N° 422

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mars 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base
des
travailleurs non salariés des professions agricoles,

Par Mme Pascale GRUNY,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Voir les numéros :

Sénat :

307 et 423 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles vise à apporter une réponse concrète à la détresse du monde agricole.

Elle prévoit notamment le calcul de ces pensions sur la base des 25 meilleures années de points à compter de 2026.

I. ENVISAGÉE DEPUIS DES ANNÉES, LA RÉFORME DU MODE DE CALCUL DES PENSIONS DE RETRAITE AGRICOLES A ÉTÉ VOTÉE EN 2023

A. LE CALCUL DES PENSIONS SUR LA BASE DE L'ENSEMBLE DE LA CARRIÈRE EST UNE SPÉCIFICITÉ DU RÉGIME DES NONS-SALARIÉS AGRICOLES

1. Extrêmement complexe, le régime des non-salariés agricoles sert des pensions très faibles

La pension de retraite de base d'un non-salarié agricole se compose, d'une part, d'une pension forfaitaire, identique, pour une carrière de même durée, quel que soit le montant des cotisations acquittées, et, d'autre part, d'une pension proportionnelle par points dont le montant dépend à la fois des cotisations versées et de la durée d'assurance validée.

Le régime dispose de son propre minimum de pension, dont le bénéfice est conditionné à la justification d'une pension à taux plein, la pension majorée de référence (PMR), qui permet de porter la pension de base des non-salariés agricoles à 876,13 euros. Le complément différentiel de points de retraite complémentaire (CDRCO) garantit en outre aux chefs d'exploitation une pension globale égale à 85 % du Smic pour une carrière complète accomplie en cette qualité.

La pension mensuelle moyenne de droit direct des retraités affiliés à titre principal à ce régime s'élevait à 840 euros par mois à fin 2021, contre 1 530 euros pour l'ensemble des retraités. Des disparités importantes sont toutefois observées au sein même du régime entre polypensionnés, qui représentent 86 % des affiliés, et monopensionnés, dont les pensions sont plus faibles.

2. Le régime de retraite des non-salariés agricoles est un des seuls régimes de base fonctionnant par points

Les non-salariés agricoles acquièrent des points de retraite proportionnelle en contrepartie de cotisations ne pouvant être inférieures à un niveau minimal. La pension servie résulte du total de points acquis au cours de l'ensemble de la carrière.

Mode de calcul de la pension de retraite proportionnelle des non-salariés agricoles

Le barème d'acquisition des points n'est pas purement proportionnel à l'assiette de cotisation, mais assure une redistribution en faveur des plus modestes.

Les régimes alignés (salariés du privé, salariés agricoles et non-salariés non agricoles) fonctionnent, eux, par annuités : le montant de la pension résulte de l'application d'un taux dépendant de la durée d'assurance (le taux plein s'élève à 50 %) au revenu annuel moyen des 25 meilleures années.

Mode de calcul de la pension de retraite dans les régimes alignés

B. LE CALCUL DES PENSIONS AGRICOLES SUR LA BASE DES 25 MEILLEURES ANNÉES DOIT PERMETTRE D'AUGMENTER LEUR NIVEAU

1. La possibilité de calculer les pensions agricoles en fonction des 25 meilleures années est envisagée depuis près de 15 ans

À la suite de la réforme des retraites de 2010, Yann-Gaël Amghar (Igas) a examiné les conditions de mise en oeuvre du calcul de ces pensions sur la base des 25 meilleures années. Il ressortait de ses travaux que le passage d'un régime par points à un régime par annuités favoriserait les pensionnés les moins modestes au détriment des plus fragiles, dans la mesure où l'actuel barème d'attribution des points assure aux assurés à bas revenus un taux de remplacement supérieur à 50 %. Du reste, la MSA ne conservant pas l'historique des assiettes de cotisation plus de huit ans, il paraît difficile d'envisager la bascule vers un régime par annuités pour la partie de la carrière antérieure à 2016.

Toutefois, un scénario de réforme se détachait comme ne faisant pas de perdants : il s'agissait, en conservant un régime par points, d'attribuer aux assurés, pour chaque année de leur carrière, le nombre annuel moyen de points acquis au cours de leurs 25 meilleures années.

Le rapport évaluait le gain tiré de la réforme par les pensionnés à 47,70 euros par mois en moyenne, pour un coût de 472,2 millions d'euros à l'horizon 2040.

2. Le principe de la mise en oeuvre d'une telle réforme à l'horizon a été acté l'an dernier

Adoptée conforme par le Sénat à l'unanimité, la loi du 13 février 2023, issue d'une proposition du député Julien Dive (groupe Les Républicains), dispose que la Nation se fixe pour objectif de déterminer, à compter du 1er janvier 2026, le montant de la pension de base des travailleurs non salariés des professions agricoles en fonction des 25 années civiles d'assurance les plus avantageuses, les modalités d'application étant renvoyées à un décret en Conseil d'État. Le Gouvernement devait remettre au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport précisant les modalités de mise en oeuvre de cette réforme.

La commission des affaires sociales du Sénat avait qualifié de « condition sine qua non à l'adoption » de la proposition de loi l'obtention de la garantie que la réforme ne ferait pas de perdants.

En outre, la LFSS pour 2023 a prévu la refonte de l'assiette sociale des non-salariés agricoles d'ici à 2027 afin d'augmenter leurs droits à pension à niveau de prélèvements sociaux constant.

II. LA RÉFORME DOIT IMPÉRATIVEMENT ÊTRE MISE EN oeUVRE DÈS 2026 ET NE LÉSER AUCUN AGRICULTEUR

A. LES SCÉNARII INTÉRESSANT LE GOUVERNEMENT FERAIENT DES PERDANTS

1. Le Gouvernement privilégie des paramètres différents de ceux qu'envisageait la commission

Remis au Parlement avec huit mois de retard, le rapport de préfiguration de la réforme, rédigé par Alexandre Pascal et Éric Tison, est focalisé sur trois scénarii mêlant les deux modes de calcul (points et annuités) et n'évoque que succinctement la formule retenue par la commission, qui n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi, pour indiquer qu'elle ne devrait pas faire de perdants.

Le scénario dont le choix est recommandé par le rapport consiste à liquider la partie de la carrière antérieure à 2016 sur la base des modalités de calcul actuelles et la partie postérieure à 2015 dans le cadre d'un système par annuités ne retenant, jusqu'à ce que 25 années se soient écoulées depuis 2016 (soit en 2041), qu'un nombre de meilleures années calculé au prorata de la durée de cette partie de la carrière par rapport à la durée totale de la carrière.

Mode de calcul de la pension de retraite des non-salariés agricoles
envisagé par le Gouvernement

Partie de la pension correspondant à la partie de la carrière antérieure à 2016

Partie de la pension correspondant à la partie de la carrière postérieure à 2015

Ce scénario semble avoir, à ce jour, les faveurs du Gouvernement, qui réfléchirait au surplus au passage de la PMR au minimum contributif (MiCo), dont le seuil d'écrêtement est plus élevé, et, à l'horizon de 2041, à la liquidation unique des régimes alignés (Lura), qui permet de retenir les 25 meilleures années de l'ensemble de la carrière tous régimes confondus. En tout état de cause, le Premier ministre a annoncé le report de la définition de ces paramètres au PLFSS pour 2025.

2. Les modalités de réforme envisagées présentent toutefois des lacunes insurmontables

La commission ne se satisfait pas du projet du Gouvernement, qui lui paraît contraire à l'intention du législateur. En effet, sa concrétisation se heurte à plusieurs obstacles majeurs, notamment une montée en charge particulièrement longue, une complexification considérable des paramètres du régime et de sa gestion, l'impossibilité, d'après la MSA, de le mettre en oeuvre dès 2026 et, surtout, une grande iniquité : en effet, à l'horizon de 2040, 30 % des assurés perdraient à la réforme et 50 % d'entre eux verraient leur pension inchangée par rapport aux modalités de calcul actuelles, tandis que seuls 20 % des non-salariés agricoles y seraient gagnants.

Les perdants seraient principalement les assurés à carrière courte et/ou à bas revenus ne bénéficiant pas d'une pension à taux plein et dont les pertes ne seraient pas couvertes, par conséquent, par les minima de pension.

B. LE LÉGISLATEUR DOIT DONC DÉTERMINER LUI-MÊME LES MODALITÉS DE MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME DES RETRAITES AGRICOLES

1. Les pensions agricoles seraient calculées sur la base des 25 meilleures années de points

C'est dans ce contexte qu'il est proposé, à travers l'article 1er de la proposition de loi, d'abroger les dispositions issues de la loi « Dive » et d'inscrire directement dans la loi les modalités de calcul des pensions qui seront applicables aux pensions agricoles liquidées à compter du 1er janvier 2026.

Il serait ainsi accordé aux assurés, pour chaque année de leur carrière, un nombre de points égal au nombre annuel moyen de points acquis pendant leurs 25 années d'assurance les plus avantageuses. Le montant de la pension de retraite correspondrait alors au produit du nombre total de points attribués selon ces modalités par la valeur de service du point.

Par ailleurs, dans une logique de simplification, la pension forfaitaire et la pension proportionnelle seraient unifiées au sein d'une même pension.

Mode de calcul de la pension de retraite des non-salariés agricoles proposé

2. Les paramètres proposés sont conformes à l'intention exprimée par le législateur en 2023

D'après la MSA, qui, comme la FNSEA, a apporté son soutien à la proposition de loi, le coût de la réforme proposée atteindrait en 2046 son niveau maximal, entre 285 et 322 millions d'euros - un montant sensiblement inférieur aux projections réalisées en 2012, et décroîtrait ensuite. En outre, il est établi que ces dispositions, par définition, ne pourraient pas faire de perdants.

En tout état de cause, à défaut d'évaluation précise des effets d'une telle mesure et afin de garantir la mise en oeuvre de la réforme dès 2026, la commission, en accord avec la MSA, a supprimé les dispositions prévoyant l'unification de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle.

Réunie le mercredi 13 mars 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales, sur le rapport de Pascale Gruny, a adopté la présente proposition de loi modifiée par un amendement du rapporteur.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Calcul des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés
des professions agricoles sur la base des 25 meilleures années de points

Cet article tend à prévoir, à compter du 1er janvier 2026, un mode de calcul des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles sur la base des 25 années d'assurance les plus avantageuses dans le cadre d'un système par points.

La commission a modifié cet article afin de supprimer les dispositions prévoyant la fusion de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle des travailleurs non salariés des professions agricoles.

I - Le dispositif proposé : le calcul des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles sur la base des 25 meilleures années de points d'ici à 2026

A. Les pensions de retraite des travailleurs non salariés des professions agricoles sont calculées sur la base de l'ensemble de la carrière

1. Caractérisé par sa complexité, le régime de retraite des travailleurs non salariés des professions agricoles sert les plus faibles pensions des principaux régimes

a) La retraite des travailleurs non salariés des professions agricoles se décompose en trois étages

Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, leurs conjoints collaborateurs et leurs aides familiaux ayant exercé une activité agricole non salariée à titre exclusif ou à titre principal ont droit à une pension de retraite qui comprend :

une pension de retraite forfaitaire au titre de l'assurance vieillesse individuelle (AVI)1(*). Son montant maximal attribué pour une durée minimale d'activité agricole non salariée correspondant à la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein2(*) est égal à 318,44 euros par mois au 1er janvier 20243(*). Lorsque la durée d'activité est inférieure à cette durée minimale, le montant de la pension est calculé au prorata ;

Mode de calcul de la pension de retraite forfaitaire des
non-salariés agricoles

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Illustration schématique : Pierre est né en 1965 et justifie de 41 annuités d'assurance. La durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein est fixée à 43 annuités pour sa génération. Sa pension forfaitaire s'élèvera donc à 318,44 x 41/43 = 303,63 euros.

une pension de retraite proportionnelle au titre de l'assurance vieillesse agricole (AVA)4(*). Son montant est calculé, dans le cadre d'un système par points, en fonction des cotisations versées et de la durée d'assurance. Ce montant est égal au produit du nombre de points acquis par l'assuré par la valeur du point auquel est appliqué un coefficient d'adaptation correspondant au rapport de 37,5 sur la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein5(*). La valeur du point est revalorisée au 1er janvier de chaque année dans les mêmes conditions que les pensions servies par les régimes alignés, sur la base de l'inflation constatée6(*).

Mode de calcul de la pension de retraite proportionnelle des
non-salariés agricoles

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Illustration schématique : Pierre est né en 1965 et justifie de 43 annuités d'assurance. La durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein est fixée à 43 annuités pour sa génération. Au cours de sa carrière, Pierre a acquis 1 000 points de retraite proportionnelle dont la valeur de service est fixée, au moment de la liquidation, à un euro. Sa pension proportionnelle s'élèvera donc à 1 000 x 1 x 37,5/43 = 872,10 euros.

Les personnes n'ayant exercé une activité agricole non salariée qu'à titre accessoire en parallèle d'une activité salariée ne peuvent toutefois prétendre qu'à une pension de retraite proportionnelle7(*).

S'y ajoute enfin une pension servie par le régime d'assurance vieillesse complémentaire obligatoire des exploitants agricoles (RCO)8(*), étendue aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux en 20119(*), également calculée sur la base d'un système par points10(*).

b) Des minima de pension de base et complémentaire ont progressivement été instaurés

• La pension majorée de référence (PMR) garantit un niveau minimal de pension de retraite de base aux travailleurs non salariés des professions agricoles

Depuis 200911(*), les travailleurs non salariés agricoles bénéficient de la pension majorée de référence (PMR), qui permet de porter la pension de l'assuré à un niveau minimal12(*).

Celle-ci est aujourd'hui accordée aux assurés :

- justifiant d'une pension à taux plein dans le régime des non-salariés agricoles13(*) ;

- et ayant liquidé l'ensemble des droits en matière d'avantage de vieillesse auxquels ils peuvent prétendre auprès des régimes obligatoires de base et complémentaire14(*).

La condition cumulative de justification d'une durée minimale d'assurance de 17,5 années dans le régime des non-salariés agricoles a été supprimée pour les pensions prenant effet à compter de 201415(*).

Jusqu'alors différencié selon que l'assuré était exploitant ou conjoint collaborateur16(*) ou aide familial17(*), le montant de la PMR a été unifié18(*) en 202219(*) et fixé au niveau du minimum contributif (MiCo) majoré du régime général20(*), lequel a été revalorisé de 100 euros dans le cadre de la réforme des retraites de 202321(*) et atteint 876,13 euros par mois au 1er janvier 2024. Auparavant indexé sur l'inflation, ce montant est désormais revalorisé au 1er janvier de chaque année d'un taux au moins égal à l'évolution annuelle du Smic22(*).

Certaines majorations de pension s'ajoutent au montant de la PMR23(*), à savoir :

- la majoration pour tierce personne24(*) ;

- la majoration pour enfants25(*) ;

- pour les assurés dont la pension de retraite prend effet à compter du 1er janvier 2009, la surcote26(*).

Si l'assuré n'a pas été affilié au régime des travailleurs non salariés des professions agricoles durant toute sa carrière, le montant de la PMR est calculé au prorata de la durée d'assurance qu'il y a accomplie par rapport à la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein.

La majoration de pension résultant de ce dispositif est égale à la différence entre le montant de la PMR ainsi calculé et la somme des pensions de retraite personnelles et de réversion servies à l'assuré par le régime des non-salariés agricoles27(*).

Lorsque le montant des pensions de droit propre et de droit dérivé servies à l'assuré par l'ensemble des régimes obligatoires de base et complémentaires et de la majoration de pension excède un plafond fixé par décret et, depuis 2022, au moins égal à celui de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa)28(*), la majoration est réduite à due concurrence du dépassement29(*). Augmenté de 100 euros aux termes de la réforme des retraites de 2023 et désormais indexé sur le Smic30(*), ce plafond s'élève à 1 073,07 euros par mois au 1er janvier 2024, contre 1 367,51 euros par mois pour le MiCo31(*).

Contrairement au MiCo, enfin, la PMR est incluse dans la pension principale servant de base au calcul de la pension de réversion32(*).

• Le complément différentiel de points de retraite complémentaire (CDRCO) porte la pension à 85 % du Smic pour les seuls chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole

Un complément différentiel de points de retraite complémentaire (CDRCO) est accordé depuis 201433(*) aux personnes dont la pension de retraite personnelle prend effet :

- avant le 1er janvier 1997 et qui justifient, à la date d'effet de leur pension, de 32,5 années d'assurance à titre exclusif ou principal dans le régime des non-salariés agricoles dont au moins 17,5 années accomplies en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole ;

- à compter du 1er janvier 1997 et qui justifient d'une durée d'assurance au moins égale à la durée requise pour l'obtention du taux plein au régime des non-salariés agricoles et de 17,5 années au régime des non-salariés agricoles en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole34(*). La condition d'obtention du taux plein par la durée d'assurance rendant inéligibles au dispositif les retraités bénéficiant du taux plein autrement que par la durée d'assurance et ne justifiant donc pas de la durée requise pour l'obtention du taux plein, à savoir, notamment, les assurés partant en retraite au titre de l'invalidité35(*), de l'inaptitude au travail36(*), de l'incapacité permanente37(*) ou du handicap38(*), les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH)39(*) ou les assurés ayant liquidé leur pension après avoir atteint l'âge d'annulation de la décote (67 ans)40(*), la réforme des retraites de 2023 lui a substitué une condition de liquidation de la pension à taux plein41(*).

Le CDRCO permet de porter la pension de retraite à un niveau minimal, fixé, depuis 202042(*), à 85 % du Smic net agricole en vigueur le 1er janvier de l'année de liquidation de la pension, soit 1 177,03 euros par mois au 1er janvier 2024, pour une carrière complète accomplie en qualité de chef d'exploitation ou d'entreprise agricole43(*).

Si l'assuré ne justifie pas d'une carrière complète accomplie en cette qualité, le montant du CDRCO est calculé au prorata de la durée d'assurance accomplie en cette qualité par rapport à la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein.

Depuis 2020, le CDRCO est attribué à la condition, pour l'assuré, d'avoir fait valoir l'intégralité des droits à pension de retraite (y compris les droits à pension de réversion) auxquels il peut prétendre44(*). Toutefois, des dérogations à cette condition ont été accordées par le législateur en 2022 au bénéfice :

- des retraités exerçant un mandat électif local et se constituant, au titre de leurs indemnités de fonction, des droits à pension auprès de l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec)45(*) ;

- et des retraités exerçant un mandat d'élu au sein des organismes de Mutualité sociale agricole (MSA) et des chambres d'agriculture, qui s'ouvrent des droits auprès de la MSA et de l'Ircantec46(*).

