N° 771

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 1
Action extérieure de l'État

Rapporteurs spéciaux : MM. Vincent DELAHAYE et Rémi FÉRAUD

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1095, 1271 et T.A. 125

Sénat : 684 (2022-2023)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Les crédits de la mission Action extérieure de l'État atteignent 3 milliards d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement en 2022, soit une hausse de 6,1 % et 6,6 % respectivement ;

2. Corrigés de l'inflation, les crédits de la mission sont toutefois inférieurs au niveau observé en 2018 ;

3. En ce qui concerne le programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde, les postes qui contribuent le plus à la hausse des dépenses sont ceux liés au fonctionnement du réseau (243 millions d'euros en 2022 contre 218 millions d'euros en 2021), aux contributions aux organisations européennes (101,3 millions d'euros en 2022 contre 80,1 millions d'euros en 2021) et aux contributions internationales en euros (188,2 millions d'euros en 2022 contre 175,5 millions d'euros en 2021).

4. La dynamique budgétaire du programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence s'explique surtout par la hausse des crédits alloués aux bourses de l'enseignement supérieur (64,1 millions d'euros) qui augmentent de 22,1 millions d'euros ;

5. Les crédits du programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires augmentent notamment en raison du coût des contentieux concernant le refus d'octroi de visa résultant de la reprise de cette activité avec la levée progressive des restrictions sanitaires en 2022 ;

6. Les dépenses de personnel progressent d'un peu plus de 50 millions d'euros portées à la hausse par les mesures catégorielles, la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et le dynamisme des indemnités de résidence à l'étranger ;

7. D'importants ouvertures et mouvements de crédits ont concerné la mission
en 2022
ce qui donne un profil relativement heurté à son exécution et réduit la lisibilité de ces décisions de gestion infra-annuelle.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2022

1. L'ensemble de la mission Action extérieure de l'État

La mission « Action extérieure de l'État », qui représente 3 milliards d'euros, regroupe en 2022 les crédits des trois programmes suivants :

- le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », qui porte les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau diplomatique, ainsi que les contributions de la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix ;

- le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », qui regroupe les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau consulaire, ainsi que les bourses octroyées aux élèves français scolarisés dans les établissements du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ;

- le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », qui rassemble les crédits de fonctionnement du réseau culturel et les subventions versées aux quatre opérateurs de la mission.

Évolution des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » en 2022

(en millions d'euros et en pourcentage)

Programme

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

Variation exécution 2022/2021 (%)

Taux d'exécution (écart en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

105 - Action de la France en Europe et dans le monde

1 800,6

1 809,5

1 951,0

1 953,8

1 918,5

1 912,3

+ 6,5 %

+ 5,7 %

- 1,7 %

- 2,1 %

151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

350,0

348,2

373,9

374,0

377,2

378,5

+ 7,8 %

+ 8,7 %

+ 0,9 %

+ 1,2 %

185 - Diplomatie culturelle et d'influence

706,7

706,6

730,8

730,8

749,4

749,5

+ 6,0 %

+ 6,1 %

+ 2,5 %

+ 2,6 %

Mission

2 857,4

2 864,2

3 055,7

3 058,6

3 045,1

3 040,2

+ 6,6 %

+ 6,1 %

- 0,3 %

- 0,6 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI 2022 : budgétisation en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'évolution des crédits de la mission Action extérieure de l'État apparait significative en valeur (+ 6,6 % en AE et + 6,1 % en CP) et se décompose entre une hausse d'environ 50 millions d'euros des dépenses de personnel (essentiellement au titre du programme 105) et une hausse de 120 millions d'euros des autres dépenses.

Les crédits augmentent ainsi sensiblement et retrouvent, pour l'ensemble des programmes, des niveaux supérieurs à ceux observés avant la crise sanitaire. Cette dernière s'étant traduite par une très forte hausse des dépenses en 2020 afin, notamment, de renforcer les moyens dédiés à l'assistance des français à l'étranger et les ressources de l'AEFE, puis par une contraction relativement importante des crédits en 2021.

Évolution en euros courants des crédits de paiements des programmes
de la mission « Action extérieure de l'État » en 2022

(base 100 en 2018)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La prise en compte de l'inflation conduit, toutefois, à constater que les crédits de la mission ont diminué tendanciellement en valeur réelle depuis 2018 à champ constant.

Pour chacun des programmes, les crédits de paiements exécutés en 2022 évoluent ainsi entre 6 et 2 points de pourcentage en dessous de leur niveau de 2018, en valeur réelle.

