II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Un accompagnement des mouvements sportif et associatif face à la crise sanitaire qui ne doit pas occulter les difficultés structurelles auxquelles ils font face

La crise sanitaire a heurté de plein fouet le monde sportif comme le mouvement associatif . La « distanciation sociale » requise pour contenir la propagation de l'épidémie s'inscrit à rebours des objectifs qu'ils poursuivent.

Face à cette situation, les structures qui les animent ont pu recourir aux principaux outils généraux de soutien rapidement mis en place : le prêt garanti par l'État, le fonds de solidarité, la prise en charge de l'activité partielle et les annulations de cotisations sociales.

Généraux et parfois complexes à actionner pour des structures reposant souvent sur la seule ressource du bénévolat, ces dispositifs ont toutefois dû être complétés pour tenir compte de la spécificité du mouvement sportif et associatif.

Pour cela, divers mécanismes budgétaires ont été actionnés, du redéploiement de lignes budgétaires rendues caduques par la situation sanitaire - à l'instar du SNU - à l'ouverture de crédits supplémentaires à l'occasion des lois de finances rectificatives successives.

Au titre du soutien au mouvement sportif, deux dispositifs ont plus particulièrement été mobilisés en 2020 :

- une aide d'urgence pour les associations les plus en difficulté , financées par l'Agence nationale du sport à hauteur de 15 millions d'euros , prenant par exemple la forme d'aides ponctuelles à l'emploi de jeunes ou d'organisation de séjours sportifs au cours des vacances scolaires, bénéficiant notamment aux associations non employeuses ;

- une compensation des pertes de recettes de billetterie des clubs sportifs professionnels , à hauteur de 107 millions d'euros , reconduite au premier semestre 2021, dont les crédits n'ont toutefois pas été décaissés en 2020.

S'agissant de la vie associative et de la jeunesse, deux leviers ont été actionnés :

- de façon générale, le dispositif des « vacances apprenantes » au cours de l'été 2020 s'est traduit, d'une part, par la labellisation de « colos apprenantes », conçues comme une réponse au confinement des élèves et dotées de 102 millions d'euros - dont 20 millions d'euros portés par le programme 163 - et, d'autre part, par une aide aux accueils de loisirs sans hébergement d'un montant de 30 millions d'euros, afin de mettre aux organisateurs de proposer des activités éducatives complémentaires ;

- une aide de 15 millions d'euros aux associations gestionnaires de centres et organisatrices de colonies de vacances et de séjour de découvertes.

De l'avis général , les « vacances apprenantes » ont rencontré un réel succès , conduisant à la reconduction du dispositif en 2021, sans qu'une ligne budgétaire ne soit identifiée à ce stade.

2. Un indispensable soutien à l'engagement de la jeunesse à mieux prévoir et articuler
a) Le service civique, un succès à l'épreuve du plan de relance

Du point de vue budgétaire, la mission est marquée depuis plusieurs années par la montée en puissance du service civique .

L'année 2020 devait permettre l'entrée du service civique en phase de maturité , avec une stabilisation concomitante du nombre de jeunes effectuant une mission autour de 145 000 et du coût du dispositif à plus de 500 millions d'euros.

Une telle étape venait consacrer le succès du dispositif , dix ans après sa création et cinq ans après son universalisation décidée par l'ancien Président de la République François Hollande afin de réaffirmer la cohésion et l'engagement de notre jeunesse dans le terrible contexte des attentats terroristes ayant ensanglanté notre pays.

D'un point de vue budgétaire, elle devait se traduire par une meilleure prévision de la subvention à verser à l'Agence du service civique , après une phase heurtée ayant nécessité un abondement lors du schéma de fin de gestion.