Au surplus, depuis 2020, la somme des pensions de l'assuré et du CDRCO ne peut excéder un plafond fixé au montant maximal du CDRCO, soit 85 % du Smic, diminué au prorata de la durée d'assurance accomplie au régime des non-salariés agricoles par rapport à la durée d'assurance requise pour l'obtention du taux plein. En cas de dépassement de ce plafond, le montant du CDRCO est réduit à due concurrence du dépassement47(*).

Les conjoints collaborateurs et les aides familiaux, quant à eux, ne bénéficient pas du CDRCO, en raison d'un effort contributif moindre.

Structure schématique de la pension de retraite à taux plein
des non-salariés agricoles

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

c) Malgré ces progrès significatifs, les pensions servies aux travailleurs non salariés des professions agricoles demeurent particulièrement faibles

À fin 2021, parmi les retraités de droit direct des régimes de base, ceux dont le régime principal d'affiliation était celui des travailleurs non salariés des professions agricoles percevaient les pensions les plus faibles.

Leur pension mensuelle brute moyenne de droit direct s'établissait ainsi à 840 euros contre 1 530 euros pour l'ensemble des retraités. Les seuls retraités à carrière complète relevant du régime à titre principal percevaient, quant à eux, 930 euros par mois en moyenne contre 1 880 euros pour l'ensemble des retraités à carrière complète.

Montant mensuel brut moyen de la pension de droit direct
(y compris majoration pour trois enfants ou plus) selon le régime principal d'affiliation au cours de la carrière, fin 2021

 

Tous retraités de droit direct

Retraités de droit direct à carrière complète

Hommes

Femmes

Ensemble

Hommes

Femmes

Ensemble

Ensemble des retraités de droit direct

1 950 €

1 180 €

1 530 €

2 130 €

1 580 €

1 880 €

Retraités de droit direct d'un régime de base

1 960 €

1 180 €

1 530 €

2 130 €

1 580 €

1 880 €

Dont régime général à titre principal

1 890 €

1 020 €

1 400 €

2 110 €

1 500 €

1 840 €

Dont autre régime de salarié à titre principal

2 260 €

1 800 €

2 030 €

2 400 €

1 950 €

2 190 €

Fonctionnaires civils de l'État

2 520 €

2 100 €

2 280 €

2 640 €

2 280 €

2 440 €

Fonctionnaires militaires de l'État

2 070 €

1 400 €

2 020 €

2 610 €

1 950 €

2 590 €

Fonctionnaires CNRACL

1 810 €

1 520 €

1 600 €

1 820 €

1 600 €

1 670 €

Régimes spéciaux

2 700 €

2 080 €

2 550 €

2 930 €

2 560 €

2 870 €

MSA salariés

1 640 €

1 310 €

1 520 €

1 810 €

1 810 €

1 810 €

Dont autre régime de non-salarié à titre principal

1 500 €

810 €

1 150 €

1 460 €

900 €

1 190 €

Professions libérales

2 740 €

1 700 €

2 390 €

3 170 €

2 110 €

2 820 €

MSA non-salarié

1 040 €

670 €

840 €

1 080 €

770 €

930 €

Dont aucun régime principal48(*)

1 490 €

1 140 €

1 380 €

1 620 €

1 340 €

1 530 €

Monopensionnés d'un régime de base

1 960 €

1 140 €

1 500 €

2 170 €

1 600 €

1 910 €

Polypensionnés de régimes de base

1 960 €

1 310 €

1 650 €

2 050 €

1 530 €

1 830 €

Autres retraités de droit direct49(*)

700 €

330 €

510 €

480 €

250 €

380 €

Source : Drees, Les retraités et les retraites, édition 2023

Sur 1 132 046 retraités au 31 décembre 2023, le régime des non-salariés agricoles comptait 970 483 polypensionnés (86 %). Ces derniers perçoivent en moyenne des pensions sensiblement supérieures à celles des monopensionnés. D'après la CCMSA, la pension annuelle globale tous régimes des polypensionnés affiliés au régime des non-salariés agricoles s'élevait, à fin 2023, à 1 453 euros, contre 1 033 euros dans le cas des monopensionnés.

La faiblesse des pensions servies aux affiliés du régime s'explique par celle de leurs revenus professionnels. D'après le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, 63 % des chefs d'exploitation à titre exclusif ou principal percevaient un revenu annuel inférieur au Smic brut en 202150(*).

2. Contrairement aux régimes alignés, celui des travailleurs non salariés des professions agricoles s'inscrit dans le cadre d'un système par points

a) Bien que redistributif dans le cas des travailleurs non salariés des professions agricoles, un système par points fait reposer la pension de retraite sur l'ensemble de la carrière

Les pensions servies aux travailleurs non salariés des professions agricoles sont versées en contrepartie de cotisations assises depuis 1990 sur les revenus professionnels51(*). Un niveau minimal de cotisations reste dû par les assurés, quel que soit leur revenu.

Les taux applicables demeurent toutefois inférieurs à ceux des régimes alignés (14,87 % contre 15,45 % sous le montant du plafond annuel de la sécurité sociale - Pass, soit 46 368 euros en 2023, et 2,24 % au-delà de ce montant contre 2,42 %52(*) sur la totalité de la rémunération). En outre, les conjoints collaborateurs et les aides familiaux ne sont pas redevables d'une cotisation déplafonnée.

Modalités de calcul des cotisations d'assurance vieillesse dues
au titre de l'activité des non-salariés agricoles

Cotisation

Assiette

Taux

Chef d'exploitation

Conjoint collaborateur
et aide familial

Assurance vieillesse individuelle (retraite forfaitaire)

Revenus professionnels du chef d'exploitation,
avec une assiette minimale égale à 800 Smic,
jusqu'au montant du Pass53(*)

3,32 %54(*)

Assurance vieillesse agricole (retraite proportionnelle) plafonnée

Revenus professionnels,
avec une assiette minimale
égale à 600 Smic, jusqu'au montant du Pass55(*)

Assiette forfaitaire
égale à 400 Smic56(*)

11,55 %57(*)

Assurance vieillesse agricole (retraite proportionnelle) déplafonnée

Revenus professionnels,
avec une assiette minimale
égale à 600 Smic58(*)

Néant

2,24 %59(*)

Retraite complémentaire
(RCO)

Revenus professionnels,
avec une assiette minimale
égale à 1 820 Smic60(*)

Assiette forfaitaire
égale à 1 200 Smic61(*)

4 %62(*)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

En parallèle, les droits acquis auprès du régime varient en fonction du statut de l'assuré. Ainsi, les conjoints collaborateurs et aides familiaux obtiennent 16 points d'assurance vieillesse proportionnelle en contrepartie de leur cotisation forfaitaire63(*), tandis que les chefs d'exploitation se voient attribuer, en fonction de leur cotisation, un nombre de points allant de 23 à 11464(*).

Ces dernières années, la proportionnalité au revenu de l'assuré du nombre de points attribués a été renforcée pour les deux dernières tranches de revenu. Jusqu'en 1990, le barème en vigueur ne permettait l'attribution que de 15 à 60 points.

Barème d'attribution des points de retraite proportionnelle
aux non-salariés agricoles

Revenus

Nombre de points attribués

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Revenus inférieurs à 600 Smic

23

23

23

23

23

23

23

23

23

23

23

Revenus compris entre 600
et 800 Smic

23
à 30

23
à 30

23
à 30

23
à 30

23
à 30

23
à 30

23
à 30

23
à 30

23
à 30

23
à 30

23 à 30

Revenus compris entre 800 Smic
et deux fois le MiCo

30

30

30

30

30

30

30

30

30

30

30

Revenus compris entre deux fois le MiCo et le Pass

30
à 103

30
à 105

30
à 105

30
à 109

30
à 109

30
à 111

30
à 112

30
à 112

30
à 110

30
à 113

30 à 113

Revenus supérieurs au Pass

104

106

106

110

110

112

113

113

111

114

114

Source : Caisse centrale de la mutualité sociale agricole

Il convient de relever qu'une tranche importante de revenu, située entre 800 fois le Smic brut horaire65(*) et deux fois le MiCo66(*) ouvre uniformément accès à 30 points, dans une logique de solidarité.

Cette situation, qui, d'après la Caisse centrale de la MSA (CCMSA) elle-même, inciterait à l'optimisation sociale par le biais d'investissements dans le capital agricole permettant de diminuer le revenu imposable, concernait 18 % des chefs d'exploitation en 2023.

Répartition des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole
par tranche d'assiette depuis 2018

Revenus

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Revenus inférieurs à 600 Smic

166 133

149 162

140 508

136 428

132 674

124 156

Revenus compris entre 600
et 800 Smic

34 491

31 089

30 057

29 214

28 661

27 450

Revenus compris entre 800 Smic
et deux fois le MiCo

107 314

103 877

101 280

97 278

98 551

73 446

Revenus compris entre deux fois le MiCo et le Pass

100 113

109 734

115 407

116 373

110 279

130 311

Revenus supérieurs au Pass

32 355

39 122

39 263

41 846

45 536

53 232

Total

440 406

432 984

426 515

421 139

415 701

408 595

Source : Caisse centrale de la mutualité sociale agricole

Toutefois, ce barème est particulièrement redistributif et protecteur pour les assurés à faibles niveaux de revenus.

De fait, un barème strictement proportionnel au revenu ne donnerait accès qu'à 16 points au niveau de l'assiette minimale de 600 Smic et à moins de 30 points jusqu'à environ 12 500 euros, au milieu de la plage fixe actuelle à 30 points. Au-delà de 12 500 euros, le nombre de points attribués serait supérieur au nombre actuel.

Comparaison entre le barème d'attribution des points de retraite proportionnelle et un barème proportionnel au revenu

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Dans le cadre d'un barème proportionnel, les assurés aux revenus inférieurs à environ 21 000 euros bénéficiant d'une pension à taux plein se verraient toujours attribuer la PMR, qui constituerait en quelque sorte un « filet de sécurité ». En revanche, le niveau de la pension servie à ceux qui ne sont pas éligibles à la PMR reculerait.

Néanmoins, par définition, le montant de la pension repose sur l'ensemble de la carrière, et non pas sur les seules 25 meilleures années.

Notons que la retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles emprunte un certain nombre de paramètres aux régimes alignés, à savoir :

- l'existence d'un âge légal de départ en retraite, fixé à 64 ans à compter de la génération 196867(*) ;

- l'existence d'une durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein, d'un mécanisme de décote et de surcote, applicable tant à la retraite forfaitaire qu'à la retraite proportionnelle, et d'un âge d'annulation de la décote, fixé à 67 ans68(*) ;

- le plafonnement du montant global de la pension de base à 50 % du Pass69(*) ;

- l'indexation des pensions sur l'inflation, dans les mêmes conditions que dans les régimes alignés70(*), contrairement à d'autres régimes par points, comme l'Agirc-Arrco, qui déterminent le coefficient de revalorisation des pensions qu'ils servent de façon à assurer leur équilibre financier.

En revanche, la validation des trimestres n'y repose pas sur la même base : tandis qu'elle est fonction des revenus générés dans les régimes alignés, elle est liée, dans le régime des non-salariés agricoles, au principe d'annualité des cotisations. Les cotisations dues étant fixées pour chaque année civile71(*), un assuré affilié au régime au 1er janvier de l'année considérée validera, en contrepartie, quatre trimestres au titre de ladite année.

b) À l'inverse, les régimes par annuités ne retiennent que les meilleures années pour le calcul de la pension

Dans les régimes alignés, qui fonctionnent selon un système par annuités, le montant de la pension correspond au produit d'un taux - le taux plein est égal à 50 % et peut se voir appliquer une décote de 1,25 % (soit - 0,625 point) par trimestre manquant, dans la limite de 20 trimestres (le taux minimal est donc de 37,5 %)72(*)par le revenu annuel moyen (RAM) des 25 meilleures années73(*) (les revenus annuels sont pris en compte dans la limite du Pass de l'année considérée74(*) et revalorisés sur la base de l'inflation75(*)) et par un coefficient de proratisation, qui correspond au rapport entre la durée d'assurance validée et la durée requise pour l'obtention d'une pension à taux plein76(*).

Les assurés atteignant l'âge d'annulation de la décote, fixé à 67 ans, bénéficient automatiquement du taux plein77(*).

Mode de calcul de la pension de retraite dans les régimes alignés

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

La durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein a été relevée en 201478(*) selon un calendrier dont la montée en charge a été accélérée par la réforme des retraites de 202379(*) et atteindra 43 annuités à compter de la génération 196580(*).

Durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein
en fonction de la génération de l'assuré

Générations

Durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein

1958 à 1960

167 trimestres

1er janvier au 31 août 1961

168 trimestres

1er septembre 1961 à 1962

169 trimestres

1963

170 trimestres

1964

171 trimestres

À partir de 1965

172 trimestres

Source : Article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale

Un trimestre de retraite est validé dès lors que l'assuré justifie d'un salaire annuel assujetti à cotisations équivalent à 150 fois le Smic brut horaire, dans la limite de quatre trimestres par année civile81(*), ce qui correspond à un salaire équivalent à 600 fois le Smic brut horaire82(*). Jusqu'en 201483(*), la validation d'un trimestre était conditionnée à la justification d'un salaire équivalent à 200 fois ce montant.

Dès lors, les assurés générant de faibles revenus peuvent ne pas valider quatre trimestres par an, tandis qu'un assuré à haut niveau de revenu peut valider quatre trimestres en ne travaillant effectivement que deux mois, à condition de justifier d'un revenu annuel au moins égal à 600 fois le Smic brut horaire.

Pour autant, le recours aux seules meilleures années permet d'accroître le niveau global de la pension, en excluant les années lors desquelles l'assuré a dégagé un revenu moindre.

3. Les effets potentiels du calcul des pensions de retraite agricoles sur la base des 25 meilleures années varieraient sensiblement en fonction des modalités retenues

a) Le passage à un mode de calcul reposant sur les 25 meilleures années a fait l'objet d'une première évaluation dès 2012

En 2010, le législateur a prévu la remise par le Gouvernement d'un rapport :

- examinant les conditions dans lesquelles pourrait être mise en oeuvre une modification du mode de calcul de la pension de retraite de base des travailleurs non salariés agricoles, basée sur l'application des 25 meilleures années ;

- étudiant les conséquences d'un tel changement sur les prestations ainsi que sur les cotisations ;

- et émettant des propositions relatives aux modifications à apporter à la structuration du régime de base des travailleurs non salariés agricoles84(*).

Remis par Yann-Gaël Amghar au nom de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) en 201285(*), ce rapport démontrait que, de façon générale, le passage d'un système par points à un système par annuités reposant sur les 25 meilleures années de revenu profiterait notamment aux bénéficiaires des pensions les moins modestes et que les assurés percevant les pensions les plus faibles pourraient y perdre, dès lors que :

le niveau des cotisations minimales ne permettrait pas de valider quatre trimestres par an si le seuil de validation d'un trimestre dans les régimes alignés, alors fixé à 200 Smic, était transposé au régime des travailleurs non salariés agricoles ;

- et que son rendement serait sensiblement dégradé pour les bénéficiaires des pensions les plus faibles, le barème actuel d'attribution des points leur étant bien plus favorable que le calcul de la pension sur la base d'un pourcentage du revenu annuel moyen. Si la PMR neutralise ces effets pour les assurés bénéficiant d'une pension à taux plein en portant celle-ci à un niveau minimal, les autres verraient leurs droits diminuer.

La première de ces difficultés a été atténuée depuis lors. En effet, le seuil de validation d'un trimestre s'établissant désormais à 150 Smic, l'assiette minimale de cotisations de retraite proportionnelle des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole, fixée à 600 Smic, leur permettrait de valider quatre trimestres par an.

Les conjoints collaborateurs et aides familiaux cotisant sur la base de leur assiette forfaitaire de 400 Smic ne pourraient toutefois valider que deux trimestres par an dans ce scénario. En outre, ces derniers pourraient, dans certains cas, perdre l'éventuel bénéfice de la PMR si la réforme aboutissait à réduire leur durée d'assurance validée.

Rappelons que le législateur a limité à cinq ans la possibilité d'exercer sous le statut de conjoint collaborateur à compter de 202286(*), les aides familiaux étant soumis à cette limitation depuis 200587(*). Sans relèvement du niveau de l'assiette forfaitaire, l'effet sur la durée d'assurance serait donc limité à dix trimestres, soit deux annuités et demie.

b) Un scénario particulier de réforme paraissait limiter à l'infime les effets négatifs du changement de mode de calcul des droits

D'après le rapport de l'Igas, l'option la plus favorable aux assurés correspondrait à la combinaison :

- de la mise en oeuvre immédiate du calcul des pensions sur la base des 25 meilleures années, qui permettrait d'assurer l'effectivité rapide de la réforme et sa lisibilité ;

- de l'application rétroactive de ce mode de calcul aux carrières passées des assurés, qui permettrait d'éviter le maintien d'un double mode de calcul des droits, particulièrement lourd sur le plan de la gestion, mais présenterait l'inconvénient d'entraîner la validation a posteriori de droits sans alignement de l'effort contributif ;

- de la non-application aux carrières passées de la condition d'assiette minimale pour valider quatre trimestres par an, qui permettrait d'éviter de réduire a posteriori la durée d'assurance des assurés n'ayant pas toujours satisfait à cette condition et de porter atteinte au principe de confiance légitime ;

et du maintien d'un système par points, qui permettrait de conserver aux bénéficiaires de petites pensions non éligibles à la PMR le bénéfice d'un barème d'acquisition de points très redistributif et de leur éviter ainsi de pâtir des effets négatifs d'un passage à un système en annuités, dont découleraient des pensions strictement proportionnelles aux revenus au-delà de la PMR.

Cette dernière option réglerait en outre une problématique d'ordre pratique, la CCMSA ne conservant pas l'historique des assiettes de cotisation plus de huit ans ; la transition vers un régime en annuités impliquerait donc, pour les périodes antérieures, de reconstituer le revenu annuel moyen uniquement à partir des points acquis, ce qui s'avèrerait délicat dans la mesure où un revenu compris entre 800 fois le Smic brut horaire et deux fois le MiCo (entre 9 320 et 17 593 euros) donne uniformément droit à 30 points de retraite proportionnelle, quel que soit son niveau exact.

En pratique, il s'agirait donc de calculer le nombre moyen de points acquis chaque année pendant les 25 meilleures années et de l'extrapoler à l'ensemble de la carrière, dans la limite de la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein pour la génération de l'assuré.