Évolution en euros constants des crédits de paiements des programmes
de la mission « Action extérieure de l'État » en 2022

(base 100 en 2018 - en euros 2018)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le taux d'exécution apparait relativement satisfaisant et se limite à - 0,3 % en AE et - 0,6 % en CP. Ce résultat masque néanmoins des réalités contrastées entre les différents programmes. En outre, la gestion infra-annuelle de la mission a été marquée par d'importantes ouvertures et reports de crédits ce qui offre un profil relativement erratique à l'évolution des crédits disponibles en cours d'année.

Ainsi, la mission a bénéficié de reports conséquents de l'exercice 2021 (+ 54,8 millions d'euros) qui ont toutefois été annulés assez rapidement par décret d'avance (- 52 millions d'euros) avant d'être partiellement rétablis (+ 25,3 millions d'euros) en loi de finances rectificative pour - finalement - être reportés dans une ampleur comparable sur l'exercice 2023 (- 21,2 millions d'euros).

Mouvements de crédits intervenus en cours d'exécution au titre de la mission Action extérieure de l'État en 2022

(en crédits de paiements - en millions d'euros)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Le programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde

Doté de 1,9 milliard d'euros en CP, le programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde regroupe la majorité des crédits de la mission Action extérieure de l'État.

Il supporte l'essentiel des dépenses de personnel de la mission ainsi que le financement des contributions internationales de la France ou encore le fonctionnement et l'entretien du réseau diplomatique.

Crédits du programme 105 - Action de la France
en Europe et dans le monde

(en millions d'euros - en pourcentage)

Action

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

Variation exécution 2022/2021 (%)

Taux d'exécution (écart en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Coordination de l'action diplomatique

90,0

89,0

98,1

98,1

92,3

92,4

+ 2,6 %

+ 3,8 %

- 5,9 %

- 5,8 %

02 - Action européenne

89,5

89,5

143,8

143,8

114,2

114,2

+ 27,6 %

+ 27,6 %

- 20,6 %

- 20,6 %

04 - Contributions internationales

661,6

663,6

652,2

652,2

674,0

674,0

+ 1,9 %

+ 1,6 %

+ 3,3 %

+ 3,3 %

05 - Coopération de sécurité et de défense

102,5

100,1

110,0

110,0

99,1

98,4

- 3,3 %

- 1,7 %

- 10,0 %

- 10,6 %

06 - Soutien

238,7

234,8

257,1

260,1

255,2

249,7

+ 6,9 %

+ 6,4 %

- 0,7 %

- 4,0 %

07 - Réseau diplomatique

618,3

632,4

689,7

689,5

683,6

683,5

+ 10,6 %

+ 8,1 %

- 0,9 %

- 0,9 %

Programme

1 800,6

1 809,5

1 951,0

1 953,8

1 918,5

1 912,3

+ 6,5 %

+ 5,7 %

- 1,7 %

- 2,1 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : budgétisatio, en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) L'évolution des crédits entre 2021 et 2022

Les crédits du programme 105 progressent en 2022 de 6,5 % en AE et de 5,7 % en CP. Des hausses très importantes sont à relever sur au moins deux actions du programme :

- l'action 02 - Action européenne dont les crédits progressent
de 27,6 % en AE comme en CP ;

- l'action 07 - Réseau diplomatique dont les crédits progressent
de 10,6 % en AE et de 8,1 % en CP.

Sur l'ensemble du programme, hors dépenses de rémunération, et d'après les données de Chorus, les crédits de paiements engagés au titre du programme 105 augmentent d'environ 6,2 %.

Les postes de dépenses qui contribuent le plus à la hausse des dépenses (+ 6,2 %), sont ceux liés :

- au fonctionnement du réseau (243 millions d'euros en 2022 contre 218 millions d'euros en 2021) couvrant le fonctionnement des ambassades, l'entretien immobilier lourd, le gardiennage ou encore les frais de représentations et de voyages - pour 2,2 points de pourcentage ;

- les contributions aux organisations européennes (101,3 millions d'euros en 2022 contre 80,1 millions d'euros en 2021) - pour 1,9 point de pourcentage ;

- les contributions internationales en euros (188,2 millions d'euros en 2022 contre 175,5 millions d'euros en 2021) - pour 1,1 point de pourcentage.

