Rapport n° 515 (2021-2022) de Mme Sylviane NOËL , sénatrice et M. Bruno STUDER, député, fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 17 février 2022

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N° 5046


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

N° 515


SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 17 février 2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 février 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d' accès à internet ,

PAR M. Bruno STUDER,
Rapporteur,

Député

PAR Mme Sylviane NOËL,
Rapporteure,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, sénateur, présidente ; Mme Cathy Racon-Bouzon, députée, vice-présidente ; Mme Sylviane Noël, sénatrice, M. Bruno Studer, député, rapporteurs .

Membres titulaires : M. Yves Bouloux, Mme Amel Gacquerre, MM. Christian Redon-Sarrazy, Serge Mérillou, Bernard Buis, sénateurs ; Mmes Céline Calvez, Florence Provendier, M. Frédéric Reiss, Mmes Constance Le Grip, Maud Petit, députés.

Membres suppléants : MM. Michel Bonnus, Jean-Marc Boyer, Patrick Chaize, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Claude Tissot, Mme Maryse Carrère, M. Fabien Gay, sénateurs ; M. Pierre-Alain Raphan, Mmes Michèle Victory, Agnès Thill, M. Bertrand Pancher, députés.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

Première lecture : 4646 , 4893 et T.A. 755

Sénat :

Première lecture : 364 , 397 , 398 et T.A. 94 (2021-2022)
Commission mixte paritaire : 516 (2021-2022)

TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet se réunit au Sénat le jeudi 17 février 2022.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de Mme Sophie Primas, sénateur, présidente, de Mme Cathy Racon-Bouzon, députée, vice-présidente, de Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat, et de M. Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

Mme Sophie Primas , sénateur, présidente . - Je suis très heureuse d'accueillir la commission mixte paritaire (CMP) chargée de proposer un texte sur la proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet. Ce n'est pas souvent que nos deux commissions, la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale et la commission des affaires économiques du Sénat, travaillent ensemble, et je souhaite la bienvenue à nos collègues députés !

Je tiens à saluer l'esprit constructif et bienveillant dans lequel les débats parlementaires et la coopération entre nos deux commissions, et nos deux rapporteurs, se sont déroulés. Nous avons des habitudes de travail parfois différentes, des priorités parfois divergentes, des « historiques » de commission différents, mais nous avons su nous retrouver pour parvenir à une « mise à jour » utile et nécessaire de la législation applicable en matière de contrôle parental.

L'objectif premier et commun est de permettre une meilleure protection de la présence en ligne de nos enfants et de nos adolescents, dont la vie est de plus en plus virtuelle ; c'est cet objectif qui nous rassemble aujourd'hui.

Mme Cathy Racon-Bouzon, députée, vice-présidente . - Je vous remercie de nous accueillir pour cette commission mixte paritaire - plutôt inhabituelle en effet, entre nos deux commissions. La proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui, déposée en novembre dernier par M. Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, s'inscrit dans une réflexion plus large menée durant toute la législature au sein de notre commission sur les rapports que le jeune public entretient avec les nouveaux usages permis par le développement des technologies numériques.

Il s'agit d'un texte ramassé et spécifique, qui a été préparé pendant de nombreux mois afin de parvenir à un dispositif équilibré entre protection et responsabilisation, mais aussi entre prescription de contraintes et respect du droit français et européen de la concurrence.

En première lecture, le Sénat a modifié le texte sur plusieurs points pour réorienter et compléter le dispositif proposé. Nos rapporteurs ont ensuite travaillé en bonne intelligence afin de rapprocher au mieux, sur les dispositions restant en discussion, les positions de nos deux assemblées.

Je pense que nous partageons tous ici les objectifs poursuivis par cette proposition de loi. Je souhaite donc que nos échanges de ce matin nous permettent d'aboutir à un texte clair et équilibré, acceptable par nos deux assemblées et applicable par les acteurs industriels concernés.

M. Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale . - Je vous remercie de nous accueillir au sein de votre assemblée, surtout dans cette configuration originale. La commission des affaires culturelles de l'Assemblée a eu, jusqu'alors, peu d'échanges avec la commission des affaires économiques du Sénat. Et pourtant, nous traitons souvent, désormais, de sujets communs, notamment dans le domaine numérique, certes avec un angle différent, mais c'est précisément de cette différence que naît, je crois, la richesse de nos débats.

Ce sont ainsi nos différences d'approche qui ont permis d'enrichir le texte que j'ai déposé à l'automne dernier. Je tiens à remercier la rapporteure du Sénat, Mme Sylviane Noël, avec qui j'ai eu, au cours des dernières semaines, des échanges très constructifs. Si constructifs d'ailleurs que je crois que nous sommes à même de vous proposer aujourd'hui un texte commun.