Mode de calcul de la pension de retraite proportionnelle des non-salariés agricoles envisagé par Yann-Gaël Amghar en 2012

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Illustration schématique : Pierre est né en 1965 et justifie de 43 annuités d'assurance. La durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein est fixée à 43 annuités pour sa génération. Au cours de sa carrière, Pierre a acquis 1 000 points de retraite proportionnelle dont la valeur de service est fixée, au moment de la liquidation, à un euro. Sur ses 1 000 points, Pierre en a acquis 650 au cours de ses 25 meilleures années, soit 26 points par an en moyenne. Sa pension proportionnelle s'élèvera donc à 26 x 43 x 1 x 37,5/43 = 975 euros.

L'effet de cette réforme sur le montant des pensions était évalué en 2012 à 47,70 euros par mois en moyenne. Le bénéfice tiré croîtrait avec le niveau de la pension avant réforme, avec un gain de 192,3 euros par mois pour les pensions supérieures à 1 000 euros par mois contre seulement 4,90 euros par mois pour les pensions inférieures à 200 euros par mois.

En tout état de cause, l'incidence du nouveau mode de calcul sur les pensions les plus élevées serait limitée par le plafonnement du montant global de la pension de base (cumul de la pension forfaitaire et de la pension proportionnelle) à 50 % du Pass, soit 1 932 euros par mois au 1er janvier 2024.

Seules les nouvelles liquidations, et non les pensions déjà liquidées, seraient concernées par le nouveau mode de calcul, et ce afin d'en limiter les conséquences budgétaires.

D'après Yann-Gaël Amghar (en 2012), seuls 1 % à 6 % des assurés seraient perdants dans ce scénario par rapport au mode de calcul actuel, contre 25 % à plus de 50 % dans un scénario où la pension serait calculée par l'application d'un taux au revenu annuel moyen.

Les pertes correspondantes seraient « très minimes » et notamment liées à la limitation de la base de calcul de la pension à la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension du taux plein.

En effet, à ce jour, un assuré ayant dépassé cette durée cumule les avantages d'un régime par points et d'un régime par annuités, dans la mesure où il acquiert des points supplémentaires et bénéficie dans le même temps d'une surcote. Dans un souci d'équité envers les autres régimes, Yann-Gaël Amghar évoquait la possibilité d'écrêter les droits acquis dans la stricte limite de la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein.

Un exemple de perdant potentiel

Né en 1965, Maurice est chef d'exploitation agricole. La durée d'assurance requise pour sa génération pour l'obtention d'une pension à taux plein est fixée à 172 trimestres (43 annuités).

Maurice valide au total 180 trimestres (45 annuités), dont huit trimestres cotisés au-delà de l'âge d'ouverture des droits (62 ans).

En l'état du droit, il bénéficierait à la fois d'un surplus de points au titre des huit trimestres supplémentaires par rapport à la durée de référence et d'une surcote à hauteur de 1,25 % par trimestre cotisé au-delà de l'âge d'ouverture des droits et de la durée de référence, soit 10 %.

Dans le cadre d'une réforme correspondant aux paramètres identifiés par Yann-Gaël Amghar comme étant les plus favorables aux assurés concernés, la pension de Maurice serait le résultat de l'extrapolation sur 43 années - et non 45 - de la moyenne annuelle des points acquis au cours de ses 25 meilleures années de revenus. La surcote serait maintenue, mais les points acquis au-delà de la durée de référence ne seraient plus pris en compte que s'ils participent des 25 meilleures années de revenus.

Il est toutefois plus que probable que les avantages présentés par le calcul de la pension de Maurice sur la base des seules 25 meilleures années de sa carrière de non-salarié agricole compensent les conséquences de cet effet de bord.

Toujours dans la même logique, il paraît légitime de transposer au régime des travailleurs non salariés des professions agricoles la condition de revenu minimal pour valider quatre trimestres par an, à savoir 600 fois le Smic brut horaire.

Comme le relevait Yann-Gaël Amghar en 2023, « c'est parce que la règle des 25 meilleures années permet déjà de neutraliser, dans le calcul du revenu de référence, les « mauvaises années », qu'il est indispensable de garantir qu'une « année » correspond bien à un effort contributif minimal, faute de quoi un assuré, en ayant un revenu annuel au plafond pendant 25 ans et un effort contributif dérisoire sur le reste de sa carrière pourrait se voir valider la pension maximale du régime au prix d'un effort contributif très réduit, et notamment inférieur à celui d'une personne qui, ayant un niveau de revenu plus stable au cours de sa carrière, obtiendrait une moindre pension »88(*).

L'assiette minimale de cotisation des chefs d'exploitation s'établissant d'ores et déjà à 600 Smic, seule la situation des conjoints collaborateurs et aides familiaux s'avèrerait problématique dans cette perspective. Leur assiette forfaitaire pourrait donc être portée de 400 à 600 Smic, ce qui correspondrait à ce jour à une augmentation de 269 euros de la cotisation minimale annuelle.

Il convient de mettre en regard de cet effort supplémentaire l'observation formulée par Yann-Gaël Amghar selon laquelle « cotiser 150 Smic horaires pour un trimestre offre un niveau de rendement très élevé pour les cotisations retraite. Garantir la validation de quatre trimestres à ce tarif est avantageux »89(*).

Un tel rehaussement devrait d'ailleurs conduire à de plus amples réflexions au sujet de la cotisation minimale des conjoints collaborateurs des artisans et commerçants (931 euros en 2024), qui ne leur permet de valider que trois trimestres par an, tandis que ceux des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole en valident quatre en contrepartie d'une cotisation minimale de 847 euros en 2024 (cotisation minimale de 309 euros au titre de la retraite forfaitaire et cotisation forfaitaire de 538 euros au titre de la retraite proportionnelle).

Une autre solution consisterait à ajuster l'assiette forfaitaire des conjoints collaborateurs et aides familiaux en la relevant de 400 à 450 Smic, de façon à leur permettre de valider trois trimestres par an, ou encore de l'aligner sur les assiettes proposées aux conjoints collaborateurs des artisans et commerçants. Toutefois, ces deux options ne garantissent pas la validation de quatre trimestres par an et seraient susceptibles d'entraîner de lourdes conséquences sur les droits des assurés. Il paraît donc préférable au rapporteur d'envisager l'alignement de l'assiette forfaitaire des conjoints collaborateurs et aides familiaux sur celle des chefs d'exploitation.

c) Le maintien d'un effort de solidarité nationale envers les agriculteurs paraît indispensable pour mener à bien une telle réforme

Incluant, d'une part, la poursuite de l'alignement du régime des travailleurs non salariés agricoles sur les régimes alignés par le calcul des 25 meilleures années des polypensionnés au prorata de la durée d'assurance accomplie dans chaque régime et, d'autre part, l'alignement des taux de cotisation sur les taux applicables aux régimes alignés, le scénario identifié comme le plus favorable aux assurés du régime par Yann-Gaël Amghar en 2012 devait alors représenter un coût de 472,2 millions d'euros à l'horizon de 2040.

Cette estimation doit toutefois être révisée, compte tenu des nombreuses évolutions législatives intervenues depuis leur réalisation, à commencer par les multiples revalorisations de la PMR, la création du CDRCO et l'abaissement de 200 Smic à 150 Smic de l'assiette minimale permettant la validation d'un trimestre dans les régimes alignés, qui devraient contribuer à réduire le coût de la réforme.

De fait, d'après la CCMSA, à fin 2023, 215 494 assurés avaient bénéficié de la loi dite « Chassaigne I » pour un montant mensuel moyen de 120,82 euros, tandis que 178 660 personnes avaient profité des dispositions de la loi dite « Chassaigne II » pour un montant mensuel moyen de 55,22 euros. En outre, la revalorisation de 100 euros du montant de la PMR intervenue dans le cadre de la réforme des retraites pour 2023 a bénéficié à 11 000 nouveaux retraités selon le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, l'assouplissement des conditions d'attribution du CDRCO ayant, quant à lui, permis à 45 000 retraités d'y accéder, pour un gain moyen d'environ 80 euros par mois.

En raison de l'amélioration de sa tendance démographique, désormais caractérisée par la diminution progressive des effectifs de pensionnés, la situation financière du régime de base des travailleurs non salariés des professions agricoles devrait se redresser au cours des prochaines années, ce qui lui permettrait d'absorber le surcoût lié à une réforme de cette nature.

Évolution prévisionnelle de la situation financière de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles (en millions d'euros)

Régime

Réalisations 2021

Prévisions 2022

Prévisions 2023

Prévisions

2024

Prévisions 2025

Prévisions 2026

Prévisions 2027

Charges de gestion

7 053,12

7 099,62

7 042,26

7 144,66

7 094,58

6 991,20

6 876,68

Produits de gestion

7 560,65

7 204,57

7 381,10

7 596,37

7 740,12

7 777,18

7 776,22

Solde

507,53

104,96

338,84

451,72

645,55

785,98

899,55

Source : Caisse centrale de la mutualité sociale agricole

Il importe toutefois de rappeler que le produit des cotisations versées par les assurés couvrait moins de 19 % des charges nettes du régime en 2022. La majeure partie de son financement est donc supportée par la solidarité nationale par le biais de la compensation démographie ou d'impôts et taxes affectés (Itaf).

Structure des produits du régime de retraite de base
des travailleurs non salariés des professions agricoles en 2022

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2023

B. Dans une logique de justice et d'équité, la réforme du mode de calcul des pensions de retraite de base des non-salariés agricoles ne doit pas faire de perdants

1. La mise en oeuvre du calcul des pensions de retraite de base des non-salariés agricoles sur la base des 25 meilleures années est devenue un enjeu prioritaire dans le cadre de la crise du monde agricole

a) Un objectif de calcul des pensions de retraite agricoles sur la base des 25 meilleures années a été fixé par le Parlement en 2023

C'est dans ce contexte que le Parlement a adopté, en 2023, une proposition de loi déposée par le député Julien Dive (groupe Les Républicains).

Le texte dispose que la Nation se fixe pour objectif de déterminer, à compter du 1er janvier 2026, le montant de la pension de base des travailleurs non salariés des professions agricoles en fonction des 25 années civiles d'assurance les plus avantageuses90(*), les modalités d'application étant renvoyées à un décret en Conseil d'État91(*).

Bien qu'une mise en oeuvre dès 2024 ait été initialement proposée par Julien Dive, la réforme ne pouvait être transposée dans le système d'information de la CCMSA avant 2026, ce qui a justifié un report de deux ans de son entrée en vigueur.

Le Gouvernement devait remettre au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport précisant les modalités de mise en oeuvre de cette réforme dans le respect des spécificités du régime de retraite des travailleurs non salariés des professions agricoles et de la garantie du niveau des pensions et des droits acquis.

À l'occasion de l'examen de ce texte, la commission des affaires sociales du Sénat avait clairement indiqué envisager « la mise en oeuvre d'un mode de calcul des pensions propre à un régime en annuités dans le cadre d'un régime par points », qui devait certes aboutir « à un cas unique associant les avantages des deux systèmes », mais « se justifie tant par la faiblesse des revenus agricoles que par leur extrême variabilité, liée aux chocs économiques et climatiques »92(*).

Tout en notant que l'obtention de la garantie que la réforme ne ferait pas de perdants constituait « une condition sine qua non à l'adoption » de la proposition de loi, le rapporteur regrettait à la fois que « le texte ne précise pas que les pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles devront toujours être calculées dans le cadre d'un système par points, ce qui ne fait certes pas obstacle au choix de cette option in fine, mais ne le garantit pas non plus, bien qu'il s'agisse de toute évidence du scénario le mieux à même de garantir qu'aucun assuré ne sera lésé par la réforme » et que « ni les effets de la réforme sur les pensions de retraite agricoles ni son coût n'aient pu être évalués précisément par la CCMSA ou par le Gouvernement ».

Jugeant nécessaire une adoption conforme visant à « sécuriser les acquis issus de l'examen du texte à l'Assemblée nationale », il soulignait déjà qu'une « modification de l'article L. 732-24 du code rural et de la pêche maritime, qui définit la structure de la pension de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles, assortie d'une entrée en vigueur différée (lui) aurait paru plus judicieux et sécurisant ».

b) D'ici à 2027, la refonte de l'assiette sociale des travailleurs indépendants devrait permettre d'accroître les droits à pension des non-salariés agricoles

Les cotisations et contributions sociales dues au titre de l'emploi d'un salarié sont calculées sur une assiette « brute », c'est-à-dire sur le coût du travail pour l'employeur réduit du montant des cotisations patronales93(*).

Historiquement, à défaut d'employeur partageant avec eux la charge du paiement de leurs cotisations sociales, les travailleurs indépendants, eux, sont redevables de montants de cotisations moindres, pour une protection sociale plus limitée.

Ils cotisent ainsi sur une assiette « nette » équivalant au revenu d'activité retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu94(*), soit le chiffre d'affaires réduit du montant des frais et charges réels, de la CSG déductible et des cotisations sociales95(*).

En d'autres termes, pour déterminer l'assiette de cotisation d'un travailleur indépendant, il faut calculer préalablement le montant des cotisations dues selon une méthode « circulaire » particulièrement complexe.

Dans le même temps, la CSG et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) sont, quant à elles, calculées sur une assiette « super-brute » correspondant à l'assiette « nette » à laquelle est ajouté le montant des cotisations sociales96(*).

Il est donc là encore nécessaire de connaître le montant de la part déductible de la CSG pour en calculer l'assiette.

Assiettes sociales des salariés et des travailleurs indépendants

Source : Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024 par Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale, tome II (n° 84, 2023-2024)

Ce mode de calcul présente deux inconvénients majeurs :

- son aspect « circulaire » induit une très forte complexité pour les travailleurs indépendants et leurs experts-comptables ;

- pour un même niveau global de prélèvements sociaux, la part des contributions non créatrices de droits (CSG et CRDS) dues par ces travailleurs est plus importante que chez les salariés, tandis que celle des cotisations créatrices de droits (notamment vieillesse, retraite complémentaire, indemnités journalières et invalidité-décès) est plus faible.

En 2023, le législateur a donc approuvé la réforme très attendue de l'assiette sociale des indépendants97(*).

Pour le calcul des cotisations dues par les travailleurs non salariés non agricoles au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2025 et pour celui des cotisations dues par les travailleurs non salariés agricoles au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2026, les deux assiettes sociales seront ainsi unifiées au sein d'une assiette unique se rapprochant de la rémunération brute des salariés par application au revenu professionnel d'un abattement représentatif d'une partie des cotisations sociales.

Future assiette sociale unique des travailleurs indépendants

Source : Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024 par Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale, tome II (n° 84, 2023-2024)

Il en résultera à la fois :

une simplification considérable du mode de calcul de l'assiette sociale découlant de la suppression de sa « circularité » ;

une diminution globale des prélèvements sociaux des travailleurs indépendants, mais une augmentation pour certaines catégories de travailleurs compte tenu de la fixation d'un taux d'abattement unique98(*) ;

une diminution de la part relative des contributions sociales dans le total de ces prélèvements ;

- corrélativement, une augmentation de la part relative des cotisations sociales, ce qui permettra d'accroître les droits à prestations contributives de ces travailleurs, et en particulier les droits à pension de retraite, via deux leviers :

• pour la retraite de base des artisans et commerçants (et celle des non-salariés agricoles, si leur régime devait fonctionner à l'avenir sur la base d'un système par annuités), l'élargissement de l'assiette de cotisation induit une augmentation du revenu porté au compte de l'assuré (dans la limite du Pass) et donc du revenu annuel moyen des 25 meilleures années, sur la base duquel est calculée la pension ;

• pour la retraite de base des non-salariés agricoles et des professionnels libéraux et pour la retraite complémentaire de l'ensemble des indépendants, l'augmentation du revenu assujetti à cotisations et donc du montant des cotisations dues entraîne mécaniquement, à barème constant, une augmentation du nombre de points acquis.

Afin de garantir la neutralité financière de la réforme, le Gouvernement indiquait, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, envisager une révision des taux et des barèmes de cotisation des régimes de base et complémentaires. Dans le cas des non-salariés agricoles, il serait question d'une augmentation de l'ordre de 150 millions d'euros du produit des cotisations de retraite complémentaire, ce qui permettrait d'augmenter en conséquence les droits acquis par les assurés.

Du reste, il convient de noter que le législateur a habilité le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnances, toute mesure relevant du domaine de la loi et visant à rendre applicables aux non-salariés agricoles exerçant leur activité en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, sous réserve des adaptations nécessaires pour tenir compte des caractéristiques et des contraintes particulières de ces territoires, les nouvelles dispositions relatives aux taux, au calcul et au recouvrement des cotisations et des contributions sociales des travailleurs indépendants. En effet, les cotisations et contributions dues par ces travailleurs sont encore assises sur la superficie de l'exploitation.

En outre, le Gouvernement a également été autorisé à légiférer par ordonnances pour adapter le dispositif d'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les exploitants agricoles de ces territoires qui exercent leur activité sur des exploitations de moins de 40 hectares pondérés99(*) et étendre, le cas échéant, le champ de ce dispositif à la CSG, et ce afin d'atténuer les effets en termes de prélèvements sociaux engendrés par la réforme de l'assiette sociale des indépendants100(*).

2. Le rapport de préfiguration de la mise en oeuvre de la réforme a suscité des inquiétudes légitimes

Le rapport dont la remise au Parlement était prévue sous trois mois par la loi dite « Dive » ne lui a finalement été communiqué qu'un an après l'adoption du texte101(*), et seulement après que la presse a pu le consulter.

À la demande du Gouvernement, ses auteurs, Alexandre Pascal et Éric Tison, ont concentré leurs travaux sur trois scénarii, à savoir :

- un scénario dit « 1B » consistant à transformer le régime en régime par annuités et à appliquer la réforme aux seuls assurés affiliés à compter de 2016, année la plus ancienne pour laquelle la CCMSA conserve l'historique des revenus des assurés, en fusionnant retraite forfaitaire et retraite proportionnelle ;

- un scénario dit « 4B » consistant à liquider la partie de la carrière antérieure à 2016 sur la base des modalités de calcul actuelles, c'est-à-dire dans le cadre d'un système par points, et la partie postérieure à 2015 dans le cadre d'un système par annuités ne retenant que les 25 meilleures années, en fusionnant retraite forfaitaire et retraite proportionnelle à partir de 2016 ;

- et un scénario dit « 4C » similaire au précédent, à ceci près que ne seraient pas retenues 25 meilleures années pour la partie de la carrière postérieure à 2016, mais un nombre de meilleures années calculé au prorata de la durée de cette partie de la carrière par rapport à la durée totale de la carrière, et ce afin de permettre d'écarter les années dont la prise en compte serait la moins avantageuse dès 2016.