Décomposition de l'évolution des crédits de paiement
du programme 105 hors dépenses de personnel

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La hausse des dépenses de fonctionnement du réseau s'explique par quatre principaux facteurs :

- une augmentation de 5,2 millions d'euros des frais de représentation à l'étranger qui découle de la reprise des activités de réception des ambassades comparativement à 2021, année marquée par la crise sanitaire ;

- une augmentation de 4 millions d'euros du coût des locations à l'étranger que le ministère explique, notamment, pas la dégradation des conditions de change avec le reste du monde ;

- une augmentation de 3,9 millions d'euros du coût des énergies et des fluides sous l'effet de la crise énergétique en lien avec la forte reprise économique mondiale et le déclenchement du conflit en Ukraine.

Les contributions européennes évoluent quant à elles à la hausse en raison de l'augmentation de la participation française à la Facilité européenne pour la paix (FEP) qui est instrument hors budget de l'Union européenne lui permettant de déployer des opérations militaires ou d'apporter une aide à des pays tiers, en l'occurrence, pour 2022, notamment pour l'Ukraine.

Enfin, les contributions internationales en euros s'accroissent notamment en raison du choix de la France de verser sa contribution à l'Unesco dans la monnaie commune plutôt qu'en devises afin de limiter le coût de change.

b) L'exécution des crédits en 2022

En 2022, les crédits du programme 105 sont sous-exécutés de 2,1 % en CP et 1,7 % en AE. Ces résultats sont en dégradation en comparaison historique, le taux de consommation des crédits de paiement apparaissant, ainsi, inférieur au niveau relevé en 2019.

Évolution du taux d'exécution du programme 105

(en crédits de paiements - en pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En outre, le niveau des crédits sous-exécutés est encore plus important si l'on s'intéresse au périmètre des dépenses hors titre 2 (« hors T2 »), c'est-à-dire en excluant les dépenses de personnel. En l'espèce, le taux d'exécution des crédits de paiement hors T2 s'élève à - 2,5 %.

Trois actions du programme présentent un résultat d'exécution notable et appellent un commentaire :

- l'action 02 - Action européenne qui regroupe les crédits versés aux organisations européennes en matière de coopération, de sécurité ou de développement ;

- l'action 04 - Contributions internationales qui regroupe les crédits versés aux organisations internationales à titre volontaire ou obligatoire ;

- l'action 07 - Réseau diplomatique qui porte les dépenses de fonctionnement, d'entretien ou de sécurité du réseau diplomatique.

Ainsi l'exercice 2022 est marqué par une très forte sous-exécution des contributions européennes de l'ordre de 30 millions d'euros. Cet écart provient presque exclusivement d'une sous-consommation des crédits dédiés à la Facilité européenne pour la paix (FEP - 28,7 millions d'euros) qui ont, en fait, été transférés au ministère des Armées.

En effet, le financement de la FEP est partagé entre les deux ministères selon que les opérations ou matériels financés présentent ou non un caractère létal. Or, la clé de répartition entre ces deux catégories n'a été précisée qu'en cours d'année ce qui a justifié un transfert en gestion au profit du ministère des Armées.

Contributions européennes versées au titre
du programme 105 en 2022

(en euros)

 

Prévision 2022

Exécution 2022

Écart

AE = CP

AE = CP

AE = CP

Conseil de l'Europe

42 964 783

42 676 835

- 287 948

Expertise France

2 300 000

1 324 800

- 975 200

OSCE (Fonds fiduciaire)

1 000 000

1 000 000,00

0

Union de l'Europe occidentale

1 379 047

1 312 172

- 66 875

Fondation Anna Lindh

250 000

250 000,00

0

Union pour la Méditerranée

400 000

400 000,00

0

Global Community Engagement and Resilience Fund (GCERF)

250 000

-

- 250 000

Facilité européenne pour la paix (FEP)

82 830 000

54 118 611

- 28 711 389

Fonds européen pour la démocratie (FEDEM)

 

200 000

200 000

TOTAL

131 373 830

101 282 418

- 30 091 412

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses engagées en faveur du réseau diplomatique au titre de l'action 07 du programme 105 sont quant à elles sous-exécutées d'environ 9 millions d'euros en AE comme en CP. Le ministère a notamment consommé moins de crédits que prévus pour le financement des dépenses immobilières d'entretien lourd (6 millions d'euros d'écart) et pour les frais de gardiennage à l'étranger (1,5 million d'euros d'écart).

Les contributions aux organisations internationales sont, à l'inverse, sur-exécutées d'environ 21,8 millions d'euros notamment pour ce qui concerne les opérations de maintien de la paix (18,3 millions d'euros d'écart).

