V. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE (FACÉ) »

1. Le compte d'affectation spéciale FACÉ permet le financement d'aides à l'électrification rurale

Créé en 2011, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) retrace, en dépenses, les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AODÉ) , en l'occurrence les collectivités ou syndicats d'électrification ayant la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les réseaux de distribution.

Ces dépenses sont financées par une contribution versée par les gestionnaires des réseaux de distribution publique d'électricité , et assise sur le nombre de kilowattheures (kwh) distribués à partir d'ouvrages exploités en basse tension l'année précédente. Fixé par arrêté 142 ( * ) , le taux de cette contribution est plus élevé en zone urbaine - 0,1891616 centime d'euro par kilowattheure - qu'en zone rurale - 0,037832 centime d'euro par kilowattheure - permettant ainsi une péréquation dans le financement des aides .

Le CAS comprend deux programmes :

- le programme 793 « Électrification rurale », qui concentre 98 % des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) du CAS , vise à financer le renforcement, la sécurisation et l'extension des réseaux d'électrification rurale ;

- le programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries » finance des actions de production décentralisée d'électricité dans les zones non interconnectées (ZNI), en particulier dans les collectivités ultramarines, ainsi que dans les sites isolés.

Par définition, le FACÉ n'intervient que dans les zones rurales .

Or, la politique de regroupement des communes et la création de communes nouvelles a conduit certaines d'entre elles à dépasser les 5 000 habitants , seuil à partir duquel une commune n'est plus automatiquement éligible aux aides du FACÉ. Pourtant, beaucoup d'entre elles continuent à présenter les mêmes caractéristiques rurales que par le passé .

C'est pourquoi des modifications réglementaires prévues dans le cadre de la loi n° 2016-1500 du 8 novembre 2016 relative aux communes nouvelles devront rapidement établir une nouvelle définition de la ruralité . Il est notamment envisagé de donner davantage de latitude au préfet pour étendre le bénéfice des aides du FACÉ aux communes dont la population est comprise entre 5 000 et 10 000 habitants si leur densité est très faible.

2. Une nette augmentation de la consommation des crédits de paiement en 2019 en raison d'une sensibilisation des AODE à la nécessité de demander des acomptes au fil de l'avancement des travaux

La consommation des crédits du compte d'affectation spéciale a diminué de - 11,1 % en AE pour atteindre 344,4 millions d'euros mais a augmenté de 9,3 % en CP par rapport à la consommation des crédits observée en 2018, en atteignant 381,8 millions d'euros .

Si les crédits consommés en AE ont été inférieurs de - 4,3 % aux crédits votés en loi de finances pour 2019, le montant des crédits exécutés en CP a en revanche été supérieur de 6,0 % aux prévisions.

On observe ainsi une sous-consommation de - 3,3 % en AE mais une surconsommation de 7,0 % en CP par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale des crédits du programme 793.

La moindre consommation d'AE s'explique principalement par un montant plus faible de dossiers 2018 reportés en 2019 (18,8 millions d'euros) que de dossiers 2017 qui avaient été reportés en 2018 (49 millions d'euros).

Selon le rapport annuel de performance , la nette hausse du niveau de consommation des CP s'explique quant à elle par le fait que les AODE se sont montrées sensibles aux messages adressés de manière récurrente leur demandant de solliciter des acomptes au fil de l'avancement des travaux .

Le programme 794 demeure quant à lui gravement sous-exécuté , puisque l'écart entre les crédits votés et les crédits consommés atteint - 76,3 % en AE et - 67,6 % en CP .

Exécution des crédits du CAS par programme en 2019

(en euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Exécution 2019 / exéc. 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

(en %)

(en %)

793 « Électrification rurale »

AE

387 517 668

355 200 000

343 314 597

-11,4 %

-3,3 %

CP

348 443 455

355 200 000

380 196 945

+ 9,1 %

+ 7,0 %

794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

AE

-200 758

4 800 000

1 134 374

+ 667,0 %

- 76,3 %

CP

999 939

4 800 000

1 555 968

+ 55,6 %

- 67,6%

Total

AE

387 316 910

360 000 000

344 448 971

-11,1 %

-4,3 %

CP

349 443 394

360 000 000

381 752 913

+ 9,3 %

+6,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2018)

Les recettes du compte d'affectation spéciale ont atteint en 2019 377,97 millions d'euros , soit 974 462 euros (+ 4,6%) de plus que les 377,00 millions d'euros que prévoyait la loi de finances initiale.