Mode de calcul de la pension de retraite des non-salariés agricoles
correspondant au scénario « 4C »

Partie de la pension correspondant à la partie de la carrière antérieure à 2016

Partie de la pension correspondant à la partie de la carrière postérieure à 2015

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Ces scénarii présentent, aux yeux du rapporteur, des inconvénients insurmontables.

En premier lieu, les deux premiers scénarii induisent une montée en charge particulièrement longue : dans le scénario « 1B », les années dont la prise en compte serait la moins avantageuse ne commenceraient à être écartées qu'à compter du 64ème anniversaire des assurés affiliés à partir de 2016 ; dans le scénario « 4B », elles ne commenceraient à l'être que dès lors qu'au moins 25 années se seront écoulées depuis 2016, soit en 2041. Ils ne sauraient dès lors constituer une réponse appropriée à la détresse exprimée ces derniers mois par le monde agricole.

D'autre part, dans chacun de ces trois scénarii, deux modes de calcul des pensions coexistent, entre les assurés dans le scénario « 1B » et au sein même de la pension d'un assuré dans les deux autres. Il en résulterait une complexification démesurée du régime des non-salariés agricoles, déjà particulièrement illisible. Du reste, comme le notait déjà Yann-Gaël Amghar en 2012, un double mode de calcul des pensions serait extrêmement lourd sur le plan de la gestion. Alexandre Pascal et Éric Tison préviennent ainsi que les scénarii « 4B » et « 4C », s'ils étaient retenus, « risquent de ne pas être opérationnels dès la date souhaitée ».

Enfin, aucune de ces propositions n'est conforme à l'esprit de la loi dite « Dive », aux termes de laquelle le rapport de préfiguration devait préciser les modalités de mise en oeuvre de la réforme en garantissant le niveau des pensions et les droits acquis. En effet, d'après le rapport remis au Parlement, dans le champ des pensions servies par le régime des non-salariés agricoles102(*) et à l'horizon de 2040 :

- dans le scénario « 1B », en cas de maintien de la PMR, 25 % des assurés perdraient à la réforme, 5 % y gagneraient et 70 % bénéficieraient d'une pension de même niveau. La transposition du MiCo au régime des non-salariés agricoles permettrait toutefois de porter la proportion de gagnants à 10 % et de ramener celle de perdants à 20 %. Le passage à la liquidation unique des régimes alignés (Lura) aboutirait au surplus à une augmentation de la pension moyenne de + 3 % à + 4,5 % entre 2060 et 2100 ;

Répartition des gagnants et des perdants selon les variantes PMR ou MiCo du scénario « 1B »

Source : Alexandre Pascal (Igas) et Éric Tison (CGAAER), Déterminer la pension de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années civiles d'assurance les plus avantageuses, janvier 2024

MiCo et PMR : quelles différences ?

Les minima de pension du régime des non-salariés agricoles (PMR) et des régimes alignés (MiCo) diffèrent sur plusieurs points :

- le MiCo, qui s'élève à 733,03 euros par mois au 1er janvier 2024, est majoré pour les assurés justifiant d'une durée d'assurance cotisée au moins égale à 120 trimestres de façon à atteindre 876,13 euros par mois lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance cotisée au moins égale à la durée requise pour l'obtention du taux plein103(*), tandis que la PMR s'élève à 876,13 euros par mois lorsque l'assuré justifie d'une durée d'assurance au moins égale à la durée requise pour l'obtention du taux plein104(*) ;

- le seuil d'écrêtement de la PMR est fixé à 1 073,07 euros par mois au 1er janvier 2024105(*), tandis que celui du MiCo s'élève à 1 367,51 euros par mois106(*) ;

- le MiCo permet de porter à un niveau minimal le montant de la seule pension personnelle de l'assuré107(*), tandis que la PMR majore le total de ses pensions personnelles et de réversion108(*) ;

- les pensions de réversion sont prises en compte dans le montant des pensions soumis à écrêtement pour le calcul de la PMR109(*), ce qui n'est pas le cas pour le MiCo110(*) ;

- la surcote s'ajoute au montant de la PMR111(*), ce qui n'est pas le cas du MiCo112(*), mais est prise en compte dans le montant des pensions soumis à écrêtement pour le calcul de la PMR, ce qui n'est pas le cas pour le MiCo113(*) ;

- la PMR est réversible, ce qui n'est pas le cas du MiCo, dans la mesure où, contrairement au régime des non-salariés agricoles, les régimes alignés servent des pensions de réversion ne pouvant être inférieures à un montant minimum fixé à 324,79 euros par mois au 1er janvier 2024 pour une durée d'assurance d'au moins 15 années114(*).

Au total, d'après Alexandre Pascal et Éric Tison, le passage de la PMR au MiCo avantagerait les assurés justifiant d'au moins 120 trimestres cotisés, percevant une pension de réversion, bénéficiant d'une surcote et/ou percevant une pension globale comprise entre le seuil d'écrêtement de la PMR et celui du MiCo.

À l'inverse, cette réforme serait défavorable aux assurés justifiant d'une durée d'assurance cotisée inférieure à 120 trimestres et/ou d'une durée d'assurance cotisée inférieure à la durée d'assurance validée

La liquidation unique des régimes alignés (Lura)

Issue de la réforme des retraites de 2014115(*) et entrée en vigueur le 1er juillet 2017116(*), la Lura permet aux assurés relevant ou ayant relevé successivement, alternativement ou simultanément du régime général, du régime des salariés agricoles et du régime social des indépendants (remplacé en 2018 par la sécurité sociale des indépendants, intégrée au régime général en 2020117(*)), lorsqu'ils demandent à liquider l'un de leurs droits à pension de retraite auprès d'un de ces régimes, de demander la liquidation de l'ensemble de leurs pensions de droit direct auprès de ces régimes118(*).

Pour le calcul du total des droits à pension, sont additionnés, pour chaque année civile ayant donné lieu à affiliation à un de ces régimes :

- l'ensemble des rémunérations assujetties à cotisations d'assurance vieillesse afin de déterminer annuellement le nombre de trimestres d'assurance pour l'ensemble des régimes concernés ;

- l'ensemble des périodes d'assurance retenues pour la détermination du droit à pension dans l'un de ces régimes ;

- les salaires et revenus annuels de base de chacun des régimes, sans que leur somme puisse excéder le montant du Pass en vigueur au cours de chaque année considérée.

Le nombre de trimestres validés pris en compte dans ce cadre ne peut excéder quatre par an.

Les 25 meilleures années sont ensuite réparties entre les régimes d'affiliation en faisant le produit de 25 par le rapport entre la durée d'assurance accomplie au sein de chaque régime et le total des durées d'assurance accomplies dans les régimes alignés119(*).

La pension est calculée et servie par un seul des régimes concernés. Il s'agit, en règle générale, du régime auquel l'assuré a été affilié en dernier lieu ou, en cas d'affiliations simultanées à au moins deux des régimes concernés, celui qui prend en charge les frais de santé de l'assuré120(*). Le régime des salariés agricoles en est toutefois systématiquement chargée dans certains cas, notamment lorsque l'assuré a été à la fois salarié agricole et non-salarié agricole et affilié à au moins un autre régime aligné.

Au-delà de la simplification induite, la réforme est particulièrement bénéfique aux polypensionnés, dont les 25 meilleures années sont désormais déterminées sur la base de la totalité de la carrière accomplie dans les régimes alignés, et non plus sur celle de la partie de la carrière accomplie dans chaque régime.

En revanche, dans certains cas, la durée d'assurance retenue dans ce cadre pour le calcul de la pension peut, du fait de la limitation à 1 du coefficient de proratisation, s'avérer inférieure à la somme des durées validées dans chaque régime par un polypensionné. C'est le cas lorsque cet assuré validait plus de quatre trimestres par an dans l'ensemble de ses régimes d'affiliation ou lorsque la durée de sa carrière excédait la durée requise pour l'obtention du taux plein.

- dans le scénario « 4B », avec maintien de la PMR, 50 % des assurés seraient perdants et seulement 5 % gagnants ;

Répartition des gagnants et des perdants dans le scénario « 4B »

Source : Alexandre Pascal (Igas) et Éric Tison (CGAAER), Déterminer la pension de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années civiles d'assurance les plus avantageuses, janvier 2024

- dans le scénario « 4C », toujours en cas de conservation de la PMR, des pertes affecteraient 30 % des assurés, tandis que 20 % bénéficieraient d'un gain.

Répartition des gagnants et des perdants dans le scénario « 4C »

Source : Alexandre Pascal (Igas) et Éric Tison (CGAAER), Déterminer la pension de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années civiles d'assurance les plus avantageuses, janvier 2024

L'incidence financière pour le régime de retraite de base des non-salariés agricoles s'élèverait à quelques dizaines de millions d'euros en 2050 et atteindrait environ 150 millions d'euros à l'horizon de 2100121(*).

Ces résultats paraissent logiques, dans la mesure où le régime par points actuel garantit un taux de remplacement supérieur à 50 % aux assurés à bas revenus, du fait, notamment, d'un barème d'attribution de points particulièrement redistributif et de l'existence d'une retraite forfaitaire dont le montant reste le même pour une carrière de même durée, quel que soit le niveau du revenu dégagé.

Alexandre Pascal et Éric Tison identifient plusieurs profils principaux de perdants, parmi lesquels figurent notamment :

les assurés à bas revenus (inférieurs à deux fois le MiCo) ;

les assurés non éligibles à la PMR ou au CDRCO (qui ne justifient pas d'une pension à taux plein ou de 17,5 années accomplies au régime des non-salariés agricoles) et dont les pertes liées au passage à un système par annuités ne seraient dès lors pas compensées par les minima de pension ;

les assurés dont la somme des pensions tous régimes excède le seuil d'écrêtement de la PMR ou du CDRCO ;

les assurés à carrière courte qui se voient appliquer une décote, pour lesquels l'effet de sélection des 25 meilleures années serait moins significatif, sans que les pertes ne soient compensées par les minima de pension ;

- ainsi que les assurés à carrière longue et revenus élevés, qui cumulent le bénéfice d'une surcote et de points supplémentaires du fait d'une durée d'assurance supérieure à la durée requise pour l'obtention du taux plein, et qui ne bénéficieraient plus que d'une surcote dans le cadre d'un régime par annuités.

En tout état de cause, les modalités de réforme présentées par Yann-Gaël Amghar comme étant les plus favorables aux assurés en 2012, et qui consistent en la création d'un système hybride, fonctionnant par points mais reposant sur les 25 meilleures années, ne sont évoquées que très succinctement dans le rapport, qui se borne à noter que les scénarii de cette nature, dits de type « 2 », « entraînent probablement des coûts nettement supérieurs aux autres types de scénario », en précisant que « ces scénarios n'ayant pas été investigués en profondeur, la mission ne peut présenter d'élément précis sur les surcoûts éventuels mais dispose d'indices assez nets, notamment grâce aux éléments obtenus sur ce point à partir de l'analyse de cas types ».

Concernant les effets supposés d'une telle réforme, les auteurs relèvent que « les simulations de ces scénarios à partir de cas types ont permis de constater que, dans l'ensemble, ce type de scénario ne devrait pas produire de perdants, au pire conduirait à des situations stables et pourrait produire des gains pour une partie significative des pensionnés du régime des non-salariés agricoles, dès l'année 2026 d'entrée en vigueur de la réforme ».

Il est donc particulièrement regrettable que le Gouvernement écarte « pour le moment » ce type de scénario, qui est le seul à garantir qu'aucun assuré ne sera lésé, conformément à l'esprit de la loi dite « Dive », et à pouvoir être mis en oeuvre par la CCMSA dès 2026. En effet, interrogée par le rapporteur, la direction de la sécurité sociale n'a pas pu affirmer que la réforme entrerait en vigueur dès 2026, horizon pourtant fixé par la loi, quel que soit le scénario retenu.

D'après la CCMSA, le scénario « 4C » ne serait applicable qu'à l'horizon de 2028, au terme de la bascule des données du régime vers le répertoire de gestion des carrières uniques (RGCU), repoussée de plusieurs années, et d'une refonte de son système d'information. Sa mise en oeuvre nécessiterait dès lors des ressources complémentaires de l'ordre de 8 millions d'euros par rapport aux moyens prévus par la convention d'objectifs et de gestion (COG) pour 2021-2025.

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement privilégierait à ce jour la piste de la convergence vers les régimes alignés et travaillerait actuellement sur un scénario de type « 4C », conformément aux préconisations d'Alexandre Pascal et Éric Tison, en tâchant de limiter autant que faire se peut la proportion de perdants, dans la perspective de l'examen du PLFSS pour 2025.

Les rapporteurs ont par ailleurs proposé des mesures destinées à minimiser le nombre de perdants à la réforme, notamment la bascule vers le MiCo, le passage à la Lura à compter de 2041 et l'extension du champ des assurés éligibles au MiCo et au CDRCO aux personnes exerçant une activité agricole à titre secondaire.

3. La proposition de loi prévoit un calcul des pensions de retraite de base des non-salariés agricoles sur la base des 25 meilleures années de points

Le présent article tend en premier lieu à abroger les dispositions issues de la loi dite « Dive » (3° du I) et à inscrire directement dans la loi les modalités de calcul des pensions de retraite de base des non-salariés agricoles qui seront applicables aux pensions liquidées à compter du 1er janvier 2026 (II).

Il serait ainsi accordé aux non-salariés agricoles, pour chaque année de leur carrière, un nombre de points égal au nombre annuel moyen de points acquis pendant leurs 25 années d'assurance les plus avantageuses (2° du I), ce qui correspond aux scénarii de type « 2 ». Le montant de la pension de retraite correspondrait alors au produit du nombre total de points attribués selon ces modalités par la valeur de service du point, laquelle serait toujours revalorisée dans les mêmes conditions que les pensions servies par les régimes alignés, sur la base de l'inflation constatée.

Par ailleurs, dans une logique de simplification, la pension forfaitaire et la pension proportionnelle seraient unifiées au sein d'une même pension (1° et 4° à 13° du I).

Mode de calcul de la pension de retraite des non-salariés agricoles
prévu par la présente proposition de loi

Illustration schématique : Pierre est né en 1965 et justifie de 43 annuités d'assurance. Au cours de sa carrière, Pierre a acquis 1 000 points de retraite proportionnelle dont la valeur de service est fixée, au moment de la liquidation, à un euro. Sur ses 1 000 points, Pierre en a acquis 650 au cours de ses 25 meilleures années, soit 26 points par an en moyenne. Sa pension proportionnelle s'élèvera donc à 26 x 43 x 1 = 1 118 euros.

Le dispositif diverge sur plusieurs points de la réforme ébauchée par le rapport Amghar, ce qui tend à relativiser les chiffrages réalisés en 2012.

D'une part, en effet, certains facteurs feraient pression à la hausse sur le coût total, à savoir :

l'absence de limitation à la durée d'assurance requise pour l'obtention du taux plein du nombre d'années prises en compte dans la carrière pour l'attribution des points, où résidait la source des pertes résiduelles pour une faible proportion d'assurés envisagées par le rapport de l'Igas précité ;

- et la disparition du coefficient minorant actuellement appliqué pour le calcul de la pension (37,5 / Durée d'assurance requise pour l'obtention du taux plein).

À l'inverse, l'amélioration du niveau moyen des pensions de retraite agricoles, liée, entre autres, aux multiples revalorisations de la PMR intervenues depuis lors ainsi qu'à la création du CDRCO, absorberait une partie du coût évalué en 2012.

Du reste, contrairement à la réforme envisagée en 2012, l'alignement du régime des non-salariés agricoles sur les régimes alignés, qui serait particulièrement favorable aux polypensionnés, c'est-à-dire à 80 % des assurés du régime, n'est pas proposé.

Le rapporteur juge donc crédibles les estimations fournies par la CCMSA, d'après laquelle le coût d'une telle réforme122(*) serait sensiblement inférieur à celui qu'envisageait le rapport Amghar en 2012123(*). Compris entre 161 et 171 millions d'euros en 2036, il augmenterait progressivement pour atteindre une somme située entre 285 et 322 millions d'euros en 2046 avant de revenir à un niveau de l'ordre de 233 à 300 millions d'euros en 2056124(*).

II - La position de la commission : la réforme proposée est la seule qui ne ferait pas de perdants et pourrait être mise en oeuvre dès 2026

Comme en témoigne le soutien apporté aux propositions de loi des députés André Chassaigne et Julien Dive ces dernières années, la commission a toujours eu à coeur d'améliorer les conditions d'existence de ceux qui consacrent leur vie à nourrir les Français.

C'est la raison pour laquelle elle a clairement affirmé, l'an dernier, sa volonté d'aboutir à un mode de calcul des pensions de retraite de base des non-salariés agricoles semblable à celui que tend à instaurer la présente proposition de loi, en exprimant des inquiétudes au sujet de la marge de manoeuvre excessive que le texte accordait au Gouvernement pour la détermination des paramètres du régime.

Ces craintes s'étant confirmées à la lecture des conclusions du rapport d'Alexandre Pascal et Éric Tison et s'étant encore renforcées devant le flou entretenu sur les intentions du Gouvernement, la commission se félicite de l'initiative prise par le président Philippe Mouiller, qui garantirait la mise en oeuvre d'un mode de calcul des pensions conforme à la volonté du législateur et auquel aucun agriculteur ne perdrait.

Effet de la réforme proposée selon le niveau de revenu pour
une carrière complète de 43 annuités

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole

Elle rappelle à ce propos que, quels que soient la solution alternative privilégiée par le Gouvernement et les aménagements qu'il pourrait y apporter, les autres scénarii feraient tous des perdants, et notamment chez les plus fragiles, dans la mesure où le barème d'attribution des points de retraite proportionnelle des non-salariés agricoles assure un taux de remplacement supérieur à 50 % aux assurés à faibles revenus et où les minima de pension sont conditionnés au bénéfice d'une pension à taux plein.

Dès lors, les agriculteurs situés en bas de l'échelle des revenus et n'ayant pas atteint le taux plein en raison de carrières heurtées percevraient une pension inférieure à ce qu'elle serait en application des paramètres actuellement en vigueur, sans que la PMR ou le CDRCO puissent jouer le rôle de « filet de sécurité ».

Compte tenu des phénomènes de sous-déclaration régulièrement constatés chez les travailleurs indépendants, qui affectent tout particulièrement les conjoints collaborateurs (très souvent des femmes) et limitent la durée d'assurance des assurés, une réforme d'un autre type que celle que prévoit la présente proposition de loi serait de nature à constituer une véritable « bombe sociale » dans les prochaines décennies.

Du reste, la commission relève que le coût du dispositif proposé devrait être non seulement sensiblement inférieur à celui qu'estimait le rapport de l'Igas précité, mais aussi largement absorbable par les excédents prévisionnels de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles.

