N° 130

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 13 décembre 1995

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 décembre 1995.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur e projet de loi. ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant dispositions diverses relatives aux territoires d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon,

Par M. Jean-Marie GIRAULT.

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, vice-présidents ; Robert Pagès, Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Claude Cornac, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le 13 décembre 1995 sous la présidence de M. Jacques Larché, la commission des Lois a examiné en première lecture, sur le rapport de M. Jean-Marie Girault, le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux territoires d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, déposé depuis le mois de novembre 1994 sur le bureau de l'Assemblée nationale et adopté par elle le 28 novembre 1995.

M. Jean-Marie Girault a observé que le projet de loi avait pour objet de moderniser, dans des domaines très variés, le droit applicable outre-mer et d'en harmoniser les dispositions avec celles en vigueur en métropole, tout en effectuant les adaptations nécessaires au respect du principe de spécialité législative et du partage statutaire des compétences entre l'État et le territoire ou la collectivité territoriale concernée.

Il a indiqué que le projet de loi, constitué de cinq titres, le premier commun aux différents territoires et collectivités et les suivants consacrés respectivement à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, proposait d'étendre et d'adapter des dispositions issues de trente cinq lois, cinq ordonnances et dix codes.

Ayant rappelé l'extrême diversité des législations concernées, il a souligné que les extensions proposées devaient permettre d'assurer, au bénéfice de l'outre-mer, une meilleure effectivité du principe fondamental de l'égalité des citoyens devant la loi et une plus grande stabilité des situations juridiques.

La commission a adopté cinquante-et-un amendements, la plupart tendant à corriger des erreurs matérielles ou à préciser le champ des extensions effectuées.

Cinq modifications de fond ont toutefois été retenues par la commission :

- trois reports d'entrée en vigueur de dispositions afin de permettre l'information des personnes concernées ;

- l'exigence pour deux des trois membres de la commission de conciliation en matière foncière, de maîtriser une langue polynésienne ;

- l'allongement de cinq à dix ans du délai d'intégration de trois cents instituteurs suppléants relevant du territoire dans le corps de l'État pour l'administration de la Polynésie française.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux territoires d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon aujourd'hui soumis à votre examen vient compléter la loi n° 95-97 du 1er février 1995 étendant dans les territoires d'outre-mer certaines dispositions du code de la route et portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer.

Les dispositions figurant dans ces deux textes avaient initialement être regroupées au sein d'un unique avant-projet de loi, ultérieurement scindé en deux parties distinctes, les consultations des assemblées territoriales sur certaines dispositions n'ayant pu aboutir en temps utile.

Le présent texte ayant été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale au mois de novembre 1994, il y a donc plus d'une année, le Gouvernement a été conduit, lors du récent examen du texte par cette assemblée, à présenter une série d'amendements tendant à le compléter, la plupart des ajouts ayant pour objet de satisfaire des demandes formulées par les assemblées territoriales consultées sur ces amendements conformément aux exigences de l'article 74 de la Constitution.

Avec la préoccupation de moderniser, dans des secteurs très divers, le droit applicable outre-mer et de procéder à une harmonisation avec la législation en vigueur en métropole, tout en effectuant les adaptations nécessaires au respect du principe de spécialité législative applicable à ces territoires et collectivités et du partage des compétences entre l'État et les autorités locales, le projet étend et modifie des dispositions issues de trente-cinq lois, cinq ordonnances et dix codes.

Constitué de cinq titres différents, le premier relatif à la fois aux territoires d'outre-mer et aux deux collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, les trois suivants respectivement à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna, et le cinquième à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, le projet concerne des domaines aussi divers que la police des pêches maritimes, la sous-traitance, le financement des activités politiques, la prévention et le traitement des difficultés des entreprises, la liberté de communication, la législation du travail, l'organisation communale, les sociétés d'économie mixte locales, le droit de la construction, le droit de la nationalité, le notariat, les marchés publics, la réglementation de la profession de coiffeur... et cette énumération n'est pas exhaustive !

Ce type de projet se caractérise par la disparité et la complexité technique de ses dispositions mais se justifie par une double exigence : la garantie de l'effectivité du principe fondamental à valeur constitutionnelle de l'égalité des citoyens devant la loi et la nécessité d'assurer la stabilité des situations juridiques.