Toutefois, en pratique, l'exécution 2020 a été marquée par deux difficultés :

- d'abord, les mesures de restriction prises pour endiguer la propagation du virus ont réduit les entrées en mission de service civique , avec une baisse de 40 % des contrats validés entre janvier et mai 2020 par rapport aux objectifs fixés ;

- ensuite, la mobilisation du service civique comme réponse aux conséquences de la crise, avec l'annonce du président de la République d'un objectif de 100 000 missions supplémentaires en 2020 et 2021 , dont 20 000 missions dès septembre 2020 et 80 000 à compter de 2021, portant ainsi la cible pour 2020 à 165 000 jeunes en mission de service civique.

Cet objectif s'est traduit, au plan budgétaire, par un dégel de l'intégralité de la réserve de précaution, pour un montant de 21,3 millions d'euros.

Pour autant, la prolongation de la crise sanitaire ainsi que les difficultés de trouver des missions dans un temps resserré n'ont pas permis d'atteindre l'objectif pour 2020, avec finalement 131 120 jeunes ayant effectué une mission de service civique.

Il en résulte un gonflement marqué de la trésorerie de l'Agence du service civique (69,4 millions d'euros) en exécution pour 2020.

Or le service civique constitue l'un des axes forts promus par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance , selon une imputation budgétaire que le rapporteur spécial a critiquée lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.

Les objectifs assignés sont résolument volontaristes, puisqu'il est envisagé de porter à 250 000 le nombre de jeunes effectuant une mission de service civique.

Cette cible soulève deux questions :

- d'une part, sur la capacité d'absorption des missions de service civique supplémentaires sans rogner sur la qualité des missions proposées, au risque de convertir un outil d'engagement de la jeunesse en un dispositif de traitement social du chômage des jeunes ;

- d'autre part, sur la budgétisation et la consommation des crédits.

b) Le service national universel, une dérive des coûts à enrayer et une interrogation sur l'opportunité de poursuivre sa généralisation

Le déploiement progressif du service national universel (SNU) devait initialement connaître une nouvelle phase en 2020, avec un objectif de 20 000 jeunes effectuant un séjour de cohésion.

À l'exception de la Nouvelle-Calédonie, aucun séjour de cohésion n'a cependant pu se dérouler en 2020 compte tenu des restrictions sanitaires. Si les crédits prévus à cet effet ont pu être utilement réalloués, la prévision du coût du dispositif n'est pas sans soulever des difficultés.

La comparaison des prévisions 2020 et 2021 est particulièrement éclairante : alors que l'objectif a été porté de 20 000 à 25 000 jeunes entre les deux exercices (+ 25 %), les crédits alloués ont été multipliés par plus de deux , passant de près de 30 millions d'euros à 62,3 millions d'euros.

Le risque budgétaire avait d'ailleurs été identifié dès le début de l'exécution 2020 par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM). Comme le relève la Cour des comptes, « sur le programme 163, le CBCM a émis le 4 février 2020 un avis favorable avec une réserve relative à un risque budgétaire identifié sur le dispositif du SNU . En effet, la programmation des crédits en LFI était basée sur un objectif d'accueil de 20 000 jeunes lors du séjour de cohésion de quinze jours sur la base d'un coût unitaire de l'ordre de 1 400 euros. Compte tenu de nouvelles directives gouvernementales qui ont entretemps porté cet objectif à 30 000 jeunes et d'une nouvelle estimation du coût par jeune de 2 500 euros, le CBCM a identifié une impasse de 47 millions d'euros » 7 ( * ) .

Dans ces conditions, le rapporteur spécial s'interroge à deux points de vue :

- d'une part, sur la sincérité de la prévision initiale présentée au Parlement en amont de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 ;

- d'autre part, sur la capacité des finances publiques à supporter un service national universel généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge de 800 000 jeunes, ce qui signifierait un coût complet du dispositif en fonctionnement de 1,76 milliard d'euros.

En dépit de l'absence de consommation effective au titre du SNU en 2020, le rapporteur spécial y voit donc une alerte majeure sur la soutenabilité du déploiement de ce dispositif.