En tout état de cause, comme l'a souligné la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), qui a apporté un soutien très clair à la présente proposition de loi, l'adoption de cette dernière ne ferait pas obstacle à la convergence du régime vers les régimes alignés, mais constituerait un premier pas dans cette direction, qui, compte tenu des spécificités du régime agricole, ne saurait s'inscrire que dans une réflexion de long-terme.

Enfin, d'après la CCMSA, elle aussi particulièrement favorable au dispositif proposé, seul un tel dispositif permettrait d'assurer la mise en oeuvre de la réforme dès 2026, conformément aux dispositions de la loi dite « Dive ». L'ambiguïté des déclarations de la direction de la sécurité sociale sur ce point paraît confirmer cette affirmation, tandis que le report au PLFSS pour 2025 de la définition des modalités de mise en oeuvre de la réforme, annoncé par le Premier ministre, limiterait encore le délai accordé à la CCMSA pour intégrer les paramètres retenus à son système d'information.

À cet égard, et bien que son incidence sur le niveau des pensions n'ait pu être estimée, la fusion de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle des non-salariés agricoles, qui devrait entraîner une refonte du barème d'attribution de points de retraite proportionnelle, compliquerait la tâche de la CCMSA, qui juge préférable de modifier le moins possible les règles de fonctionnement du régime.

Par ailleurs, la retraite forfaitaire constitue un levier fondamental de redistribution au sein du régime, dans la mesure où, pour une carrière de même durée, son montant est identique, quel que soit le niveau des cotisations acquittées.

La commission a donc adopté un amendement n° COM-1 du rapporteur visant à supprimer les dispositions prévoyant l'unification des deux composantes de la pension de retraite de base des non-salariés agricoles.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2
Gage financier

Cet article tend à gager les conséquences financières pour les organismes de sécurité sociale de l'adoption de la présente proposition de loi.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé : le gage financier de la proposition de loi

Le présent article vise à gager les conséquences financières de la présente proposition de loi pour les organismes de sécurité par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs125(*).

II - La position de la commission : une adoption sans modification

La commission a adopté cet article sans modification.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. PASCAL CORMERY, PRÉSIDENT DE LA CAISSE CENTRALE DE LA MUTUALITÉ SOCIALE AGRICOLE (CCMSA), ET DE MME CHRISTINE DECHESNE-CÉARD, DIRECTRICE DE LA RÉGLEMENTATION DE LA CCMSA

(Mercredi 6 mars 2024)

M. Philippe Mouiller, président. - Nous recevons ce matin M. Pascal Cormery, président de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), et Mme Christine Dechesne-Céard, directrice de la réglementation du même établissement, afin d'échanger sur la proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles, dont je suis le premier signataire.

Je vous informe que la présente audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat ; elle sera ensuite disponible en vidéo à la demande.

La semaine dernière a été bien particulière ; nous avons tous perçu le malaise des agriculteurs lors du salon de l'agriculture. Ce malaise vient de loin et possède des causes multiples. On peut citer notamment le montant moyen des retraites des agriculteurs non salariés à l'issue d'une vie de travail souvent difficile, et ce malgré les améliorations apportées par le législateur ces dernières années. Notre proposition de loi vise justement à préciser la manière dont la dernière de ces améliorations, à savoir le calcul du montant de la pension des travailleurs agricoles non salariés sur la base des vingt-cinq meilleures années, doit être appliquée.

Dans ce cadre, je vous invite, monsieur le président, madame la directrice, à nous préciser la situation des retraités du régime des travailleurs agricoles non salariés et à nous exposer votre vision sur ce texte, que nous examinerons la semaine prochaine.

M. Pascal Cormery, président de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole. - Le malaise agricole dépasse largement le seul problème des retraites. Il tient aussi à la surrèglementation, dont je peux aisément témoigner, étant moi-même producteur de viande bovine et porcine et de céréales dans le nord de l'Indre-et-Loire.

Le vrai sujet est celui du revenu agricole. Il ressort des déclarations fiscales que la moitié des 450 000 agriculteurs perçoivent un revenu inférieur à 20 000 euros. Le montant des pensions ne s'améliorera pas tant qu'on n'augmentera pas les revenus, quelle que soit l'évolution du régime de retraite.

C'est un euphémisme de dire que le régime de retraite des agriculteurs est complexe, entre la retraite forfaitaire, la retraite proportionnelle et la retraite complémentaire obligatoire (RCO). Il ne s'agit pas tant de réformer le système que d'améliorer le niveau moyen des pensions, qui s'établit aujourd'hui à 1 050 euros.

Pour 50 % des agriculteurs, la réforme visant à ne retenir que les vingt-cinq meilleures années ne changerait rien : ils continueraient de bénéficier des minima prévus par les lois du 3 juillet 2020 et du 17 décembre 2021, dites lois « Chassaigne 1 » et « Chassaigne 2 ». Les 225 000 agriculteurs percevant plus de 20 000 euros de revenus pourront éventuellement voir leur retraite augmenter grâce au critère des vingt-cinq meilleures années.

Je l'ai déjà dit au ministre de l'agriculture et j'aurai l'occasion de le lui rappeler ce soir : la CCMSA a été écartée des travaux de préfiguration de la réforme et n'a été sollicitée que pour de l'information, sans jamais être appelée à collaborer à la définition des paramètres de calcul sur la base des vingt-cinq meilleures années et au rapport remis au Parlement. Je regrette profondément qu'un organisme de protection sociale comme le nôtre n'ait pas participé à l'élaboration de ce rapport.

Quelles qu'en soient les modalités, le scénario retenu par le Gouvernement fera toujours des perdants - Mme Deschesne-Ceard pourra vous le confirmer. Votre proposition de loi semble la seule qui permette aujourd'hui de réévaluer le montant des pensions, jusqu'à 190 euros dans certains cas. Ce n'est pas une amélioration phénoménale, mais il s'agit tout de même d'une progression bien réelle.

C'est la raison pour laquelle il faut avant tout revenir au problème des revenus agricoles. Je ne saurais trop insister : les pensions ne progresseront pas tant que nous n'améliorerons pas les revenus.

La RCO, mise en place en 2004, permet certes d'augmenter le montant des retraites. Mais, sans vouloir rejeter la faute sur les gouvernements successifs, elle n'a cessé d'être dévoyée. Certes, les pensions ont été réévaluées grâce à l'attribution de points gratuits aux agriculteurs déjà retraités. Mais dans la vie, il n'y a rien de gratuit : il faut bien que quelqu'un finisse par payer, en l'occurrence l'État.

Votre proposition de loi me semble donc la solution la plus acceptable pour améliorer les petites pensions, tout en respectant l'échéance du 1er janvier 2026 fixée par la loi.

On reproche à la CCMSA de ne pas disposer de l'historique des revenus des cotisants au-delà des huit dernières années. Mais c'est parce que la réglementation nous l'interdisait depuis le passage d'une assiette assise sur la surface exploitée à une assiette correspondant aux revenus professionnels en 1990.

Je terminerai en rappelant deux éléments. Premièrement, depuis l'annonce de la réforme, nous n'avons été que fournisseurs d'informations et à aucun moment nous n'avons été acteurs de l'élaboration du rapport gouvernemental - c'est vraiment surprenant, et je m'efforce de rester politiquement correct ! Deuxièmement, notre système informatique fonctionne et il ne coûte pas très cher en termes de moyens. Dès lors que nous connaissons les paramètres à appliquer, nous pouvons immédiatement préparer la mise en oeuvre de la réforme.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Nous avons poussé le Gouvernement à nous remettre son rapport, ce qu'il n'a fait que très tardivement. Le scénario qui semble être retenu à ce jour est celui d'un calcul des pensions sur la base d'un système par points pour la partie de carrière antérieure à 2016 et d'un système par annuités pour la partie de carrière postérieure à 2015, avec un passage au minimum contributif et à la liquidation unique des régimes alignés.

Le Gouvernement néglige aujourd'hui notre proposition de loi. Le Premier ministre a d'ailleurs annoncé reporter la définition des modalités de la réforme à l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Quel regard portez-vous donc sur le scénario privilégié par le Gouvernement ? Pensez-vous qu'il puisse être amélioré pour ne pas faire de perdants, comme nous y veillons au travers de notre proposition de loi ? La loi prévoit une mise en oeuvre au 1er janvier 2026. Si les choses tardent à se dessiner, la CCMSA parviendra-t-elle à tenir les délais, sachant que d'autres réformes risquent d'être engagées par la suite ?

Notre proposition de loi prévoit de conserver un régime par points permettant le calcul des pensions agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années. Un tel scénario est-il à même de répondre à la détresse du monde agricole ? Les attentes sur le mode de calcul des pensions sont grandes, notamment chez les jeunes agriculteurs et ceux qui souhaitent transmettre leur exploitation avec l'espoir de percevoir une retraite convenable.

Par ailleurs, vous semble-t-il conforme à l'esprit de la loi du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base de non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses, dite loi « Dive » ?

Le rapport remis par Yann-Gaël Amghar en 2012 estimait le coût d'une réforme semblable à celle que nous proposons à 472 millions d'euros au terme d'une trentaine d'années de mise en oeuvre. Le gain qu'en tireraient les non-salariés serait d'un peu moins de cinquante euros par mois en moyenne. Ces projections vous semblent-elles devoir être actualisées en regard des évolutions, notamment des multiples revalorisations des minima de pensions intervenues depuis 2012 ?

Par ailleurs, quel regard portez-vous sur la fusion de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle prévue par le texte ?

Le critère des vingt-cinq meilleures années n'est pas du tout neutre : en effet, en raison du réchauffement climatique, les récoltes ne sont plus linéaires, y compris au sein d'un même département - du nord au sud, les rendements peuvent être totalement différents. Il est donc primordial d'écarter les mauvaises années pour le calcul de la pension de retraite des agriculteurs.

M. Pascal Cormery. - Nous n'avons pas été consultés dans le cadre de la préparation du rapport et le fait que celui-ci ne tienne pas compte des spécificités, notre système d'information complique déjà la mise en oeuvre de la réforme. Nous utilisons nos outils et nos données ; en les négligeant, on retarde la mise en place des mesures. Autre difficulté, je vous le dis clairement : si nous n'obtenons pas de moyens supplémentaires dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG), nous serons incapables de tenir le délai.

Il est vrai que le monde agricole attend la prise en compte des vingt-cinq meilleures années, mais nous savons bien que lorsque nous annoncerons, demain, une augmentation de 100 euros en moyenne, personne ne sera pleinement satisfait.

Je ne dispose pas d'expertise sur le sujet de la fusion des retraites forfaitaire et proportionnelle. Il faudrait sans doute simplifier le système... Il me semble que le taux de rendement de la retraite forfaitaire est élevé, même si son montant ne s'élève qu'à 300 euros, environ. Sans expertise sur l'incidence d'une telle évolution, je n'ai pas d'opinion particulière, mais une réforme de cet ordre requerrait de modifier certains critères : si nous retirons 300 euros de forfait, comment devrons-nous le répercuter sur la pension globale ?

Mme Christine Dechesne-Ceard, directrice de la réglementation de la CCMSA. - La position de la MSA était plus proche de la proposition de loi actuelle que des derniers scénarios du rapport, notamment le scénario 4C. Différentes hypothèses sont à l'étude, mais nous ne participons pas à ces travaux, nous n'en sommes que spectateurs, dans la mesure où il revient à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) de réaliser les projections. Dans ce processus, aucune solution n'a été trouvée qui ne fasse pas de perdants ; dans la plus favorable, ceux-ci sont encore 7 %.

La MSA entendait respecter l'esprit de la loi du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses, et donc rester sur un système de points. Mais si nous obtenions des moyens nous permettant de moderniser notre système d'information, nous pourrions calculer les pensions sur la base des revenus.

À votre demande, nous avons réalisé des chiffrages afin d'évaluer les différents gains possibles pour trois tranches de revenus. Il en ressort que votre proposition ne fait pas de perdant. Pour autant, ceux qui ont faiblement cotisé lors de leur carrière ne verront pas d'amélioration et, grâce aux minima de pension, ne subiront pas de perte non plus. Si la cotisation a été moyenne, le gain sera limité à 30 euros ; il atteindra au maximum 190 euros, avec une moyenne entre 100 euros et 120 euros, selon les schémas, si le barème d'attribution des points n'est pas modifié. Vous proposez de fusionner retraites proportionnelle et forfaitaire, mais cela impliquerait de redéfinir les barèmes et de faire évoluer la tranche à 30 points.

Modifier l'architecture du système implique de retarder l'entrée en vigueur de la réforme, car il nous faudra alors étudier tous les effets de bord. Du reste, notre système d'information n'a pas changé depuis plusieurs années parce que nous n'avons pas obtenu les ressources nécessaires à cet effet. En revanche, si l'on s'en tient à votre proposition, nous serons au rendez-vous en 2026. Nous sommes donc sur la même ligne que vous, qui nous semble être la plus adaptée en vue d'une mise en oeuvre dès cette date. Pour autant, si nous devions évoluer en passant à un calcul sur la base des revenus, nous ne pourrions le faire avant 2028.

Mme Monique Lubin. - J'ai lu que la contribution des agriculteurs au financement de leur retraite n'était que de 20 %. Confirmez-vous ce niveau ? Monsieur le président, vous évaluiez les revenus des agriculteurs à 20 000 euros en moyenne, ce chiffre inclut-il les pluriactifs, qui bénéficient de revenus annexes ?

Concernant la proposition de loi, le Gouvernement semble avoir écarté la solution préconisée par nos collègues auteurs de cette proposition de loi et que la MSA soutient. Quelle est votre vision des choses à ce sujet ?

Sur la question de la retraite agricole en général, vous avez indiqué, monsieur le président, que celle-ci devait s'appuyer sur le montant des revenus dégagés sur toute une carrière, ce qui va de soi. Ne faudrait-il pas, dès lors, revoir enfin une fois pour toutes l'ensemble du système, plutôt que de procéder par des évolutions limitées successives, dont chacune complexifie un peu plus une situation déjà très opaque, sans pour autant régler les problèmes de fond ?

Nous sommes attachés à la loi « Chassaigne 1 », mais certains de ses bénéficiaires ont souffert du fait que les conjoints collaborateurs en étaient exclus. Nous avons ensuite voté un nouveau texte, la loi « Chassaigne 2 ». La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui laisse entrevoir de nouveaux problèmes : elle ne ferait pas de perdants, mais améliorerait modestement les pensions. Chacune de nos propositions semble donc nourrir des illusions chez les agriculteurs ; il faut tout remettre à plat.

À quelle catégorie et à quelle strate de revenus appartiennent les agriculteurs qui pourraient prétendre à une augmentation de 190 euros ? Je comprends bien que les plus hauts revenus attendent des améliorations, mais c'est aussi le cas des autres. Dès lors, comment faire ? Quand remettrons-nous à plat l'ensemble du régime de retraite des non-salariés agricoles.

Mme Nadia Sollogoub. - Vous avez raison, les effets d'annonce suscitent de l'espoir puis provoquent des frustrations : l'annonce de l'augmentation des retraites agricoles était sans doute exagérée, d'autant que celle-ci était accompagnée d'un plafond de revenus. Ainsi, la pension globale atteignait les 85 % du Smic, l'agriculteur concerné ne bénéficiait d'aucune augmentation. Nous avons tous reçu des coups de téléphone de bénéficiaires qui ne comprenaient pas pourquoi leur retraite ne changeait pas. Entre les annonces, le texte, son interprétation par Bercy, et l'adoption de décrets d'application restrictifs, les causes de frustrations sont nombreuses. Je m'attends déjà à la déception qui va suivre nos travaux sur ce texte...

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nous plaidons depuis longtemps pour une refonte globale du système de retraite agricole : texte après texte, la colère des agriculteurs perdure, notamment sur la question des revenus, qui déterminent la retraite. Ils travaillent énormément, ne prennent que très peu de congés et reçoivent finalement des retraites que je considère comme indécentes. Je le constate régulièrement dans mon département du Pas-de-Calais, dans lequel les petites exploitations sont nombreuses.

En 2020, les lois Chassaigne ont permis de revaloriser certaines retraites en augmentant les minima de pension mais la majorité gouvernementale a prévu un seuil d'écrêtement pénalisant les polypensionnés, contre notre avis. Or les agriculteurs exercent parfois deux métiers, afin de compléter leurs revenus, et il en va de même de leurs épouses. Aujourd'hui, nous devons aller beaucoup plus loin, car nous procédons par une succession de petits textes au lieu de travailler sur un texte global traitant la problématique dans sa globalité.

Vous avez indiqué que vous ne tiendriez pas sans moyens supplémentaires. Que se passera-t-il alors ? Comment ferons-nous ? De quels moyens avez-vous besoin pour éviter cela ?

M. Pascal Cormery. - Lors des manifestations, un certain nombre de critiques ont été exprimées, y compris à l'encontre de la CCMSA, et plus largement de la sécurité sociale, sur deux points essentiels : les retraites et la qualité de service fourni aux exploitants agricoles. Il y a quelques années, nous avions résolu le même type de problème avec les employeurs de main-d'oeuvre en mettant en place des numéros de téléphone dédiés, qui permettaient d'apporter une réponse immédiate aux questions posées. Nous souhaiterions faire de même pour les exploitants agricoles. Toutefois, je rappelle que, depuis quinze ans, on compte 3 550 salariés en moins à la MSA et que la réglementation devient de plus en plus complexe.

Les difficultés se sont multipliées récemment tant pour la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) que pour la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ou la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Que vont devenir les opérateurs de la sécurité sociale compte tenu du manque de moyens croissant ? C'est une question à laquelle l'État doit répondre.

Le montant des cotisations versées reste faible par rapport aux charges du régime, le principe étant que chacun cotise à hauteur de ses moyens. Il faut y réfléchir. Je ne suis pas législateur et je ne crois pas au grand soir. Tant que l'on n'aura pas résolu le problème des revenus, la situation ne s'améliorera pas et la charge publique risque de s'alourdir.

La revalorisation des retraites agricoles que prévoient les deux lois Chassaigne est limitée pour les polypensionnés, ce qui a donné lieu à des incompréhensions. Moi-même, par exemple, je suis polypensionné et je perçois moins de 1 050 euros sur ma retraite d'exploitant. Toutefois, je ne bénéficie pas de la revalorisation, car ma pension globale excède le plafond. Nos plateformes téléphoniques ont été embolisées sur le sujet. Il faut donc faire attention aux effets d'annonce.

En ce qui concerne la situation des conjoints, la profession agricole doit accepter qu'il n'y ait plus de sous-statuts ou qu'ils soient limités le plus possible dans le temps. Nous ne pouvons prétendre avoir de bonnes retraites et refuser de donner aux conjoints un statut qui leur permettra de cotiser.

