CAS « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT »

m. victorin lurel, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 591

1. Une comparaison de l'exécution à la prévision impossible 591

2. Des recettes en légère hausse en 2019, dont les deux tiers proviennent de la privatisation de la Française des jeux 592

3. Des dividendes qui poursuivent leur baisse en 2019, avant une très forte diminution attendue en 2020 592

4. Des dépenses réduites à un montant très faible en 2019 593

5. Un solde du compte fortement excédentaire en 2019 en raison d'un décalage de trésorerie 594

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 596

1. Une performance dégradée du portefeuille coté de l'État actionnaire en 2019, à rebours des sommets atteints par les marchés actions 596

2. La privatisation de la Française des jeux : un succès populaire à nuancer, mais une « poule aux oeufs d'or » pour les commissionnaires de l'État actionnaire 597

3. Le fonds pour l'innovation et l'industrie : le maquillage effacé, la réalité d'un mécanisme inutile se dévoile 598

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

1. Une comparaison de l'exécution à la prévision impossible

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » constitue le support budgétaire des opérations conduites par l'État en tant qu'actionnaire , via l'Agence des participations de l'État (APE).

Ses caractéristiques sont les suivantes :

- en recettes, il retrace à titre principal les produits des cessions de participations conduites par l'État actionnaire ;

- en dépenses, il a pour objet de financer de nouvelles prises de participation 253 ( * ) et de contribuer au désendettement de l'État 254 ( * ) .

Pour des raisons de confidentialité et d'opportunité parfaitement compréhensibles, le Gouvernement refuse toutefois de s'engager sur un montant de cessions pour l'année à venir. Comme chaque année, le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019 indiquait ainsi que « pour des raisons de confidentialité, inhérentes notamment à la réalisation de cessions de titres de sociétés cotées, il n'est pas possible au stade de l'élaboration du projet de loi de finances de détailler la nature des cessions envisagées. La stratégie de cession dépend en effet très largement de la situation des marchés, très difficile à anticiper, des projets stratégiques des entreprises intéressées, de l'évolution de leurs alliances ainsi que des orientations industrielles retenues par le Gouvernement. Dans ce contexte, le responsable du programme évalue les opportunités, en ligne avec les lignes directrices de l'État actionnaire, et peut proposer au ministre de réaliser une opération ».

De ce fait, le compte spécial présente une particularité : de façon traditionnelle, la prévision de la loi de finances initiale est définie à l'équilibre, avec un montant équivalent de recettes et de dépenses, fixé conventionnellement à cinq milliards d'euros.

À cet égard, la loi de finances pour 2019 a dérogé à la convention : si le compte était bien proposé à l'équilibre, les montants inscrits ont été portés à 10 milliards d'euros en recettes comme en dépenses. Ce doublement procède d'une démarche conventionnelle 255 ( * ) pour tenir compte des privatisations envisagées et de l'utilisation des recettes afin de compléter la dotation en numéraire du fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

De fait, cette spécificité rend peu pertinente la comparaison de l'exécution à la prévision.

2. Des recettes en légère hausse en 2019, dont les deux tiers proviennent de la privatisation de la Française des jeux

Pour l'exercice 2019, le total des recettes s'élève à 2,8 milliards d'euros, un montant légèrement supérieur à celui enregistré en 2018 , comme le détaille le tableau ci-après.

Parmi ces recettes, plus des deux tiers résultent de la cession au secteur privé de 50 % du capital de la Française des jeux , pour un montant de 1,89 milliard d'euros .

Par rapport au choix du Gouvernement de doubler les montants inscrits en prévision, la stabilité relative des recettes constatées s'explique par la suspension du projet de privatisation d'Aéroports de Paris dans le cadre du dépôt, en application de l'article 11 de la Constitution, de la proposition de loi présentée le 10 avril 2019 et cosignée par 248 députés afin d'affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aéroports de Paris.

Évolution des recettes du compte spécial entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

2018

2019

Cessions

1 433,8

1 989,6

Reversement de produits

21,0

37,4

Reversement de dotations en capital

84,3

395,8

Remboursement de créances rattachées à des participations financières

220,0

0

Autres remboursements de créances

91,8

29,5

Versements du budget de l'État

760,8

362,8

Total

2 611,7

2 815,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

3. Des dividendes qui poursuivent leur baisse en 2019, avant une très forte diminution attendue en 2020

Le montant des dividendes versés s'établit à 2,3 milliards d'euros en 2019, un montant légèrement inférieur aux 2,4 milliards d'euros perçus en 2018.

Ce montant confirme le caractère structurel de la forte diminution du montant des dividendes perçus par l'État observée depuis une décennie. Comme le détaille le tableau ci-après, un recul de près de 70 % est enregistré depuis 2008.