Si ce montant est supérieur aux 376,8 millions d'euros perçus en 2018, il n'en demeure pas moins légèrement inférieur aux 378,5 millions d'euros dont avait bénéficié le compte en 2017.

En dépit de ces recettes légèrement supérieures aux prévisions, la forte consommation des crédits de paiement du programme 793 ( 380 millions d'euros contre une prévision initiale de 355,2 millions d'euros ) a entraîné un déficit du compte d'affectation spéciale de 3 ,8 millions d'euros , alors que celui-ci avait enregistré des excédents de 27,4 millions d'euros en 2018 et de 35,3 millions d'euros en 2017.

Le solde cumulé du CAS a ainsi atteint 335,4 millions d'euros au 31 décembre 2019.

Ce montant demeure très insuffisant pour faire face à l'ensemble des engagements souscrits dans le cadre du CAS et non couverts par des paiements à la fin 2019, puisque ce montant s'élève à 663 millions d'euros .

Ce déficit de 323,0 millions d'euros constitue un héritage lié à la reprise en 2012 d'engagements pris avant cette date par EDF. Il serait nécessaire de vérifier si certains de ces engagements concernent des projets toujours valides , et, si c'est le cas, de prévoir des crédits nécessaires pour les honorer.

Équilibre du CAS « Financement des aides aux collectivités
pour l'électrification rurale » en 2019 (en crédits de paiement)

(en euros)

Programme

Recettes

Crédits exécutés

Solde

793 « Électrification rurale »

380 196 945

764 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

1 555 968

Total

377 974 462

381 752 913

-3 778 451

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2018)

3. La sur-exécution des crédits du programme 193 témoigne d'une amélioration constante de la gestion du FACÉ

Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, les actions du programme 793 ont été exécutées à des taux relativement variables, correspondant en moyenne à une sur-exécution, puisque les crédits de paiement (CP) consommés ont représenté 107,0 % du montant initialement prévu en loi de finances et sont supérieurs de 9,1 % au montant consommé en 2018. Le taux de consommation des crédits était de 98,8 % en 2018.

S'agissant des autorisations d'engagement (AE), l'exécution 2019 représente 96,6 % des crédits ouverts en loi de finances initiale, un montant de 21,3 millions d'euros n'ayant pu être réalisé en fin de gestion et ayant été reporté à 2020.

Alors que ce programme avait longtemps fait l'objet d'une sous-exécution, ces chiffres viennent appuyer ce que le précédent rapporteur spécial, le sénateur Jacques Genest, relevait dans son rapport de contrôle sur la gestion et l'utilisation des aides aux collectivités pour l'électrification rurale : huit ans après sa création, « le FACÉ semble aujourd'hui avoir trouvé un certain rythme de croisière » dans l'instruction des dossiers et le paiement des aides 143 ( * ) .

Ce bon résultat s'explique indéniablement par une amélioration de la gestion du FACÉ dont témoigne notamment l'envoi durant l'été 2019 d'un courrier à toutes les AODE leur indiquant le niveau de leurs engagements ainsi que la consommation de leurs crédits de paiement et les incitant à faire preuve de vigilance.