En outre, une partie de la profession peine à accepter les cotisations. Comme enseignant, j'ai eu l'occasion de discuter avec les représentants des établissements publics et privés : le sujet n'est jamais abordé dans les formations dispensées. Pourtant, les dépenses de sécurité sociale représentent 33 % du PIB : comment ne pas faire figurer le sujet dans la formation préparatoire au baccalauréat professionnel ?

La profession agricole doit contribuer à sa protection sociale. Je rappelle que ceux dont le revenu est inférieur à 10 000 euros ne paient pas de cotisations d'assurance maladie. Il faudrait davantage de pédagogie dans les organisations agricoles. Le mouvement agricole m'interpelle sur cette méconnaissance du système. La plupart des agriculteurs ne savent pas que 17 % du montant de leurs cotisations sont destinées à la retraite.

Il est essentiel de développer l'information. En effet, la retraite ne consiste pas uniquement à percevoir des sommes sonnantes et trébuchantes. Chacun peut aussi prévoir de devenir propriétaire et déterminer ensuite la somme avec laquelle il pourra vivre. Cela incite à mener une réflexion sur la transmission. La réforme des retraites ne pourra se faire que palier par palier.

Aujourd'hui, quand un agriculteur à l'âge de la retraite souhaite vendre son exploitation, le montant de la reprise est souvent plus élevé que ce que représente la réalité économique de l'entreprise, ce qui contribue à limiter l'installation des jeunes agriculteurs et à favoriser la reprise par agrandissement.

La difficulté reste de savoir si nous voulons garder une forme d'agriculture familiale propre à notre pays. Les propriétaires de petites exploitations participent à l'aménagement du territoire et à la production : ils doivent donc pouvoir bénéficier d'une retraite correcte. La France compte 450 000 agriculteurs et sans doute autant de petites exploitations, dont les situations sont très diverses d'un territoire à l'autre.

Mme Christine Dechesne-Ceard. - Le calcul des pensions du régime agricole se fait en points. Le régime général, lui, les calcule sur la base du revenu. Il s'agit aujourd'hui de retenir, pour le régime agricole, les vingt-cinq meilleures années, afin de tenir compte des variations de cotisations d'une année sur l'autre dans le cadre d'un régime par points.

Faut-il tout remettre à plat ? Peut-être, mais certainement pas pour 2026. Pour tenir le calendrier, il faudra choisir le scénario le plus simple possible.

Les travaux sont déjà engagés pour la révision du système de cotisation. Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a prévu la refonte de l'assiette sociale des indépendants. Pour les travailleurs non salariés agricoles, la mise en oeuvre interviendra en 2025 et, pour les non-salariés agricoles, en 2026, afin de tenir compte des spécificités du secteur.

Sur l'efficacité des revalorisations, les déceptions sont réelles à la suite des deux lois « Chassaigne ». Toutefois, la première prévoit en moyenne 120 euros de revalorisation et la deuxième 50 euros. La réforme des retraites de 2023 a également prévu une revalorisation de la pension majorée de référence (PMR) de 100 euros. Toutefois, du fait de l'écrêtement, ses effets sont restés limités, ce qui a créé une certaine déception. Le système actuel a besoin d'une meilleure lisibilité, ce que permettrait sa remise à plat à terme.

Pour autant, ni le passage aux vingt-cinq meilleures années, ni le scénario 4C, ni même une remise à plat ne sauraient garantir que les plus petites retraites augmenteraient demain. Pour la MSA, ce qui compte le plus, c'est l'amélioration des petites retraites, quel que soit le système retenu ; or nos cotisants nous disent qu'ils veulent vivre non pas de la solidarité, mais de leurs revenus, qui doivent leur assurer une retraite digne.

Mme Guylène Pantel. - Je souhaiterais que vous nous apportiez quelques précisions sur l'offre de services de la MSA à ses assurés. Avez-vous engagé des actions visant à sanctuariser la possibilité de rectifier le relevé de carrière ? La Cour des comptes a mis en évidence un nombre élevé d'erreurs financières affectant le niveau des pensions de retraite nouvellement attribuées.

Par ailleurs, nos concitoyens ne sont jamais mieux conseillés que par des agents présents et disponibles à un guichet. Comment orientez-vous votre politique de ressources humaines pour mieux accompagner vos assurés en matière de retraites ? Les services de proximité sont essentiels dans les territoires ruraux, voire hyperruraux, comme la Lozère.

Mme Chantal Deseyne. - Merci pour votre franchise, monsieur Cormery.

Je veux vous alerter sur la situation des exploitants agricoles dont les cotisations sont très élevées, à proportion du revenu de leur exploitation, mais dont les points sont plafonnés, de sorte que leur pension ne peut guère dépasser 1 900 euros. Certes, je souhaite que tous les agriculteurs aient une retraite décente, mais toute cotisation doit ouvrir des droits et la solidarité a ses limites : je ne puis admettre que certains agriculteurs refusent de cotiser, ou de salarier leur épouse, pour ensuite exprimer des revendications de statut et de retraite !

Mme Élisabeth Doineau. - Merci pour votre discours de vérité. Il n'est généralement pas possible de satisfaire tout le monde, mais il faut aboutir à ce que le ressenti de justice sociale soit le plus élevé possible : chacun contribue, pour ensuite recevoir selon ses besoins. Alors, serait-ce un tabou que de faire entrer les agriculteurs dans le régime général, comme on l'a fait pour les indépendants au 1er janvier 2020 ? Je n'y suis pas forcément favorable, mais on peut y réfléchir.

Je m'interroge aussi sur l'évolution des comportements des agriculteurs. Vous avez dû le noter : plutôt que de cotiser davantage, beaucoup choisissent d'investir, en particulier dans l'immobilier, pour se ménager un revenu à l'avenir. Peut-être vos études ont-elles montré que les placements ainsi effectués par les agriculteurs ont diminué avec le temps, au vu notamment du coût de l'entretien de l'outil de travail. Avez-vous relevé de telles évolutions ?

Mme Catherine Conconne. - Je voudrais vous interroger sur la situation très particulière de l'outre-mer, où la mise en place des lois sociales est beaucoup plus tardive et moins transparente que dans l'Hexagone. Ces territoires comptent beaucoup de petites exploitations, où l'on travaille dans des conditions difficiles pour des revenus très faibles au regard du coût de la vie.

Je me suis adressé voilà six mois à la caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de mon territoire quant à l'application des lois « Chassaigne 1 et 2 » et leur effet sur le revenu des agriculteurs, mais je n'ai toujours pas obtenu de réponse. Cette caisse a souffert d'une instabilité de son équipe de direction ces dernières années ; cette lenteur à répondre n'est pas rassurante. Nous ne sommes pas des Français entièrement à part ; nous sommes des Français à part entière !

Mme Florence Lassarade. - En Gironde, département qui a subi de graves crises viticoles, je regrette la diminution du nombre d'interlocuteurs de la MSA auprès des agriculteurs. Ces derniers ne sont pas tous capables d'utiliser l'outil informatique ; beaucoup voient dans le système actuel un mur infranchissable et ne peuvent obtenir de réponses, notamment aux questions relatives à leurs revenus fonciers, sur lesquels ils comptent pour compenser la faiblesse de leurs pensions mais qui, parfois, les empêchent d'en bénéficier.

Ils m'interrogent sur la taxation des revenus fonciers, sur une possible évolution du taux de 17,2 %, me demandent pourquoi la retraite de base agricole n'est pas alignée sur le Smic... En outre, ceux qui sont déjà à la retraite regrettent que les réformes négligent de reconsidérer leur cas, alors que leurs besoins vont croissant. On constate un grand désespoir chez nombre d'agriculteurs.

M. Daniel Chasseing. - Dans l'élevage, secteur qui souffre d'aléas sanitaires, les revenus sont très bas. Entre le Limousin et le Massif central, il y a toute une zone où l'on ne peut pas pratiquer d'autres types d'agriculture, plus rentables. Pour préserver une agriculture familiale, il faut absolument que des jeunes s'installent, mais la transmission est trop taxée et les prêts à taux zéro insuffisants. Nombre d'agriculteurs continuent de travailler plutôt que de prendre leur retraite, parce qu'ils ne trouvent pas de repreneur. Surtout, les jeunes demandent à ce que les cotisations n'augmentent pas. Certes, celles-ci sont nécessaires, mais ne faudrait-il pas que la solidarité nationale intervienne pour permettre aux éleveurs, indispensables pour l'aménagement du territoire, d'avoir des retraites correctes sans cotisations exorbitantes ?

M. Pascal Cormery. - Je pourrai vous transmettre un tableau où figurent les montants des cotisations des agriculteurs en fonction de leurs revenus. Entre 5 000 et 50 000 euros de revenus annuels, ils paient entre 2 800 et 16 100 euros de cotisations. Mais la facture comprend aussi la CSG, la CRDS et les diverses cotisations conventionnelles, destinées aux différents opérateurs pour qui le recours à notre système informatique est financièrement intéressant ; les cotisations sont une part importante de ce que paient les agriculteurs, mais pas la totalité.

Monsieur Chasseing, les cotisations des jeunes agriculteurs sont prises en charge pendant les cinq premières années. On pourrait réfléchir à une prise en charge qui soit plus importante la cinquième année que la première, où d'autres avantages sont offerts.

Madame Lassarade, madame Pantel, la relation du monde agricole à la MSA, c'est souvent : « Je t'aime, moi non plus » ! Les gens rouspètent, mais sont bien contents de nous trouver. Nous sommes la seule organisation de protection sociale à avoir 250 agences, réparties dans l'ensemble des départements, auxquelles s'ajoutent 82 espaces labellisés France Services que nous gérons. Ces agences ont un personnel qualifié, des conseillers en protection sociale qui peuvent apporter des réponses réelles à des questions complexes. Malgré la baisse des moyens et des effectifs, nous avons maintenu cette présence locale permanente.

Madame Doineau, vous demandez s'il faudrait faire entrer les agriculteurs dans le régime général. L'alignement sur ce régime pénaliserait les bénéficiaires des pensions les plus faibles.

Le problème n'est pas seulement dans la méthode de calcul. Le choix d'un regroupement des opérateurs serait politique, mais il faut faire attention : l'opérateur unique n'est pas une garantie d'efficacité ou de solidarité et l'on risquerait de déshabiller les territoires ruraux, où nous sommes en mesure d'informer l'ensemble de la population, au-delà des seuls agriculteurs ; cette mission d'aide, d'information et d'animation est la nôtre depuis la création de la MSA.

Vous demandez également si nous connaissons les revenus non agricoles, notamment immobiliers, de nos adhérents : non. Chacun est libre de ses activités ; en tant qu'organisme de protection sociale, nous connaissons uniquement les revenus professionnels agricoles. Seule l'administration fiscale dispose de telles informations.

Madame Deseyne, le plafond des cotisations se situe autour de 50 000 euros de revenu déclaré, lequel permet l'attribution de 114 points. Au-delà de ce revenu, les cotisations supplémentaires participent à la solidarité sans donner droit à des points supplémentaires. Le plancher, avec quatre trimestres travaillés sans revenu, est quant à lui fixé à 23 points. Nous avions proposé de réfléchir à un déplafonnement, notamment pour mieux prendre en considération les variations considérables du revenu des exploitants agricoles d'une année sur l'autre. En 2015, mon exploitation a souffert de la crise porcine ; nous avons subi une perte nette de 80 000 euros : en l'absence de trésorerie il aurait fallu emprunter pour pouvoir manger. En 2017, en revanche, le revenu a été de 120 000 euros. La variation peut être énorme, en fonction des conditions économiques et climatiques, pour les éleveurs comme pour les producteurs de blé ou d'autres encore. Le passage aux vingt-cinq meilleures années se justifie aussi de ce point de vue, car ce système permet de gommer les mauvaises années.

Moi, j'accepte de payer. À ceux qui prônent le libéralisme débridé, où chacun se débrouille, je réponds qu'ils ne se rendent pas compte : le coût de traitement d'un cancer est de 250 000 euros ; une prothèse de genou coûte entre 15 000 et 20 000 euros. Les 300 à 400 euros de dépassement d'honoraires que l'on paie parfois ne sont rien à côté. Revenons à la réalité. Je préfère payer pour l'assurance maladie toute ma vie et ne pas en avoir besoin. De même, je préfère cotiser pour la retraite - et si l'on cotise plus, on reçoit plus.

Mme Christine Dechesne-Céard. - Il y a toujours des systèmes d'écrêtement, pour les salariés aussi. Si l'on veut modifier d'un côté, par équité, il faudra modifier l'ensemble. Les grands paient pour les petits : c'est la solidarité.

L'ajustement en termes de taux de rendement et de contribution est aussi l'une des garanties qui permet à chacun de s'investir dans une forte contribution, pour en tirer un minimum de bénéfices.

Je ne suis pas certaine que la garantie d'une bonne retraite encourage les jeunes à choisir une profession plutôt qu'une autre. Pour autant, cela contribue à la sérénité au cours de la carrière.

L'intégration dans le régime général n'est pas taboue, mais il faudrait s'assurer que le taux de rendement reste le même, que les avantages actuels tels que les exonérations de cotisation pendant cinq ans perdurent et que les services de proximité soient maintenus. Nos assurés bénéficient de ceux-ci parce que nous leur offrons un guichet unique, pour les cinq branches.

Oui, le système de retraite est peu transparent. Il faut l'expliquer, accompagner les gens.

Les erreurs de calcul des pensions sont très rares. Dans un tel cas, nous demandons en général de ne pas réaliser de récupération, notamment sur les petites retraites. La solidarité est dans l'ADN de la MSA. Elle guide toutes nos actions.

Pour l'outre-mer, avec les CGSS, c'est un peu compliqué. Les transmissions avec le régime général ne se font pas toujours bien. Certains dysfonctionnements nous sont signalés longtemps après. Nous avons eu écho du non-versement de certaines pensions, mais nous ne sommes pas à la manoeuvre. Nous travaillons avec le régime général pour qu'a minima, les personnes concernées soient informées de l'existence des prestations.

M. Pascal Cormery. - J'invite Madame Lassarade à envoyer ceux qui ne maîtrisent pas l'outil informatique vers des agents. Certains technocrates préconisent de tout numériser, mais c'est impossible ! Il faut de l'humanité.

Certaines personnes âgées ne maîtrisent pas l'informatique, mais 120 000 jeunes sortent aussi chaque année du système scolaire en sachant tout juste lire et écrire. Ils sont incapables d'effectuer une démarche administrative.

Les services publics doivent impérativement être présents dans les territoires ruraux !

Les cotisations sociales représentent, pour les jeunes qui s'installent, le cadet de leurs soucis. Peu d'entreprises, en général, contestent l'existence des cotisations sociales. Dans le monde agricole, c'est parfois le cas. Il faut rappeler qu'elles servent à quelque chose : la protection sociale.

M. Philippe Mouiller, président. - Merci beaucoup.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

II. EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 13 mars 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Pascale Gruny, rapporteur sur la proposition de loi (n° 307, 2023-2024) visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles.

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, l'ordre du jour appelle à présent l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non-salariés des professions agricoles. Ce texte sera examiné en séance mardi 19 mars 2024.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui les dispositions de la proposition de loi que nous avons déposée avec notre collègue et président Philippe Mouiller, inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat dans le cadre de l'espace réservé du groupe Les Républicains, et visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles.

Je tiens tout d'abord à vous rappeler, aussi simplement que possible, les paramètres régissant le fonctionnement du régime de retraite de base des non-salariés agricoles, c'est-à-dire non seulement des chefs d'exploitation et d'entreprise agricole, mais aussi de leurs conjoints collaborateurs et aides familiaux.

Ces assurés bénéficient à la fois d'une pension de retraite forfaitaire, dont le montant est identique pour une carrière de même durée, quel que soit le montant des cotisations acquittées, et d'une pension de retraite proportionnelle. Contrairement à la pension servie par les régimes alignés, qui fonctionnent par annuités, c'est-à-dire par l'application au revenu annuel moyen des 25 meilleures années d'un taux variant en fonction de la durée d'assurance, la pension proportionnelle est calculée dans le cadre d'un système par points, en multipliant le nombre de points acquis au cours de l'ensemble de la carrière par la valeur de service du point.

La pension de base ainsi calculée peut être portée à 876 euros lorsque l'assuré bénéficie du taux plein. Au surplus, les assurés cotisent à un régime de retraite complémentaire, lequel garantit aux seuls chefs d'exploitation justifiant du taux plein et d'au moins 17,5 années accomplies dans le régime en cette qualité un niveau minimal de pension pouvant aller jusqu'à 85 % du Smic, lorsque l'exploitant a accompli une carrière complète en cette qualité.

Le régime des non-salariés agricoles partage néanmoins des caractéristiques essentielles avec les régimes alignés. Ils reposent tous, en effet, sur un âge légal de départ à la retraite, fixé à 64 ans à compter de la génération de 1968, sur une durée d'assurance requise pour l'obtention du taux plein fixée à 43 annuités à compter de la génération 1965, sur le plafonnement du montant de la pension à 50 % du plafond de la sécurité sociale, soit 1 932 euros par mois, ou encore sur l'indexation des pensions sur l'inflation.

En tout état de cause, les pensions agricoles demeurent les plus faibles de celles qui sont servies par un régime de base. D'après la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), à la fin de l'année 2021, les retraités de droit direct affiliés à titre principal à ce régime percevaient une pension mensuelle moyenne de 840 euros, contre 1 530 euros pour l'ensemble des retraités de droit direct. Toutefois, ce constat masque de grandes disparités, notamment entre les polypensionnés, qui représentent près de 90 % des assurés du régime et qui percevaient, en moyenne, à la fin de l'année 2023, une pension globale, tous régimes confondus, de 1 453 euros par mois, tandis que celle des monopensionnés s'élevait à seulement 1 033 euros par mois.

Néanmoins, le régime présente des avantages par rapport aux régimes alignés, notamment du fait de son barème d'attribution de points de retraite proportionnelle, qui n'est pas purement proportionnel aux revenus, mais qui assure une véritable redistribution en faveur des assurés à bas revenus, pour lesquels le taux de remplacement est supérieur aux 50 % des régimes alignés.

Il n'est toutefois pas légitime que les affiliés de ces régimes bénéficient d'une pension calculée sur les seules 25 meilleures années, tandis que celle des non-salariés agricoles repose sur l'ensemble de leur carrière, d'autant que les revenus agricoles sont non seulement souvent modestes, mais aussi de plus en plus volatils, du fait des aléas climatiques.