Contributions internationales versées au titre
du programme 105 en 2022

(en euros)

 

Prévision 2022

Exécution 2022

Écart

AE = CP

AE = CP

AE=CP

Opérations de maintien de la paix

269 511 087

287 824 143

18 313 056

Contributions internationales payables en euros

187 287 483

188 027 818

740 335

Contributions internationales payables en devises

195 408 515

198 182 092

2 773 577

TOTAL

652 207 085

674 034 053

21 826 968

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les écarts constatés s'expliquent par le choix des organisations internationales et de la France d'accroitre le niveau des ressources. C'est par exemple le cas pour le coût pour la France des opérations de maintien de la paix qui augmente en raison de la décision de l'Assemblée générale des Nations-Unies d'accroitre le budget qui y est consacré de 1,2 %.

Toutefois, une part de cet écart provient également du choix du ministère des affaires étrangères de ne pas activer le mécanisme de couverture contre le risque de change en 2022 prévu entre le ministère et l'Agence France Trésor (AFT).

Dans le cadre de ce dispositif, le ministère des affaires étrangères passe à l'AFT des ordres d'achats à terme de devises en lui indiquant le taux de change acceptable qu'il retient. Ainsi saisie, l'AFT met en oeuvre une opération de couverture auprès des organismes spécialistes en valeur du Trésor (SVT).

L'objectif et l'intérêt de cette opération pour le ministère des affaires étrangères est de geler le montant de ses contributions en devises et le coût de cette dépense en euros.

Toutefois, à l'issue de l'élaboration du projet de loi de finances
pour 2022, le taux de budgétisation retenu s'était rapidement révélé supérieur, s'agissant du dollar (1,21 dollar pour 1 euro), au taux de marché (1,18 dollar pour 1 euro à l'été 2021).

En d'autres termes, le dollar s'était apprécié par rapport à l'euro au cours de la période de négociation budgétaire ce qui impliquait, pour le ministère, faute d'accord du ministère du budget pour augmenter le montant de ses crédits au PLF 2022, soit d'accuser une perte au change et de procéder à des redéploiements pour couvrir les contributions internationales, soit de renoncer à cette couverture afin de traiter ce risque en gestion.

Dans ce contexte, le ministère des affaires étrangères s'était refusé, au mois d'août 2021, à activer le mécanisme afin de couvrir les contributions à verser en 2022 arguant de sa crainte que la responsabilité de l'ordonnateur ne puisse être engagée s'il ordonnait une opération à un taux inférieur à celui retenu au PLF.

3. Le programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence

Doté de 749,5 millions d'euros, le programme 185 regroupe les actions destinées à soutenir la stratégie d'influence de la France à l'étranger en particulier dans le domaine culturel.

Crédits du programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence

(en millions d'euros - en pourcentage)

Action

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

Variation exécution 2022/2021 (%)

Taux d'exécution (écart en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Appui au réseau

41,1

40,9

40,2

40,2

43,0

43,0

+ 4,6 %

+ 5,2 %

+ 6,9 %

+ 7,1 %

02 - Coopération culturelle et promotion du français

68,4

68,5

68,2

68,2

69,4

69,4

+ 1,5 %

+ 1,4 %

+ 1,8 %

+ 1,8 %

03 - Objectifs de développement durable

1,4

1,4

2,4

2,4

1,9

1,9

+ 36,3 %

+ 36,3 %

- 20,2 %

- 20,2 %

04 - Enseignement supérieur et recherche

71,5

71,5

101,6

101,6

95,7

95,7

+ 33,9 %

+ 33,9 %

- 5,8 %

- 5,8 %

05 - Agence pour l'enseignement français à l'étranger

423,9

423,9

416,9

416,9

420,3

420,3

- 0,9 %

- 0,9 %

+ 0,8 %

+ 0,8 %

06 - Dépenses de personnel concourant au programme « Diplomatie culturelle et d'influence »

66,8

66,8

70,7

70,7

70,3

70,3

+ 5,1 %

+ 5,1 %

- 0,6 %

- 0,6 %

07 - Diplomatie économique et développement du tourisme

33,6

33,6

30,9

30,9

48,9

48,9

+ 45,5 %

+ 45,5 %

+ 58,4 %

+ 58,4 %

Programme

706,7

706,6

730,8

730,8

749,4

749,5

+ 6,0 %

+ 6,1 %

+ 2,5 %

+ 2,6 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) L'évolution des crédits entre 2021 et 2022

Les crédits du programme 185 progressent de 6 % en AE et de 6,1 % en CP soit environ 19 millions d'euros. Un certain nombre d'actions connaissent des progressions d'une ampleur notable, en particulier :

- l'action 07 - Diplomatie économique et développement du tourisme (+ 45,5 % en CP comme en AE) en raison de la montée en charge du programme « Destination France » pour la promotion du tourisme ;

- l'action 03 - Objectifs de développement durable (+ 36,3 % en CP comme en AE) en raison de la reprise des échanges d'experts dans ces domaines ;

- l'action 04 - Enseignement supérieur et recherche (+ 33,9 % en CP comme en AE) pour des raisons équivalentes mais également sous l'effet d'une reprise des mobilités étudiantes vers la France.