Exécution du programme 793 par action en 2019

(en euros et en %)

Numéro et intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits votés

Crédits exécutés

Taux de consommation

Crédits votés

Crédits exécutés

Taux de consommation

3 Renforcement des réseaux

164 200 000

166 123 953

101,2 %

164 200 000

166 368 272

101,3 %

4 Extension des réseaux

41 600 000

31 854 801

76,7 %

41 600 000

46 533 328

111,8 %

5 Enfouissement et pose en façade

42 500 000

39 549 184

93,2 %

42 500 000

52 258 418

123,1 %

6 Sécurisation des fils nus (hors faible section)

48 700 000

46 489 175

95,5 %

48 700 000

51 959 289

106,8 %

7 Sécurisation des fils nus de faible section

52 500 000

49 736 834

94,7 %

52 500 000

53 505 234

101,9 %

8 Fonctionnement

200 000

384 761

192, 0 %

200 000

357 779

178,9 %

9 Déclaration d'utilité publique (Très haute tension)

500 000

-

-

500 000

286 724

57,3 %

10 Intempéries

5 000 000

9 175 890

183,5 %

5 000 000

8 927 901

178,5 %

Total

355 200 000

343 314 597

96,7 %

355 200 000

380 196 945

107,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2019)

Les crédits de l'action 3 « Renforcement des réseaux » représentent à eux seuls 43,7 % des crédits du programme .

L'exécution en CP supérieure à l'enveloppe de crédits ouverts en loi de finances initiale s'explique par la consommation des reports de crédits 2018 issus des demandes de subventions non traitées en fin d'année 2018 et des demandes de paiement supérieures au prévisionnel , comportant des aléas liés à l'avancement des travaux de chacune des opérations.

Les autres actions ont également quasiment toutes bénéficié de reports de crédits , ce qui explique que plusieurs d'entre elles présentent des taux d'exécution en AE supérieurs à 100 %.

La sur-exécution des crédits liés au frais de fonctionnement du CAS portés par l'action 8 « Fonctionnement » s'explique par le développement du nouveau système de gestion informatisé des aides , qui a débuté en 2018.

L'action 10 « Intempéries » a fait l'objet d'une sur-exécution importante, puisque 9,2 millions d'euros en AE et 8,9 millions d'euros en CP ont été consommés en 2019, alors que la loi de finances n'avait prévu que 5,0 millions d'euros pour cette action.

Cet écart de 4,2 millions d'euros en AE et de 3,9 millions d'euros en CP s'explique par le financement de la seconde tranche du programme de reconstruction du réseau électrique de Saint-Martin et Saint-Barthélémy , touchés par l'ouragan Irma en septembre 2017.

4. Le problème de la sous-exécution systématique des crédits du programme 794 n'a pas été résolu en 2019, même s'il s'est légèrement atténué grâce à la baisse des crédits prévus en loi de finances initiale

Si la consommation des crédits du programme 793 est désormais très satisfaisante, il n'en est pas de même pour le programme 794 , qui est systématiquement marqué par une très forte sous-consommation de ses crédits depuis la création du CAS.

Si l'on pouvait convenir avec la Cour des comptes de la nécessité de mieux adapter les aides de ce programme aux collectivités concernées 144 ( * ) - Corse et outre-mer en particulier - le rapporteur spécial considérait que le maintien des crédits du programme 794 au même niveau depuis la création du FACÉ posait problème.

Le passage de 7,2 millions d'euros à 4,8 millions d'euros des crédits destinés à ce programme dans le cadre de la loi de finances pour 2019 devait limiter un peu ce phénomène de sous-consommation .

C'est bien ce qui s'est produit, puisque le taux d'exécution des crédits de paiement du CAS a atteint 32,4 % , soit un taux nettement supérieur aux 13,4 % de 2018.

La sous-utilisation chronique des aides du programme 794, qui s'explique par le faible nombre de demandes de subvention déposées par les AODÉ , dû aux difficultés que celles-ci rencontrent dans le montage des dossiers ainsi que pour les mener à bien dans les délais impartis 144 ( * ) , demeure toutefois un problème.


* 142 Arrêté du 27 septembre 2018 relatif au taux 2018 de la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution pour le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale.

* 143 « Le FACÉ : un outil indispensable mais perfectible au service de la qualité de l'électricité dans le monde rural », Rapport d'information n° 422 (2016-2017) de M. Jacques Genest, fait au nom de la commission des finances le 15 février 2017

* 144 Ibidem

2 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du CAS « FACÉ ».

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