C'est la raison pour laquelle des travaux de préfiguration d'une réforme du régime ont été conduits en 2012, dans le sillage de la réforme des retraites de 2010, par Yann-Gaël Amghar, alors membre de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), devenu, depuis, conseiller social du Premier ministre. Il a logiquement été démontré, dans ce cadre, que la transition vers un régime par annuités favoriserait les assurés aux revenus situés en haut de l'échelle et désavantagerait ceux dont les revenus sont les plus faibles. Cependant, M. Amghar a identifié un scénario ne faisant pas de perdants, qui consiste à calculer la pension de base des non-salariés agricoles sur la base des 25 meilleures années, en conservant un régime par points.

Concrètement, il s'agirait d'attribuer aux assurés, pour chaque année de leur carrière, le nombre annuel moyen de points acquis au cours de leurs 25 années d'assurance les plus avantageuses. Une telle réforme aurait représenté un coût de l'ordre de 470 millions d'euros au terme d'une trentaine d'années de mise en oeuvre, pour un gain mensuel moyen de près de 50 euros.

Aucune suite n'ayant été donnée à cette étude et la situation de la paysannerie française empirant, la question a été réinscrite à l'agenda politique par notre collègue député Julien Dive, auteur d'une proposition de loi adoptée à l'unanimité en février 2023. Celle-ci a fixé un objectif de calcul des pensions de retraite agricoles sur la base des 25 meilleures années à compter du 1er janvier 2026 et confié la définition des modalités de mise en oeuvre de cette réforme au pouvoir réglementaire.

Rapporteur de ce texte, je vous avais invité à l'adopter, étant parvenue à la conclusion, au terme de mes auditions, qu'une solution ne faisant pas de perdants existait et devait être envisagée par le Gouvernement. J'avais toutefois émis de sérieuses réserves quant à la délégation, à mes yeux excessive, d'une telle compétence au pouvoir réglementaire, sans droit de regard du Parlement. Il était néanmoins nécessaire d'adopter ce texte conforme à la version issue des travaux de l'Assemblée nationale, afin de permettre que les travaux préalables à la mise en oeuvre de la réforme soient amorcés au plus vite.

Malheureusement, et comme je le craignais, le rapport de préfiguration de cette dernière, dont la remise au Parlement était prévue par la loi dans un délai de trois mois et qui ne nous a finalement été communiqué qu'un an plus tard et après avoir été consulté par la presse, indique que le Gouvernement n'entend pas retenir le scénario pour lequel le législateur avait marqué sa préférence.

Éludant, pour ainsi dire, ce scénario, en se bornant à constater qu'il ne peut pas faire de perdants, le rapport se focalise sur trois autres pistes de réforme et en recommande tout particulièrement une, sur laquelle travaillerait actuellement le Gouvernement. Il s'agirait, en pratique, de liquider la partie de la carrière antérieure à 2016 sur la base des modalités de calcul actuelles, c'est-à-dire d'un régime par points, dans la mesure où la Mutualité sociale agricole (MSA) ne conserve pas l'historique des revenus au-delà des huit dernières années, puis la partie postérieure à 2015 dans le cadre d'un système par annuités. Ne serait retenu, pour le calcul de la deuxième fraction de la pension, qu'un nombre de meilleures années inférieur à 25, pour éviter une longue montée en charge. Ce nombre de meilleures années serait ainsi calculé au prorata de la durée de la partie de la carrière postérieure à 2016 par rapport à la durée totale de la carrière.

Pour ma part, je ne puis me résoudre à approuver cette proposition, qui me paraît contraire aux deux exigences posées par le législateur l'an dernier : une mise en oeuvre de la réforme dès 2026 et l'absence de perdants.

En effet, compte tenu de leur complexité, la MSA estime ne pas être en mesure d'intégrer ces paramètres à son système d'information dans les délais prévus par la loi. L'annonce, par le Premier ministre, du report de l'examen des modalités de la réforme au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 réduit d'autant le délai accordé à la MSA dans cette perspective. Au reste, d'après le rapport remis au Parlement, ce scénario ferait, en 2040, 30 % de perdants pour seulement 20 % de gagnants, tandis que la pension de 50 % des assurés resterait inchangée par rapport au mode de calcul actuel. Au surplus, les pertes seraient principalement concentrées sur les assurés à bas revenus et à carrière courte, dans la mesure où ils ne bénéficient pas du taux plein et ne sont donc pas éligibles aux minima de pension, qui permettraient de couvrir les pertes liées à l'abandon du barème garantissant un taux de remplacement supérieur aux 50 % des régimes par annuités.

C'est la raison pour laquelle j'ai cosigné, avec plusieurs de nos collègues, la proposition de loi du président Mouiller que nous examinons aujourd'hui.

Son article 1er abroge les dispositions de la loi Dive, qui confient au Gouvernement le soin de définir les paramètres de la réforme, pour que nous puissions les inscrire nous-mêmes directement dans la loi. Il s'agirait de calculer les pensions liquidées à compter du 1er janvier 2026 sur la base des 25 meilleures années. En d'autres termes, serait attribué aux assurés, pour chaque année de leur carrière, un nombre de points correspondant au nombre annuel moyen de points acquis pendant leurs 25 meilleures années. Comme aujourd'hui, le nombre total de points serait multiplié par la valeur de service du point pour déterminer le montant de la pension. Par ailleurs, le texte prévoit la fusion de la pension de retraite forfaitaire et de la pension de retraite proportionnelle, à des fins de simplification.

Compte tenu des multiples réformes intervenues depuis 2012, à commencer par la création et les multiples revalorisations des minima de pension agricole prévues notamment par les lois Chassaigne, le coût de cette réforme serait sensiblement inférieur aux 472 millions d'euros projetés par M. Amghar : il devrait atteindre, d'après la MSA, un maximum compris entre 285 et 322 millions d'euros en 2046.

Ces paramètres, vous l'aurez compris, ne peuvent pas faire de perdants. Ils peuvent tout au plus faire des « non-gagnants », de l'aveu même du Gouvernement. Associés à la réforme de l'assiette sociale des travailleurs indépendants, que nous avons votée dans le PLFSS pour 2024 et qui permettra, à compter de 2027, d'augmenter les droits à pension des non-salariés agricoles à niveau global de prélèvements sociaux constant, ils constitueront une réponse rapide, concrète et efficace aux difficultés exprimées par nos agriculteurs. Dès lors, ils s'inscrivent pleinement dans la perspective que vous avez tracée vous-mêmes l'an dernier, en adoptant la loi Dive.

C'est la raison pour laquelle je vous propose naturellement d'adopter cette proposition de loi. Je vous inviterai toutefois à en supprimer les dispositions portant fusion de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle, dans la mesure où la MSA n'est pas à même d'évaluer avec précision les effets de cette unification et souhaite que le moins de paramètres possibles évoluent, afin de pouvoir garantir l'application de la réforme dès 2026.

Pour terminer, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que celui-ci inclut des dispositions relatives au mode de calcul des pensions de retraite de base des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole et de leurs conjoints collaborateurs et aides familiaux ; au mode de calcul des cotisations d'assurance vieillesse de ces travailleurs non salariés des professions agricoles ; et aux modalités d'attribution et de calcul des minima de pension du régime de retraite de base des travailleurs non-salariés des professions agricoles et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.

En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux paramètres applicables aux régimes de retraite autres que le régime de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles ; à la couverture des risques maladie, maternité, invalidité, décès, famille, accidents du travail et maladies professionnelles ; aux caractéristiques des différents statuts professionnels agricoles ; aux relations commerciales entre producteurs et distributeurs de denrées agricoles et à la rémunération des agriculteurs ; aux conditions de travail dans le secteur agricole ; à la fiscalité agricole et aux règles successorales ; au soutien à l'investissement dans le capital agricole ; à la protection des activités agricoles contre les risques naturels et les aléas climatiques ; et à la promotion de modes de production respectueux de l'environnement et de la santé humaine.

Il en est ainsi décidé.

M. Philippe Mouiller, président, auteur de la proposition de loi. - Je veux m'exprimer en tant qu'auteur de la proposition de loi. Mme le rapporteur avait déjà beaucoup travaillé sur le sujet l'an dernier, notamment lorsque nous avons examiné la loi Dive. Nous connaissions donc les différents scenarii envisageables, et cela nous a permis de réagir rapidement.

Ce texte a pour principal objet de mettre la pression sur le Gouvernement pour qu'il respecte l'engagement qu'il a pris il y a un an et qu'il a réitéré auprès du monde agricole voilà quelques semaines, alors même que tout est fait pour que cette réforme soit enterrée, ce à quoi contribue la complexité soulevée par le rapport remis au Parlement. Pour discuter en ce moment de cette question avec Matignon, je sais que c'est cette complexité qui explique le choix du statu quo. La réflexion sera peut-être menée dans le cadre de l'examen du prochain PLFSS.

Notre démarche a surtout pour vocation de réaffirmer l'option qui a été choisie par le Sénat au regard des travaux menés par Pascale Gruny et d'inscrire dans le dur la réforme attendue sur le principe, votée à l'unanimité par l'ensemble des parlementaires, consistant à retenir les 25 meilleures années de points.

Il s'agit d'une proposition d'appel. Elle pourra être appliquée par la MSA dès 2026. Elle n'est peut-être pas entièrement satisfaisante sur le fond, mais elle a le mérite, premièrement, de conforter la position du Sénat présentée et votée à l'unanimité il y a un an ; deuxièmement, d'aider le Gouvernement à respecter son engagement dans les délais impartis ; troisièmement, de réaffirmer le soutien du Sénat au monde agricole.

M. Xavier Iacovelli. - Merci, madame la rapporteure, pour la qualité de votre rapport, même si je n'y souscris pas complètement. Je partage, en revanche - cela fait l'unanimité notamment depuis l'examen de la proposition de loi de notre collègue député Julien Dive -, la nécessité de trouver une solution de calcul des pensions sur les 25 meilleures années. Nous sommes d'accord sur ce point.

J'entends qu'il s'agit d'une proposition de loi d'appel, afin de mettre la pression. Je peux en comprendre l'utilité politique après la crise agricole qui vient d'éclater, mais nous devons aussi dire la vérité.

Nous aurions aimé avoir connaissance du rapport de l'Igas qui a été remis à la commission à la fin du mois de janvier dernier. J'ai dû solliciter le Gouvernement pour le recevoir.

La mission de l'Igas estime que le mode de calcul retenu par la proposition de loi est inopérant. Telle que celle-ci est présentée, elle ne fait pas de perdants. Cependant, si elle n'est pas applicable, il n'y aura pas de gagnants !

Par ailleurs, la mission a creusé trois hypothèses retenues avec la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). Ces deux structures ont, en effet, testé plusieurs hypothèses pour dégager des projections statistiques jusqu'en 2100, ce qui les a conduites à converger vers l'une d'entre elles.

À la suite de ces analyses, la mission a classé les scenarii par ordre de priorité. Elle a classé le scénario n° 3, dit « type 4C », en proposition n° 1. De fait, il apparaît comme le plus pertinent, car, bien que faisant des gagnants et des perdants, le nombre de perdants est plus limité et les pertes qu'il occasionne pour les assurés concernés sont plus faibles que dans les autres scenarii.

En outre, à court et long termes, il provoque une augmentation de la pension moyenne. De plus, ce scénario est celui qui permet d'appliquer le plus rapidement la logique de sélection des meilleures années.

Nous sommes donc globalement assez favorables au principe retenu dans la proposition de loi, mais nous débattrons en séance de ses aspects techniques.

Mme Monique Lubin. - De même que nous avions bien évidemment voté la proposition de loi qui a été adoptée à l'unanimité l'an dernier, nous voterons également celle-là.

Madame la rapporteure, je regrette que vous ayez été obligée de surseoir à la fusion des deux composantes des pensions de retraite de base des non-salariés agricoles, qui constituait tout de même un bon début pour simplifier le régime, auquel personne ne comprend plus rien.

Je veux répéter ce que j'ai déjà dit et j'insisterai là-dessus en séance : la proposition de loi que nous avons votée, le rapport qui a été rendu un an plus tard, mais qui risque de rester lettre morte parce qu'aucune solution ne se dégage, la présente proposition de loi d'appel, tout démontre qu'il faut s'attaquer au régime de retraite des non-salariés agricoles pour en changer complètement l'architecture, voire la philosophie. Cela ne peut plus durer. Nous en venons à mettre des cataplasmes sur des jambes de bois. Nous en venons à voter des dispositions qui ne sont jamais complètement satisfaisantes. On le voit bien, si cette proposition de loi ne fait pas de perdants, elle n'est pas non plus empreinte d'une justice parfaite !

J'espère vraiment que c'est la dernière fois que nous sommes obligés de voter une proposition de loi telle que celle-ci et que nous serons tous d'accord pour demander au Gouvernement la mise en place d'une mission, qui devra aboutir dans un délai acceptable - nous le fixerons -, sur la refonte totale de ce régime.

Je sais bien que cela se fera dans la douleur avec les organisations syndicales agricoles, compte tenu des divergences de vues et d'intérêts. N'oublions pas que, si le régime de retraite agricole en est là aujourd'hui, c'est parce qu'il souffre d'un péché originel, que les agriculteurs ont commis ! Il faudra donc retravailler avec eux, ne pas avoir peur de dire clairement les choses, ni redouter les conséquences qui en découleront et ne satisferont pas tout le monde.

Mme Anne Souyris. - Merci, monsieur le président, d'avoir présenté une telle proposition de loi. Il est très important que les agriculteurs soient écoutés, qu'une égalité de traitement soit assurée et qu'un regard très spécifique soit porté sur leur retraite.

Quels sont les profils des 1 % à 6 % de perdants du texte proposé ? À quelle hauteur perdraient-ils ?

Quid des effets de ce texte sur les non-salariés aux plus petits revenus ?

Dans quelle mesure les données du rapport Amghar, sur lequel s'appuie ce texte, sont-elles à ce jour et permettent-elles d'estimer les effets de son application ?

Enfin, qu'en est-il des conjoints des agriculteurs - généralement, des femmes -, qui, je le crains, sont encore bien loin de l'égalité de traitement ?

M. Daniel Chasseing- Je vous félicite, monsieur le président, madame la rapporteure, pour cette proposition de loi.

La pension des agriculteurs est en moyenne de 840 euros. Il sera difficile pour la MSA d'intégrer rapidement de nouveaux paramètres pour le calcul de la retraite. Nous savons que 50 % des agriculteurs partiront à la retraite dans les dix années à venir. Or nous sommes tous d'accord sur l'objectif de parvenir à la souveraineté agricole. Pour cela, il faut améliorer les revenus des agriculteurs, par l'application de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim), et prévoir une pension décente pour ceux qui vont partir à la retraite, ce qui sera le cas avec la prise en compte des 25 meilleures années.

Mme Frédérique Puissat. - Je remercie notre rapporteure et le président pour cette proposition de loi. La prise de parole de M. Iacovelli me pousse à intervenir : je suis surprise par ses propos, par lesquels il a en quelque sorte reproché à la commission de ne pas avoir transmis des documents. Mais pourquoi en est-on arrivé là ? C'est parce que nous attendons des projets de loi, et pas que sur les retraites agricoles ! Je rappelle que la réforme des retraites s'est faite via un projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui a limité notre droit d'amendement, et que le texte portant diverses mesures relatives au grand âge et à l'autonomie était une proposition de loi.

M. Xavier Iacovelli. - Quel est le rapport ?

Mme Frédérique Puissat- Aujourd'hui, c'est encore une proposition de loi que nous examinons. À chaque fois, il faut attendre que les crises se manifestent dans la rue : les « gilets jaunes », les agriculteurs... Notre commission a le sentiment de n'apporter que des bouts de solution aux sujets de fond sur lesquels nous travaillons. Les propositions de loi ne sont pas la solution à tous les enjeux ! Sur le sujet qui nous intéresse, nous voulons un projet de loi, avec une étude d'impact et un engagement financier du Gouvernement.

Monsieur Iacovelli, vous faites partie de la majorité gouvernementale, et votre intervention n'était pas appropriée.

M. Xavier Iacovelli. - Le rapport vient de l'Igas !

Mme Frédérique Puissat. - Je remercie la rapporteure et le président de s'être substitués au Gouvernement avec le faible outil dont nous, parlementaires, disposons. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. - J'entends parler du sujet qui nous occupe depuis que je suis arrivée au Sénat en 2018 ! Gouvernement après gouvernement, nous avons attendu des projets de loi agricoles, notamment sur les retraites... en vain ! Nous n'avons eu qu'une multitude de propositions de loi, qui, cumulées, ne font pas une grande loi. Dans le département dont je suis l'élue, on dit qu'un pauvre plus un pauvre, cela ne fait pas un riche. Les propositions de loi s'additionnent, et nous en en perdons notre latin.

Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi d'appel : comme l'a dit le président, nous voulons forcer le Gouvernement à travailler à une loi globale, car les retraites des agriculteurs sont trop basses. La majorité sénatoriale avait refusé le texte que nous avions proposé sur l'individualisation du calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) au prétexte que la réforme aurait entraîné des perdants... Un dispositif avait été prévu à l'époque pour permettre, en quelque sorte, un droit d'option. Pourquoi ne pas proposer une mesure similaire dans la proposition de loi puisqu'il est indiqué dans l'exposé des motifs qu'il y aurait 6 % de perdants ? Il faut trouver une solution pour toutes et tous.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Monsieur Iacovelli, je vous indique que, lors de mes multiples réunions avec des membres des cabinets ministériels, ma proposition de loi n'a jamais été évoquée : seuls sont abordés les autres scénarii.

En ce qui concerne le rapport, il a fallu littéralement aller le chercher en recourant aux prérogatives accordées par la loi organique aux rapporteurs de la commission ! Il est maintenant à la disposition de chacun d'entre vous. Le scénario qui y est le plus étudié n'est pas applicable avant au moins 2028 ; il nécessite de lourds investissements, notamment en ce qui concerne le système d'information de la MSA, et donc des moyens supplémentaires.

Plutôt que de parler d'une proposition de loi « d'appel », je dirai qu'il s'agit d'une première marche, dont la MSA a besoin. Par ailleurs, notre texte porte le seul scénario pouvant être mis en oeuvre dès 2026.

Madame Lubin, vous avez regretté que je vous propose de supprimer les dispositions prévoyant la fusion de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle - j'insiste, pour le moment, la MSA n'est pas capable d'en évacuer les effets. Il est envisageable d'y procéder dans un second temps.

Sur la remise à plat de ce régime de retraite, je suis d'accord avec vous. Jusqu'à présent, je suivais le dossier de loin ; je constate maintenant que les paramètres sont vraiment extrêmement compliqués. Nous n'avons fait qu'ajouter des rustines pour parvenir à des minima de pension corrects pour les agriculteurs. J'espère tout comme vous que c'est la dernière fois que nous serons obligés de voter une telle proposition de loi.

