III. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES » CONTINUE DE SOUFFRIR DE PROBLÈMES STRUCTURELS, AGGRAVÉS POUR PARTIE SEULEMENT PAR LA CRISE SANITAIRE ET ÉCONOMIQUE

Au mois de janvier 2021, les rapporteurs spéciaux ont décidé de conduire un contrôle budgétaire sur les projets financés par les crédits de la mission « Action et transformation publiques » . Leurs résultats et conclusions sont repris ci-après, en parallèle de la présentation de l'exécution des crédits pour l'année 2020.

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2020 EST UNE NOUVELLE FOIS MARQUÉE PAR DE FORTES SOUS-CONSOMMATIONS

1. Des sous-consommations persistantes, dues pour partie seulement à la crise sanitaire en 2020

Le périmètre de la mission évoluant au 1 er janvier 2021, pour intégrer le programme 148 « Fonction publique » auparavant rattaché à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », l'exercice 2020 est le dernier reprenant l'organisation de la mission « Action et transformation publiques », avec quatre programmes :

- le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » , qui est doté d'un milliard d'euros sur cinq ans et placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE). Parmi les 56 cités administratives que compte l'État, 39 ont été sélectionnées pour bénéficier soit d'une rénovation lourde (35 cités), soit d'une reconstruction (4 cités) ;

- le programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » (FTAP), qui est doté de 700 millions d'euros sur cinq ans et placé sous la responsabilité de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Instauré en 2018, il vise à financer des projets de transformations structurelles générant des gains d'efficience de la dépense publique, selon le principe qu'un euro investi doit conduire à un euro d'économie pérenne au bout de trois ans ;

- le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines » (FAIRH), qui a été institué par la loi de finances initiale pour 2019 et qui est placé sous l'autorité de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DAGFP). Il vise à financer une partie des coûts de transition induits par la mise en oeuvre de réformes structurelles dans le domaine des ressources humaines. Il vient ainsi soutenir la mise en place d'actions de formation, de valorisation des compétences et d'indemnisation des agents, afin de faciliter les mobilités au sein de la fonction publique ou les départs vers le secteur privé ;

- le programme 352 « Fonds pour l'accélération des start-ups d'État » , qui a également été créé par la loi de finances initiale pour 2019 et qui est placé sous la responsabilité de la direction interministérielle du numérique (Dinum). Il porte les crédits destinés à financer l'émergence et le développement de produits et services numériques innovants pour moderniser l'État et les services publics. Il participe également au cofinancement des recrutements dans le cadre du programme entrepreneurs d'intérêt général (EIG).

a) L'exercice 2020 est marqué par une sous-consommation importante des crédits ouverts sur la mission

Sur le périmètre de la mission, le montant des autorisations d'engagement (AE) consommées en 2020 s'élève à 327,3 millions d'euros , soit une hausse de près de 97 % par rapport à l'exécution 2019 . Toutefois, ce montant reste très en deçà du total des AE disponibles pour 2020, qui atteignait 1 473 millions d'euros, en raison de reports de crédits répétés sur les exercices précédents.

Le montant des crédits de paiement (CP) consommés s'élève quant à lui à 113,1 millions d'euros en 2020. Si ce montant est en hausse
de 103,9 %
par rapport en 2019 , il est largement inférieur au montant des crédits autorisés en loi de finances initiale, qui atteignait 434,8 millions d'euros, et reste en deçà des montants disponibles au titre de l'année 2020 (143,2 millions d'euros) .

Exécution par programme des crédits de la mission « Action et transformation publiques » en 2020

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2019

LFI 2020

Crédits disponibles

Exécution 2020

Exécution 2020/ Exécution 2019

Exécution 2020/ LFI 2020

[348] Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants

AE

93,46

80,00

903,91

165,71

77,30 %

107,13 %

CP

11,89

168,00

40,77

34,95

193,88 %

- 79,19 %

[349] Fonds pour la transformation de l'action publique

AE

65,33

200,00

544,52

151,90

132,50 %

- 24,05 %

CP

37,60

205,61

75,96

71,91

91,26 %

- 65,03 %

[351] Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines

AE

0,00

50,00

13,51

0,00

CP

0,00

50,00

13,51

0,00

[352] Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État

AE

7,36

13,20

10,70

9,65

31,18 %

- 26,89 %

CP

5,97

9,20

12,96

6,22

4,14 %

- 32,40 %

Total

AE

166,15

343,20

1 472,65

327,25

96,97 %

- 4,65 %

CP

55,46

432,81

143,2

113,08

103,89 %

- 73,87 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'exercice 2020 ne fait donc pas exception aux sous-consommations de crédits sur la mission , déjà soulignées par les rapporteurs spéciaux lors des exercices 2018 et 2019. Comme le relève la Cour des comptes, la mission « Action et transformation publiques » est celle pour laquelle le taux de sous-exécution des dépenses d'investissement est le plus élevé (- 83,1 %), loin devant la Justice (- 34,4 %) et l'Écologie (- 23,1 %) 34 ( * ) .