Il est en effet en premier lieu impératif qu'à la faveur des évolutions législatives métropolitaines n'apparaisse pas une « citoyenneté à deux vitesses » au détriment de l'outre-mer, en particulier dans des domaines tels que le droit pénal, le droit du travail ou le droit à la nationalité qui touchent de très près aux libertés publiques. Le projet de loi tend ainsi à combler certaines lacunes et à opérer une harmonisation.

Deux exemples illustreront ce propos :

- les articles 20 et 24 actualisent les principes directeurs du droit du travail applicables respectivement dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française ;

- les articles 29 et 31 alignent pour les îles Wallis-et-Futuna, les règles relatives à l'acquisition de la nationalité française sur celles en vigueur sur l'ensemble du territoire de la République.

En second lieu, il s'agit d'éviter que les vides législatifs, comme en matière de droit du travail, ne conduisent les autorités locales à se substituer, par nécessité, au Parlement, portant ainsi atteinte à la répartition statutaire des compétences entre l'État et le territoire et entraînant une précarisation des situations juridiques, les délibérations et décisions locales étant alors susceptibles d'annulation au contentieux.

Un « rattrapage » apparaît donc indispensable mais l'absence de décalage serait de beaucoup préférable. Cela impliquerait qu'à l'occasion de la préparation de chaque projet de loi, la question de son applicabilité à l'outre-mer soit posée et que les délais nécessaires aux consultations requises soient prévus en amont pour éviter que ces formalités ne conduisent à différer l'entrée en vigueur des dispositions concernées dans ces territoires et collectivités territoriales, la mise en oeuvre du principe de spécialité législative jouant alors comme un frein à la modernisation du droit qui y est applicable.

L'instauration d'une session parlementaire unique devrait d'ailleurs favoriser une telle démarche qui pose des exigences supérieures à celle préconisée jusqu'alors par la circulaire du 15 juin 1990 relative à 1 application des textes législatifs et réglementaires d'outre-mer, complétant celle du 21 avril 1988.

La circulaire de 1990 prescrit en effet « de distinguer deux catégories de lois : celles qui, à l'évidence, doivent ou peuvent être étendues immédiatement et directement aux territoires d'outre-mer ; celles pour lesquelles l'extension ne peut être décidée sans étude préalable pouvant, notamment, conduire à proposer des adaptations. Dans le premier cas, le ministère responsable du projet avertira le ministère des départements et territoires d'outre-mer et le secrétariat général du Gouvernement de telle sorte que les assemblées locales des territoires d'outre-mer puissent être consultées à temps. Dans le second cas, l'extension ou l'adaptation aux territoires d'outre-mer sera disjointe du projet initial afin de ne pas retarder l'entrée en vigueur du texte en métropole et dans les départements d'outremer. Il appartiendra alors au ministère des départements et territoires d'outre-mer, en liaison avec les ministères intéressés, de procéder à l'étude préalable nécessaire. Si le résultat de cet examen est positif, la disposition correspondante sera introduite dans un projet de loi regroupant, à l'issue de chaque session parlementaire, l'ensemble des dispositions d'extension ou d'adaptation aux territoires d'outre-mer, lorsque ces mesures auront été jugées utiles et opportunes, des lois votées au cours de ladite session et qui n'étaient applicables qu'à la métropole et aux départements d'outre-mer. ».

Une circulaire du 21 novembre 1995 relative à l'expérimentation d'une étude d'impact accompagnant les projets de loi et de décret en Conseil d'État vient à nouveau de souligner la nécessité d'un examen minutieux des incidences de ces projets pour l'outre-mer.

D'un point de vue méthodologique, afin d'endiguer la prolifération des textes et de tenter de remédier à la complexité de l'ordonnancement juridique, elle mentionne qu' « il est souhaitable d'éviter que des modifications multiples d'un texte initial n'aboutissent à une présentation fragmentée des dispositions en vigueur, rendant celles-ci illisibles » .

Cette recommandation vaut tout particulièrement pour la législation applicable outre-mer, souvent éparpillée du fait de l'adoption à échéances plus ou moins régulières de projets portant dispositions diverses au contenu hétéroclite.

Votre commission, à l'occasion de l'examen du projet de loi, forme donc le voeu que les spécificités du droit applicable aux territoires d'outremer et aux collectivités territoriales de Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon soient davantage prises en considération dans la programmation en amont des travaux législatifs.

Pour l'heure, elle vous propose cinquante et un amendements dont la plupart sont de nature rédactionnelle, opèrent des coordinations, corrigent des oublis et des erreurs ou apportent certaines précisions pour une meilleure lisibilité des dispositions étendues. Enfin, certains actualisent ou précisent le champ des extensions.

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