À l'inverse, les crédits de l'action 05 - Agence pour l'enseignement français à l'étranger diminuent de 0,9 %.

En pratique, la dynamique budgétaire du programme en 2022 (+ 6,2 % hors dépenses de rémunération en CP), s'explique surtout par la hausse des crédits alloués aux bourses de l'enseignement supérieur (64,1 millions d'euros) qui augmentent de 22,1 millions d'euros.

En effet, l'année 2022 a connu un retour des mobilités étudiantes après une année 2021 marquée par la crise sanitaire. À cet égard, le ministère indique dans les documents budgétaires que le nombre d'étudiants étrangers bénéficiant d'une bourse serait revenu à son niveau d'avant-crise.

Les crédits du programme augmentent également sous l'effet d'une hausse de 14,7 millions d'euros des transferts à des collectivités pour la mise en oeuvre d'actions de diplomatie économique (21 millions d'euros).

Ces moyens ont pour l'essentiel été alloués au financement du Plan de reconquête et de transformation touristique (PRTT) dans le cadre du plan « Destination France » visant à promouvoir le tourisme sur le territoire français.

En sens inverse et comme mentionné ci-avant, les crédits du programme sont poussés à la baisse en raison de la diminution de la subvention versée à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) qui s'élève à 420,3 millions d'euros contre 424 millions d'euros en 2021.

Pour mémoire, la subvention de l'agence avait atteint un niveau très important en 2020 (454,4 millions d'euros) en raison de la décision, à l'occasion de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, de renforcer la compensation versée pour charges de service public de 50 millions d'euros afin de faire face aux conséquences de la crise sanitaire.

Enfin, les dépenses engagées pour l'organisation d'échanges d'experts dans le cadre de la politique de promotion des objectifs de développement durable au titre de l'action Enseignement supérieur diminuent de 7 millions d'euros. Ces crédits ont été redéployés au profit des autres dépenses de l'action et du financement d'autres programmes de mobilité d'experts.

Décomposition de l'évolution des crédits de paiement du programme 185
hors dépenses de personnel

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au-delà de l'AEFE, le programme 185 contribue au financement de trois autres opérateurs que sont Atout-France (promotion du tourisme), Campus France (promotion de l'enseignement supérieur et de la recherche) et l'Institut français de Paris pour un montant total de 561,3 millions d'euros en hausse de 25 millions d'euros par rapport à 2021.

Crédits versés aux opérateurs au titre du programme 185

(en euros)

Opérateur

Réalisation (2021 - CP)

LFI
(2022 - CP)

Réalisation (2022 - CP)

AEFE - Agence pour l'enseignement français à l'étranger (P185)

427 925 920,0

420 628 726,0

424 502 496,0

Atout-France (P185)

30 909 904,0

28 691 020,0

43 713 688,0

CAMPUS France (P185)

48 536 409,0

70 120 339,0

64 237 376,0

Institut Français (P185)

29 379 378,0

28 267 161,0

28 835 980,0

Total du programme

536 751 611,0

547 707 246,0

561 289 540,0

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette variation s'explique par l'augmentation des crédits versés à Atout France pour la mise en oeuvre - évoquée ci-avant - du Plan de reconquête et de transformation touristique (PRTT) à hauteur de 14,5 millions d'euros, d'une part, et par une hausse des crédits dédiés au financement des bourses en faveur des étudiants étrangers, d'autre part.

b) L'exécution des crédits en 2022

En 2022, les crédits du programme 185 sont sur-exécutés de 2,6 % en crédits de paiements et de 2,5 % en autorisations d'engagement. Ce niveau est en augmentation par rapport à 2021, exercice marqué par une sous-exécution de l'ordre de 1,5 %.

Évolution du taux d'exécution des crédits du programme 185

(en crédits de paiements - en pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Au périmètre des dépenses hors dépenses de personnel, le niveau de sur exécution s'élève à 2,9 %. Ce résultat s'explique quasi-exclusivement par les dépassements observés au titre de l'action 07 - Diplomatie économique et développement du tourisme.

