendement, il est vrai que le « recentrage » prévu par le projet de loi est source d'ambiguïté, dans la mesure où il laisse subsister la possibilité d'assigner au FSV des missions « secondaires », ce que le Gouvernement pourrait être tenté de faire, à moyen terme, lorsque le FSV sera à nouveau excédentaire.

Le Vice-Président Jean-Pierre Fourcade a indiqué que la Commission des Affaires sociales du Sénat avait examiné le projet de loi relatif à la prestation autonomie et qu'elle avait accepté le principe du financement de cette prestation par le FSV en souhaitant cependant le développement parallèle de formules d'assurance volontaire contre le risque de dépendance, assorties d'une incitation fiscale, afin de permettre à la prestation financée par le FSV de ne jouer qu'un rôle de filet de sécurité pour les personnes n'ayant pas les moyens de souscrire une assurance volontaire dépendance.

M. Jean Chérioux a relevé que la proposition d'instituer une cinquième branche de la sécurité sociale était en contradiction avec la position prise par la Commission des Affaires sociales du Sénat, qui consiste à faire du département le maître d'oeuvre de la prestation d'autonomie.

M. Daniel Mandon, Rapporteur pour l'Assemblée nationale a considéré que les circonstances présentes ne permettaient pas d'entrer dans le fond du débat et a souhaité s'en tenir au texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

M. Charles Descours, Rapporteur pour le Sénat a estimé, compte tenu de la position de la Commission des Affaires sociales du Sénat, que le texte devait être voté conforme.

La Commission mixte paritaire a rejeté l'amendement.

Elle a également rejeté quatorze amendements présentés par les membres socialistes de la Commission.

Elle a adopté l'article premier dans le texte de l'Assemblée nationale.

Article 2 - Rétroactivité de certaines dispositions

La Commission mixte paritaire a rejeté trente amendements présentés par les membres socialistes de la Commission.

Elle a adopté l'article 2 dans le texte de l'Assemblée nationale.

Article 3 -Date du dépôt du projet de loi de ratification

La Commission mixte paritaire a rejeté un amendement présenté par les membres socialistes de la Commission.

Elle a adopté l'article 3 dans le texte de l'Assemblée nationale.

Après l'article 3

La Commission mixte paritaire a rejeté un amendement présenté par les membres socialistes de la Commission.

La Commission mixte paritaire a adopté l'ensemble du projet de loi que vous trouverez ci-après, et qu'il appartient au Gouvernement de soumettre à l'approbation du Parlement.

TEXTE ÉLABORÉ PAR LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Article premier

Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi et conformément aux dispositions de l'article 38 de la Constitution, toutes mesures :

1° Modifiant le mode de revalorisation des pensions de retraite et d'invalidité servies par le régime général de sécurité sociale ainsi que par les régimes appliquant les mêmes règles de revalorisation et, pour les personnes ayant été affiliées à plusieurs régimes d'assurance vieillesse de base obligatoires, les conditions de prise en compte des durées d'assurance pour le calcul de leurs pensions, en vue d'assurer l'équilibre financier des régimes susmentionnés ;

2° Modifiant les dispositions législatives relatives aux prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales en vue d'élargir l'assiette des revenus lorsque ces derniers constituent déjà un critère de leur attribution, de soumettre complètement à ce critère celles d'entre elles qui le sont déjà partiellement, d'en harmoniser les délais de prescription, d'en simplifier les modalités de gestion et d'assurer l'équilibre financier de la branche famille ;

3° Modifiant les dispositions relatives aux relations entre les organismes de sécurité sociale, les professions médicales et paramédicales et les assurés sociaux, ainsi que celles concernant la protection sociale, la formation et l'orientation des membres desdites professions, en vue d'améliorer, par des incitations et des modalités appropriées de mesure, de contrôle et de responsabilisation, la qualité des soins et la maîtrise des dépenses de santé ;

4° Instituant des prélèvements faisant contribuer au financement de la protection sociale et à l'équilibre financier des organismes qui y concourent les entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques, celles qui effectuent des versements au profit de leurs salariés au titre de la prévoyance, et les débiteurs des organismes de sécurité sociale, au titre des frais engagés pour le recouvrement des sommes dues ;

5° Modifiant la législation relative à l'organisation et à l'équipement sanitaires ainsi que celle relative à l'organisation, au fonctionnement et aux modalités de financement et de contrôle des établissements de santé, en vue d'assurer, en créant le cas échéant de nouvelles instances de décision, une répartition plus adaptée des responsabilités, une attribution plus efficace des moyens de ces établissements et une meilleure maîtrise des coûts ;

6° Modifiant les dispositions relatives à l'organisation, au fonctionnement, au champ d'application et aux relations mutuelles des institutions, régimes et branches de sécurité sociale, afin d'en simplifier et d'en rationaliser les structures et la gestion ;

7° Définissant, sans empiéter sur le domaine exclusif de la loi de finances, les modalités de consolidation et d'apurement de la dette accumulée au 31 décembre 1995 par le régime général de sécurité sociale et par le régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, ainsi que du déficit prévisionnel de l'exercice 1996 de ces régimes, et instituant les organismes et les ressources, notamment fiscales, nécessaires à cet effet ;

8° Modifiant, sous la même réserve, les dispositions relatives au fonds de solidarité vieillesse pour recentrer ses missions sur le financement des prestations relevant de la solidarité nationale tout en préservant, par les ressources mentionnées au 7° ci-dessus, la neutralité de cette mesure pour le budget de l'État.

Art. 2

Sous réserve des principes de valeur constitutionnelle, les mesures visées par les 1° à 4° et 6° à 8° de l'article premier ci-dessus concernant le financement et la maîtrise des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, destinées à la réduction du déficit pour l'année 1996, pourront prendre effet rétroactivement, au plus tôt le 1 er janvier 1996.

Art. 3

Le projet de loi portant ratification des ordonnances prises en vertu de l'article premier sera déposé devant le Parlement au plus tard le 31 mai 1996.

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