B. UNE VICTIME COLLATÉRALE DE L'ABAISSEMENT À TROIS ANS DE L'INSTRUCTION OBLIGATOIRE

Comme l'avait relevé Max Brisson, rapporteur du projet de loi pour une école de la confiance, le ministère de l'éducation nationale a donné l'impression de découvrir l'existence de ces établissements - dont l'organisation est fixée par le code de la santé publique - à l'occasion de la navette parlementaire. Le projet de loi initial était ainsi muet sur les jardins d'enfants alors même qu'environ un tiers des enfants non scolarisés sur la tranche d'âge 3-6 ans les fréquentaient.

Cette remise en cause des jardins d'enfants a été contestée en séance au Sénat de manière transpartisane.

Issu d'un compromis en commission mixte paritaire, l'article 18 de la loi pour une école de la confiance prévoit une dérogation pour cinq ans - jusqu'à cette année scolaire 2023-2024 - permettant de considérer comme satisfaite l'obligation d'instruction dès trois ans si l'enfant fréquente un jardin d'enfants pré-existant à la loi de 2019. Il introduit également un contrôle du respect de l'assiduité ainsi que des programmes scolaires par des inspecteurs de l'éducation nationale.

Afin d'accompagner l'évolution des jardins d'enfants, la mission d'expertise conjointe de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche de 2020 sur l'avenir des jardins d'enfants envisage trois scénarii possibles pour ces structures :

· le maintien des jardins d'enfants comme établissements accueillant des jeunes enfants, avant 3 ans, complété par des activités péri ou extrascolaires pour des enfants plus âgés ;

· la transformation en école maternelle privée hors contrat ;

· la transformation en école maternelle privée sous contrat.

Si le premier scénario est envisageable pour les structures n'accueillant pas ou peu d'enfants de plus de quatre ans - 190 structures qui sont, selon le rapport des inspections générales, « peu voire pas concernées par la loi » -, tel n'est pas le cas pour les 70 autres jardins d'enfants. Selon la fédération nationale des jardins d'enfants, le premier scénario basé en partie sur un accueil limité au temps péri et extrascolaire pour les enfants en âge scolaire n'est économiquement pas viable.

En ce qui concerne la transformation en école privée hors contrat, elle exclut tout financement public et pose la question du remboursement d'investissements dont le jardin d'enfants a bénéficié de la part de la CAF : la destination sociale de l'établissement ne peut pas être modifiée pendant une période de dix ans à compter de la fin des travaux ayant bénéficié d'une subvention.

Enfin, la transformation en école privée sous contrat risque de remettre en cause la spécificité et le projet d'établissement de ces structures et notamment la présence à titre principal de professionnels de la petite enfance et non d'enseignants.

Comme l'ont souligné Annick Billon, Max Brisson et Marie-Pierre Monier dans leur rapport sur le bilan des mesures éducatives du quinquennat, « très difficiles à mettre en oeuvre, ces scénarii s'apparentent
davantage à de fausses solutions
 ».2(*)

Le nombre d'enfants en âge scolaire accueillis dans les jardins d'enfants est en forte diminution depuis 2019 pour deux raisons3(*).

D'une part, de très nombreuses structures qui accueillaient principalement des enfants âgés de moins de quatre ans - et le plus souvent sous statut municipal - se sont transformées en crèche.

D'autre part, pour les jardins d'enfants qui continuent à accueillir des enfants en âge scolaire, leurs partenaires habituels comme la protection maternelle et infantile ou les acteurs médico-sociaux, qui orientent traditionnellement les familles vers les jardins d'enfants et portent à leur connaissance l'existence de ces structures, ont eu ces dernières années ont un discours plus réservé en raison de leur avenir incertain. L'exemple des jardins pédagogiques parisiens en est l'illustration. Alors que 800 enfants y étaient accueillis en 2019, ils ne sont que 588 en 2023.

À l'échelle nationale, cinq jardins d'enfants ont fermé leurs portes l'année dernière.

La rapporteure a été alertée sur la situation difficile d'enfants en situation de handicap en âge scolaire victimes de la fermeture du jardin d'enfants qui les accueillait. Certains n'ont en effet pas retrouvé d'accueil adapté à leur situation. Quant à leur scolarisation, celle-ci n'est que partielle, l'école maternelle n'étant pas en capacité de les accueillir en journée entière ou toute la semaine.


* 2 Rapport d'information n° 543 de Mme Annick Billon, M. Max Brisson et Mme Marie-Pierre Monier sur le bilan des mesures éducatives du quinquennat, 2021-2022.

* 3 Symbole du manque d'informations disponibles sur les jardins d'enfants, le nombre d'enfants en âge scolaire n'était pas connu avec précision en 2020, le rapport d'inspection ne disposant que de réponses de la part d'un quart des structures, dans le cadre d'une enquête menée en plein confinement. En 2023, on dénombre 4 000 enfants accueillis dans des jardins d'enfants, dont 2 800 âgés de plus de 3 ans et plus.

Les thèmes associés à ce dossier

Partager cette page