En effet, comme indiqué ci-avant 14,5 millions d'euros ont été mobilisés en CP pour financer le Plan de reconquête et de transformation touristique (PRTT) dans le cadre du Plan « Destination France ». Ces crédits n'étaient pas prévus au projet de loi de finances pour 2022 et proviennent d'un transfert équivalent de la mission Plan de Relance du budget général.

4. Le programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

Doté de 377,2 millions d'euros en AE et de 378,5 millions d'euros en CP, le programme 151 regroupe les actions finançant notamment les activités des services consulaires ainsi que la politique de solidarité en faveur des élèves du système d'enseignement français à l'étranger.

Crédits du programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires

(en millions d'euros - en pourcentage)

Action

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

Variation exécution 2022/2021 (%)

Taux d'exécution (écart en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Offre d'un service public de qualité aux Français à l'étranger

213,3

211,5

224,2

224,3

231,2

232,5

+ 8,4 %

+ 9,9 %

+ 3,1 %

+ 3,6 %

02 - Accès des élèves français au réseau AEFE

80,5

80,5

95,5

95,5

83,8

83,8

+ 4,1 %

+ 4,1 %

- 12,3 %

- 12,3 %

03 - Instruction des demandes de visa

56,2

56,2

54,2

54,2

62,2

62,2

+ 10,6 %

+ 10,5 %

+ 14,7 %

+ 14,7 %

Programme

350,0

348,2

373,9

374,0

377,2

378,5

+ 7,8 %

+ 8,7 %

+ 0,9 %

+ 1,2 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : budgétisation en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) L'évolution des crédits entre 2021 et 2022

En 2022, les crédits du programme 151 augmentent de 7,8 % en AE et de 8,7 % en CP soit une hausse de 27 millions d'euros et 30 millions d'euros respectivement.

Des augmentations importantes de crédits peuvent être relevées en ce qui concerne les actions 01 - Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger (+ 9,9 % en CP, soit 8 millions d'euros) et 03 - Instruction des demandes de visa (+ 10,5 % en CP, soit 8 millions d'euros).

Plus importante sur un périmètre excluant les dépenses de personnel (« hors T2 », + 11,4 %), l'augmentation des CP du programme 151 résulte en particulier - et comme cela vient d'être évoqué - d'une hausse des dépenses au titre de l'action 01 - Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger dédiées aux opérations électorales en 2022 (élection présidentielles et élections législatives).

En effet, sur 11,4 points de pourcentage des crédits « hors T2 » entre 2021 et 2023, environ 9,3 points s'expliquent par la variation des dépenses engagées par l'administration centrale pour les élections et pour 4,2 points par celle des postes diplomatiques.

En parallèle et comme mentionné ci-avant, les dépenses de contentieux de visa contribuent pour 1,4 point à la variation des dépenses du programme ce qui s'explique par une « reprise » de l'activité d'octroi de visa au cours de l'année dans le contexte de levées de restrictions sanitaires aux voyages et déplacements.

L'évolution des dépenses d'aides sociales versées par les postes diplomatiques (- 7,8 millions d'euros) contribue, à l'inverse, à limiter la progression des dépenses du programme. Ce mouvement traduit une « normalisation » du montant des aides après des hausses significatives mises en oeuvre pendant la crise sanitaire pour soutenir les français établis hors de France.

Les interventions en matière sociale ont toutefois continué de progresser comme l'indique la hausse de 2,3 millions d'euros du financement des bourses scolaires de l'AEFE qui ont permis de soutenir les familles des élèves du système d'enseignement français à l'étranger.

Décomposition de l'évolution des crédits de paiement du programme 151
hors dépenses de personnel

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

b) Exécution

Le taux d'exécution des crédits de la mission s'élève à + 0,9 % en AE et + 1,2 % en CP. On constate, toutefois, que les crédits de
l'action 02 - Accès aux élèves français au réseau AEFE sont particulièrement sous-exécutés
(- 12,3 % en AE comme en CP). À l'inverse, les crédits de l'action 03 - Instruction des demandes de visas sont très sur-exécutés (+ 14,7 %).

En ce qui concerne les dépenses de l'action 02, le niveau de sous-consommation traduit la volonté de l'État de résorber la soulte de l'AEFE en l'incitant à mobiliser sa trésorerie pour financer les bourses scolaires.