Je ne reviendrai pas ici sur les apports du Sénat - ils sont nombreux, en ce qui concerne tant la protection des données personnelles des mineurs, dont nous avions esquissé le régime à l'Assemblée nationale, que la responsabilisation des fournisseurs de systèmes d'exploitation, qui, il est vrai, était absente du texte.

Je souhaiterais toutefois préciser l'intention du législateur sur la rédaction qui vous est aujourd'hui proposée.

J'évoquerai, tout d'abord, la responsabilité des fournisseurs de système d'exploitation : cette avancée, permise par le Sénat, a été retravaillée en commun afin de clarifier le partage des responsabilités entre le fabricant et le fournisseur du système d'exploitation, pour correspondre à la réalité des pratiques industrielles actuelles et futures.

Ainsi, lorsque le fabricant est aussi le fournisseur du système d'exploitation, il lui appartient d'intégrer un dispositif de contrôle parental à ses équipements terminaux. En revanche, lorsqu'il sous-traite entièrement cette tâche à un tiers, alors il semble logique que ce tiers soit responsable de l'intégration d'un tel dispositif. Il certifiera alors au fabricant que son système d'exploitation est conforme à la loi, à charge pour le fabricant de communiquer ce certificat aux autres acteurs de la chaîne économique.

J'en viens, ensuite, à la désinstallation du dispositif : certains ont pu se méprendre sur le sens à donner à la phrase complétée par le Sénat. Le fait de mentionner cette désinstallation, si elle rassure les férus d'informatique, ne conduit pas à la rendre obligatoire : le Digital Markets Act (DMA) le fera en temps voulu s'agissant de ceux qu'il est convenu d'appeler les « contrôleurs d'accès ». Seulement, lorsque la désinstallation est rendue possible par le fournisseur de système d'exploitation - qu'il y soit tenu par un règlement européen ou qu'il le permette de lui-même -, elle doit être gratuite pour l'utilisateur. Tel est l'objet de cette précision.

Enfin, s'agissant de l'exposition des enfants aux écrans, notion introduite par le Sénat dans le champ du décret en Conseil d'État, je n'y étais pas, de prime abord, favorable - je m'étais d'ailleurs opposé à des amendements sur ce sujet à l'Assemblée nationale. En effet, la question de la protection des mineurs à l'égard des contenus préjudiciables et celle de l'exposition aux écrans sont, pour moi, de nature différente et ne se recoupent qu'imparfaitement. Si j'entends que les parents utilisent aujourd'hui le contrôle parental principalement pour les fonctionnalités relatives à la limitation du temps d'écran, il ne m'a pas paru souhaitable, sur le plan juridique, d'en faire l'une des caractéristiques des dispositifs que nous souhaitons rendre obligatoires, sauf à risquer une disproportion manifeste entre l'objectif d'intérêt général recherché et l'atteinte à certaines normes européennes.

Néanmoins, je note que ce n'est pas ce qu'a fait le Sénat : dans sa sagesse, il a souhaité que les fabricants contribuent à la diffusion de l'information disponible sur les risques liés à l'exposition précoce des enfants aux écrans. Cela me semble faire reposer une obligation somme toute modérée et très utile sur les fabricants, dès lors que cela ne se traduit pas par un marquage de l'ensemble de leurs appareils vendus en France qui ne serait pas conforme au droit de l'Union européenne.

Au final, c'est donc un texte équilibré que nous vous proposons, qui a tenu compte des contraintes des entreprises, notamment celles qui souhaiteraient acquérir du matériel informatique sans système d'exploitation, tout en renforçant de façon significative la protection des mineurs sur internet.

Mme Sylviane Noël , rapporteure pour le Sénat . - Je tiens, à mon tour, à remercier M. Studer pour son esprit d'écoute et d'ouverture. Nous avons eu, ces derniers jours, des échanges constructifs et complémentaires nous permettant de vous proposer aujourd'hui un texte commun, qui permettra de renforcer l'usage du contrôle parental en France.

En tant que rapporteure pour la commission des affaires économiques, je m'étais fixé une feuille de route, qui a été tenue, ce dont je me félicite.

Premièrement, cette proposition de loi demeure mesurée et équilibrée. Elle permettra de mieux accompagner les familles, sans s'immiscer de façon excessive dans la relation intime qui lie les enfants à leurs parents.

Deuxièmement, elle me semble adaptée aux pratiques numériques de nos enfants et de nos adolescents, en ciblant une grande diversité d'appareils qui permettent d'accéder à internet : smartphones, tablettes, ordinateurs, consoles de jeux vidéo et certains objets connectés. Le périmètre des appareils concernés tel que défini par l'Assemblée nationale, en incluant les appareils reconditionnés, était de ce point de vue très pertinent.