Ces sous-consommations ont conduit à d' importantes annulations de crédits en cours de gestion (39,96 millions d'euros annulés en AE
et 323,5 millions d'euros en CP).

Récapitulatif des mouvements de crédits intervenus sur la mission « Action et transformation publiques » pour l'exercice 2020

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'exécution ayant été à nouveau largement en deçà du niveau des crédits autorisés et votés par le Parlement et les crédits de la mission ayant subi des annulations de grande ampleur, le montant des crédits consommés en 2020 est bien inférieur au plafond inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 35 ( * ) pour la mission « Action et transformation publiques » (113,1 millions d'euros en CP contre 550 millions d'euros).

b) La sous-consommation observée sur 2020 ne peut être expliquée qu'en partie par la crise sanitaire

Lors de l'audition du cabinet de la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, le ministère a mis en avant les conséquences de la crise sanitaire afin d'expliquer la persistance des sous-consommations de crédits sur la mission. La crise sanitaire aurait à la fois conduit à geler certains projets et à reléguer la transformation de l'action publique au second rang des priorités gouvernementales.

Pour les rapporteurs spéciaux, cette explication demeure toutefois insatisfaisante puisqu'elle tend à masquer le fait que ces
sous-consommations sont constatées d'année en année, depuis la création de la mission en 2018
. Ainsi, s'ils reconnaissent que la crise sanitaire a sans aucun doute bouleversé le calendrier de certains projets, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il ne s'agit pas là d'un facteur d'explication de nature à ôter toute responsabilité aux gestionnaires des programmes. A contrario , les difficultés de la mission sont avant tout structurelles.

2. Un manque de cohérence des programmes de la mission

La mission « Action et transformations publiques », créée en loi de finances initiale pour 2018 avec l'objectif d'être temporaire, regroupe désormais quatre programmes hétérogènes, poursuivant chacun un objectif bien différent : la rénovation architecturale et énergétique pour le programme 348, l'accompagnement de la transformation de l'action publique pour le programme 349, les ressources humaines pour le programme 351 et le développement numérique de l'État pour le programme 352.

Les différences en termes de montant des crédits alloués interrogent également l'équilibre de cette mission budgétaire : le programme 348 s'est vu attribuer près d'un milliard d'euros sur la période 2018-2022, quand le programme 352 présente un volume de crédits annuel de l'ordre d'une dizaine de millions d'euros.

Les rapporteurs spéciaux ont plusieurs fois exprimé leur scepticisme quant au choix du Gouvernement de créer des programmes ad hoc pour poursuivre ces objectifs . Ils estiment que cette décision relève peut-être davantage de l'effet de communication que de la recherche de l'efficience et de la cohérence budgétaires , en témoignent les difficultés constatées chaque année. Le seul point commun de ces programmes réside en effet dans la sélection de projets , un processus innovant qui ne pourrait qu'être salué par les rapporteurs spéciaux s'il avait été mené à bien. Or, bien au contraire, retards et problèmes de contractualisation avec les porteurs de projets ont été récurrents ces trois dernières années (cf. infra ). Le temps de latence est encore trop long entre la phase de sélection du projet, la contractualisation, le déblocage des crédits et, in fine , le lancement du projet.

Ces sous-consommations, ces problèmes de cohérence et la difficulté à percevoir les progrès effectivement réalisés grâce aux programmes de la mission ont conduit les rapporteurs spéciaux, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, à déposer un amendement d'appel visant à annuler 75 % des crédits sur les programmes 348, 349 et 351. S'ils l'avaient retiré après avoir entendu les explications du Gouvernement, qui promettait une traduction rapide et concrète des crédits proposés à l'autorisation du Parlement , force est de constater que l'exécution 2020 a relancé leurs craintes . Par ailleurs, ces retards, en plus du changement de périmètre de la mission à compter du 1 er janvier 2021, qui s'accompagne d'un changement de dénomination (mission « Transformation et fonction publiques ») et reprend le périmètre du ministère éponyme, interrogent sur la pérennisation de ces programmes au-delà de 2022 .

C'est pour l'ensemble de ces raisons que les rapporteurs spéciaux ont décidé de proposer à la commission des finances de mener un travail de contrôle sur cette mission et sur les projets qu'elle finance .


* 34 Selon les données inscrites dans le « Rapport sur le budget de l'État en 2020 » de la Cour des comptes, avril 2021.

* 35 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 .

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