La proposition de loi est soutenue par la MSA et la profession agricole. Nous l'avons déposée en réponse à la crise agricole.

Madame Apourceau-Poly, les 6 % de perdants sont ceux qui perdraient au scénario envisagé dans le rapport Amghar de 2012, du fait du plafonnement de la durée de cotisation prise en compte à la durée requise pour le taux plein. Les assurés travaillant au-delà de cette dernière ne bénéficieraient plus que d'une surcote et non plus d'un supplément de points. Notre proposition ne fait pas de perdants.

Madame Souyris, les perdants du scénario 4C seraient majoritairement les assurés ayant de bas revenus et des carrières courtes, ainsi que ceux qui ne bénéficient pas des minima de pension car leurs pensions tous régimes dépassent les seuils d'écrêtement et ceux qui travaillent au-delà de la durée requise pour le taux plein.

Dans ce scénario, le taux de perdants serait de 30 % à l'horizon 2040 sur le champ des pensions agricoles. Le rapport ne documente pas avec précision les montants de pertes enregistrés par ces assurés.

Quant aux conjoints, ils touchent souvent des revenus très bas et ne justifient que de carrières courtes. Ils perdraient donc à la réforme du Gouvernement. Ce sont souvent des femmes, qui ont parfois pu travailler sans être déclarées. Leurs pensions sont donc très faibles, de leur fait ou de celui du chef d'exploitation dans certains cas. Un certain nombre de parlementaires ont encore reçu des demandes en ce sens lors de l'examen du dernier PLFSS.

Le droit d'option, évoqué par Cathy Apourceau-Poly, est une possibilité envisageable, mais cela revient à entériner le fait que les plus favorisés bénéficieront de la réforme, tandis que, pour les autres, ce sera le statu quo.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je ne comprends pas bien l'argument. L'absence de gain supplémentaire pour certains avec votre proposition est aussi un statu quo.

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Dans notre proposition, il n'y a pas de perdants : les 6 % que vous avez évoqués sont ceux du scénario proposé en 2012 par M. Amghar dans son rapport. La plupart des assurés y gagneraient, à l'exception de ceux qui bénéficient de minima de pension et dont la pension après réforme resterait inférieure à ces minima ; ils continueront donc à en bénéficier.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Certes, mais pour certains, je le redis, il n'y aura pas de changement.

Examen des articles

Article 1er

Mme Pascale Gruny, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à supprimer les dispositions qui prévoient l'unification de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle des non-salariés agricoles.

Au cours de nos travaux, la MSA nous a informés que les contraintes engendrées par une telle unification ne lui permettaient pas de garantir l'entrée en vigueur de la réforme dès 2026, ce que nous souhaitons.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 126(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie127(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte128(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial129(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du 25 janvier 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi (n° 307, 2023-2024) visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- aux modalités de calcul des pensions de retraite de base des chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole et de leurs conjoints collaborateurs et aides familiaux ;

- aux modalités de calcul des cotisations d'assurance vieillesse dues par ces travailleurs non salariés des professions agricoles ;

- aux modalités d'attribution et de calcul des minima de pension servis par le régime de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :

- aux paramètres applicables aux régimes de retraite autres que le régime de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles ;

- à la couverture des risques maladie, maternité, invalidité, décès, famille, accidents du travail et maladies professionnelles ;

- aux caractéristiques des différents statuts professionnels agricoles ;

- aux relations commerciales entre producteurs et distributeurs de denrées agricoles et à la rémunération des agriculteurs ;

- aux conditions de travail dans le secteur agricole ;

- à la fiscalité agricole et aux règles successorales ;

- au soutien à l'investissement dans le capital agricole ;

- à la protection des activités agricoles contre les risques naturels et les aléas climatiques ;

- à la promotion de modes de production respectueux de l'environnement et de la santé humaine.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

· Coordination rurale

Armand Paquereau, responsable de la section Retraités

· Confédération paysanne

Sylvie Colas, secrétaire nationale en charge des retraites

Jean-Paul Nicolas, membre de la commission des anciens

Aurélie Bouton, animatrice technique

· Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)

Luc Smessaert, vice-président

Xavier Jamet, responsable des Affaires Publiques

Aude Fernandez, chargée de mission protection sociale, cotisations des non-salariés agricoles

· Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA)

Pascal Cormery, président

Magalie Rascle, directrice déléguée aux politiques sociales

Christine Dechesne-Céard, directrice de la réglementation

Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

· Direction de la sécurité sociale (DSS)

Morgan Delaye, chef de service

Hédi Brahimi, adjoint à la sous-directrice des retraites

Vanessa Leconte, adjointe au chef du bureau des régimes de base

· Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire (MASA) - Service des affaires financières, sociales et logistiques

Sébastien Colliat, chef de service des affaires financières, sociales et logistiques du Secrétariat général

Pascale Barroso, cheffe de bureau des prestations sociales agricoles

Gilles Jameau, chef de bureau du financement de la protection sociale agricole

Olivier Cunin, sous-directeur du travail et de la protection sociale

Yann-Gaël Amghar, auteur du rapport IGAS de mars 2012 intitulé « Évaluation d'un passage à un calcul sur les 25 meilleures années pour les retraites des non-salariés agricoles »

Alexandre Pascal et Éric Tison, co-auteurs du rapport intitulé « Déterminer la pension de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années civiles d'assurance les plus avantageuses » de janvier 2024

Vincent Steinmetz, président de la section « Formation, recherche et métiers » au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-307.html


* 1 Article L. 732-24 du code rural et de la pêche maritime.

* 2 Article R. 732-61 du code rural et de la pêche maritime.

* 3 Bien que l'article R. 732-61 du code rural et de la pêche maritime dispose que le montant maximal de la pension de retraite forfaitaire est égal à celui de l'allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS), soit 328,07 euros au 1er janvier 2024 (montant revalorisé au 1er janvier de chaque année sur la base de l'inflation), il n'est pas, en pratique, tout à fait égal à ce montant, dans la mesure où, du fait de la modification de la date de revalorisation annuelle des pensions intervenue en 2014, une revalorisation annuelle a été imputée au montant de l'AVTS sans l'être également au montant maximal de la pension de retraite forfaitaire.

* 4 Articles L. 732-24 et L. 732-35 du code rural et de la pêche maritime.

* 5 Article R. 732-66 du code rural et de la pêche maritime. L'application d'un coefficient d'adaptation vise à éviter que l'allongement progressif de la durée d'assurance requise pour l'obtention d'une pension à taux plein depuis 2003, qui ne s'est pas accompagné d'une modification du barème et se traduit par conséquent par une augmentation du nombre de points acquis par les assurés, n'entraîne pas une augmentation proportionnelle des pensions.

* 6 Article R. 732-68 du code rural et de la pêche maritime.

* 7 Article L. 732-28 du code rural et de la pêche maritime.

* 8 Article L. 732-56 du code rural et de la pêche maritime.

* 9 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, article 90.

* 10 Article L. 732-60 du code rural et de la pêche maritime.

* 11 Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, article 77.

* 12 Article L. 732-54-2 du code rural et de la pêche maritime.

* 13 Si, pour ce qui concerne les personnes dont la pension prend effet à compter du 1er février 2014, l'article L. 732-51-1 du code rural et de la pêche maritime n'exige plus, aux termes de l'article 63 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017, qu'une condition d'obtention d'une pension à taux plein, l'Article D. 732-109 du même code, quant à lui, n'a pas été actualisé et requiert toujours une durée d'assurance au moins égale à la durée requise pour l'obtention du taux plein ou, à défaut, l'atteinte de l'âge d'annulation de la décote.

* 14 Articles L. 732-54-1 et D. 732-109 du code rural et de la pêche maritime.

* 15 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite, article 33, et décret n° 2014-492 du 16 mai 2014 relatif aux conditions d'ouverture du droit à la majoration des pensions de retraite de base des personnes non salariées des professions agricoles, article 1er.

* 16 Article L. 732-35 du code rural et de la pêche maritime.

* 17 Article L. 732-34 du code rural et de la pêche maritime.

* 18 Articles L. 732-54-2 et D. 732-110 du code rural et de la pêche maritime.

* 19 Loi n° 2021-1679 du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles, article 1er ; décret n° 2021-1919 du 30 décembre 2021 majorant les pensions de retraite de base des personnes non salariées des professions agricoles, article 1er.

* 20 Article D. 732-111 du code rural et de la pêche maritime.

* 21 Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, article 18 ; décret n° 2023-754 du 10 août 2023 portant application des articles 18 et 25 de la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 relatifs à la revalorisation des minima de pension, à la pension d'orphelin, à l'allocation de solidarité aux personnes âgées et à l'assurance vieillesse des aidants ; article D. 732-113 du code rural et de la pêche maritime.

* 22 Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, article 18 ; articles L. 732-54-2 et D. 732-111 du code rural et de la pêche maritime.

* 23 Article D. 731-112 du code rural et de la pêche maritime.

* 24 Article R. 732-4 du code rural et de la pêche maritime.

* 25 Article D. 732-38 du code rural et de la pêche maritime.

* 26 Article L. 732-25-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 27 Article D. 732-112 du code rural et de la pêche maritime.

* 28 Loi n° 2021-1679 du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles, article 1er ; article L. 732-54-3 du code rural et de la pêche maritime.

* 29 Articles L. 732-54-3 et D. 732-114 du code rural et de la pêche maritime.

* 30 Article D. 732-113 du code rural et de la pêche maritime.

* 31 Articles L. 173-2 et D. 173-21-4 du code de la sécurité sociale.

* 32 Articles L. 732-41 et D. 732-93 du code rural et de la pêche maritime.

* 33 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraite, article 35.

* 34 Articles L. 732-63 et D. 732-166-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 35 Article R. 732-3 du code rural et de la pêche maritime.

* 36 Article L. 732-23 et L. 732-25 du code rural et de la pêche maritime.

* 37 Article L. 732-18-3 du code rural et de la pêche maritime.

* 38 Article L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime.

* 39 Article L. 732-30 du code rural et de la pêche maritime.

* 40 Article L. 732-25 du code rural et de la pêche maritime.

* 41 Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, article 18 ; Article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime.

* 42 Loi n° 2020-839 du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricole en France continentale et dans les outre-mer, article 1er.

* 43 Article D. 732-166-5-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 44 Article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime.

* 45 Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, article 11.

* 46 Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023, article 97

* 47 Article D. 732-166-5 du code rural et de la pêche maritime.

* 48 Retraités bénéficiant d'un avantage de droit direct dans au moins trois régimes de base différents, dont aucun ne représente plus de la moitié de la carrière.

* 49 Retraités percevant un droit direct dans au moins un régime complémentaire, mais dans aucun régime de base.

* 50 Au 1er janvier 2024, le Smic annuel brut s'élève à 21 203 euros.

* 51 Loi n° 90-85 du 23 janvier 1990 complémentaire à la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l'adaptation de l'exploitation agricole à son environnement économique et social, article 63. Les cotisations étaient auparavant assises sur l'assiette cadastrale, toujours utilisée en outre-mer.

* 52 Cet écart s'est accru du fait du relèvement de 0,12 point du taux de la cotisation d'assurance vieillesse déplafonnée du régime général et de divers régimes spéciaux applicable au 1er janvier 2024 (décret n° 2023-1329 du 29 décembre 2023 relatif aux modalités d'application de divers dispositifs de réduction des cotisations patronales, article 1er) en contrepartie d'une diminution équivalente du taux net moyen national de la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles (arrêté du 27 décembre 2023 relatif à la tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles pour l'année 2024, article 2).

* 53 Articles L. 731-42 et D. 731-120 du code rural et de la pêche maritime.

* 54 Article D. 731-21 du code rural et de la pêche maritime.

* 55 Articles L. 731-42 et D. 731-120 du code rural et de la pêche maritime.

* 56 Articles L. 731-42, D. 731-120 et D. 731-123 du code rural et de la pêche maritime.

* 57 Article D. 731-122 du code rural et de la pêche maritime.

* 58 Articles L. 731-42 et D. 731-120 du code rural et de la pêche maritime.

* 59 Article D. 731-124 du code rural et de la pêche maritime.

* 60 Articles L. 732-59, D. 732-155 et D. 732-165 du code rural et de la pêche maritime.

* 61 Articles L. 732-59, D. 732-155 et D. 732-165 du code rural et de la pêche maritime.

* 62 Article D. 732-165 du code rural et de la pêche maritime.

* 63 Article R. 732-73 du code rural et de la pêche maritime.

* 64 Articles R. 732-70 et R. 732-71 du code rural et de la pêche maritime.

* 65 9 320 euros au 1er janvier 2024.

* 66 17 593 euros au 1er janvier 2024.

* 67 Articles L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime et L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale.

* 68 Articles L. 732-25 et L. 732-25-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 69 Articles L. 732-26 et R. 732-60 du code rural et de la pêche maritime.

* 70 Article L. 732-24 du code rural et de la pêche maritime.

* 71 Article L. 731-10-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 72 Articles L. 351-1 et R. 351-27 du code de la sécurité sociale.

* 73 Articles L. 351-1 et R. 351-29 du code de la sécurité sociale.

* 74 Article R. 351-29 du code de la sécurité sociale.

* 75 Article L. 351-11 du code de la sécurité sociale.

* 76 Articles L. 351-1 et R. 351-6 du code de la sécurité sociale.

* 77 Articles L. 351-8 et R. 351-27 du code de la sécurité sociale.

* 78 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, article 2.

* 79 Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, article 10.

* 80 Article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale.

* 81 Articles L. 351-2 et R. 351-9 du code de la sécurité sociale.

* 82 6 990 euros au 1er janvier 2024.

* 83 Décret n° 2014-349 du 19 mars 2014 relatif à la validation des périodes d'assurance vieillesse au titre du versement des cotisations, article 1er.

* 84 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, article 91.

* 85 Yann-Gaël Amghar (inspection générale des affaires sociales), Évaluation d'un passage à un calcul sur les 25 meilleures années pour les retraites des non-salariés agricoles, mars 2012.

* 86 Article L. 321-5 du code rural et de la pêche maritime.

* 87 Article L. 722-10 du code rural et de la pêche maritime.

* 88 Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses par Mme Pascale Gruny, sénateur (n° 276, 2022-2023).

* 89 Ibid.

* 90 Le remplacement de la mention des « vingt-cinq meilleures années de revenu » par celle des « vingt-cinq années civiles d'assurance les plus avantageuses » découlait de l'impossibilité, pour la CCMSA, de reconstituer les revenus des assurés au-delà des huit dernières années et de l'inadéquation de la formation aux années antérieures à 1990, au titre desquelles les cotisations étaient calculées sur la base de la surface cadastrale et non sur celle des revenus professionnels, ce qui, du reste, est toujours le cas en outre-mer.

* 91 Loi n° 2023-87 du 13 février 2023 visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses, article unique ; article L. 732-24-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 92 Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années d'assurance les plus avantageuses par Mme Pascale Gruny, sénateur (n° 276, 2022-2023).

* 93 Articles L. 136-1-1 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

* 94 Après réintégration, notamment des exonérations fiscales, des moins-values à long terme, des reports déficitaires, des cotisations de protection sociale complémentaire ou encore de la part des dividendes assujettie à cotisations (la part supérieure à 10 % du capital social).

* 95 Article L. 131-6 du code de la sécurité sociale ; article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime.

* 96 Articles L. 136-3 et L. 136-4 du code de la sécurité sociale.

* 97 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, article 18.

* 98 Dans la mesure où les travailleurs indépendants à faibles revenus sont redevables d'une cotisation minimale dont le montant peut représenter une part très importante du revenu, le taux d'abattement de 26 % serait, dans leur cas, plus faible que le taux effectif de cotisation. À l'inverse, les barèmes en vigueur étant dégressifs à partir d'un revenu équivalent peu ou prou au niveau du Pass, le taux d'abattement serait plus élevé que le taux effectif de cotisation des travailleurs dont les revenus sont les plus importants.

* 99 Article L. 781-6 du code rural et de la pêche maritime.

* 100 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024, article 26.

* 101 Alexandre Pascal (Igas) et Éric Tison (CGAAER), Déterminer la pension de base des non-salariés agricoles en fonction des vingt-cinq années civiles d'assurance les plus avantageuses, janvier 2024.

* 102 Dans le champ des pensions tous régimes, les pertes enregistrées dans le champ des seules pensions servies par le régime des non-salariés agricoles par certains assurés seraient rattrapées par le MiCo.

* 103 Articles L. 351-10, D. 351-2-1 et D. 351-2-2 du code de la sécurité sociale.

* 104 Article D. 732-111 du code rural et de la pêche maritime.

* 105 Article D. 732-113 du code rural et de la pêche maritime.

* 106 Articles L. 173-2 et D. 173-21-4 du code de la sécurité sociale.

* 107 Article L. 351-10 du code de la sécurité sociale.

* 108 Article L. 732-54-2 du code rural et de la pêche maritime.

* 109 Article L. 732-54-3 du code rural et de la pêche maritime.

* 110 Article L. 173-2 du code de la sécurité sociale.

* 111 Article D. 732-112 du code rural et de la pêche maritime.

* 112 Article D. 351-2-1 du code de la sécurité sociale.

* 113 Article R. 173-7 du code de la sécurité sociale.

* 114 Articles L. 353-1 et D. 353-1 du code de la sécurité sociale.

* 115 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, article 43.

* 116 Décret n° 2017-737 du 3 mai 2017 relatif à la mise en oeuvre de la liquidation unique des pensions de retraite de base des pensionnés affiliés au régime général de sécurité sociale, au régime des salariés agricoles et au régime social des indépendants, article 4.

* 117 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, article 15.

* 118 Article L. 173-1-2 du code la sécurité sociale.

* 119 Article R. 173-4-3 du code de la sécurité sociale.

* 120 Article R. 173-4-4 du code de la sécurité sociale.

* 121 Sauf dans le scénario « 1B » avec passage au MiCo et à la Lura, où les dépenses des régimes alignés augmenteraient de 400 millions d'euros d'ici à 2100.

* 122 Les chiffrages ont été réalisés sans fusion de la retraite forfaitaire et de la retraite proportionnelle.

* 123 Pour mémoire, Yann-Gaël Amghar évoquait en 2012 un coût de 472,2 millions d'euros à l'horizon de 2040.

* 124 La borne basse correspond à une hypothèse d'évolution du nombre de nouveaux retraités de - 2,0 % par an et la borne haute à une hypothèse de - 0,7 % par an.

* 125 Chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

* 126 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 127 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 128 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 129 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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