S'agissant des sur-exécutions constatées au titre de l'action 03 - Instructions des demandes de visa, une part provient d'un montant de dépenses de rémunération plus important qu'anticipé mais, également, d'une reprise d'activité plus dynamique que prévue.

II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR VINCENT DELAHAYE

1. La soutenabilité du programme 105 a reposé au cours du précédent quinquennat sur une baisse des contributions obligatoires

La clôture de l'exercice 2022 est l'occasion pour le rapporteur spécial Vincent Delahaye de présenter une analyse de l'évolution des dépenses du programme 105 sur l'ensemble du quinquennat 2017-2022.

À cette fin, les développements suivants s'appuient sur les données du logiciel Chorus et sur une approche en « moyenne glissante » qui consiste à regarder les dépenses en tenant compte de celles engagées au cours des quatre années précédentes.

En effet, l'évolution de certains postes présente un caractère relativement erratique sur longue période - les crédits augmentent puis diminuent fortement d'un exercice à l'autre - qui ne permet que difficilement d'apprécier les priorités et les efforts de long terme du ministère. À l'inverse, une approche en moyenne glissante permet d'intégrer « le poids du passé » dans l'analyse des charges d'un programme.

Dans ce contexte, le rapporteur Vincent Delahaye observe que les dépenses du programme 105 ont diminué en moyenne sur la période 2017-2022 en crédit de paiements et hors titre 2 d'environ 1,6 %.

Évolution des crédits du programme 105 (hors dépenses de personnel)
depuis 2015

(en milliard d'euros)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les données CHORUS

Pour autant, il remarque que cette baisse s'explique pour 9,3 points de pourcentage par la contraction des dépenses engagées pour les opérations de maintien de la paix entre 2017 et 2022 et pour 1,2 point pour ce qui concerne les contributions internationales en euros et en devises.

Comme les rapporteurs l'avaient indiqué dans leur travail sur les contributions internationales publié en janvier 2022, le recul du poids de la France dans le revenu brut au niveau mondial s'est traduit par une baisse tendancielle des dépenses françaises en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix (OMP) et les contributions obligatoires.

Dès lors, le rapporteur Vincent Delahaye constate que les économies générées par la baisse des contributions obligatoires ont été « recyclées » au cours du quinquennat notamment pour alimenter les financements apportés aux contributions européennes (OSCE et FEP) mais également les dépenses immobilières, le fonctionnement du réseau ou, encore, le Centre de crise du ministère.

Décomposition de l'évolution en moyenne glissante des crédits de paiement
du programme 105 entre 2017 et 2022 (hors dépenses de personnel)

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les données CHORUS

Cette situation interroge car elle démontre que, finalement, si les contributions obligatoires n'avaient pas diminué en moyenne au cours du précédent quinquennat, les dépenses du programme 105 (« hors T2 ») auraient ainsi progressé très fortement.

Ainsi, le rapporteur conclue que les efforts de maitrise des dépenses du ministère ont reposé, en ce qui concerne le programme 105, sur des postes sur lesquels il n'a qu'une prise limitée ce qui constitue une pratique risquée.

2. Les dépenses de personnel continuent d'augmenter ce qui pose un risque pour la mission dans son ensemble

Le constat précédent alerte d'autant plus le rapporteur Vincent Delahaye que les dépenses de personnel de la mission n'apparaissent plus vraiment maitrisées. En 2022, elles atteignent 866,4 millions d'euros, en hausse de plus de 50 millions d'euros par rapport au précédent exercice.

Cette hausse résulte principalement de la mise en oeuvre de mesures générales et catégorielles nouvelles dans le cadre de l'agenda social du ministère (pour plus de 22 millions d'euros) ainsi que d'une hausse du coût des indemnités de résidence à l'étranger (IRE).

Décomposition des facteurs d'évolution des dépenses de personnel de la mission Action extérieure de l'État

(en millions d'euros)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme le rapporteur Vincent Delahaye l'avait indiqué lors de l'examen des crédits de la mission au projet de loi de finances initiale
pour 2023, les dépenses de personnel ont augmenté très sensiblement tout au long du dernier quinquennat que ce soit en valeur ou en volume une fois tenu compte de l'inflation.

Évolution en valeur et en volume des dépenses de personnel de la mission
Action extérieure de l'État

(en millions d'euros)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le ministère a, ainsi, abandonné au cours du quinquennat les objectifs de maitrise de la masse salariale qu'il s'était fixés dans le cadre d'Action Publique 2022 ce qui ne participe pas à rassurer quant à sa capacité à conduire des efforts de maitrise des dépenses.

