C. UN RÔLE AMENÉ À CROÎTRE, QUI DOIT S'ACCOMPAGNER DES MOYENS NÉCESSAIRES À LA MISE EN oeUVRE D'UNE GOUVERNANCE CLIMATIQUE EFFECTIVE

1. Des sollicitations croissantes

Dans un contexte de prise de conscience des enjeux climatiques, le Haut Conseil pour le climat fait face à des sollicitations et à des attentes croissantes de la part du Gouvernement, du Parlement ainsi que de la société civile.

Le Haut Conseil s'était ainsi retrouvé au centre des débats qu'avait suscités, début 2020, la question de l' impact environnemental de la 5G . Formellement saisi par le Président du Sénat au mois de mars en vue d'obtenir une expertise détaillée sur le sujet, le Haut Conseil n'avait cependant pas été en mesure de rendre son rapport avant le mois de décembre, soit trois mois après le début du processus d'attribution des fréquences 5G. La présidente du Haut Conseil, Corinne Le Quéré, s'en était expliquée dans un courrier adressé au président Larcher, ainsi que devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable 5 ( * ) , évoquant des ressources humaines insuffisantes .

Plus généralement, faute de disposer des moyens nécessaires, le Haut Conseil a également été contraint de laisser de côté des sujets essentiels relevant de sa compétence, tels que l'hydrogène ou les puits de carbone .

S'il ne dispose pas des moyens suffisants pour remplir ses missions actuelles, il en va de même -et a fortiori - s'agissant des nouvelles missions d'évaluation que confie progressivement le législateur au Haut Conseil. Dans le cadre de l'examen du projet de loi climat et résilience en première lecture, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a ainsi proposé de confier au Haut Conseil pour le climat une mission d'évaluation annuelle de la mise en oeuvre du projet de loi climat et résilience 6 ( * ) .

Le rapporteur spécial soutient cette position, dans la mesure où une telle évaluation doit d'une part être confiée à un organisme public indépendant, et d'autre part reposer sur des éléments scientifiques solides - à savoir un chiffrage précis de l'impact de ces mesures sur les émissions de gaz à effet de serre. Or, à l'heure actuelle, seul le Haut Conseil pour le climat semble remplir ces deux conditions aux yeux du rapporteur spécial. Au-delà du seul projet de loi climat, il considère que l'expertise reconnue du Haut Conseil mériterait d'être plus largement mise à profit dans l'évaluation des lois et de leur impact climatique, qu'il soit positif ou négatif.

Le rapporteur déplore par ailleurs que l'évaluation ex ante de l'impact carbone du projet de loi climat et résilience ait été confiée par l'exécutif à un cabinet de conseil international plutôt qu'au Haut Conseil pour le climat. Le manque de moyens du Haut Conseil ne saurait en effet justifier le recours à des organismes dont l'indépendance peut être remise en question.

2. Des moyens à renforcer

Afin de lui permettre de mener à bien tant ses missions actuelles que celles à venir, le rapporteur spécial considère que les moyens du Haut Conseil doivent être substantiellement renforcés à court terme.

Le Haut Conseil dispose en effet, depuis sa mise en place en 2019, d'un secrétariat de 6 ETP, ce qui le situe en-deçà de la moyenne des autres pays européens disposant d'organismes publics similaires dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. À titre de comparaison, son équivalent britannique , le Climate Change Committee , dispose ainsi d'un nombre d'agents permanents et d'un budget cinq à six fois plus élevés .

Comparaison des moyens du Haut Conseil pour le climat
avec ses équivalents européens (structure et missions similaires)

Pays

Nombre de membres (experts)

Nombre de personnels administratifs (secrétariat)

Budget annuel

Royaume-Uni

9

35

3 à 4 millions d'euros

Danemark

9

> 20

1 à 2 millions d'euros

Finlande

15

5

0,5 à 1 million d'euros

France

13

6

0,5 à 1 million d'euros

Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial recommande donc que les moyens du Haut Conseil pour le climat soient renforcés à hauteur d'une dizaine d'ETP dès 2022 et proposera, le cas échéant, un amendement en ce sens dans le cadre de l'examen du prochain projet de loi de finances . Cette hausse permettrait ainsi d'atteindre un total de 16 ETP en 2022 , l'objectif à moyen terme devant être, à ses yeux, de parvenir à un total de 24 ETP en 2023 ou 2024 .

Afin d'évaluer au mieux les gains que doit permettre ce renforcement, il propose en outre la création d'un indicateur de performance, présenté dans les documents budgétaires , relatif au délai moyen de publication des avis du Haut Conseil pour le climat .

Sur le long terme, il conviendra enfin de veiller à consolider la place du Haut Conseil pour le climat dans le paysage institutionnel, en assurant son autonomie fonctionnelle et budgétaire . Dans cette perspective, le rapporteur suggère qu'une réflexion soit engagée sur l'opportunité d' octroyer au Haut Conseil le statut d'autorité administrative indépendante .

LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Axe n° 1 - Renforcer le recours à l'expertise du Haut Conseil pour le climat dans l'évaluation ex ante et ex post de l'impact climatique des lois.

Axe n° 2 - Afin de lui permettre d'exercer pleinement ses missions, renforcer substantiellement les moyens humains du Haut Conseil pour le climat, à hauteur de +10 ETP en 2022 et de +8 ETP en 2023-2024.

Axe n° 3 - Afin de mieux rendre compte de la performance du Haut Conseil pour le climat, élaborer un indicateur de performance, présenté dans les documents budgétaires, retraçant le délai moyen de publication des avis du Haut Conseil.

Axe n° 4 - Engager une réflexion sur l'opportunité d'octroyer le statut d'autorité administrative indépendante au Haut Conseil pour le climat, afin de le doter d'une autonomie fonctionnelle et budgétaire effective et de garantir sur le long terme sa présence dans le paysage institutionnel.


* 5 Voir le compte-rendu de l'audition du 20 janvier 2021 : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20210118/devdur.html#toc3.

* 6 http://www.senat.fr/amendements/commissions/2020-2021/551/Amdt_COM-36.html.

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