3. Une soutenabilité du financement des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 à assurer

Selon la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo), la crise sanitaire n'aura entraîné aucun retard dans la préparation des infrastructures prévues pour l'accueil des Olympiades de 2024.

Cette appréciation doit toutefois être rapportée à la maquette de performance proposée en 2020 pour programme 350, dont l'indicateur 1.1 porte en particulier sur « le taux d'opérations ayant atteint un jalon essentiel dans le processus de livraison des ouvrages olympiques ». En effet, les réalisations pour 2020 contrastent avec la prévision retenue :

- 90 % des opérations devaient avoir atteint le jalon de notification du marché (marchés globaux) ou de validation de l'avant-projet détaillé, ratio finalement non renseigné en exécution ;

- 30 % des opérations devaient avoir atteint le jalon de lancement des travaux, proportion finalement ramenée à 12,9 % en exécution .

À défaut de retards dans la progression des travaux, ces éléments témoignent à tout le moins d'une maquette de performance inappropriée , ce qui nuit aux pouvoirs de contrôle du Parlement sur une action représentant tout de même un montant total cumulé de près d'un milliard d'euros.

Surtout, la crise sanitaire devrait participer à la hausse des coûts de travaux attendue par la Solidéo . Qualifié d' « assez substantiel » , ce renchérissement s'opère « sous le triple effet de l'actualisation des coûts sous l'effet de l'inflation, des fortes tensions sur le marché de la construction en Île-de-France actuellement et, dans une moindre mesure, de l'impact de la crise sanitaire sur les chantiers de travaux » 8 ( * ) .

Ces trois facteurs de dynamisme des coûts ont d'ailleurs justifié l'élaboration d'une nouvelle maquette financière , adoptée par le conseil d'administration de la Solidéo le 13 octobre 2020, afin d'être en mesure de respecter l'enveloppe initialement prévue, sur la base de la revue de projet olympique validée par le conseil d'administration de Paris 2024 le 30 septembre 2020.

Certains postes ont fait l'objet d'économies, comme l'échelonnement en deux phases de la réalisation des logements dans le cadre de l'opération de construction du village des médias. Mais s'ajoutent aussi des sorties de certains postes de la maquette financière de la Solidéo pour être directement pris en charge par l'État - sans qu'il en résulte donc une économie - comme pour les centres de préparation aux Jeux.

Compte tenu des surcoûts par ailleurs enregistrés, la progression nette de l'enveloppe totale s'élève à plus de 2 %.

Surtout, cette enveloppe n'intègre toujours pas le surcoût lié à l'actualisation de la maquette , définie en euros de 2016. Une « clause de revoyure », prévue pour 2021, doit conduire les financeurs publics à actualiser leur participation. Selon la Solidéo, un accord devrait être conclu lors d'un conseil d'administration courant juillet 2021.

Dans un référé consacré à la gouvernance financière et budgétaire des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 publié le 9 avril dernier, la Cour des comptes a rappelé cet enjeu, soulignant qu'« à ce stade, l'augmentation globale de 12 % de la maquette financière ne comprend ni le coût prévisionnel de la crise Covid sur les travaux (environ 40 millions d'euros), ni le coût final du phasage de l'opération du village des médias au-delà de 2024. Surtout, la maquette financière n'intègre toujours pas, en dépenses comme en recettes, l'indexation des coûts de la construction, estimée à 190 millions d'euros » 9 ( * ) .

Le projet de loi de finances pour 2022 devra être l'occasion d'apporter au Parlement les indispensables précisions sur la maquette financière définitive des Olympiques de 2024 et le montant de la contribution de l'État.


* 7 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2020, p. 18.

* 8 Réponse au questionnaire budgétaire du PLF 2021.

* 9 Cour des comptes, référé du 9 avril 2021 concernant la gouvernance financière et budgétaire des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, p. 3.

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