Évolution des dividendes versés depuis 2008

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Dividendes en numéraire

5,6

3,3

4,3

4,4

3,2

4,2

4,1

3

1,8

1,5

1,8

1,7

Dividendes en actions

-

2,2

0,1

-

1,4

0,2

-

0,9

1,7

1,3

0,6

0,6

Total

5,6

5,5

4,4

4,4

4,6

4,4

4,1

3,9

3,5

2,8

2,4

2,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ce montant devrait être quasi-nul en 2020 à la suite de la décision du Gouvernement de demander aux sociétés dont il est actionnaire de ne pas verser de dividendes au cours de cette année.

4. Des dépenses réduites à un montant très faible en 2019

Le montant des dépenses s'élève à 1,12 milliard d'euros au titre de l'année 2019 , soit 20 % des dépenses moyennes constatées au cours des trois dernières années.

Aucune opération d'envergure n'a été financée par le compte en 2019, comme le détaille la liste des dépenses figurant dans le tableau ci-après.

Parmi ces dépenses, l'achat de titres EDF auprès de l'EPIC Bpifrance doit être noté : les 120,7 millions d'euros décaissés depuis le compte correspondent à l'acquisition auprès du fonds pour l'innovation et l'industrie des dividendes en titres perçus au titre des actions EDF que l'État lui a confiés et ainsi lui permettre de disposer des ressources prévues.

Ainsi que le relève la Cour des comptes 256 ( * ) , cette opération a conduit l'État à acquitter près de 190 000 euros de taxe sur les transactions financières pour préserver l'effectivité d'un mécanisme de débudgétisation , sans plus-value par rapport à un dispositif budgétaire (cf. infra ).

Dépenses du compte spécial en 2019

(en millions d'euros)

Dépenses

Augmentations de capital

704,7

dont...

Périmètre APE

Laboratoire français du fractionnement et de biotechnologies

116,1

Imprimerie nationale

114,0

Société pour le logement intermédiaire (SLI)

91,1

Radio France

27,5

Hors APE

Banques multilatérales de développement

175,7

PIA3

150

Achats ou souscriptions de titres

192,5

dont...

EDF (auprès de l'EPIC Bpifrance)

120,7

Air France (obligations à option de conversion et/ou d'échange en actions nouvelles ou existantes - OCEANE)

71,5

Autres

210,0

Prestations de services

15

Désendettement de l'État

0

Total

1 122,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

5. Un solde du compte fortement excédentaire en 2019 en raison d'un décalage de trésorerie

Au total, la différence entre les dépenses et les recettes fait apparaître un solde fortement excédentaire (1 693 million d'euros), contrairement au fort déficit constaté en 2018 (- 1 380 million d'euros).

Solde des exercices 2018 et 2019

(en millions d'euros)

2018

2019

Recettes

2 611,7

2 815,1

Dépenses

3 992,0

1 122,1

Solde de l'exercice

- 1 380,2

1 693

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Compte tenu des excédents précédemment enregistrés, le solde cumulé du compte spécial faisant l'objet d'un report en fin d'exercice s'élève à plus de 3,2 milliards d'euros.

Évolution du solde cumulé du compte depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Comme l'illustre le graphique ci-avant, ce montant correspond davantage à la trésorerie traditionnelle du compte depuis 2013 , indispensable pour préserver les marges de manoeuvre du compte et permettre à l'État actionnaire de faire face à d'éventuels imprévus, comme l'illustre malheureusement la situation actuelle.

Toutefois, ce retour à un niveau prudentiel résulte davantage d'une contingence comptable que d'une réelle stratégie de la part du Gouvernement. Les recettes de la privatisation de la Française des jeux ayant été encaissées tardivement à la fin de l'année 2019, le versement au fonds pour l'innovation et l'industrie n'a pas pu intervenir au cours de l'exercice.

C'est ce que rappelle la Cour des comptes, en soulignant que « le solde 2018 comprenait le produit de la cession de 2,35 % du capital de Safran intervenue en octobre 2018 (1,24 milliard d'euros) et qui était elle aussi destinée à alimenter le fonds pour l'innovation et l'industrie » 257 ( * ) . Ces retards confirment la complexité du mécanisme mis en oeuvre et de sa dotation hybride, le Gouvernement privilégiant de limiter les étapes de versement en numéraire.


* 253 Ces opérations relèvent alors du programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État ».

* 254 Ces opérations relèvent alors du programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État ».

* 255 Le projet annuel de performances annexé pour 2019 précise ainsi que, « comme les années précédentes, il s'agit d'une prévision notionnelle qui ne saurait en aucun cas préjuger du choix et des montants des opérations telles qu'elles pourraient être décidées et mises en oeuvre en 2019 ».

* 256 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », p. 58.

* 257 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », p. 58.

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