En outre, le rapporteur Vincent Delahaye estime que la hausse du coût des indemnités de résidence à l'étranger en 2022 n'est pas acceptable. Comme l'ont montré les travaux conduits avec le rapporteur Rémi Féraud en 2020 sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères1(*), le montant final de l'indemnité s'éloigne trop fortement des règles prévues pour tenir objectivement compte de la situation des postes diplomatiques. En outre, ces indemnités ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu ce qui implique que l'État « paye deux fois » : la première pour l'indemnité, la seconde au titre du coût de l'exonération.

Le rapporteur Vincent Delahaye insiste sur la nécessité pour le ministère de mettre enfin en oeuvre une réforme de l'IRE permettant de la rendre plus objective et moins coûteuse pour les finances publiques.

B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR RÉMI FÉRAUD

1. Les ressources de l'AEFE diminuent en volume alors même que des objectifs ambitieux lui sont confiés

Le rapporteur Rémi Féraud observe que la subvention versée à l'AEFE a diminué en 2022 comparativement à 2021 alors même que l'inflation était très importante.

En outre, il rappelle que le ministère a fait le choix de ne pas verser l'intégralité des crédits ouverts au titre du programme 151 pour le financement des bourses scolaires afin d'inciter l'opérateur à réduire le niveau de sa soulte.

Il est vrai que les importantes ouvertures de crédits consenties dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 (100 millions d'euros au total ouverts au profit de l'AEFE) ont permis à l'établissement public de faire face et de consolider sa trésorerie.

Pour autant, le rapporteur estime que l'évolution des moyens de l'AEFE doit être resituée dans le temps long en tenant compte, notamment, de l'évolution du niveau de l'inflation.

Évolution de la subvention versée à l'AEFE depuis 2012

(en millions d'euros)

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En effet, en volume la subvention de l'AEFE se situe en 2022 à un niveau inférieur à celui constaté en 2016 tandis que les crédits votés pour l'année 2023 conduisent à la maintenir en volume par rapport aux résultats de l'année 2022.

Le rapporteur Rémi Féraud considère que l'opérateur ne pourra pas durablement remplir les objectifs qui lui ont été confiés de doubler les effectifs d'élèves inscrits dans le système français à l'étranger avec des ressources moins importantes en volume.

En outre, il observe que l'objectif de réduire la soulte apparait désormais atteint et que le ministère ne pourra pas, lors des prochains exercices, réduire les crédits mis à disposition de l'opérateur sans mettre en jeu sa capacité à offrir aux familles en difficulté les ressources nécessaires à la scolarisation de leurs enfants.

2. Vecteurs de la politique de coopération culturelle et scientifique, les établissements à autonomie financière voient leurs dépenses augmenter dans un contexte de change et d'inflation très défavorable

Le rapporteur Rémi Féraud constate que les dépenses des établissements à autonomie financière ont augmenté fortement en 2022 (+ 10,7 % soit une hausse de 23,5 millions d'euros).

Cette évolution traduit la pression qui pèse sur ces établissements qui assurent la mise en oeuvre de la politique de coopération culturelle et scientifique à l'étranger et qui sont confrontés, en 2022, à un double défi :

- celui de la levée progressive des mesures sanitaires qui implique un redémarrage de leurs activités dans des conditions adaptées ;

- celui de la dépréciation des changes et de la hausse des prix.

À cet égard, le rapporteur constate que les pertes aux changes ont représenté une dépense de l'ordre de 7,8 millions d'euros en 2022, en hausse de 4 millions d'euros d'après le rapport annuel de performance.

Dans le même temps, les salaires et rémunérations des agents locaux ont augmenté de près de 3,5 millions d'euros tandis que les honoraires des prestataires augmentaient d'un montant de 3,3 millions d'euros.

En parallèle, les recettes des établissements ont augmenté de seulement 9,9 millions d'euros ce qui conduit à renforcer le déficit agrégé des établissements à autonomie financière (EAF).

La situation pourrait s'aggraver en 2023 comme le rapporteur l'avait noté lors de l'examen des crédits de la mission au projet de loi de finances pour 2023 puisque l'inflation devrait continuer d'être particulièrement dynamique.

Le rapporteur appelle ainsi le ministère à une vigilance particulière afin d'assurer que la situation financière dégradée des établissements ne pèse pas sur leur capacité d'action.


* 1 Masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères : maîtriser la dépense en préservant la qualité du réseau, Rapport d'information n° 729 (2018-2019), déposé le 18 septembre 2019.