Troisièmement, elle est applicable à l'état actuel du marché et prend en compte les évolutions à anticiper, notamment au regard des discussions actuelles à l'échelle de l'Union européenne. C'est pourquoi la responsabilisation des fournisseurs de systèmes d'exploitation était une priorité du Sénat.

Quand nous parlons de contrôle parental, il ne faut pas oublier qu'il s'agit avant tout d'une fonctionnalité logicielle, et non d'un composant électronique. Nous avons travaillé à une rédaction commune qui permet de prendre en compte la diversité des modèles économiques, notamment la situation où les fabricants sont aussi fournisseurs de systèmes d'exploitation. Nous ne privilégions pas un modèle économique plutôt qu'un autre. Nous souhaitons simplement que ceux qui éditent les logiciels et les dispositifs de contrôle parental soient responsabilisés et que les responsabilités de chaque acteur soient bien identifiées : c'est indispensable pour que cette proposition de loi soit pleinement opérationnelle.

Face aux craintes de certains acteurs - et il y a eu beaucoup de fausses informations sur ce sujet -, le Sénat a introduit explicitement dans le débat la question de la commercialisation des équipements sans système d'exploitation. La rédaction travaillée avec l'Assemblée nationale nous permet de clarifier utilement ce point et d'éviter tout effet de bord indésiré : cette commercialisation demeure possible. Poser la question était nécessaire et la précision apportée est utile.

Sur la question de la désinstallation, là encore, le Sénat a introduit explicitement dans le débat un sujet qui avait été écarté. Il s'agit de trouver un équilibre entre les contraintes des acteurs économiques et la nécessité de faire progresser les droits des utilisateurs. La désinstallation doit être gratuite pour l'utilisateur lorsqu'elle est techniquement possible, ce qui n'est pas toujours le cas, notamment lorsque le contrôle parental est directement intégré dans les paramètres.

Quatrièmement, ce texte permet de nouvelles avancées pour la protection de la présence en ligne de nos enfants et de nos adolescents.

D'une part, le Sénat a élargi le périmètre des contenus susceptibles de faire l'objet d'un contrôle parental, en retenant la notion d'« épanouissement » des personnes mineures. Un contrôle parental élargi, c'est davantage d'enfants et d'adolescents protégés. C'est notre objectif principal.

D'autre part, le Sénat a renforcé la protection des données à caractère personnel des personnes mineures. C'était un oubli du texte qui nous a été transmis. Le sujet est pourtant central quand nous constatons que nos enfants et nos adolescents naviguent de plus en plus jeunes et de façon de plus en plus autonome sur internet, sans toujours être conscients de ce qu'ils acceptent ou consentent.

Je me félicite que ces deux dispositions importantes pour la protection de l'enfance et de l'adolescence demeurent inchangées.

Enfin, l'article 3 bis , introduit par le Sénat, n'a pas été modifié : il conditionne l'entrée en vigueur du texte à la réponse de la Commission européenne attestant de sa conformité avec le droit de l'Union. À l'issue de cette CMP, le texte final sera de nouveau notifié à la Commission européenne. Dès l'examen en commission des affaires économiques au Sénat, nous avions émis de sérieuses réserves quant à la compatibilité du dispositif proposé avec le bon fonctionnement du marché intérieur. Cette précaution était essentielle. Elle nous sécurise juridiquement et nous permet de légiférer sereinement.

M. Frédéric Reiss, député. - Nos rapporteurs ont réalisé un travail remarquable. La question centrale est bien celle de l'applicabilité de la loi et de sa conformité avec le droit européen. Nous avions adopté ce texte à l'unanimité en commission à l'Assemblée nationale, ce qui n'arrive pas souvent. Je me félicite des échanges avec le Sénat qui ont été productifs.

Article 1 er

M. Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale . - Cet article a fait l'objet de nombreux échanges. Nous avons précisé les principales modifications apportées et notre intention de législateur dans nos discours respectifs. La rédaction que nous vous proposons conserve les apports du Sénat.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 3 bis (nouveau)

M. Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale . - Là encore, je tiens à saluer le travail du Sénat. Il est important que la Commission européenne apprécie la conformité du texte avec le droit européen.

L'article 3 bis est adopté dans la rédaction du Sénat.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet.

Mme Sophie Primas , sénateur, présidente . - À l'unanimité !

M. Bruno Studer, rapporteur pour l'Assemblée nationale . - C'est un petit texte, mais aux enjeux importants. Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord.

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